Henri Béraud : Le Bois du Templier pendu
21/12/2012
Romancier, journaliste et polémiste né à Lyon en 1885, Henri Béraud est l’auteur d’une œuvre abondante parmi laquelle on notera Le Martyre de l’obèse qui recevra le prix Goncourt en 1922. Grand reporter et observateur politique au Journal puis au Petit Parisien, Henri Béraud devint le directeur politique officieux de Gringoire de 1928 à 1943. Condamné à mort en 1944 pour intelligence avec l’ennemi, sa peine fut commuée et il bénéficia d’une libération conditionnelle en 1950. Malade et partiellement paralysé, il mourut en 1958 dans sa maison de l'île de Ré. Son roman, Le Bois du Templier pendu, date de 1926.
En 1309, un Templier fuyant la persécution de Philippe Le Bel arrive dans le petit village de Sabolas, dans le Lyonnais. Pris à partie par les paysans, il est pendu dans le bois proche du village. Désormais, au fil des siècles, l’apparition du fantôme du chevalier dans ce bois sera annonciatrice des malheurs qui frapperont durement la petite communauté rurale. Et des malheurs, les habitants de Sabolas vont en connaître, peste, guerres de religion, famines, les morts ne se comptent plus et les générations se succèdent, alternant périodes de souffrances et années d’embellie.
Si le bouquin débute comme un roman fantastique avec ce fantôme, très vite il apparaît qu’il ne s’agit que d’un artifice narratif, Henri Béraud a un projet plus sérieux, il écrit un véritable roman historique qui s’étale du Moyen-âge à la Révolution. D’ailleurs il aurait pu sous-titrer son livre « Chroniques de Sabolas 1309-1790 ». Un roman dont le personnage principal est collectif, puisque quelque soit son nom au fil des époques, il est l’archétype du paysan qui sue sang et eau, courbé par l’effort sur sa terre de ce coin du Dauphiné.
L’intérêt principal retiré de cet ouvrage, ce sont tous les passages relatifs à la vie quotidienne, aux métiers ruraux, aux relations entre la petite noblesse locale et sa paysannerie, au rôle des religieux dans ce microcosme. J’ai trouvé très instructives ces longues pages sur la manière dont étaient traités les lépreux à cette époque, ou bien encore celles sur les Romanichels déjà ostracisés.
Le roman date de 1926 et ça se ressent à la lecture. La langue est belle mais les tournures sont datées pour le lecteur d’aujourd’hui et le texte est ponctué de mots rares ou anciens qui rebuteront les feignants n’ayant pas la force d’ouvrir leurs dictionnaires. Un bien beau roman pourtant, sur l’homme et sa condition, qui plie mais ne rompt pas.
« Le colonel Chambard, sachant que le 10 août n’était qu’une étape, gardait ses épaulettes, afin de servir une Nation où tout semblait agoniser de ce qu’il croyait juste et bon. Cependant, le fermier, en qui le sort incarnait l’aveugle et tenace espoir de Sabolas, était à lui seul le passé et l’avenir de ses paysans. Il tenait enfin cette terre, que boudaient les chemins tracés par les ancêtres. Chaque matin et chaque soir, ils avaient cheminé, les vieux, le long de ces terres-là. A présent, leurs tombes étaient entourées d’un domaine qui portait leur nom. »
Henri Béraud Le Bois du Templier pendu Les Editions de France
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