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Philippe Djian : Dispersez-vous, ralliez-vous !
Philippe Djian est un romancier français né en 1949 à Paris. Il a longtemps été présenté comme un héritier de la Beat Generation en France. Il est notamment l'auteur en 1985 de 37°2 le matin qui lui apporta la popularité mais depuis, son style et son inspiration ont beaucoup évolué. Son nouveau roman, Dispersez-vous, ralliez-vous !, vient tout juste de paraître.
Tout commence alors que Myriam, la narratrice, est encore adolescente. Extrêmement introvertie, elle vit chez son père qui l’a élevée seul depuis que la mère les a quittés. La mort de leurs voisins fait débarquer dans le quartier un nouveau voisin, un homme d’une quarantaine d’années, Yann, qui très vite devient son premier amant. Peu après, les voici mariés et Myriam se libère de ses inhibitions de jeune fille puis accouche d’une petite Caroline, sans éprouver aucun sentiment maternel. Un jour, son frère Nathan et sa mère réapparaissent dans sa vie pour se disputer l’héritage paternel…
Ce n’est que le début d’une histoire sans grand intérêt, où entreront en scène, au fil des années qui passent, de nombreux autres personnages, tous comme cul et chemise, comme souvent dans les romans de Djian – et quand j’écris chemise, c’est parce que je suis de nature assez prude. Epoux, amants et maîtresses de tous âges, drogue, dérives et errances existentielles, problèmes familiaux, mais tout cela sonne creux, impossible de s’intéresser à cette Myriam ou à cet aréopage de bobos superficiels. En toile de fond à ce roman, un zoo sert de décor récurrent et le lecteur s’interroge, faut-il y voir une métaphore ou bien l’auteur s’est-il trompé de sujet d’étude, plaçant du mauvais côté des grilles son œil observateur ?
Une histoire nulle de sens, Djian retombe donc dans ses travers (voulus) après l’embellie inespérée de son précédent roman. Quant à l’écriture, qu’on l’apprécie ou non, elle reste là. Des phrases courtes, de plus en plus épurées semble-t-il et cette fois, l’écrivain s’attaque à une nouvelle figure de style dans son œuvre, l’ellipse. Il en use et abuse, rendant la lecture plus complexe qu’à l’accoutumée chez lui. Des raccourcis brutaux, des omissions, le lecteur doit s’accrocher pour ne comprendre réellement ce qu’il lit que plusieurs lignes ou pages plus loin. Tout le bouquin ne tient que sur cet artifice intellectuel obligeant à rester éveillé. C’est peu. Pour moi en tout cas. Le vieux rêve de Flaubert, « un livre sur rien, qui se tiendrait de lui-même par la force de son style », n’est pas encore exaucé.
Le pire dans tout cela, c’est que je ne peux pas blâmer l’écrivain, tout est de ma faute en fait. J’ai tant adoré Philippe Djian – il y a une éternité – que je saute sur ses nouveaux opus dès leur parution, complètement accro à cette drogue littéraire. Je sais par avance que je serai déçu, que je vais en souffrir, mais dès qu’elle arrive chez mon dealer le libraire, je fonce l’acheter. Le grand problème des bouquins de Philippe Djian, c’est qu’il n’y a rien à en retirer pour le lecteur : aucun plaisir de lecture, aucun enseignement sur la vie ou le monde, juste des silhouettes floues qui s’agitent vainement au fil des pages. Fait chier, merde.
Allez, je vous libère, dispersez-vous…. En courant !
« Quand il rentrait, Yann prenait Caroline dans ses bras et elle cessait de pleurer aussitôt. Il ne disait rien, mais je savais ce qu’il pensait. Il disait Myriam, tout va bien. Or je n’y arrivais pas. Quelque chose me manquait. Ce fameux instinct maternel, cette attirance naturelle que j’étais censée éprouver. Et j’étais si horrifiée, si honteuse de moi que je le cachais. C’était une vraie souffrance. Je devais me forcer avec elle, lui parler, la prendre, lui sourire quand je n’en avais pas envie, c’était épouvantable. Elle me réveillait plusieurs fois pendant la nuit, comme pour se venger. »
Philippe Djian Dispersez-vous, ralliez-vous ! Gallimard - 198 pages –
Dans ce roman, l’écrivain utilise le mot « facekini », un terme que je ne connaissais pas : il semble être apparu en Chine en 2012, emprunté de l’anglais « face » (visage) et du suffixe -kini. De plus en plus de Chinois attirés par les plages du pays arpentent désormais le sable chaud engoncés dans un accoutrement des plus déconcertants pour les vacanciers occidentaux en manque d’UV, une combinaison intégrale pour le corps complétée par un masque de protection, rebaptisé «face-kinis » par des internautes chinois et dont l’objectif est de ne pas bronzer !
