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Yann Queffélec : Le Charme noir

yann queffélec, Yann Queffélec (de son vrai prénom Jean-Marie), né à Paris en 1949, est un écrivain français. Il est le fils de l'écrivain Henri Queffélec, le frère de la pianiste Anne Queffélec et du mathématicien Hervé Queffélec. Il a été marié à la pianiste Brigitte Engerer avec laquelle il a eu une fille, Léonore (1985). Amoureux de la mer et de sa Bretagne, il a pu naviguer avec Eric Tabarly. Il n'entame véritablement sa carrière d'écrivain qu'en publiant à 32 ans une biographie de Béla Bartók et quatre ans plus tard, il reçoit le prix Goncourt pour son roman Les Noces barbares. Il est l'auteur de nombreux romans et d'un recueil de poèmes. Le Charme noir, son premier roman, est paru en 1983.

C’est l’histoire d’un mec. Marc. Enfant, il n’a pour ainsi dire pas connu sa mère partie vivre sa vie ailleurs. Plus tard un de ses frères se suicidera, et entre son père pharmacien et son autre frangin, l’embryon de famille ne lui voue pas un grand amour. Il faut aussi reconnaitre, qu’il n’y met pas du sien, quand il ne court pas la gueuse ou ne biberonne pas ses pastis, il passe ses journées à glander. Envoyé en Algérie, pendant la guerre du même nom, il va en baver des ronds de chapeau et quand il reviendra en France, c’est une Sylvia qui va beaucoup souffrir d’avoir eu le malheur de le rencontrer.

Disons le tout net, Marc, le héros de ce roman est du genre sale mec ! Un personnage assez épouvantable dont je n’ai pas réussi à isoler la moindre qualité qui pourrait sauver son personnage. Du coup j’ai passé tout mon temps de lecture à trépigner d’agacement devant ses faits et gestes.

Le roman est en trois parties. La première revient sur son enfance et adolescence dans l’Eure, dressant le portrait de l’homme en devenir : l’alcool et les femmes pour l’action, le glandage pour occuper ses temps libres. Ambiance. La seconde partie est très dure. La guerre d’Algérie avec tout ce que cela induit, la guerre sale par excellence, tortures, viols, humiliation des populations par les soldats, humiliation des soldats par leurs officiers. Dans la troisième section, vingt ans après son retour d’Afrique du nord, Marc croise le chemin de Sylvia laquelle va entretenir avec lui des rapports tenant du sadomasochisme, traitée comme une moins que rien, il vit à ses crochets comme un vulgaire gigolo tandis qu’elle s’accroche néanmoins à lui par amour… le cœur a ses raisons que la raison ignore comme dit l’autre.

Un roman avec un héros particulièrement détestable mais un bon roman pour deux raisons : il est très bien écrit, un peu à l’ancienne, avec des néologismes euphoniquement très réussis et du vocabulaire d’époque, mais surtout il fait réagir le lecteur tant il est dur et révoltant, or n’est-ce pas là le but de la littérature ?

 

« Il portait une gourmette : Gérald. Un prénom mou comme sa lèvre inférieure. A la naissance on vous enregistrait, à l’école on vous enregistrait, à l’église on vous enregistrait, à l’armée on vous enregistrait, vivre c’était signer, coucher son nom partout, sous des visas, sous des tampons, alors basta, pas de gourmette, une identité de papier ça suffisait, nul besoin de la couler dans l’argent massif. »

 

yann queffélec, Yann Queffélec  Le Charme noir  Gallimard – 272 pages -

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08/06/2017 | Lien permanent

Marie-Hélène Lafon : Joseph

Marie-Hélène LafonMarie-Hélène Lafon, née en 1962 à Aurillac (Cantal), est un écrivain français. Son premier roman, Le soir du chien, est récompensé par le Prix Renaudot des lycéens en 2001. Elle vit et enseigne les lettres classiques à Paris. Son dernier roman, Joseph, vient de paraître.

