Karl Ove Knausgaard : Comme il pleut sur la ville
08/10/2020
Karl Ove Knausgaard, né en 1968 à Oslo, est un romancier norvégien. Après des études d'art et de littérature à l'université de Bergen il publie un premier roman en 1998 et reçoit pour son livre le prix de la Critique. Karl Ove Knausgaard vit en Suède avec sa femme, elle aussi écrivain, et leurs enfants. Connu pour son cycle de six romans autobiographiques intitulé Mon combat, Comme il pleut sur la ville, le cinquième volume de la série, vient d’être édité en poche.
Tous les précédents épisodes sont chroniqués sur ce blog et ne vous étonnez pas si je reprends les mêmes termes pour évoquer celui-ci, c’est tout à fait logique puisqu’il s’agit en fait d’un seul livre découpé en six tomes !
Cet épisode s’étale entre la fin des années 80 et les débuts du nouveau siècle. Karl Ove a vingt ans, rêve toujours d’être écrivain, glande un peu/beaucoup, se grise de littérature et de rock, picole sec et trop, cherche des filles pour vous savez quoi, accumule les bêtises et s’en repend au matin quand il a dessoulé. Ainsi débute le bouquin. Au fil du récit le narrateur connaitra l’amour, synonyme de souffrances, les affres des refus des éditeurs pour ses textes, des décès familiaux, mais aussi le mariage (si ! si !) et enfin la parution d’un premier roman bien accueilli. On se dit alors que tout va pour le mieux mais ce serait mal connaitre notre KOK... et ce volet s’achève sur une note sombre.
Techniquement parlant, au fur et à mesure que nous avançons dans cette autobiographie qui n’en finit pas, le texte est de plus en plus facile à lire (le seul « obstacle » - naturel – reste les noms propres norvégiens difficiles à mémoriser, comme par exemple ceux des écrivains locaux inconnus aux noms imprononçables), moins chaotique, plus linéaire. Texte introspectif, l’écrivain se livre sans pudeur et il ne manque pas de mérite car il sait être particulièrement pénible : son problème avec l’alcool, hérité de son père avec lequel il est en conflit depuis l’enfance, qui lui fait commettre âneries sur âneries, jurant au matin qu’il ne recommencera pas… jusqu’à ce que le soir vienne. Encore à geindre quand après avoir trompé sa copine du moment, il regrette etc. Mais il y a évidemment de très belles choses, tout ce qui touche à la difficulté d’écrire, la page blanche, la mièvrerie des premiers écrits, la jalousie quand d’autres débutants percent mais pas lui…
Il y a aussi tout ce qui a trait à la psychologie de ses rapports avec les autres, sa timidité, son manque d’assurance que seul l’alcool soulage, ses pulsions auxquelles il ne sait résister, ses rapports avec sa famille, son frère, ses grands-parents et à la fin de ce volet, ce père qui lui aura pourri la vie mais dont il pleurera à chaudes larmes le décès et nous vaudra de belles pages. L’écriture est très détaillée, minutieuse, c’est pour cela que c’est si long, pourtant il n’y a pas de digressions dans le sens péjoratif du mot.
J’ai déjà dit cent fois ici que je détestais les gros romans, Karl Ove Knausgaard me fait mentir à chaque fois, et à chaque fois je ne sais pas vraiment pourquoi, donc il m’est impossible de vous conseiller réellement cette œuvre. Tout ce que je peux dire c’est que j’adore et que j’ai hâte – l’an prochain pour l’édition poche – d’en voir le bout !
« Ecrire n’avait rien de honteux, au contraire, c’était le nec plus ultra à la faculté de littérature, mais il ne fallait pas s’en vanter car presque tout le monde écrivait, et tant que ça n’avait pas été publié dans une revue ou, ô bonheur, une maison d’édition, ce n’était fondamentalement rien, ça n’existait pas, et à le montrer mal à propos on perdait la face, on indiquait qu’au fond on souhaitait être ailleurs, qu’on avait un rêve qui, et c’était là le point essentiel, ne se réaliserait probablement jamais. Ce que les étudiants en littérature écrivaient était destiné à rester dans les tiroirs, jusqu’à preuve du contraire. Pour moi, la situation était un peu différente car mon passage par l’Académie d’écriture me donnait le « droit » d’écrire, mais si je montrais mes textes et qu’ils étaient mauvais, je perdrais aussitôt toute crédibilité. »
Karl Ove Knausgaard Comme il pleut sur la ville Folio – 767 pages –
Traduit du norvégien par Marie-Pierre Fiquet
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