Beat Generation : L’exposition au Centre Pompidou
09/07/2016
La Beat Generation, ce mouvement littéraire et artistique né dans les années 1950 aux Etats-Unis, s’expose à Paris au Centre Pompidou, un rendez-vous que je ne pouvais manquer. De tous les courants littéraires, c’est celui qui me touche le plus, à titre personnel si je peux dire. Si tous les autres mouvements restent pour moi, des faits historiques (pour ceux qui m’intéressent le moins) ou des références de qualité quand je cherche une lecture, les écrivains de la Beat Generation dépassent ce cadre car ils font partie de mon parcours initiatique.
C’est par le biais du magazine Actuel, dans les dernières années des sixties que j’ai découvert Jack Kerouac, Allen Ginsberg, William Burroughs, Allan Watts etc. Je n’avais pas vingt ans, le souffle de mai 68 laissait mes cheveux en bataille et je découvrais un autre monde : la liberté et les grands espaces avec Sur la route, le mythique roman de Kerouac, la spiritualité orientale avec Watts et ces incroyables délires de Burroughs explosant autant la technique de l’écriture que mon pauvre cerveau, à l’instar des psychotropes circulant à l’époque. On ne peut pas se remettre totalement de tant d’évènements, surtout quand on a été pris de plein fouet durant les plus belles années de sa vie. C’est donc en pèlerinage que je me suis rendu au cœur de la capitale pour raviver un pan important de ma jeunesse.
Très belle exposition car très complète. Films, dessins, documents sonores, objets, manuscrits, photos, tous les supports sont présents. Allons directement au but, la pièce maîtresse de cette exposition, c’est le tapuscrit original de Sur la route écrit en 1951 par Jack Kerouac sur un immense rouleau de papier de 36,5 mètres de long, assemblage de rouleaux de papier calque ajointés. Ecrit serré à la machine en un seul bloc, sans paragraphes ni sauts de ligne, cette masse de texte allongée de tout son long dans une vitrine sous un faible éclairage pour ne pas endommager le document, est franchement impressionnante, presque effrayante. Une trace tangible du grandiose comme le serait une momie dans son sarcophage. Dans une autre vitrine, une première version du livre beaucoup plus courte, écrite en français sur des pages de cahier.
Si la Beat Generation c’est l’Amérique, la France y a aussi son mot à dire. Kerouac (Jean-Louis Lebris de Kérouac) est né de parents québécois et Sur la route a été écrit en français dans sa première mouture. Mais c’est aussi à Paris, dans un hôtel de la rue Git-le-Cœur où vécurent de nombreux artistes (Ginsberg, Burroughs, Gysin, Corso…) entre 1958 et 1963 que Brion Gysin invente la technique du cut-up (un texte original est découpé en fragments aléatoires puis ceux-ci sont réarrangés pour produire un texte nouveau) dont William Burroughs fera un usage excessif ( ?) dans son œuvre. Dans ce même hôtel, Ginsberg y écrit son Kaddish. Et rappelons que toute cette bande vénérait nos poètes : Rimbaud, Apollinaire, Artaud ou Michaux.
Le reste de l’exposition propose des reliques de Kerouac (froc, t-shirt, casquette, espadrilles et gourde… heu ? Hum ! Hum !), des dessins de Kerouac, Corso, Burroughs. Des films rares, interviews de Jack Kerouac et délires. Des photographies en noir et blanc de Robert Franck de l’Amérique d’alors. En fond sonore du jazz, la musique de la Beat Generation, Charlie Parker ou Dizzy Gillespie. Bob Dylan est là aussi avec deux extraits des films Renaldo & Clara (sur la tombe de Kerouac avec Ginsberg) et Don’t look back (le passage avec Ginsberg sur Subterranean Homesick Blues).
Sont bien sûr aussi évoqués Lawrence Ferlinghetti et la librairie City Lights à San Francisco, ou bien montrés des revues underground de l’époque, le Mexique ou Tanger et leur trouille à tous d’une explosion nucléaire.
Une très belle exposition qui devrait combler les amoureux de ce mouvement riche en inventions ou innovations qui nous a ouvert les portes de la perception.
Beat Generation Centre Pompidou Paris IVe – Jusqu’au 3 octobre 2016 –
Photos : Le Bouquineur
5 commentaires
Voilà le fameux rouleau! Jusqu'à quand cette exposition?
Je l'ai indiqué en bas de note, jusqu'au 3 octobre 2016. Si ce mouvement littéraire vous intéresse, je vous signale qu'un excellent numéro hors-série des Inrocks vient de paraître en kiosques sur le sujet....
Mon oeil a été trop attiré par la photo du 'rouleau' ^_^ Merci!
nous avons prévu d'aller voir cette expo. tu me donnes trop envie !!! et je ne pourrais manquer le fameux rouleau !
Tu ne risque pas de rater le rouleau, il prend toute la place !! Blague à part, l’expo est très bien et il y a des films à voir (comme ce « Pull my daisy » premier film réalisé par le photographe et cinéaste Robert Frank en 1959. Le scénario, inspiré d'une soirée chez les Cassady, est un fragment d'une pièce inachevée. Le texte est écrit et lu en voix off par Jack Kerouac.)
Les commentaires sont fermés.