Armistead Maupin : Anna Madrigal
11/07/2015
Armistead Jones Maupin Jr., né en 1944 à Washington, est un écrivain américain célèbre pour son feuilleton publié à partir de 1976 dans le San Francisco Chronicle avant d’être édité en neuf romans sous le titre Les Chroniques de San Francisco et devenir une série pour la télévision. Activiste du mouvement pour les droits des homosexuels, Armistead Maupin est marié avec Christopher Turner, un concepteur de sites internet et photographe. Anna Madrigal, neuvième volet des Chroniques de San Francisco, est paru ce printemps.
Les habitués de ces Chroniques le savent, vouloir les résumer serait récrire le livre, aussi pour faire court, disons qu’Anna Madrigal le personnage emblématique de cette série, « la légende du 28 Barbary Lane », a aujourd’hui 92 ans, l’heure des bilans. Elle va affronter son passé en retournant dans le Nevada, là où à une époque désormais lointaine, elle fut Andy, un jeune adolescent… Nevada, où se tient le festival annuel du Burning Man où vont finalement converger tous les acteurs de cet ahurissant roman.
Nous retrouvons ici une bonne partie des personnages croisés dans les épisodes précédents, plus quelques nouveaux, à travers des chapitres mêlant le présent et le passé dans une folle épopée narrative. Ce qui caractérise ce roman (et les autres), c’est le foisonnement ! Les acteurs sont nombreux, tous liés les uns aux autres par des relations complexes, d’autant plus que les sexes n’induisent pas des liens standards classiques… Avec Armistead Maupin, les familles explosent, se décomposent et se recomposent, mêmes les sexes ne sont pas pérennes.
Nous tentons donc de suivre, Anna qui était un homme autrefois et aujourd’hui habite avec Jake qui fut une femme à une autre époque ; Michael et Ben homosexuels mariés ; Shawna qui veut profiter du festival pour se faire inséminer mais ne sait pas encore par qui ; Brian et Mary Ann parents adoptifs de Shawna, séparés, le premier remarié avec Wren, madame gros nichons ; et puis il y a Amos, l’amant de Jake et puis…. Assez, on se perd, on s’embrouille un peu, le mieux est de ne pas résister mais de se laisser emporter par le courant délirant car même si tout cela est abracadabrantesque, tous les éléments se relient à un moment ou à un autre. Il m’a semblé que ce volet était particulièrement riche en références (inconnues pour moi) à la culture américaine quotidienne, ce qui peut agacer, sans pour autant rendre le texte inintelligible.
Je ne suis pas un inconditionnel de l’écrivain mais au milieu de ce délire, il y a de l’humour et beaucoup d’amour dans ce roman tendrement barjot. L’auteur aime ses personnages, comme une grande famille qu’il s’est créé et dans laquelle il veut nous faire entrer ; ses membres peuvent nous paraître étranges de prime abord mais ils s‘avèrent touchants et solidaires les uns des autres et par là même, très attachants. Le tout baignant dans une réminiscence de l’esprit « Peace and Love » qui ne me laisse jamais indifférent.
« - Elle veut ton sperme pendant qu’on sera au Burning Man, a lâché Michael en levant les mains au ciel comme s’il voulait abandonner cette confondante perspective aux vents marins. Elle veut tomber… se retrouver enceinte là-bas. Elle t’aime, elle t’admire et elle pense que tes spermatozoïdes vont faire des merveilles. Elle n’attend pas que tu sois le père, simplement le donneur. Voilà, ça se résume à peu près à ça, plus le côté trip spirituel du machin que je la laisse t’expliquer. Ah oui, et elle n’a pas de problème à ce que je sois présent durant le processus d’extraction du sperme. Elle dit même que ce serait super. Encore plus adorable, selon elle… »
Armistead Maupin Anna Madrigal Editions de l’Olivier – 302 pages –
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Bernard Cohen
Le festival Burning Man est une grande rencontre artistique qui se tient chaque année dans le désert de Black Rock au Nevada. Elle a lieu la dernière semaine d'août, le premier lundi de septembre étant férié aux États-Unis (Labor Day). C'est Larry Harvey qui a proposé en 1986 la crémation festive d'un mannequin géant sur la plage de Baker Beach, qui fait face au Golden Gate Bridge à San Francisco. En 1990, l'événement est déplacé dans le Nevada pour permettre l'accueil, dans une sorte de ville temporaire en plein désert, d'installations (Art Camps) et de participants (Burners) de plus en plus nombreux. Cette cité nomade, reconstituée chaque année, a pris le nom de Black Rock City. Elle devient alors, le temps du festival, l'une des villes les plus peuplées du Nevada. Le festival, qui a les traits d’une utopie temporaire mais aussi d’une fête païenne s’achevant en apothéose par le bûcher d’une grande effigie humaine, est sous-tendu néanmoins par une philosophie que les organisateurs ont tenté de structurer par l’énoncé de dix préceptes qui portent tant sur la morale individuelle (libre expression, autogestion) que collective (bénévolat, proscription du commerce, créativité en commun) ; il convient ainsi d’abattre toutes les barrières, aussi bien à l’intérieur de soi qu’entre les individus de la collectivité.
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