Chan Ho-kei : Hong Kong Noir
13/07/2018
Chan Ho-kei est né en 1975 et a grandi à Hong Kong. Informaticien, scénariste, concepteur de jeux vidéo, Chan Ho-kei a commencé par écrire des nouvelles. Son premier roman, "The man who sold the world", non traduit en France a reçu le prix Shimada, le plus important de la littérature policière en langue chinoise en 2011. Il est par ailleurs, très engagé dans le mouvement pour la démocratie. Hong Kong Noir date de 2016 et vient d’être réédité en poche.
Hong Kong, 2013. L'inspecteur Kwan Chun-dok, âgé et véritable légende de la police, surnommé par ses collègues "le Divin Détective", se meurt d’un cancer. Bien qu’il soit dans le coma sur son lit d’hôpital, son jeune partenaire, l'inspecteur Lok, vient lui demander une dernière fois son aide pour une enquête particulièrement délicate ...
Un roman particulièrement original comme nous allons le voir. En fait, il ne s’agit pas d’un roman mais de six novella policières complètement indépendantes les unes des autres pour les intrigues. La première se déroule en 2013 et la dernière en 1967, le lecteur va donc remonter le temps au fur et à mesure de son avancée dans le bouquin et c’est là l’astuce narrative de l’écrivain : outre l’évolution de son personnage principal, Kwan Chun-dok, que nous suivrons à rebours, de son décès à son entrée dans la police, c’est surtout l’occasion de dresser une fresque de Hong Kong sur un demi-siècle ; le roman s’étalant entre l’avant et l’après 1997, année de rétrocession du territoire de Hong Kong à la Chine par l’ex-Empire colonial britannique. Rappel : Selon les termes de la déclaration sino-britannique commune, la Chine a promis que Hong Kong garderait une relative autonomie jusqu'à au moins 2047, soit 50 ans après le transfert de la souveraineté. Voilà pour le décor sociopolitique.
Pour l’angle purement policier du bouquin, les six intrigues abordent presque tous les cas de figure connus : guerre des Triades, attentat sur un marché, carnage dans un hôtel, enlèvement d’un enfant etc. Reste la personnalité du « Divin Détective » que je me permets de résumer ainsi, c’est Sherlock Holmes en tongs à Hong Kong !
Kwan Chun-dok n’utilise que la réflexion et la jugeote pour élucider les affaires les plus complexes, il est devenu un vieux sage (d’ailleurs après avoir pris sa retraite on lui a proposé d’être un conseiller de la police) et son jeune ami, Lok, le vénère et en a fait son mentor (gentil petit scarabée !). Tous deux font une paire qui évoque vaguement Sherlock et Watson, le second plongeant vers des hypothèses hasardeuses, le premier ne s’attachant qu’aux faits dont il dénoue l’invraisemblance apparente par une logique à toute épreuve après mûre réflexion (« - Alors, chef, qu’est-ce que vous en pensez ? – Moi ? Rien. ») A moins qu’il utilise une ruse habile – voire machiavélique - pour confondre un suspect quand il n’a pas de preuves directes.
Kwan a repéré le jeune Lok très vite parmi ses collègues et il s’attellera tout au long de ces années d’enquêtes à le former pour en faire son fils spirituel, lui inculquer ce qui lui sert de crédo : la police n’a qu’un seul devoir, protéger les habitants de Hong Kong, envers et contre tout, ce tout pouvant être les supérieurs hiérarchiques comme les malfrats.
Pour en terminer, un bon roman car très original, mais c’est quand même un peu trop long et bien bavard…
« De nos jours on risque d’être une victime d’un attentat rien qu’en sortant dans la rue. Moi j’avoue que j’étais plutôt pour les ouvriers au début, mais maintenant je ne peux plus m’identifier à eux. Les gauchistes disent qu’il faut répondre à la violence par la violence, que c’est un « mal nécessaire », que pour s’attaquer aux Anglais, le sacrifice en vaut la peine. Mais je ne comprends pas en quoi le fait de s’en prendre aux gens dont vous prétendez défendre la cause en « vaut la peine », comme ils disent. On est des êtres humains, pas des fourmis. »
Chan Ho-kei Hong Kong Noir Folio – 750 pages –
Traduit du chinois par Alexis Brossollet
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