Ian McGuire : Dans les eaux du Grand Nord
20/06/2017
Ian McGuire, né en 1964, a grandi près de Hull en Angleterre, et étudié dans les universités de Manchester et de Virginie. Il a cofondé le Centre pour la Nouvelle Ecriture à l’université de Manchester et enseigne actuellement l’écriture créative à l’université de Nord Texas. Second roman mais premier traduit chez nous, Dans les eaux du Grand Nord, vient tout juste de paraitre.
1860 en Angleterre. Sumner, ex-médecin militaire revenu des Indes, embarque à bord du Volunteer, un baleinier en partance pour le Grand Nord. A bord, Brownlee le capitaine, Baxter son second, Cavendish le premier lieutenant et Henry Drax l’un des harponneurs, sont les principaux personnages du roman. Quand Sumner constate qu’un des mousses du navire a été sauvagement agressé sexuellement mais refuse de livrer le nom du coupable, le médecin avec l’aide du capitaine vont mener leur enquête. Enquête qui tourne vite à la recherche d’un meurtrier quand le cadavre du mousse est retrouvé dans les cales…
Ce n’est là que le tout début du récit car il apparait vite que nous sommes en présence d’un roman d’aventures, un peu à l’ancienne et mêlant différents genres de fictions attrayantes : le polar, les romans de voyageurs/explorateurs et même pourquoi pas, l’aspect western dans le finale.
Le bouquin se lit d’une traite, le lecteur est emporté par le rythme enlevé et les mésaventures subies et endurées par Sumner le héros de cette histoire. Je ne vais pas vous en révéler les rebondissements mais disons que tout l’équipage du navire va devoir l’abandonner et tenter de survivre sur la banquise du Groenland, qu’il y aura beaucoup de morts, que le justicier et sa proie (ou l’inverse selon les épisodes) vont se jouer de la mort jusqu’au chapitre final et là…
Ian McGuire s’est bien documenté sur l’époque, la marine d’alors et la chasse à la baleine et aux phoques, rien de nouveau pour les familiers de ces récits : scènes sanglantes et gourdins gluants. Le texte est ponctué de quelques scènes mémorables mais déjà lues ailleurs : opération chirurgicale avec un simple couteau ou bien, vie sauvée en se planquant à l’intérieur du cadavre éventré d’un ours. A noter néanmoins une très belle séquence avec Punnie l’Esquimaude. Les deux acteurs vedettes de ce drame marin sont croqués psychologiquement plutôt sommairement, Sumner est hanté par son passé dans les colonies, Drax ne vit que dans l’instant présent et reste sourd aux remords.
Pour conclure, disons que je suis assez partagé : oui, j’ai lu un bouquin bien enlevé et gentiment prenant mais il lui manque la puissance des grands récits qui font réfléchir le lecteur sur la nature humaine. Je n’ai donc pas vu dans ces eaux l’avenir de la littérature mais tout est encore jouable…
« Il observe une des femmes qui fait chauffer sur la lampe une casserole en métal pleine de sang de phoque. Quand le sang fume, elle la retire de la flamme et la fait circuler. Chacun boit, puis fait passer. Ce n’est ni un rite ni un rituel, comprend Sumner, c’est simplement leur façon de s’alimenter. Quand la casserole lui parvient, il la refuse ; comme ils insistent, il la prend, renifle, puis la tend à son voisin de droite. Ils lui proposent un morceau de foie cru, qu’il refuse également. Il se rend compte qu’il les offense, il remarque les lueurs de tristesse et de confusion dans leurs yeux, et se demande s’il serait plus simple, préférable, de leur faire plaisir. Quand la casserole revient à lui, il accepte et boit. »
Ian McGuire Dans les eaux du Grand Nord 10-18 - 304 pages –
Traduit de l’anglais par Laurent Bury
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