07/03/2016 | Lien permanent | Commentaires (2)
Philippe Djian : Les Inéquitables
Philippe Djian est un romancier français né en 1949 à Paris. Longtemps présenté comme un héritier de la Beat Generation en France, il est notamment l'auteur en 1985 de 37°2 le matin qui lui apporta la popularité mais depuis, son style et son inspiration ont beaucoup évolué. Si chaque année Amélie Nothomb nous prépare à l’automne, Philippe Djian lui, arrive avec le printemps. Son nouveau roman, Les Inéquitables, vient de paraitre.
Une ville au bord de l’océan. Depuis l’assassinat de son mari il y a un an, Diana qui a été salement blessée, en gardant des séquelles, et son beau-frère Marc partagent la même grande maison. Marc s’est donné pour mission de veiller sur elle après plusieurs tentatives de suicide. La vie aurait pu reprendre tranquillement mais un matin sur la plage, Marc trouve plusieurs kilos de cocaïne échoués là. L’engrenage fatal se met en branle quand il propose à Joël, par ailleurs frère de Diana, de la revendre…
Si vous me lisez régulièrement, vous savez que je suis un fidèle de Philippe Djian depuis ses débuts. Cette chronique - comme toutes les autres consacrées aux romans de l’écrivain – ne sera donc pas vraiment objective et je ne ferai d’ailleurs aucun effort pour qu’elle le soit.
Après un long creux de vague, ces dernières années Philippe Djian s’améliore de livre en livre, en témoigne ce nouvel ouvrage très réussi. Un roman noir où il sera question de petit trafic de drogue impliquant Joël le frère de Diana, Serge son amant, fils du maire et proche de la police, et de jeunes voyous sans foi ni loi. Pour être franc, cet angle du roman reste assez flou, de même que nous ne saurons jamais dans quelles circonstances a été assassiné Patrick, l’époux de Diana. Dans ce décor très polar, d’autres drames vont se jouer. Joël qui travaille avec Marc à construire des bateaux va péter un câble et tuer sa femme Brigitte, Marc pour l’aider ( !) propose de faire disparaitre le corps.
L’écrivain s’attache surtout à décrire les liens (amitié, famille, sexe) entre tous les acteurs dont Marc et Diana sont le centre entourés de Joël et Brigitte sa femme en procédure de divorce, Serge qui trompe Charlotte avec Diana. Les trois femmes ont bien morflé, Diana a les jambes pleines de cicatrices handicapantes, Charlotte a eu une main arrachée autrefois et Brigitte se fait assassiner ! Et je fais l’impasse sur Denise, personnage secondaire, qui y laissera sa peau aussi…
L’écriture de Djian marie les genres : lyrique au vocabulaire choisi (un peu trop ostentatoire) pour parler des paysages, plus simple, pour ne pas dire à l’économie le reste du temps, avec des clins d’œil (comme celui à Marguerite Duras « Il dit je suis fatigué. Elle dit je vais te donner un truc pour la nuit. »). Mais le plus frappant, ce sont les ellipses, nombres d’épisodes sont abandonnés à l’imagination du lecteur ou le laissent carrément dans l’ignorance (Pourquoi et comment exactement est mort Patrick ? Un truc louche et pas honnête c’est évident, mais quoi… ?) Pour que le lecteur ne pense pas que Djian vit dans sa bulle, une phrase de-ci, de-là, prouve que l’auteur n’est pas ignorant de l’actualité et de la manière dont va notre monde.
