Jim Harrison : Sorcier
02/07/2020
Jim Harrison (1937-2016), de son vrai nom James Harrison, est un écrivain américain. Il a publié plus de 25 livres, dont les renommés Légendes d'automne, Dalva, La Route du retour, De Marquette à Vera Cruz… Membre de l'Académie américaine des Arts et des Lettres, Jim Harrison a remporté la bourse Guggenheim et a déjà été traduit dans 25 langues. Roman, Sorcier date de 1981.
Quelle ne fut pas ma surprise en épluchant distraitement la bibliographie de Jim Harrison, un de ses romans m’avait échappé. Intolérable. Le temps de retrouver un accès aisé en librairie et cet impair fut réglé.
Johnny Lundgren, baptisé Sorcier quand il était scout, est un cadre au chômage. Il vit dans le Michigan avec sa femme Diana (« un des plus parfaits derrière de la Création »), accessoirement infirmière urgentiste, et son clébard – un peu braque – Hudley (« Dès sa puberté, Hudley s’était pris d’une passion purement sexuelle pour les poubelles »). Décidé à changer de vie, il accepte un job du Dr Rabun, une relation professionnelle de sa femme : détective pour dénicher les preuves qu’on l’arnaque ! Ce qui va l’entrainer des forêts du Nord aux plages de Floride…
Amateurs de polars calmez-vous, si l’intrigue du roman en suit vaguement la trame, elle est trop simplette pour séduire les accros à ce genre de littérature. Jim Harrison ne fait même pas l’effort de nous faire croire qu’il a écrit un polar, on voit bien que ce n’est qu’une comédie satirique, dans laquelle il va pouvoir caser ses priorités bien connues des lecteurs du Grand Jim, à savoir la bouffe et la baise. Ici un chat est un chat, on ne tourne pas autour du pot, ou pour y tremper un doigt.
Sorcier est un personnage attachant malgré ses excès et ses contradictions et difficile pour le lecteur de ne pas y voir une sorte d’alias de l’écrivain (tel qu’il se voit ou se rêve ?) se débattant avec ses fantômes. Toujours partant pour une partie de jambes en l’air avec sa femme – qui ne crache pas dessus non plus, d’ailleurs. Et quand Diana n’est pas à portée de mains, une autre fait autant l’affaire. Et là, première contradiction, si Sorcier a toujours une bonne excuse pour tromper sa douce, il n’accepte pas l’inverse !
Entre deux séances de golo-golo, il mange, ou pense à manger, ou fait la cuisine (à l’ail !). Réussissant le tour de force de mêler le gourmet et le glouton car il s’empiffre carrément et on ne peut que conseiller au lecteur de prévoir une boîte d’Alka-Seltzer à proximité sous peine d’indigestion. Autre contradiction puisque notre héros affirme « la bouffe et la baise ne font pas bon ménage ». On pourrait citer d’autres traits de caractères comme sa grande gueule alors qu’il a peur d’un tas de trucs, trop longs à énumérer…
Je n’ai rien dit de l’intrigue, ça n’en vaut pas la peine, là n’est pas le propos de l’écrivain. Par contre les amateurs de l’auteur se réjouiront, le bouquin se déguste comme une paillardise bien lubrique. En cerise sur ce gâteau, le décalage extravagant entre sa date d’écriture (1981), hier donc, et aujourd’hui où il serait impossible de sortir un tel bouquin tant il est macho en diable, à faire hurler les féministes et les gays, sans oublier les végans et autres qui chipotent dans leurs assiettes.
Merci Big Jim pour ce bon moment de lecture très drôle et devenue subversive avec le temps…
« Les gens qui ont vu Delivrance ne savent certainement pas que le Grand Nord abrite des monstres à visage humain encore plus dangereux que leurs homologues sudistes. La moindre bourgade possède son colosse complètement débile qu’on surnomme généralement « Minet ». Ce sont des types capables d’engloutir quinze hamburgers, cinq poulets rôtis, une caisse de bière et qui n’hésitent jamais à fendre le crâne d’un étranger de passage. Heureusement, l’apparition encore récente de la marijuana dans ces contrées reculées contribuait à calmer la férocité de ces voyous. Il était amusant d’imaginer que, dans dix ans, ils pousseraient le jeu jusqu’à porter des cheveux longs et à embrasser les causes écologiques. Mais, pour le moment, on n’en était pas encore là et il importait de prendre le large. »
Jim Harrison Sorcier 10-18 – 296 pages –
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Serge Lentz
2 commentaires
Hum, tout cela m'évoque un peu Journal d'un vieux dégueulasse qui avait fini par me lasser (le côté "dégueulasse" et machiste occultant souvent l'intérêt du propos)... J'aime pourtant beaucoup Jim Harrison, même si je n'ai pas exploré son oeuvre autant que toi, il me reste d'ailleurs sur mes étagères quelques-uns de ses titres à lire (De Marquette à Veracruz, notamment, ou En route vers l'ouest), que je vais privilégier à celui-ci...
Jim Harrison n’est pas Charles Bukowski (« Mémoires d’un vieux dégueulasse »), le premier a le sexe plus joyeux, je dirais plus naturel même s’il est excessif…. Par contre j’irai dans ton sens en te conseillant de privilégier ce que tu as déjà en rayon comme ce « De Marquette à Veracruz » qui est d’un autre calibre. Bonne lecture !
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