Richard Bausch : Paix
03/07/2015
Richard Bausch (frère de Robert Bausch lui aussi écrivain) est un écrivain américain né en 1945 en Georgie. Après avoir servi dans l’US Air Force (1966-1969) puis parcouru le pays comme guitariste et chanteur dans un groupe de rock, il enseigne à l’Université et se lance dans l’écriture. Richard Bausch est l'auteur de romans et de recueils de nouvelles lui ayant valu de multiples récompenses. Son roman Paix, date de 2008 et il vient d’être réédité en poche.
Hiver 1943 en Italie, l’armée allemande bat en retraite sous la poussée des troupes alliées. Une patrouille américaine part en reconnaissance, sur sa trace, dans la montagne. Deux jours de peur et de froid avec en plus, un fardeau moral qui les taraude.
Ils sont trois soldats américains à crapahuter et gravir une montagne sous la pluie et la neige, derrière un ennemi invisible mais certainement là, devant eux. Il y a Marson, le caporal et chef du groupe, le plus âgé de ces gamins d’une vingtaine d’années et dont on apprendra – paradoxe – que son grand-père était allemand et que « son propre père ne parlait pas un mot d’anglais ». A ses côtés, Asch est Juif et Joyner, grande gueule et râleur impénitent est sujet à des démangeaisons du bras insoutenables, certainement d’origine psychosomatiques. Pour les guider, Angelo un vieil Italien de soixante dix ans, ramassé en cours de route, dont on ne sait s’il est fasciste ou pas, « Marson eut un pressentiment déplaisant : il y avait chez cet homme une facette inconnue. » Et maintenant, voilà qu’un sniper les prend pour cibles potentielles…
Les conditions de la traque sont éprouvantes, les trois hommes ont peur de tout : où est l’ennemi, de quelles forces dispose-t-il, et cet Angelo qui ne parle pas anglais, peut-on lui faire confiance ou les mène-t-il dans un piège ? Et puis, comme si tout cela n’était pas suffisant, ils se trimballent un cas de conscience qui les divisent et hantent perpétuellement leur esprit ; peu de temps avant d’être envoyés en patrouille, ils ont assisté à une scène terrible, ayant débusqué un officier allemand planqué dans une charrette à foin, Marson l’a abattu pour répliquer à ses coups de feu mais Glick, leur sergent et supérieur, a froidement descendu en représailles, la jeune femme qui était avec lui. Marson, Ash et Joyner, témoins de la scène, doivent-ils en référer aux autorités supérieures ou se taire et être complices ?
Richard Bausch a une écriture limpide et simple, pas de fioritures, l’essentiel rien que l’essentiel. Une réflexion sur la guerre, mais sans non plus s’appesantir sur les détails saignants, « J’ai assez de visions de cauchemar dans ma tête pour toute la vie, reprit Asch », où des hommes quelconques sont placés dans des situations qui les dépassent, où les règles sont abolies, les repères perdus, « « Fais ton devoir » avait dit son père. Et au plus profond de son cœur il ne trouvait plus de sens à ce mot. » Le roman est court et se lit vite et bien. Un bon roman certes, mais un de plus sur ce sujet, qui montre hélas, les limites du pouvoir supposé des livres sur les actions des hommes.
« Donc, quand on avait envie de parler, on n’avait pas le choix : on parlait du pays. Parce que le pays, ça couvrait tout le reste, tout ce qui n’était pas la guerre : les femmes, les copains, le sport, les blagues, la musique, les enfants, la bouffe, la boisson, les bagnoles, les parents, le lycée, la maison. Le pays. Mais ça faisait mal de parler du pays. Marson rêva d’Helen. Il prenait son beau visage entre ses mains et l’embrassait en pleurant. Et il se réveilla, en pleurant. Il s’essuya les yeux dans le noir, enfouit sa tête sous l’oreiller, et souffrit en cachette. »
Richard Bausch Paix Folio - 202 pages –
Traduit de l’américain par Jamila Ouahmane Chauvin
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