Evan Hunter : Graine de violence
13/03/2018
Attention, un écrivain peut en cacher un autre… Ed McBain, de son vrai nom Salvatore Lombino, est un écrivain américain, né en 1926 à New York et mort en 2005 chez lui dans le Connecticut d'un cancer du larynx à l'âge de 78 ans. Sous le pseudonyme Ed McBain, il est l'auteur de polars dans le « 87e District » qui l'ont rendu célèbre. Il utilise également les pseudonymes Evan Hunter, Richard Marsten, Hunt Collins, Curt Cannon et Ezra Hannon, notamment pour des ouvrages littéraires, des récits policiers et des textes de science-fiction. C’est donc derrière le masque d’Evan Hunter qu’a été écrit Graine de violence (Blackboard jungle), paru en 1954. Le roman a fait l’objet d’une adaptation cinématographique très remarquée, en 1955, par Richard Brooks, avec Glenn Ford et Sidney Poitier.
Rick Dadier, ex-vétéran de la Marine reconverti en jeune professeur d'anglais est engagé pour son premier poste dans une école secondaire d’enseignement professionnel du Bronx. Il hérite de deux classes, dans l’une des élèves de 18-19 ans, rebelles à l’enseignement. Avec ses collègues Josh Edwards et Lois Hammond, eux aussi débutants, Rick va en baver…
Graine de violence est pour ainsi dire un classique de la littérature car il s’avère (hélas) toujours d’actualité, aussi bien dans son pays d’origine que chez nous ou ailleurs : Comment l’école peut-elle hisser vers le haut, des jeunes dont l’avenir semble compromis dès le départ et sans sortie possible ?
Très vite Rick constate que les professeurs sont mal préparés à la réalité du terrain, ce qu’on leur a appris en théorie n’a rien à voir avec la pratique ; il aura beau user d’astuces pédagogiques, il reste seul face à une classe de jeunes hommes prêts à en découdre, insolents, fermés à l’enseignement. Deux élèves vont se distinguer dans ce conflit, Miller et West, un Noir et un Blanc, Miller en chef de meute. Après avoir sauvé Lois Hammond d’une tentative de viol par un élève, Rick devient une cible à abattre où tous les coups sont utilisés, il sera tabassé dans une rue par des élèves, un autre le dénoncera au proviseur pour un supposé racisme, sa femme recevra des lettres anonymes insinuant qu’il la trompe… Josh abandonnera avant la fin du premier trimestre mais Rick, fidèle à ses convictions, continuera jusqu’au bout, bataillant contre le défaitisme de ses collègues, la résistance de ses élèves et en plus, harcelé par le gringue outrancier de Lois…
S’il est vrai que l’angle psychologique du roman est daté - et c’est normal -, il n’en est que plus instructif encore, montrant (ou rappelant aux plus anciens) comment on réagissait ou se comportait à l’époque : je pense en particulier aux rapports homme/femme dans le couple Dadier. Outre ce thème, le roman s’attaque prioritairement au problème de la violence à l’école et ne passe pas sous silence, la place des Noirs dans la société. Un roman d’une grande puissance qui a conservé son actualité et qui doit être lu ou relu.
Ce bouquin devrait être dédié à tous les héros anonymes de l’enseignement qui méritent notre respect et plus encore.
« On n’avait jamais appris à Rick comment on arrêtait une bagarre dans une classe. On ne lui avait jamais appris ce qu’on faisait d’un élève de première année qui ne savait même pas écrire son nom sur une feuille de papier. Il ignorait, et on ne lui avait jamais indiqué, la conduite à tenir avec un garçon d’une intelligence très inférieure à la moyenne. On ne lui avait jamais parlé de gosses qui hurlent en classe ; non pas un seul gosse, non pas « l’enfant difficile » dont les cours pédagogiques avaient vaguement parlé ; non, pas celui-là. Mais toute une classe hurlante, déchaînée, criant à tue-tête. »
Evan Hunter Graine de violence Presses Pocket – 378 pages –
Traduit de l’américain par Renée Tesnière
2 commentaires
Je suis fan de McBain, et j'ai lu ce roman (mais pas vu le film) Je le recommande, mais il faut savoir qu'il est dur, non?
J’ai vu le film plusieurs fois mais il y a très, très longtemps, il était très bien. Concernant le roman, il est dur, certes, mais je tiens à préciser pour les cœurs sensibles, que datant de 1954, l’écriture d’alors permet de le lire aujourd’hui avec plus de recul et qu’il n’y pas de scènes telles qu’on en lirait de nos jours… Donc, tout le monde peut lire ce roman, je dirais même plus : il faut le lire !!!
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