Roman rural, Joseph est le portrait d’un ouvrier agricole du Cantal, un monde que connait bien l’auteure puisque Marie-Hélène Lafon vient d’une famille d’origine paysanne de ce département. Joseph approche la soixantaine, il est solitaire depuis que sa famille a éclaté, le père décédé d’avoir trop tété la bouteille, le frère parti à la ville s’établir dans le commerce, la ferme quittée, la mère relogée dans un petit appartement, il s’est mis au service d’une ferme d’élevage de vaches laitières. Lui aussi a connu – durant un temps - la chute dans l’alcool par hérédité, à moins que ce ne soit par chagrin d’amour quand Sylvie l’a quitté pour un représentant de commerce.

L’auteure dépeint très bien la vie dans nos campagnes, des petites vies que les jeunes rejettent, attirés par les lumières de la ville et des tâches moins épuisantes que la traite aux aurores. Joseph ne parle pas beaucoup, il écoute et regarde, passant presque inaperçu dans la maison de ses patrons où il a une petite chambre, et trois fois rien d’affaires rangées dans une valise. Joseph est une ombre, une ombre qui ne passe pas mais qui reste, fidèle au poste. Dernier mohican, ou survivant d’une race en voie d’extinction.

Je me dois d’être franc, c’est gentiment ennuyeux même si c’est joliment écrit. Pour une raison toute simple, tout est trop convenu, trop « déjà lu » mille fois. Marie-Hélène Lafon écrit pour elle, couche sur le papier un monde qu’elle a connu et que je l’imagine ne pas vouloir voir disparaitre des mémoires. Son but est louable, mais moi en tant que lecteur qu’est-ce que j’en retire ? La France paysanne n’existe plus depuis longtemps et ce n’est pas en alimentant l’idée fantasmée de ce passé qui changera quoi que ce soit. De nombreux livres ont déjà été écrits sur le sujet, ils sont souvent très émouvants, comme celui-ci d’ailleurs, mais ça n’en fait qu’un de plus. Un court roman qui ne nous emmène guère loin, si ce n’est dans un cul-de-sac, comme certains chemins creux de campagne.

 

« Joseph savait que la patronne était fille unique et de neuf ans plus jeune que le patron, née là, dans la maison, dans la grande chambre du bas où tout le mur du fond était en boiseries claires. Joseph le voyait sans regarder quand il passait devant la fenêtre de la cour qui était ouverte chaque jour pour aérer. A force de travailler chez les autres, il avait des points de comparaison ; il pensait que cette femme et cet homme avaient fait et faisaient encore bon ménage, il le comprenait à des façons, à des détails ; la patronne, qui avait les manières et la voix sèches, n’oubliait jamais les trois sucres dans le bol pour le café du matin qu’ils prenaient, le patron et lui, avant de descendre à l’étable préparer la traite ; »

 

Marie-Hélène LafonMarie-Hélène Lafon  Joseph  Buchet-Chastel – 140 pages –

 

 

 

 

 

 

 

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Yves Bichet : L’Homme qui marche

Yves BichetYves Bichet, né en 1951 à Bourgoin-Jallieu (Isère), est un écrivain français au trajet singulier. Salarié agricole pendant neuf ans, puis artisan du bâtiment, il se consacre désormais totalement à l’écriture. Son premier roman, La Part animale (1994), a été adapté au cinéma par Sébastien Jaudeau avec Niels Arestrup comme acteur principal. Son dernier opus, L’Homme qui marche, est paru cette année.

