Thomas Gunzig : Manuel de survie à l’usage des incapables
02/09/2013
Thomas Gunzig est un écrivain belge francophone né en 1970, fils du cosmologue Edgard Gunzig. Son enfance a été marquée par sa dyslexie et il a d’abord connu une scolarité difficile avant d’obtenir une licence de sciences politiques. Après avoir été libraire pendant 10 ans à Bruxelles, il est devenu professeur de littérature et en 1993 il publie un premier recueil de nouvelles. Depuis avril 2010, il est chroniqueur sur une radio belge. Son troisième roman, Manuel de survie à l’usage des incapables, vient de paraître.
Quatre délinquants redoutables braquent un fourgon blindé contenant la recette d’un hypermarché. Jean-Jean, responsable de la sécurité dans ce magasin, à la demande de ses supérieurs épie une caissière pour lui trouver un motif de renvoi. Jacques Chirac ( !) employé est le petit ami de Martine la caissière, mère des quatre délinquants. Accidentellement, Jean-Jean tue Martine. Les quatre délinquants renseignés par Jacques Chirac jurent de faire la peau à Jean-Jean. En gros, voici le résumé de base sur lequel est construit le roman.
Pourtant, ce livre n’est pas un polar mais un cocktail (Molotov, tant il décape) dont les ingrédients sont, le polar, la SF et la fable. La dose de polar vient de vous être résumée ; la SF, parce que le récit se déroule dans un futur très proche où l’Homme, c'est-à-dire les sociétés commerciales, a déposé des copyrights sur les codes de l’ADN et où les femmes peuvent se faire « upgrader » et donner naissance à des enfants marqués de gênes animaux. Les quatre délinquants, par exemple, sont des hommes-loups (des loup-bards ?), Marianne l’épouse de Jean-Jean a des gênes de mamba vert… Quant à la fable, elle réside dans le ton sarcastique avec lequel Thomas Gunzig décrit notre monde fait de meubles Ikea et dont le symbole le plus criard est l’hypermarché, où se joue une guerre sans merci pour le profit, livrée par des managers surentraînés afin de sortir vainqueurs de ce « struggle for life », car seuls les plus forts en réchappent. Triste morale, mais loi naturelle qui conclut le roman quand les « gentils » mais faibles, seront éliminés par les « méchants » mais forts. D’où le titre du livre. Avant de servir le cocktail, ajoutez une dose d’humour avec ces patronymes attribués à ses personnages, Jacques Chirac ou Blanche de Castille, ou ces détails saugrenus comme lorsque nous apprenons que les parents de Marianne se sont rencontrés dans un gang-bang !
L’astucieux Thomas Gunzig a écrit son roman, un genre de polar, avec juste un poil de décalage avec notre réalité quotidienne pour le rendre attractif et étrange. Autre bon point, il insère de-ci de-là une certaine dose de culture dans son bouquin accessible à tout public. Point négatif, j’ai trouvé faible les rapports homme/femme de ses personnages. Cette dernière remarque grève la note finale, nous avons donc-là, un roman mineur mais qui vous assure néanmoins un très bon moment de lecture.
« Jean-Jean se disait souvent que s’il avait un jour des enfants, ce qui soit dit en passant était fortement improbable vu que ni son salaire ni celui de Marianne n’étaient suffisants pour se le permettre, il leur dirait d’être vigilants, de faire attention aux détails, d’essayer de sentir quand les choses, discrètement, tournent mal. (…) Il leur dirait d’être égoïstes, d’être individualistes, que même si ça faisait d’eux des salauds aux yeux du monde, il valait mieux être un salaud heureux qu’un brave type qui, à l’heure de rentrer chez lui, en pesant le pour et le contre, se dit que tout compte fait il n’a pas envie mais qu’il n’a pas le choix. »
Thomas Gunzig Manuel de survie à l’usage des incapables Au Diable Vauvert
2 commentaires
Ah mais il a une bonne tête, ce Gunzig (je n'avais pas eu la curiosité d'y aller voir)
Une découverte d'un auteur et un bon moment de lecture pour moi! Merci Thomas!
Sachant qu'une bonne bouille ne suffit pas pour faire un bon écrivain... n'est-ce pas ?
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