Le grand dilemme des livres à conserver ou à donner
30/10/2021
Dans un billet précédent j’ai longuement pleuré sur l’obligation par manque de place de faire du nettoyage dans ma bibliothèque. Un millier d’ouvrages devaient déguerpir pour laisser les autres, tout aussi nombreux, respirer un peu.
Il fallait donc faire des choix douloureux, celui-ci je le garde, celui-là je m’en sépare. Avant de me lancer dans ce tri, tout me semblait simple, tous les grands classiques de la littérature mondiale garderaient leur place au chaud chez moi : Alexandre Dumas, Jules Verne, Balzac, pour ne citer que quelques-uns des nôtres pas avare de production, on leur ajoutera les Russes, Dostoïevski, Gogol, Tourgueniev par exemple, des Américains aussi comme tous mes Philip Roth, Jim Harrison… et des Japonais comme Mishima, Tanizaki et autres du même calibre. Bien sûr il y a d’autres nations et pleins d’autres écrivains, donc une palanquée de bouquins à conserver, indubitablement.
Jusque là tout était sous contrôle. C’est après que ça a commencé à déraper, sans aucune logique objective et sans qu’aujourd’hui que les dés ont été jetés, j’en comprenne mes choix. Je n’ai pas de regrets, mais je n’ai rien compris à ce qui s’est passé.
Je ne vais retenir qu’un seul exemple, le plus caractéristique peut-être. J’ai donné tous mes polars de Ed McBain mais j’ai conservé farouchement ( !) mes trois Roger L. Simon (Le Canard laqué, Le Grand soir, Cul-sec) dans leur édition originale et colorée des années 70 chez Alta éditions.
Et là, j’ai compris. En théorie – le pays où la vie est facile – je devais conserver les bons romans des bons écrivains, et inversement me débarrasser des mauvais livres ou des bouquins quelconques. J’avais oublié un critère, le facteur X : un livre, ce n’est pas que le plaisir qu’on en retire à sa lecture, ce sont aussi tous les évènements extérieurs, à priori sans rapport, qui nous ont fait aimer ces livres. Entrent alors en jeu, les souvenirs qui s’y rattachent. Pourquoi avais-je acheté ce livre ? Qui me l’avait conseillé ? A quel intérêt d’alors me liait-il ? Des évènements intimes dont on ne mesure pas l’importance au moment où on lit ces ouvrages mais quand cinquante ans plus tard on les ravive, je vous garantis que la qualité intrinsèque du bouquin a beaucoup moins de poids dans votre choix de conservation ou de séparation !
J’ai désormais l’esprit tranquille, je sais que ceux qui sont partis devaient partir et que ceux qui sont restés le sont pour de bonnes raisons : soit grâce à leur qualité littéraire, soit par la trace intime toute personnelle qui me relie à eux. Le groupe s’est rétréci, ne reste que la famille, l’essentiel.
10 commentaires
J'ai enfin compris, à ire la fin du billet, pourquoi certains trucs de faible valeur littéraire restent sur mes étagères;..
Grâce au tri fait dans ma bibliothèque j’ai appris deux choses essentielles : le première, que nos livres ont une valeur ajoutée par les souvenirs qui s’y rattachent et la seconde…. Qui fera l’objet de mon billet du week-end prochain !
Une opération de nettoyage beaucoup plus riche que prévue, donc.
Bonjour Monsieur le bouquineur,
Je dois avoir autant de livres que vous, mais je me suis permis de récupérer quelques échantillons de votre récent désherbage, en passant inopinément devant chez vous: Verne, Lagerkvist, Barjavel, Van Gulik, etc.
Je découvre votre blog: bravo! Heureux de voir qu'il y a encore de grands lecteurs dans les environs...
Bien à vous,
TL
Heureux d’avoir fait plaisir et j’espère vous retrouver dans ces pages prochainement…. ?
Dilemme: où donner ses livres? Un revendeur en propose 1€ au kilo, bof! Donc direction une boîte à livres où je récupère des Ed McBain publiés en 1989, des Simenon en poche des années 70-80. Bilan je reviens chez moi avec de nouveaux bouquins!
Il faut exclure toute idée de gain avec la revente de livres, les prix proposés sont trop anecdotiques. Pour les petites quantités, les boites à livres, c’est bien. Pour des quantités plus importantes, si on peut se déplacer, il y a Emaüs … dans les deux cas, ça fera des heureux chez ceux qui n’ont pas les moyens d’en acheter.
Moi aussi je fréquente boîtes à livres, brocantes etc. pour acheter trois sous, des vieux romans. J’aime bien fouiner dans les cartons et les rayonnages poussiéreux, espérant naïvement tomber sur une pépite…
J'ai de la place, je garde tout! Sauf les doubles que je mets dans des boites à livres :-)
Tant mieux ! Mais viendra pourtant un moment où la place finira par manquer… pour l’instant profite !
Ah, voilà donc LE secret !! Je suis sans doute un peu comme toi, puisque j'ai par exemple du mal à me débarrasser des livres que l'on m'a offert (quoique... cela dépend qui !). Philippe Jaenada a expliqué exactement la même chose que toi dans une interview (sur France Culture je crois ?). Bon, lui est un peu extrême parce qu'il garde TOUS ses livres, mais c'est parce qu'à chacun, est lié un souvenir particulier...
J’aurais bien aimé garder tous mes livres ! Quand mon père est décédé il y avait chez lui mes livres d’enfant ou de pré-ado, j’aurais voulu les récupérer tous… mais quand la place manque, il faut faire un tri.
Un tri qui m’a enseigné un second et dernier secret dont je parlerai le week-end prochain.
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