Robert Coublevie marche. Il marche sans arrêt, accompagné de sa chienne Elia, depuis que sa femme Elia (oui, le même nom !) l’a quitté il y a cinq ans, sur la ligne frontalière entre la France et l’Italie, dans les Alpes du côté de Briançon. Dans ces montagnes le chemineau croise son copain Jean, un ex-chartreux italien, ils discutent de choses et d’autres et se séparent jusqu’à la prochaine. Quand Robert redescend en ville, il va au Café du Nord boire un blanc limé. Derrière le comptoir, Sylvain Taliano le patron et Mounir le serveur maghrébin. Dans une minuscule pièce au-dessus, Camille, seize ans, fille de Sylvain, épie la salle par un judas. Elle porte en elle une lourde blessure secrète qu’elle finira par confier à Robert, l’entraînant dans une aventure sans issue passant par le cadavre d’Yves Tissot qui fera de Robert un suspect parfait pour cet éventuel meurtre, sachant qu’il avait un bon mobile, Tissot aurait couché avec Elia, sa femme qu’on croyait partie.

Roman court, et original non pour son scénario mais pour le ton et l’écriture d’Yves Bichet, nimbant le livre d’une ambiance doucement mélancolique. L’écrivain s’exprime par ellipses, petits mots pour petites phrases timidement enfilées, images délicates qu’une vulgarité esquissée vient troubler parfois incongrument. Robert ne comprend pas trop le monde et le répète à l’envi, préférant fuir vers la solitude des sommets rocailleux, s’émerveillant d’une fleur sauvage ou d’une marmotte, se contentant de la présence à dose homéopathique de son copain Jean. Et ce n’est pas la révélation de Camille qui va arranger ses bidons, « la compassion scandaleuse » de la victime pour son violeur n’est pas faite pour faciliter la compréhension de Robert.

Un dicton veut que ce soient les meilleurs qui partent les premiers, le pauvre Robert, garçon simple et épris de liberté en fera le triste constat après un coup du sort funeste, « privé de mes montagnes, je ne pouvais espérer vivre comme avant » et s’offrira en victime expiatoire. Comme un saint.

 

« Elle glisse le long du mur. Je voudrais dire quelque chose de gentil mais, non, ça sert à rien de réagir. Bilan des corps et des dépouilles, ma Camille, bilan des vies gâchées. Cette fois-ci, vois-tu, on implore tous ta clémence, on voudrait vraiment que tu oublies. Je suis un homme comme les autres et je rêverais que tu pardonnes aux hommes. Pardonne ma Camille… Elle ne répond pas. Je lui dis qu’on s’excuse tous de lui demander pardon… Ca la fait sourire. (…) Elle chuchote encore un truc, qui me vrille, moi, Coublevie, simple chemineau des frontières qui ne comprend rien à la marche du monde. »

 

Yves BichetYves Bichet  L’Homme qui marche  Mercure de France – 174 pages –

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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14/08/2014 | Lien permanent

Sarah Dars : Coup bas à Hyderâbâd

Sarah Dars, Robert van Gulik Sarah Dars, fille du résistant juif Max Guedj, seul pilote de chasse de la France Libre ayant survécu à la bataille d'Angleterre est une universitaire et romancière contemporaine française, spécialiste de l’Inde, également auteur de romans policiers ethnographiques. Après des études de lettres puis de langues et civilisations orientales (hébreu, grec, russe, mongol) elle voyage en ex-Union soviétique et en Mongolie,  avant de publier un premier livre en 1979. Professeur de français, elle part ensuite pour le Koweït. Pendant cette période, elle voyage en Irak, en Iran, en Afghanistan, au Pakistan et en Inde. Après la découverte de l'Inde, elle ne cesse de sillonner ce pays et peu à peu, ses séjours touristiques alternent avec de véritables séjours pour y étudier sanskrit, philosophie, religion, mythologies…

 Coup bas à Hyderâbâd, paru en 2000, est le second roman d’un cycle de polars se déroulant dans le sud de l’Inde avec Doc en héros récurrent.

Doc n'est pas détective de métier. Ce brahmane, amateur de musique indienne et passionné d'arts martiaux (le kalaripayatt, art martial du Kerala, pratiqué avec un couteau, un sabre ou un bâton) exerce à Madras la profession de médecin. Lorsqu'il arrive à Hyderâbâd en compagnie de son ami Arjun, la mort d'un imam à la mosquée le conduit à poser quelques questions sur les agissements de la mafia dans la région après que Barani, un ami homme d’affaires, ne l’incite à enquêter.