Pour conclure sur les thèmes abordés dans le bouquin, je reprends cette phrase du roman « Ils se passèrent le joint en discutant à propos de la trahison, de l’amitié, de la vengeance, du désir. »
« Elle ne disait plus à Marc qu’elle pouvait se passer de baby-sitter car c’était en pure perte. Il n’avait plus confiance. De la fenêtre de sa chambre il la suivait à la jumelle quand elle marchait pieds nus sur le sable mouillé, encore dur, et dès qu’elle faisait le moindre faux pas, trébuchait, il se raidissait sur son siège, elle le savait, comme elle savait, sans la moindre erreur possible, quand son regard était posé sur elle, fût-ce dans son dos. Il devait penser qu’elle était folle, naturellement, bonne à enfermer. Elle se mettait à sa place, plus ou moins. En tout cas, il ne voulait plus la croire ni lui faire confiance. (…) Si je voulais recommencer, tu ne pourrais pas m’en empêcher. Personne le pourrait. »
Philippe Djian Les Inéquitables Gallimard – 166 pages –
Si le titre du roman vous semble un peu mystérieux, voici un extrait de l’entretien donné par l’écrivain au Bulletin Gallimard :
Pourquoi qualifier les protagonistes d’« Inéquitables » ?
Tout part de l’expression « commerce équitable », qui fleurit un peu partout, et du double sens du mot «commerce», relations marchandes mais aussi relations humaines, voire charnelles — on parle de « commerce avec une personne du sexe opposé ». Et je me suis dit que les relations entre mes personnages, leur commerce, donc, étaient terriblement inéquitables. Comme c’est assez général, nos relations avec les autres étant souvent inéquitables, j’ai ajouté cette majuscule pour en faire les « Inéquitables » par excellence, comme d’autres sont « Illustre » ou « Immortels ».
22/04/2019 | Lien permanent | Commentaires (2)
Paul Beatty : Slumberland
Paul Beatty, né en 1962 à Los Angeles, est un écrivain afro-américain. Diplômé d'un Master of Fine Arts du Brooklyn College en écriture créative, il a également obtenu une maîtrise en psychologie à l'université de Boston. En 1990, il est couronné Grand champion de slam du café des poètes de Nuyoricana et gagne à cette occasion un contrat d'édition pour la publication de son premier recueil de poésie, Big Bank Takes Little Banka. Slumberland, roman paru initialement en 2009, vient tout juste d’être réédité.
Si vous n’avez encore pas lu cet écrivain, il serait temps de vous y mettre. American Prophet (2013) et Moi contre les Etats-Unis d’Amérique (2015) m’ont largement convaincu du talent de Paul Beatty.
Ferguson Sowell, le narrateur afro-américain, bien qu’ayant obtenu une excellente note à l’examen d’entrée à UCLA n’est pas jugé digne de suivre les cours du programme d’aérospatiale et se voit aiguillé vers une Académie de musique. Doté d’une mémoire phonographique exceptionnelle lui « permettant de répliquer parfaitement n’importe quel morceau de musique », il créé un beat parfait (« la confluence de la mélodie et du groove qui transcende l’humeur et le temps ») mais pour qu’il soit certifié comme tel, il doit obtenir l’aval de Charles Stone (dit le Schwa), un musicien génial ayant disparu de la circulation. Un maigre indice l’envoie à Berlin, faire le DJ dans un bar, Le Slumberland, pour rechercher cet homme, cette légende. Le Berlin de l’époque de la chute du Mur…
Dès la première page – comme toujours avec l’écrivain – c’est la claque et j’ai toujours cette image qui me vient en tête, la petite plaque métallique vissée sous la fenêtre des wagons de train de mon enfance, où l’on pouvait lire cette phrase magique « E pericoloso sporgersi » avertissant du danger potentiel à ouvrir la fenêtre. Car ouvrir un bouquin de Paul Beatty, c’est comme ouvrir la fenêtre du train en marche pour y passer la tête, on en prend plein la gueule !
Des phrases comme des torrents en crue, une débauche de vocabulaire, une multitude de références culturelles touchant à tous les genres, une inventivité narrative peu banale, bref le lecteur est immédiatement happé dans l’univers délirant de l’écrivain. Soit il suit tant bien que mal, accordant sa confiance aveugle, soit il abandonne, sort du jeu… et rate un grand moment de littérature.
Je ne développe pas plus l’intrigue, elle est trop fournie, trop folle. Quelques indices néanmoins, nous sommes dans le Berlin qui va voir le Mur s’écrouler et il y a un agent de la Stasi se livrant des activités choquantes avec une poule… Chut ! Je ne vous en dis pas plus.
