Elizabeth Strout : Je m’appelle Lucy Barton
01/07/2018
Elizabeth Strout, née en 1956 à Portland dans le Maine, est une romancière américaine. Après des études de droit, elle publie son premier texte dans le magazine New Letters. Elle gagne ensuite New York et continue à publier dans différents magazines littéraires et met près de sept ans à écrire son premier roman Amy and Isabelle, publié en 1998 aux Etats-Unis, qui rencontre le succès et est présélectionné pour divers prix littéraires. Elizabeth Strout a reçu le Prix Pulitzer pour Olive Kitteridge publié en 2008. Son cinquième et dernier roman, Je m’appelle Lucy Barton, date de 2017.
New York. Lucy Barton, la narratrice, mariée et mère de deux petites filles, est hospitalisée. En se réveillant elle découvre avec surprise que sa mère est à son chevet. Surprise, car les relations entre Lucy et sa famille (parents, frère et sœur) sont quasi rompues depuis qu’elle a quitté l’Illinois et vit sa vie d’écrivaine à New York. Durant cinq jours, la mère et la fille vont vivre côte à côte dans cette chambre d’hôpital et tenter de créer un dialogue qui n’a jamais existé entre elles.
De ce huis-clos, au gré de leurs propos économes, vont ressurgir des souvenirs du passé. L’enfance de Lucy, difficile et pauvre, la communication a minima entre elle et ses parents, la rudesse affichée du père. Pourtant derrière cette façade, et ces quelques jours vont le révéler, des sentiments non extériorisés existaient/existent mais les mots, comme coincés au fond des gorges, n’ont jamais su les dire véritablement. Le père par exemple, durant la Guerre en Europe a tué deux jeunes gars et traumatisé, rayé de sa mémoire ce pan de sa vie, n’en parlant jamais chez lui, « Je sais que papa a fait la guerre, mais il n’a jamais rien raconté » constate Lucy. Mère et fille vont confronter leurs souvenirs, propos décousus mais Lucy est prête à tout pour nouer, enfin, ce dialogue avec sa mère.
De cette expérience, Lucy Barton écrira ce roman que résume ainsi son attachée de presse : « C’est l’histoire d’un homme qui, tous les jours de sa vie, a été tourmenté par ses actions pendant la guerre. C’est l’histoire d’une femme qui est restée avec lui, parce que c’est ainsi que se comportaient la plupart des femmes de sa génération, et qui vient voir sa fille à l’hôpital. (…) C’est l’histoire d’une mère qui aime sa fille. D’un amour imparfait. Parce que nous aimons tous d’un amour imparfait. »
L’écriture est délicate, d’une finesse exquise. Tout sonne juste et c’est très beau, sans jamais tomber dans un pathos lourd – ce qui n’exclut pas des moments émouvants comme, plusieurs années plus tard, le décès de ses parents. Elizabeth Strout nous incite à plus de compassion envers nos proches et même pour ceux que l’on ne connait pas en une version moderne du « aimez-vous les uns les autres ». Un roman sur la solitude, l’amour non-dit ou mal exprimé.
Vous aussi vous lirez l’histoire de Lucy Barton qui crie « maman ! »
« Ma maîtresse, qui s’était aperçue de ma passion, me donnait des livres, y compris pour adultes, et je les dévorais. Plus tard, au lycée, je continuais de lire après mes devoirs, au chaud dans la classe. Les livres m’apportaient quelque chose. C’est ça que je voulais dire. Grâce à eux, je me sentais moins seule. C’est ça que je voulais dire. Et je pensais : moi aussi, un jour, j’écrirai et les gens ne se sentiront plus aussi seuls ! (…) Je savais que j’avais la trempe d’un écrivain. Ce que je ne savais pas, c’était combien ce serait dur. Mais personne ne peut le savoir. Et ça n’a aucune importance. »
Elizabeth Strout Je m’appelle Lucy Barton Fayard – 206 pages –
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Brévignon
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