Dès les premières pages on ne peut s’interdire de penser aux romans de Robert van Gulik (1910-1967) et son célèbre Juge Ti même si lui enquêtait en Chine. Nous sommes dans le même registre de polars ethniques – mais en moins bien il faut le reconnaitre. L’intrigue est plutôt faiblarde et je n’ai pas l’impression que ce soit la priorité de Sarah Dars. C’est aussi pourquoi il faudra (éventuellement ?) lire ce bouquin au second degré, comme un gentil pastiche de l’écrivain précité.

Livre mineur mais qui offre un intéressant et instructif voyage en Inde à la découverte de ses modes de vie, sa gastronomie, ses modes, religions, langues, us et coutumes. J’ai aussi noté, en début d’ouvrage cette phrase aguichante : «Toute ressemblance avec des personnages ou des lieux existants est purement intentionnelle » mais qui m’a laissé sur ma faim car je n’ai rien reconnu ; et à la fin du roman, un glossaire, mais pourquoi certains mots lus dans le texte n’y figurent pas ?

 

« - Aucun Indien vraiment moderne ne s’amuserait plus à défendre les privilèges de castes. Les règles de pureté ou d’évitement, les rituels, sont appelés à disparaître ou à évoluer. Comme le dit un de mes amis, qui publie un journal satirique à Madras, les gens doivent travailler, voyager, manger ensemble. Les vieux tabous n’ont plus leur place dans le contexte social actuel. »

 

 

Sarah Dars, Robert van Gulik Sarah Dars  Coup bas à Hyderâbâd  Picquier poche  - 218 pages –

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17/11/2016 | Lien permanent

Laurent Guillaume : Delta Charlie Delta

laurent guillaumeLaurent Guillaume, né en 1967 à Mont-Saint-Martin en Meurthe-et-Moselle, est un écrivain français de romans policiers. Après une enfance passée dans la région genevoise, il se rend à Lyon pour y suivre des études de droit qui l'amènent, en 1993, à l'école de police de laquelle il sort avec le grade de lieutenant de police. Pour sa première affectation, il est nommé commandant d'une unité mobile de sécurité dans le Val de Marne, spécialisée dans l’anti-criminalité et les violences urbaines. Après quelques années aux stups en tant que chef de groupe, il part au Mali en 2007, dans le cadre de la coopération, comme conseiller du directeur général de la police local pour les affaires de lutte contre le trafic de stupéfiants. Revenu en 2011 à Annecy, il est affecté à la brigade financière. En 2012, il quitte la police pour se consacrer à l’écriture de romans policiers et de scénarios. Delta Charlie Delta, son septième roman paru en 2015, vient d’être réédité en poche.

« Une jeune femme violée, mutilée et laissée pour morte dans un parking désaffecté, un drogué qui se serait suicidé, des dealers assassinés... Réunis par les circonstances et un même sentiment de solitude, le major Mako de la BAC de nuit et la capitaine Marie Auger de la PJ décident de faire alliance. »

Le type même du bouquin dont il n’y a rien à dire ! L’intrigue est franchement quelconque, même si j’ajoute au résumé ci-dessus qu’il sera question de snuff movies. Rien à dire de ce roman car il se lit, l’écriture ne manque pas de rythme et de précision ; l’auteur n’a pas à rougir de son livre, ni le lecteur de s’y être engagé, mais chacun se séparera sans regrets ni envie de se revoir quand le polar s’achève.

En tant que lecteur, l’intrigue a défilé sous mes yeux sans que je m’y intéresse particulièrement, tant les personnages en sont caricaturaux (bons et méchants), par manque de temps forts ou de rebondissements. Quant à l’épilogue où les flics font eux-mêmes la justice…

J’arrête là avant que je ne m’énerve.

