William Trevor : Ma maison en Ombrie
16/03/2018
Sir William Trevor, de son vrai nom William Trevor Cox, est né en 1928 dans le comté de Cork en Irlande et décédé en 2016 en Angleterre. Romancier, nouvelliste, dramaturge et scénariste, lauréat de nombreux prix littéraires aussi bien en Irlande qu'en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, membre de l'Académie irlandaise, il a été anobli par la reine d'Angleterre. Ma maison en Ombrie date de 1994.
Un attentat dans un train italien. Parmi les rescapés, Emily Delahunty la narratrice, une romancière anglaise retraitée qui tient une maison d’hôtes en Ombrie. Par charité, elle décide de loger gracieusement, trois survivants qui étaient dans son wagon : un vieux général anglais qui vient de perdre sa fille et son gendre, Otmar un jeune Allemand qui outre sa fiancée a aussi laissé un bras dans le train, et Aimée, une petite fille américaine désormais orpheline et souffrant de sévères problèmes psychologiques.
William Trevor s’est fait une réputation pour ce que j’appellerais, les délicieux romans. Délicieux grâce à son écriture toute simple à priori, mais où se mêlent imperceptiblement cette minuscule touche de tristesse et de bizarrerie qui distinguent ses romans de tant d’autres.
De la tristesse, il y en a cela va sans dire au vu du résumé, mais inutile de prévoir des mouchoirs en papier, elle tombe sous le sens plus qu’elle n’est exprimée par l’écrivain. Quant à la bizarrerie, elle va monter crescendo au fil de votre lecture. D’abord en découvrant le parcours atypique d’Emily Delahunty. Aujourd’hui proche de la soixantaine, elle a pas mal roulé sa bosse, des Etats-Unis à l’Afrique où elle tenait un bar, ne fréquentant pas vraiment le beau monde…
Un contraste frappant : une belle maison dans la campagne italienne, au calme, offrant un confort bourgeois certain mais géré par une femme ayant connu les vicissitudes de la vie, entourée d’estropiés.
La narratrice mêle ses souvenirs personnels aux personnages de ses romans et petit à petit vont s’y greffer ses rêves prémonitoires ou inventés, ses intuitions sur la personnalité secrète de ses invités, sans que jamais le lecteur ne sache jamais si tout cela est vrai ou purement fictif. Les dernières pages du roman amplifient encore plus ce mystère diffus et quand on referme le livre, on s’interroge : avons-nous lu un roman d’Emily Delahunty dans le roman de William Trevor, la narratrice perd-elle un peu la raison, ou bien existe-t-il une autre explication ? N’oubliez pas que j’avais annoncé la couleur : bizarrerie !
Il n’empêche que tout cela nous donne un très beau roman, car très bien écrit.
« Nous avons tous quitté l’hôpital le même jour et nous avons passé la première soirée sur la terrasse, chez moi, autour de la table en carreaux de faïence, le général à ma droite et Otmar à ma gauche. La petite était déjà dans son lit et dormait. Rosa Crevelli nous a servi des lasagnes, de l’agneau au romarin, le tout arrosé de Vino nobile de Montepulciano, et puis des pêches. Un étranger débarquant inopinément aurait été quelque peu surpris de nous voir là, avec nos plâtres et nos pansements : le repas des éclopés. J’étais la seule à ne pas avoir perdu un être cher, puisque je n’avais personne à perdre. »
William Trevor Ma maison en Ombrie Phébus – 188 pages –
Traduit de l’anglais par Cyril Veken
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