Henning Mankell : Le Chinois
17/07/2015
Henning Mankell est un écrivain suédois né en 1948 à Stockholm. Très vite abandonné par sa mère, il est élevé par son père, juge d'instance. Il est le gendre d'Ingmar Bergman dont il a épousé en secondes noces la fille Eva. Il partage sa vie entre la Suède et le Mozambique où il a monté une troupe de théâtre. Il est connu internationalement grâce à la série policière des enquêtes de Kurt Wallander mais ce roman, Le Chinois, qui date de 2008, ne fait pas partie de cette série.
« Par un froid matin de janvier 2006, la police de Hudiksvall, dans le nord de la Suède, fait une effroyable découverte. Dix-neuf personnes ont été massacrées à l’arme blanche dans un petit village isolé. La policière Vivi Sundberg penche pour l’acte d’un déséquilibré. Mais la juge de Helsingborg, Birgitta Roslin, qui s’intéresse à l’affaire car les parents adoptifs de sa mère sont parmi les victimes, est persuadée que ce crime n’est pas l’œuvre d’un fou. »
Un bouquin un peu bizarre ou curieusement ficelé qui finalement, à la réflexion quand j’écris ce billet, n’emporte pas mon adhésion totale. Le roman est découpé en quatre parties, la première est réellement superbe, d’emblée nous sommes plongés dans un carnage qui met en appétit l’amateur de polars, le rythme est enlevé, on se cale dans son fauteuil pour suivre une enquête traditionnelle ponctuée, on imagine, des roublardises qu’un grand écrivain comme Mankell ne manquera pas de semer sous nos yeux. Et patatras ! Surprise, surprise ! Nous ne reviendrons en Suède qu’à la fin du livre, pour un épilogue haletant certes, mais discutable quant aux péripéties décrites.
Entretemps, c'est-à-dire l’essentiel du texte, nous serons allés aux Etats-Unis en 1863, assister à la construction du réseau ferroviaire par les immigrés Chinois (d’où le titre du roman), puis à Pékin dans la Chine d’aujourd’hui avec un détour par l’Afrique, au Zimbabwe et au Mozambique, dans les pas d’une délégation chinoise d’investisseurs.
Ce qui devait être à mes yeux, un polar, s’avère un roman de géopolitique dont la Chine est l’acteur principal. On sent l’écrivain assez remonté contre la société occidentale qui ne cesse de critiquer les autres pays (le président Mugabe au Zimbabwe, Mao en Chine) mais qui semble oublier un peu vite que c’est elle, lors des époques coloniales à travers le monde, qui a implanté les germes du grand bordel qui en découlera. Henning Mankell livre son analyse de la politique économique Chinoise moderne (à laquelle on n’est pas obligé d’adhérer), tiraillée entre « les tenants de l’ancien idéal communiste et un courant qui n’avait plus qu’un lien très superficiel avec ce qui avait fondé la République populaire » : en investissant sur le continent Noir, « d’immenses surfaces pourraient être peuplées par nos pauvres. Nous mettrions ainsi en valeur l’Afrique, tout en éliminant chez nous une menace. » Au passage et comme d’habitude, l’écrivain glisse quelques piques sur le soi-disant modèle Suédois et ses institutions et s’interroge sur ce que deviennent nos idéaux de jeunesse avec les années qui passent.
Pour en terminer, je ne sais pas quoi penser de ce roman, même si je ne n’en pense pas de mal. Le bon point, je ne me suis pas ennuyé, loin de là ; ça se lit vite et bien ce n’est pas mal écrit, il y a du suspense parfois. Le mauvais point, l’intrigue strictement policière est entachée de coups de pot ou de hasards bien venus pour l’héroïne… mais qui moi, m’agacent. Et puis surtout, il y a cette construction qui surprend, donnant l’impression de lire plusieurs livres, imbriqués sous un titre unique.
« Ce qui suivit devait faire date dans l’histoire pénale de la Suède. Ce que découvrirent les trois policiers était sans précédent. Ils passèrent de maison en maison, arme au poing. Partout ils trouvèrent des cadavres. Des chiens et des chats éventrés, et même un perroquet décapité. Dix-neuf morts, tous des personnes âgées, à l’exception d’un garçon d’une douzaine d’années. Certains avaient été tués au lit, dans leur sommeil, d’autres gisaient par terre ou étaient assis dans leur cuisine. (…) Tous avaient subi le même déchaînement de violence. Un ouragan de sang les avait emportés à leur réveil. »
Henning Mankell Le Chinois Points – 567 pages –
Traduit du suédois par Rémi Cassaigne
Une interview de l’écrivain donnée au Nouvel Observateur : ICI
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