 

« - Qu’est-ce qui t’arrive, fils ? Je ne t’ai jamais vu comme ça. Et ne me dis pas que c’est le spectacle d’une vieille carne agonisante qui te met dans cet état. Mako sourit faiblement. Il prit une inspiration. – C’est juste que je ne me sens plus à ma place… dans la boîte. J’ai l’impression qu’on me tolère tout juste, comme si j’étais une relique, l’horrible vase de tante Yvonne qu’on ne balance pas parce qu’il a toujours été là, mais dont on attend secrètement qu’un gosse le fasse tomber, le réduise en miettes pour pouvoir le balancer à la poubelle, soulagé. »

 

 

laurent guillaumeLaurent Guillaume  Delta Charlie Delta  Folio – 299 pages –

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08/11/2016 | Lien permanent

Denis Tillinac : Retiens ma nuit

denis tillinacDenis Tillinac, né en 1947 à Paris, est un écrivain, éditeur et journaliste français. Diplômé de l'Institut d'études politiques de Bordeaux, il a travaillé comme journaliste à La Montagne, en Corrèze, à Figaro Madame et à La Dépêche du Midi, dans les années 1970. Il a dirigé la maison d'édition La Table Ronde de 1992 à 2007. Auteur d’une quarantaine de livres, Retiens ma nuit, est son dernier roman.

François est médecin de campagne, Hélène trompe son ennui en travaillant dans une galerie d’art de Blois, tous deux sont mariés chacun de leur côté, des enfants adultes vivant leur vie ailleurs. Ils ont atteint la soixantaine, l’âge où certains pensent que tout est dit et qu’il est trop tard pour retenir les dés jetés. François et Hélène, eux, découvrent le grand amour.

Denis Tillinac continue de creuser son sillon habituel, la nostalgie et son amour de la France. La nostalgie, ce sont les souvenirs de jeunesse des années soixante, les scènes de familles et le temps des études, les premières amours. L’amour de la France, ce sont les descriptions des petites villes de province, les rappels historiques, les (trop) nombreux noms de bleds typiquement provinciaux autour de Blois ou de Toulouse.

Dans ce décor vieillot, l’écrivain tente de nous intéresser aux amours pures et romantiques de deux amants plus très jeunes qui après avoir vécu des vies faites de faux-semblants, prennent conscience qu’il ne reste plus qu’une cartouche dans le fusil et que ce dernier coup ne doit pas être raté. Il y a quelques belles pages, l’écriture est soignée mais souvent trop appuyée, ce qui gâte le plaisir. Quant aux amours de François et Hélène, dignes des romans d’amour courtois remis aux goûts du jour, on peine à les suivre quand on lit des extravagances comme : « Je n’ai pensé qu’à toi, je n’ai rêvé qu’à toi. Je suis même allée à la messe de minuit à la basilique de la Trinité pour être encore plus près de toi. Il y a Dieu, et toi, ça se confond. »

Ces différents défauts empêchent la mayonnaise de prendre et cela est dommage, car ce charmant roman (un autre jour, moins bien luné, j’aurais dit « nunuche ») reste mineur. Reste le message, il n’y a pas d’âge pour s’aimer… charmant lui aussi !

 

« Pour moi, pour elle, c’était d’avantage qu’un plaisir, mais comment décrire les préludes flous de sentiments qui n’osaient pas encore se hausser du col. Entre une amitié au bord de la tendresse et l’amour enluminé d’une majuscule comme sur les manuscrits du Moyen Âge, il manque un chapelet de mots de coloriste ou d’herboriste qui sauraient peindre l’aube embrumée d’émois à l’état de pressentiments, légers et versatiles jusqu’à l’évanescence. Les miroitements du soleil sur le fleuve levaient en moi une houle d’attendrissements auxquels s’associait l’image d’Hélène, comme par inadvertance. Décidément, cette femme me plaisait. »

 

 

denis tillinacDenis Tillinac   Retiens ma nuit  Plon  - 169 pages – Parution prévue le 27 août 2015

 

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30/07/2015 | Lien permanent

Jean-Paul Didierlaurent : Le Liseur du 6h27

jean-paul didierlaurentJean-Paul Didierlaurent est un écrivain français né en 1962 à la Bresse dans le département des Vosges. Après des études à Nancy (D.U.T de publicité), il travaille quelques temps à Paris avant de retourner dans les Vosges. Il découvre le monde de la nouvelle en 1997 avec déjà un premier prix. Son premier roman, paru en 2014, Le Liseur du 6h27, a rencontré immédiatement un franc succès.

