Bernard Ollivier : Longue marche (Vers Samarcande)
27/01/2014
Bernard Ollivier est un journaliste et écrivain né en 1938 dans la Manche. Après une carrière de journaliste politique et économique, à la retraite et veuf, il décide de se consacrer à l'écriture et de marcher jusqu'à Saint Jacques de Compostelle avant d’entreprendre une longue marche sur la Route de la Soie. Comme écrivain, il publie des nouvelles dont un recueil sur les sans domicile fixe, des romans policiers, mais aussi des récits de ses voyages. Le succès de ses ouvrages lui permet de fonder plus tard l'association Seuil pour la réinsertion par la marche des jeunes en difficulté.
Longue Marche est un récit en trois volumes, relatant son voyage de 12 000 kilomètres à pied sur la Route de la Soie, d’Istanbul à Xian en Chine. Le premier tome était consacré au trajet effectué entre Istanbul en Turquie, jusqu’à la frontière avec l’Iran. Le second paru en 2001, se poursuit de l’Iran jusqu’à Samarcande en Ouzbékistan, en passant par le Turkménistan, c’est-à-dire sur près de 2100 kilomètres.
Comme prévu par l’écrivain à la fin de son premier parcours, ce second voyage reprend la route à l’endroit même où il l’avait abandonnée l’an passé, terrassé par la dysenterie. Si le ton du premier bouquin m’avait semblé révéler un certain désespoir moral de l’auteur (récemment veuf et à la retraite), ici Bernard Ollivier a retrouvé une écriture enjouée et il s’embarque dans l’aventure avec des précautions (un GPS) ou des résolutions tirées de son expérience précédente qu’il aura bien du mal à tenir néanmoins, comme faire des étapes plus courtes mais qui au fil de la marche pourront parfois atteindre 50 kilomètres ! N’oubliez pas qu’il ne s’agit pas d’une randonnée dans le bocage normand, mais d’un périple sous le soleil, avec la traversée de deux déserts et des températures tournant entre trente et cinquante degrés selon les endroits.
Bientôt il devra se fabriquer une petite carriole pour se faciliter le transport de son sac à dos mais surtout de ses provisions d’eau, buvant parfois dix ou quinze litres par jour « sans aller pisser ». Il lui faudra mater ses peurs à l’entrée des déserts, « peuplés de petits animaux aussi sympathiques à fréquenter que cobras, scorpions et tarentules ».
Mais le voyage est surtout fait de rencontres. De sympathiques, quand dans chaque village tout le monde veut l’inviter à boire le thé ou loger pour la nuit, en échange du récit de ses aventures, de désagréables quand on cherche à le voler ou l’escroquer. Ou de carrément risquées quand il doit se colleter (trop souvent) avec policiers ou douaniers abusant de leur petit pouvoir pour lui pourrir la vie avec des contrôles sans fin dans le but de lui soutirer des bakchichs. Bernard Ollivier n’est pas du genre à pleurer sur son sort, les accueils chaleureux sont une fête, les désagréments une simple péripétie lissée par le récit.
L’écrivain voyageur, ou plutôt l’inverse pour être exact, ne s’appesantit pas sur les précisions historiques, il en donne juste assez pour nous éclairer mais ne noie pas le lecteur sous les références culturelles, Bernard Ollivier n’est pas Patrick Leigh Fermor. Par contre il détaille la vie quotidienne des habitants des pays traversés, les boîtes aux lettres grises à Tabriz en Iran destinées aux courriers de dénonciations à la police, l’opium et l’héroïne, les femmes et le tchador dans la république des mollahs…
Bientôt le marcheur approche de Samarcande – qui n’a jamais rêvé à l’évocation de ce nom ? – il avoue être fatigué (il aura perdu douze kilos) mais surtout par la solitude, quatre mois sans avoir pu discuter réellement avec des gens parlant sa propre langue, du coup il « marche comme un fou, pressé de finir. » Pressé d’en terminer mais envisageant déjà son dernier voyage qui devrait aussi être le plus difficile, pour rallier la Chine. A suivre…
« Quand j’arrive à Hemmet Abad, ils sont une dizaine assis en rond sur des caisses de plastique. Un roumi dans ce village éloigné des grands axes est un événement qui va alimenter les discussions de ce soir, de la semaine et sans doute du mois. Pas question de laisser passer une telle occasion. On se précipite pour m’offrir un siège-caisse, on m’allège de mon sac, on s’empresse d’aller me chercher une boisson fraîche. Curieuse comme une pie, la jeunesse débarque à vélo, s’informe d’un mot, et sprinte à l’autre bout du village pour porter la nouvelle : il y a un Anglais (pour les Iraniens, tous les étrangers sont des Ingilésé) devant chez l’épicier. Nous étions dix, nous sommes promptement cinquante »
3 commentaires
Il me semble avoir lu un récit de ce genre (était-ce celui-ci? pas sûr du tout... Depuis je suis allée par là bas (dans des conditions plus confortables...) et Samarcande, oui...
J’ai tellement lu le nom de Samarcande dans des récits anciens ou modernes d‘aventuriers et il me fait tellement rêver que je n’ai en fait aucune envie de m’y rendre physiquement, certain d’être déçu…. Enfin, je vous envie quand même !
Parfosi il vaut mieux garder les images en tête, et ne pas y aller! ?
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