Toujours très drôle, maniant toutes les formes de l’humour : noir, corrosif, se moquant du politiquement correct, ça balance pas mal chez Betty, le racisme, les Juifs, les Blacks, les Allemands de l’Ouest ou de l’Est mais aussi le vivre ensemble. Et bien que le roman se déroule à Berlin, on ne peut s’empêcher de voir le narrateur comme un double de l’écrivain, le premier à la recherche du beat et du Schwa prétextes à décrire cette Amérique que peint le second : « Mais en découvrant ce beat l’autre soir (…) J’entends l’Amérique. »
Le roman est excellent, même s’il est nettement moins puissant que les deux autres mais par contre il est plus facile à lire. Et je dois préciser pour les éventuels futurs lecteurs, que baignant dans la musique (jazz, blues, funk, pop, rock …) un minimum de connaissances en la matière me semble nécessaire pour en apprécier les moindres références, allusions et piques car Paul Beatty en connait un sacré rayon !
« Slumberland. J’avais beau placer mes doigts bien serrés autour des yeux, je n’arrivais pas à voir l’intérieur du bar. Une lumière rouge vaporeuse filtrait à travers les stores en bambou toujours tirés. La vitre vibrait avec le murmure de la conversation bruyante et de la musique reggae. A en juger par le tremblement de la vitre, je supposai que a chanson était une de mes ballades préférées, « On and On » d’Aswad, une reprise profondément respectueuse du tube easy-listening de Stephen Bishop. J’entrai dans le bar. Et effectivement, c’était « On and On » qui passait ; j’étais plus que content de moi. J’avais l’impression d’être un super héros venant de découvrir ses pouvoirs. Ma capacité à identifier une chanson à la façon dont sa rythmique faisait trembler les carreaux ne sauverait pas le monde d’une invasion extraterrestre ou d’un météore fugitif, mais je pouvais envisager de remporter quelques paris dans les bistrots. »
Paul Beatty Slumberland Editions Cambourakis – 279 pages –
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nicolas Richard
« « Stolen Moment » est le titre phare d’Oliver Nelson, la chanson idéale, selon moi, pour installer une atmosphère ; c’est un standard du jazz à servir en apéritif. (…) Je sus immédiatement que « Stolen Moment » serait le morceau fétiche du Slumberland… » (p.101-102)
14/06/2017 | Lien permanent | Commentaires (2)
Où je constate que mes lectures ont évolué
Lorsque j’ai fait le grand ménage dans ma bibliothèque, un pan entier du meuble n’a pas subi le sévère dégraissage imposé au reste de mes étagères. Pour une raison bien simple, personne ne veut reprendre ce type d’ouvrages et c’est ainsi que j’ai réalisé que ces vieux livres entassés là depuis une éternité correspondait à mes lectures d’antan…
Aujourd’hui je ne lis plus que des romans, des récits de voyage ou des bouquins ayant un rapport quelconque avec les livres, les écrivains ou leur façon de travailler. Pourtant il fut un temps où j’ai largement défriché des secteurs plus diversifiés :
La philosophie et par extension les livres liés à la spiritualité ou aux grandes religions avec un attrait particulier pour les textes d’origine asiatique. Petite parenthèse, mon seul et unique regret dans cette vie, n’avoir jamais visité le Japon. Le Livre des morts Tibétain, le Yi-King, la Bible, côtoient les écrits de Juvénal ou Sénèque, les bouquins d’André Glucksmann sont bizarrement auprès des penseurs Beat comme Alan Watts mais plus logiquement à côté des livres d’Aldous Huxley, une période de ma vie où, plus jeune, les drogues et leurs effets sur le cerveau me passionnaient.
Outre ces bouquins, beaucoup de livres sur les problématiques des années 70 et 80 qui pour certaines redeviennent de saison : l’écologie et le nucléaire avec René Dumont, Edouard Bonnefous, les Amis de la Terre etc. ; le terrorisme (la Bande à Bader), le secteur médical avec des ouvrages contestataires : Les trusts du médicament de Charles Levinson (Seuil 1974) et d’autres ; le milieu carcéral et les violences policières ; le travail avec par exemple Travailler deux heures par jour du collectif Adret (Seuil 1977) et bien entendu Paul Lafargue (Le droit à la paresse). Ces piles de livres contestataires me régalaient alors, je les conserve pour me souvenir de l’époque où j’étais jeune et mettre en perspective les récriminations d’aujourd’hui qui ne sont que des resucées d’hier.