Guylain Vignolles (vilain guignol, disent les mauvaises langues) est un employé plutôt discret, chargé du fonctionnement d’une broyeuse au sein d’une entreprise de destruction des livres invendus. Un boulot pratiqué à contrecœur, mais il faut bien vivre, entre le désespoir de voir mourir tous ces livres, son patron le gros Kowalski toujours sur son dos et ne raisonnant qu’en termes de résultats ou son adjoint exaspérant, le grand Brunner. Et puis cette machine, La Chose, comme il la nomme, une bête à la voracité insoupçonnée et mystérieuse autant que dangereuse, régulièrement on découvre des cadavres de rats au sein de ses entrailles sans compter que dans le passé, elle a arraché les deux jambes de son ami Giuseppe Carminetti, désormais invalide. Pour se sortir de ce quotidien terne, Guylain s’est trouvé une échappatoire, tous les matins dans le wagon du RER, il lit à haute voix pour les passagers, des feuillets récupérés intactes du pilon.

Quel joli petit livre ! Tout y est charmant, je crois que c’est le mot qui résume le mieux cet ouvrage. C’est joliment écrit, d’une écriture douce sans être molle qui laisse supposer que l’écrivain serait incapable de dire du mal des gens ou du monde dans lequel évoluent ses personnages, mêmes les « méchants » sont présentés comme de pauvres êtres finalement risibles.

Le roman raconte une double quête. Guylain tombé amoureux et partant à la recherche d’une inconnue rencontrée par le biais d’une clé USB trouvée dans le RER, contenant des textes, sorte de journal où elle narre ses journées de dame-pipi dans un centre commercial (talent de l’écrivain pour rendre jubilant des passages scatologiques). Autre recherche, celle de Giuseppe, pour ses deux jambes perdues, dont je ne vous dirai rien car elle relève du grand art de l’imagination narrative de l’écrivain.

Ce roman est un petit bijou d’humour tendre et délicat, sans message ou interrogations existentielles ; une gentille histoire pleine de poésie, un délicieux roman.

 

« Non, tout ne va pas si bien que ça, eut envie de rétorquer Guylain. J’attends le retour d’un père mort depuis vingt-huit ans, ma mère me croit cadre dans une société d’édition. Tous les soirs, je raconte ma journée à un poisson, mon boulot me dégoûte à tel point qu’il m’arrive de dégueuler tripes et boyaux, et enfin pour couronner le tout, je suis en train de tomber sous le charme d’une fille que je n’ai jamais vue. En résumé, donc, pas de problème, sauf que je suis quand même dans tous les domaines un petit peu « à la limite inférieure de la courbe », si vous voyez ce que je veux dire. »

 

 

jean-paul didierlaurentJean-Paul Didierlaurent  Le Liseur du 6h27  Au Diable Vauvert – 218 pages –

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Jacques A. Bertrand : Biographies non autorisées

jacques andré bertrandJacques-André Bertrand est un écrivain français né en 1946. Arès avoir passé son baccalauréat (philosophie) il entre à l'École supérieure de journalisme de Lille et devient ensuite journaliste professionnel pendant une douzaine d'années, avant d'écrire et de publier des livres. En 2015, il reçoit le Prix Alexandre-Vialatte pour Brève Histoire des choses  et l'ensemble de son œuvre. Ces Biographies non autorisées sont parues il y a peu.

