Chahdortt Djavann : Je ne suis pas celle que je suis
06/07/2016
Chahdortt Djavann est née en 1967 en Iran et vit depuis 1993 à Paris où elle a étudié l'anthropologie avant de devenir romancière et essayiste. Son père était un grand féodal d’Azerbaïdjan avant d’être emprisonné et voir tous ses biens confisqués. Après la Révolution islamiste iranienne, Chahdortt Djavann est forcée d'arrêter de lire de grands auteurs français pour étudier le Coran et elle est voilée de force. En juin 1980, alors qu'elle a 13 ans, elle est incarcérée trois semaines pour avoir manifesté contre le régime. Elle arrive en France en 1993 sans être francophone et doit faire l’auto-apprentissage du français, qui est la septième langue qu'elle pratique. Des petits boulots, une tentative de suicide puis elle commence des études universitaires en psychologie et en anthropologie. En 1998, son mémoire porte sur l'endoctrinement religieux dans les manuels scolaires de son pays d'origine. Après une maîtrise et un DEA, elle prépare une thèse de doctorat qu’elle ne terminera pas, pour mieux se consacrer à l’écriture. Son œuvre compte à ce jour une douzaine de romans, Je ne suis pas celle que je suis date de 2011.
Le roman mêle deux histoires en parallèle, l’une se déroule à Paris en 1994, l’autre en Iran. A Paris, une jeune immigrée iranienne à peine sortie d’une tentative de suicide, à la personnalité multiple et ne maîtrisant pas parfaitement le français, se lance dans une psychanalyse. En Iran, Donya, une jeune fille au caractère affirmé et ne supportant pas la dictature des mollahs va tenter de se révolter.
Comme indiqué sur la couverture du livre ainsi que dans la postface rédigée par l’auteure, il s’agit d’un roman. Pour autant, à le lire et en le comparant à la biographie de l’écrivain, nous avons la garantie que le contenu de cet ouvrage est basé sur des faits réels recueillis de première main.
Le bouquin traite de nombreux sujets. Prioritairement de la condition de la femme sous la dictature islamique, c'est-à-dire au niveau moins que zéro, une « chose » voilée sans aucuns droits si ce n’est celui d’obéir et subir. C’est atroce évidemment. Tous les moyens sont bons pour fuir cet enfer fait de viols, prostitution, brutalités physiques et psychologiques… Donya tentera un mariage « arrangé » avec un étranger avant de se raviser. Chahdortt Djavann aborde aussi le problème de la langue quand on est un immigré, a fortiori quand on veut se faire psychanalyser parce que l’on souffre de problèmes psychologiques liés à une enfance douloureuse !
Réquisitoire féroce contre l’islam déviant, situation de la femme en souffrance, que ce soit en Iran sous la coupe des religieux fanatiques, ou en France en tant qu’immigrée psychologiquement fragile. Des sujets graves et bien de notre temps.
Tout ceci devrait nous donner un excellent roman, fort, puissant, révoltant, poignant ou émouvant. Or, c’est là que mon intérêt pour ce livre s’étiole, si j’ai bien été écœuré par les pratiques du régime iranien, je n’ai jamais vraiment été ému par ses personnages, je me suis même ennuyé au milieu du bouquin durant ces séances de psychanalyses à répétition. De même, la violence intolérable induite m’a paru désamorcée par certains aspects un peu nunuches, le psy et sa rouquine ou bien les angles sentimentaux et cet épilogue fleur bleue.
Certainement un bon roman – c’est possible – mais qui ne m’était pas destiné. Déjà Big Daddy m’avait laissé un peu sur ma faim, ce roman confirme mes impressions, Chahdortt Djavann et moi, ça ne va pas le faire. Ce n’est pas grave, ni pour elle, ni pour moi.
« Selon les lois en vigueur en Iran, mais aussi dans la mentalité de l’immense majorité des gens, voire de tous, coucher avec un garçon sans être mariée, pour une fille qui n’est pas officiellement une pute, c’était être une pute. Fouler aux pieds les lois et l’hypocrisie des conventions lui procurait autant de plaisir que faire l’amour, sinon plus. Mais on ne peut construire sa vie dans la clandestinité et pour seul plaisir de transgresser. Se croire audacieuse, insoumise, rebelle avait suscité chez elle un sentiment de supériorité et une excitation qui s’émoussaient avec le temps, car elle savait qu’elle aussi trichait. Elle aussi dissimulait sa relation intime avec l’homme qu’elle aimait, elle aussi faisait semblant de n’avoir pas de relations sexuelles, et qu’est-ce qu’elle savait au juste de ce que ses copines lui cachaient ? »
Chahdortt Djavann Je ne suis pas celle que je suis Flammarion - 536 pages -
8 commentaires
J'ai apprécié Big Daddy mais ne pense pas me plonger dans ses romans réquisitoires, que j'imagine cependant très percutants.
Et comme « Big Daddy » - d’après ce que j’en sais - n’était pas représentatif de l’œuvre de cet écrivain… tout est dit !
J'ai lu un de ses livres, mais ne me souviens plus duquel, c'est ballot... ^_^
C’est dire si ça vous a marquée ! Donc affaire classée…
quand j'ai lu "A Paris, une jeune immigrée iranienne à peine sortie d’une tentative de suicide..." je me suis dit que c'était la suite du livre que j'ai lu pour cette LC (Comment peut on être français ?) ..du coup il me tente (malgré tes réserves ...)
Bonne journée ;-)
Si ce que tu as déjà lu de cet écrivain t’a plu, n’hésite pas à lire celui-ci. Je vois très bien à quel genre de public il s’adresse, or je n’en suis pas ! Une séparation à l’amiable en quelque sorte.
J'ai bien aimé Big Daddy, même si j'émets un petit bémol quant à la justesse de l'intrigue, et contrairement à Sandrine, je suis curieuse de découvrir ses écrits plus "engagés"... à voir.
Je ne sais pas si « engagé » est le bon terme ? Ca me paraît trop flatteur. Que ses textes témoignent ou dénoncent, certainement… Mais je ne sais pas pourquoi, quelque chose que je ne peux pas définir, me chagrine ou ne fonctionne pas. Pour moi, tout du moins…
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