Ross Macdonald : Le Cas Wycherly
06/05/2019
De son vrai nom Kenneth Millar, Ross Macdonald est un écrivain américain de romans policiers né en Californie en 1915 et où il décédera en 1983. Entre autres romans, il est célèbre pour ses polars (une petite vingtaine) dans lesquels figurent le détective privé Lew Archer, incarné deux fois à l’écran par Paul Newman. Certains de ces romans ont été chroniqués ici comme, Cible mouvante (1949), Noyade en eau douce (1950) ou Trouver une victime (1954). Le Cas Wycherly (1961) vient d’être réédité dans une nouvelle traduction et version intégrale, dans une collection de poche.
Homer Wycherly, riche californien grâce au pétrole, charge Lew Archer de retrouver sa fille Phoebe, disparue depuis deux mois alors qu’il était en croisière. L’enquête s’avère complexe car Wycherly insiste lourdement pour qu’Archer ne contacte pas la mère de la jeune fille - leurs rapports sont plus que tendus depuis qu’une procédure de divorce est entamée – dernière personne l’ayant vue en vie…
Lew Archer va devoir déployer tous ses talents d’enquêteur pour remonter une piste vieille de deux mois, interrogeant maints éventuels témoins : chauffeurs de taxi, portiers d’hôtel, gérante de motel ou de meublé. Petit à petit des figures émergent, Catherine mère de Phoebe est alcoolique, Trevor, le beau-frère de Wycherly, au cœur fragile considère Phoebe comme sa propre fille. Et cette Phoebe, semble de plus en plus mystérieuse au fur et à mesure que l’intrigue avance, tous ceux qui l’ont croisée la décrive comme une jeune personne si triste, si affligée…
Le roman déroule gentiment, aucune piste sérieuse ou indices ne permettent au lecteur d’échafauder des hypothèses ce qui rend le bouquin terriblement attractif. Et même quand les embrouilles vont finir par arriver, des seconds rôles louches, un petit ami pour Phoebe, des soupçons de chantage et d’arnaques immobilières, rien n’éclaire réellement la lanterne du lecteur.
Polar à l’ancienne, le bouquin séduira ceux qui n’aiment pas la violence (il y a néanmoins des morts) tout en étonnant ceux qui sont habitués à y trouver de belles pépées perverses, clope au bec et rouge à lèvres pompier. Notre détective n’est pas franchement porté sur la chose, même quand une occasion facile va se présenter à lui. Un roman avec peu d’action, comme on l’entend aujourd’hui, tout est dans les dialogues, le non dit pour récolter une information, le sous-entendu, ou l’allusion pour jouer sur le registre de la menace voire exceptionnellement de l’érotisme. L’écrivain sait aussi nous tirer un sourire par quelques répliques inattendues (« … un cheval hennit à mon adresse depuis je ne sais où. Je ne lui renvoyai pas son hennissement. » ou bien « - Il a été D.J. avant. – Délinquant juvénile ? – Disc-jockey. »)
L’épilogue de cette intrigue compliquée nous ramène à un thème cher à l’écrivain, les secrets familiaux, ou comme le dit l’un des acteurs de ce bon polar « Vous commencez par d’innocentes galipettes dans le foin, et vous vous retrouvez à devoir tuer des gens. »
« Et elle pensait à sa fille, aussi, semblait-il. Lorsque je me relevai, la lumière éclaira la fenêtre et je vis que quelque chose était écrit dessus. Je traversai la chambre. La fenêtre donnait sur une ruelle et un mur de brique aveugle. Ecrit en grandes lettres dans la poussière qui couvrait la vitre, il y avait ce mot unique : « Phoebe ». Sur l’arrière-plan du mur sombre d’en face, on aurait dit une inscription sur une stèle. »
Ross Macdonald Le Cas Wycherly Gallmeister Totem – 317 pages –
Traduit de l’américain par Jacques Mailhos
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