Un petit bouquin difficile à cerner avec précision puisqu’il ne s’agit pas de biographies à proprement parler, ni d’un essai, ni de nouvelles et encore moins d’un roman, pourtant il y a un peu de tout cela là-dedans, nous dirons donc que ce sont des chroniques. Dix-neuf exactement, pourquoi pas vingt pour faire un compte rond ? Nous ne savons pas, mais qu’importe, ça colle avec l’esprit alambiqué de l’auteur.  

Un bouquin qui s’explique par ce qu’il n’est pas : Ce ne sont pas des biographies dans le sens où on l’entend d’ordinaire, la preuve avec celle de la « mélancolie », de la « cellule », du « destin »… pour n’en citer que trois ; ce n’est pas un essai car nous n’y trouverons pas la rigueur ou le développement intellectuel que cela nécessiterait ; ce ne sont ni nouvelles ni roman, non plus. Pourtant on y trouve des versions personnelles sur la vie et la mort de Dieu, ou de Lucifer. Ici et là émergent des réflexions philosophiques – modestes – ou des dénonciations (les gens nuisibles, les intégristes…) et en creux un portrait de l’auteur.

Ce qui est certain et avéré par contre, c’est que le lecteur retrouvera ici ce qui caractérise l’œuvre de Jacques A. Bertrand, un sens aigu de l’observation du genre humain, un don certain pour l’écriture et un sens de l’humour dont il ne se départit jamais.

Pour autant, ce talent paraît ici un peu gâché par beaucoup de n’importe quoi, porté certes par une plume alerte, une pensée souriante, cultivée et galopante de l’écrivain mais qui ne nous donne en fin de compte qu’un gentil petit ouvrage, très plaisant à lire mais franchement dispensable aussi. Les dix-neuf chapitres vivant indépendamment les uns des autres, faites un essai en picorant au hasard en librairie, l’un ou l’autre, avant de vous engager… si affinités.

 

« Cependant il faut bien reconnaître qu’il se fabrique beaucoup trop d’enfants. Si au moins la Terre était plate, ainsi que le pensèrent nos ancêtres, et si l’Anglais Newton n’avait pas inventé la gravitation, le surplus, poussé vers les bords, basculerait dans le vide… La vision d’individus tentant de s’accrocher à quelques arbustes au bord de l’abîme aurait pu inspirer à Hieronymus Bosch un de ses meilleurs tableaux. »

 

 

jacques andré bertrandJacques A. Bertrand  Biographies non autorisées  Julliard – 147 pages –

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Hannelore Cayre : La Daronne

Hannelore CayreHannelore Cayre est une romancière, scénariste et réalisatrice française, née en 1963 à Neuilly-sur-Seine. Elle est également avocate à la cour d'appel de Paris en tant que pénaliste et collabore à la Revue XXI. La Daronne, son cinquième roman, est sorti au printemps.

Patience Portefeux, la cinquantaine, est veuve avec deux filles et une vieille mère au bout du rouleau en maison de retraite coûtant bonbon. Bilingue, français-arabe, Patience est interprète judiciaire dans les enquêtes des stups et du grand banditisme. Un jour, après avoir fait le bilan de sa vie et constaté qu’un surplus d’argent ne nuirait pas au bonheur de sa famille, elle décide de profiter de son avantage, en tant qu’interprète elle est informée des trafics de drogue avant même la police, pour se lancer dans ce business et devenir la Daronne…

Une gentille intrigue - non exempte d’invraisemblances – sur laquelle je n’insisterai pas, vous en laissant la découverte. J’insisterai plus sur l’écriture, alerte et sûre, sans fioritures et très documentée. Hannelore Cayre sait tout des petits trafiquants de drogue, leurs combines comme leur langage. On se laisse facilement embarquer dans cette histoire car elle ne manque pas d’humour non plus, qu’il soit discret le plus souvent ou farfelu (l’urne funéraire répandue dans le magasin des Galeries Lafayette pour respecter la volonté de sa défunte mère !).

Parallèlement à ce monde policier et judiciaire dont elle soulève certaines contradictions, l’écrivain aborde aussi le problème des vieillards dans les maisons de retraites médicalisées. Les souffrances des parents âgés, celles de leur famille, le boulot des personnels soignants et ça nous donne quelques belles pages assez touchantes.

