Michael Collins : Les profanateurs
30/08/2013
Michael Collins est un romancier irlandais, né en 1964. Il débute ses études en Irlande avant de les poursuivre aux États-Unis, où il décroche son doctorat à l'Université de l'Illinois (Chicago). Il s'engage dans l'écriture, ce qui lui vaut les éloges de la critique et du public. Son style est rapidement apprécié et son premier roman, La filière d'émeraude, est salué par le New-York Times qui le considère comme l'un des ouvrages les plus remarquables de l'année 1993. Les profanateurs, paru en 2002, est le troisième de ses cinq romans traduits chez nous.
Année 1978, en lisant le journal, Frank Cassidy apprend l’assassinat de l’oncle qui l’a élevé et qu’il considère comme son père. Lorsqu’il n’avait que cinq ans, ses parents sont morts dans l’incendie de leur maison et l’oncle l’en a rendu responsable. Frank et Honey vivent très médiocrement dans le New Jersey avec deux enfants, leur fils cadet Ernie et Robert Lee un adolescent enfant d’un premier lit entre Honey et un assassin condamné à mort, attendant l’application de sa sentence. Ils partent pour le Michigan, là où habitait l’oncle, pour essayer de récupérer l’héritage. En volant des voitures et de l’argent, la famille arrive à Green Bay, au Nord du Michigan, et s’installe dans une pension de famille. Entre temps, l’assassin a tenté de se pendre, depuis il est dans le coma et l’on découvre qu’il s’agit de Chester Green, un homme qu’on croyait mort. Franck va tenter de démêler le pot-au-noir.
Parenthèse : Pour moi qui ne connaissait ni l’auteur, ni ce bouquin, la première surprise immédiate c’est que cet ouvrage classé dans la section « romans » de ma bibliothèque municipale, est écrit et se lit comme un véritable thriller. Quels critères font qu’un livre est dans l’une ou l’autre catégorie, dans ce cas, je ne sais pas. Sauf une volonté de l’auteur ou de l’éditeur pour se positionner sur le marché le plus porteur, que ce soit financièrement, ou intellectuellement si on considère le thriller comme un sous-genre littéraire peu valorisant ? Fin de la parenthèse.
Michael Collins a pris Franck comme narrateur, option la plus astucieuse car nous apprendrons au cours de la lecture qu’il a un passé psychiatrique chargé, témoin de la mort de ses parents il ne se souvient plus de rien, ce qui place le lecteur dans une position difficile. Doit-il prendre pour argent comptant ce que lui raconte Franck ou bien ce roublard de Collins le mène-t-il en bateau ? Je ne vous en dirai rien bien entendu et je ne m’étendrai pas davantage sur l’avancée de l’enquête haletante et dont on pressent l’issue dramatique.
L’écrivain nous offre un magnifique roman, tant sur l’aspect thriller comme nous venons de le voir, que pour tout le reste et ce n’est pas rien. Au-delà de l’aspect psychologique de Franck, le voyage introspectif qu’il va devoir entreprendre pour retrouver ce que ses yeux d’enfant ont préféré oublier, n’ayant pu se le cacher, il y a les rapports difficiles entre lui et sa femme ou encore avec Robert Lee, le fils de sa femme.
Comme un pavé jeté dans la mare, le roman crée des cercles excentriques qui sont autant de niveaux de lecture. L’intrigue, les caractères des personnages, mais encore les réflexions de l’auteur sur cette Amérique profonde, un peu à la dérive, trainant toujours ses séquelles de la guerre au Vietnam, rivée devant sa télé diffusant en boucle des séries ou des programmes scandés par des applaudissements préenregistrés. L’Histoire, la mémoire, sont les thèmes centraux. Michael Collins adopte néanmoins un optimisme mesuré, confiant en l’Homme mais pas béat pour autant, « le goût du sang survit à l’éducation, malgré nos efforts pour nous civiliser. »
Thriller ou roman qu’importe, un excellent livre.
« La première hémorragie de la mémoire s’était déjà produite en moi, ou peut-être n’était-ce que la fatigue, une question de perception. Mon oncle se tenait tapi à la limite de mon champ de vision, où il murmurait des choses. Quand j’ai fermé les yeux et que j’ai appuyé mes paumes sur mes paupières, j’ai vu des étoiles. Et même quand j’ai retiré mes mains, j’ai senti quelque chose qui bougeait dans ma tête. Je me suis encore jeté de l’eau sur le visage. J’ai secoué la tête comme s’il s’agissait d’une de ces ardoises magiques qu’on secoue pour effacer les images. Mais, à la limite de ma conscience, un autre personnage me surveillait toujours. »
Michael Collins Les profanateurs Christian Bourgois Editeur
Traduit de l’anglais par Jean Guiloineau
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