Dans un genre plus léger, j’ai aussi un placard plein de BD (Cabu, Claire Bretécher, Gotlib, toute la clique de Hara Kiri et Charlie Hebdo… et des américains).
Tous ces livres sont un pan de ma bibliothèque qui est aussi un grand pan de ma vie et des jours exquis où la curiosité intellectuelle me poussait à explorer mille pistes. Désormais, (un peu) lassé de tout cela, j’ai besoin de m’aérer la tête et les romans suffisent à mon bonheur. Etre et avoir été, un temps pour tout, blablabla…
12/02/2022 | Lien permanent | Commentaires (6)
Jim Harrison : Le Vieux saltimbanque
Jim Harrison (1937-2016), de son vrai nom James Harrison, est un écrivain américain. Il a publié plus de 25 livres, donc les renommés Légendes d'automne, Dalva, La Route du retour, De Marquette à Vera Cruz… Membre de l'Académie américaine des Arts et des Lettres, Jim Harrison a remporté la bourse Guggenheim et a déjà été traduit dans 25 langues. Le Vieux saltimbanque, paru quelques semaines avant le décès de l’écrivain en mars 2016, vient tout juste d’être traduit chez nous.
Ce dernier opus s’inscrit dans la lignée d’En marge (2003), c'est-à-dire un texte autobiographique. Il n’en est ni le prolongement, ni la suite réelle puisque certains faits se retrouvent dans l’un et l’autre ouvrage. Par contre l’écrivain adopte ici une autre forme de narration, plutôt bien vue, écrite à la troisième personne, ayant « décidé de poursuivre mes mémoires sous la forme d’une novella. » C’est d’ailleurs le principal attrait de ce livre qui nous permet de retrouver son style d’écriture tant apprécié.
Le contenu, ce sont des coups d’œil dans le rétroviseur, sans chronologie aucune, ni scoops ou révélations tardives. Nous retrouvons donc les grandes obsessions de l’américain largement distillées dans son œuvre, la bonne bouffe, les bons coups à boire, les bons coups à…. Heu.. les femmes, et puis la pêche, et l’écriture et la poésie. Le bouquin est très court, Jim Harrison ne peux donc s’attarder longtemps sur les points abordés, d’ailleurs y tient-on vraiment, puisqu’il y a beaucoup de déjà lu ou su par d’autres sources, comme les interviews ? Peut-être, quand même, aurais-je aimé plus de développements sur ses séjours en France et à Paris, ou bien quand il observe le monde littéraire de son pays ou pas (« Qui donc avait décrété que les écrivains étaient si importants pour le destin de l’humanité ? Shakespeare et quelques rares génies pouvaient revendiquer cet honneur, mais des milliers d’autres tombaient dans le vide de l’oubli. ») mais ça ne s’inscrivait pas vraiment dans son projet.
Alors à qui s’adresse ce livre ? Principalement aux amoureux du poète disparu – alors que paradoxalement il n’y a rien à y apprendre pour eux – pour retrouver une dernière fois, sa voix, sa truculente sagesse le posant pour toujours comme un homme libre, s’exonérant des diktats du monde moderne, tellement attaché à la Nature et qui déclarait dans un entretien accordé au magazine LIRE (octobre 2015) : « Mais l’épitaphe que je préfère, c’est ce vieux dicton indien : « Nous aimions la terre, mais nous n’avons pas pu rester. » »
« Il se sentit vexé mais il savait très bien que, dans leurs moments de faiblesse, les écrivains avaient toujours cherché des fondements philosophiques à leurs créations. Dans son cas, tous ces prétendus fondements étaient franchement risibles. Pareilles velléités intellectuelles étaient presque toujours le fait de l’écrivain le plus mauvais du groupe, celui qui avait le plus à gagner, un bref éclair d’immortalité illuminant « le mouvement ». Les Beats étaient différents, pensa-t-il, ils avaient vraiment de la substance, surtout en comparaison des poètes académiques dont ils se démarquaient et qui évoquaient un lopin de maïs durant une année de sécheresse. « L’écriture automatique » de Jack Kerouac fonctionnait quand on était un bon écrivain ; sinon, c’était du charabia. »
Jim Harrison Le Vieux saltimbanque Flammarion – 148 pages –
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Brice Matthieussent
09/09/2016 | Lien permanent | Commentaires (2)