Pour résumer, un roman noir plutôt réussi mais qui ne déclenche pas chez moi un enthousiasme outre mesure. J’en ai aimé le ton mais le bouquin me semble hésiter ou balancer entre deux genres, la comédie (pour le ton) et le vrai roman noir ou polar (pour certaines précisions techniques). Il s’en sort néanmoins avec une note honorable car Hannelore Cayre, fine mouche, nous la joue courte.    

 

« Sinon, j’étais payée au noir par le ministère qui m’employait et ne déclarait aucun impôt. Un vrai karma, décidément. C’est d’ailleurs assez effrayant quand on y pense, que les traducteurs sur lesquels repose la sécurité nationale, ceux-là mêmes qui traduisent en direct les complots fomentés par les islamistes de cave et de garage, soient des travailleurs clandestins sans sécu ni retraite. Franchement, comme incorruptibilité on fait mieux, non ? Enfin, moi qui suis corrompue, je trouve ça carrément flippant. »

 

Hannelore CayreHannelore Cayre  La Daronne  Editions Métailié – 172 pages –

 

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Louis Forton à Marly-le-Roi

Alors que j’entame la rédaction de ce billet, vous ne le voyez pas mais je souris, car j’imagine que vous êtes nombreux à ne pas savoir qui est Louis Forton et plus encore à n’en avoir que faire. Tant pis pour ceux-là mais que les curieux me suivent…

Louis FortonLouis Alphonse Forton, né en 1879 à Sées (Orne) et mort le 15 février 1934 à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines aujourd’hui), est un scénariste et dessinateur de bandes dessinées français. Son père, Albert, était piqueur d’attelage, ce qui explique certainement que Louis avant d’être dessinateur ait été garçon d’écurie puis palefrenier. En tout cas il était très jeune encore quand le père installa sa famille au hameau de Saint-Fiacre (aujourd’hui 50 avenue de l’Abreuvoir à Marly-le-Roi dans les Yvelines).

En 1904 il est recruté par les frères Offenstadt, propriétaires de la Société parisienne d’Edition, en tant que dessinateur et collabore aux magazines L’Illustré puis L’Epatant. C’est dans ce dernier que Louis Forton publie dès le 4 juin 1908 les premières aventures des Pieds Nickelés.

Selon certaines sources le nom de la bande dessinée viendrait, soit de l'expression pieds nickelés signifiant « ceux qui ne sont pas portés sur le travail », soit du nom de la pièce éponyme (1895) de Tristan Bernard. L'histoire met en scène trois personnages : Croquignol (le borgne), Filochard (l’hirsute) et Ribouldingue (monocle et long pif), trois gentils filous, à la fois escrocs, hâbleurs et indolents. Il est aussi le créateur du célèbre Bibi Fricotin en 1928, repris par Pierre Lacroix après le décès de Forton. On peut noter que Forton et Lacroix se connaissaient car les parents du second tenaient une épicerie à Marly-le-Roi.

En tant que dessinateur, Louis Forton participe à la généralisation de l’emploi des phylactères ou bulles de textes dans la bande dessinée. L’artiste durant sa carrière, utilisera de nombreux pseudonymes, tels que : Piccolo, Tom Hatt, Tommy Jackson, W. Paddock… Son petit-fils Gérald Forton est devenu dessinateur comme lui.

Je connais mal Bibi Fricotin, je n’en ai que de très vagues souvenirs et sans être un grand connaisseur des Pieds-Nickelés, ce sont certainement les toutes premières bandes dessinées que j’ai lues, poussé par mes parents. J’en garde un souvenir amusé quoiqu’anecdotique…

 

Louis Forton

Louis Forton

Louis Forton

 Louis Forton

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Photos : Le Bouquineur   Sources : La Chronique de Marly (septembre 2017) – Wikipédia

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24/09/2017 | Lien permanent

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