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Gilbert Sinoué : Erevan

Sinoué Livre 2027446437.jpgNoé en débarquant de son arche au sommet du mont Ararat se serait exclamé Yerevants ! Ce qui signifie « c’est apparu », telle serait l’origine du mot Erevan désignant la capitale de l’Arménie. C’est aussi le titre de ce nouveau livre de Gilbert Sinoué qui a choisi le mode romanesque pour nous raconter les terribles épreuves endurées par le peuple Arménien. D’abord le « nettoyage ethnique » et les massacres de 1894-1896 perpétués par le Sultan Rouge Abdül-Hamîd II, l’Europe protestera mais n’interviendra pas, enfin et c’est le sujet de ce livre, le génocide du printemps 1915 organisé par le triumvirat qui dirigeait l’Empire Ottoman à cette époque, Enver Pacha (ministre de la Guerre), Djemal Pacha (ministre de la Marine) Talaat Pacha (ministre de l’Intérieur).

Le roman s’appuie sur des faits historiques avérés et des personnages ayant réellement existés au milieu desquels évoluela famille Tomassian.Achodqui vit en Arménie avec son père et ses enfants, sa fille Chouchane et son fils Aram à peine adolescents, tandis que l’aîné Hovanès, frère d’Achod, est député au Parlement turc. Petit à petit les décrets réduisent les droits des Arméniens, l’inquiétude fait place à la peur quand dans la nuit du 24 au 25 avril 1915 plusieurs centaines de personnalités arméniennes sont arrêtées. Quand la peur va laisser place à la terreur, le roman – qui est aussi l’Histoire – devient insoutenable, déportations massives vers le désert de Syrie, exécutions en masse au bord des chemins et actes de barbarie sauvage. Sur les 20 000 habitants d’Erzurum seuls 22 (!) échapperont aux massacres pour ne donner qu’un exemple des carnages qui au total feront 1,5 million de morts.

Le gouvernement libéral turc qui succédera au triumvirat en fuite vers l’Allemagne, décidera en 1918 de créer une commission d’enquête qui établira clairement les responsabilités des coupables, basées sur des preuves irréfutables et les principaux chefs seront condamnés par contumace. Pour autant, les gouvernements turcs successifs persistent à nier les massacres, jugés et condamnés par leurs prédécesseurs. A ce jour tous les pays, tels les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Danemark, n’ont pas reconnu le génocide.

Un livre très émouvant que j’ai lu avec un intérêt particulier, puisqu’il retrace une partie de l’Histoire mais surtout un pan de l’histoire de ma famille et de mes grands-parents paternels que j’ai à peine connus.

 

« - Tu ne comprends pas. Personne ne comprend. Vous voulez que nous partions pour nous sauver. Vous ne savez pas que dès qu’un homme abdique, dès qu’il accepte de renoncer à un grain de blé de son champ, une perle d’eau de sa rivière, un caillou de sa montagne, le jour où il revient, il ne retrouve ni son champ, ni sa rivière, ni sa montagne. Ceux qui auront pris sa place lui auront confisqué sa vie. C’est ce qui se passera si nous abandonnons cette maison. »

 

Sinoué mages.jpgGilbert Sinoué  Erevan  chez Flammarion       

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16/10/2012 | Lien permanent

Thomas Temple : Vodka on Fire

Temple Thomas Livre.jpgLes jeunes écrivains doivent se refiler mon adresse sous le manteau car ils n’hésitent plus à me contacter pour que je chronique leurs œuvres sur mon modeste blog. Je n’ai rien contre l’idée dans le principe, du moment qu’ils m’offrent leurs bouquins et que j’ai encore assez de temps pour lire des auteurs plus confirmés. Thomas Temple est de ceux-là et Vodka on Fire, une courte nouvelle dont il voudrait que je fasse une critique. 

Sur l’auteur je n’ai rien de précis à dire, car il semble vouloir garder une sorte d’anonymat (est-ce même son vrai nom ?) qui par ailleurs ne semble pas lui interdire le manque d’humilité. J’en veux pour preuve les termes avec lesquels il m’a présenté son ouvrage « Je suis simplement un jeune auteur passionné qui écrit des histoires de type thriller que l'on dit décapantes, plus noires qu'un café italien, et pleines de mystère et d'émotions. » Bigre ! Rien que ça ? On se demande pourquoi il n’est pas déjà en tête des meilleures ventes de livres de l’Express. Quoique, j’ai là-dessus un début d’explication, comme on le verra.    

On lui doit déjà Le trophée des tarentules et il nous annonce la sortie prochaine de Méfiez-vous de votre avatar.

Revenons-en à Vodka on Fire, une nouvelle présentée comme un thriller mais qui s’avère être un polar sans plus. Huis-clos dans un commissariat parisien entre l’inspecteur Duchemin et un étudiant russe Vadim Grouchev. L’inspecteur enquête sur la mort de Damien Dugout et le russe paraît être la dernière personne à l’avoir vu vivant. L’interrogatoire fera-t-il éclater la vérité ?

Première réflexion, le texte est beaucoup trop court pour qu’on s’intéresse réellement à l’histoire. L’auteur part dans un dialogue qui conviendrait à un format de roman mais qui ne peut s’adapter à celui d’une nouvelle, du coup le lecteur attend un développement qui ne viendra jamais puisque c’est déjà la fin ! C’est là le plus gros défaut de ce texte qui m’a laissé totalement indifférent. Une erreur de formatage, une histoire (je ne parle pas d’intrigue) pas très folichonne et une chute pas très claire ou mal amenée. Bof !

N’ayant lu que ces quelques pages il m’est difficile de juger des capacités de l’auteur. Peut-être a-t-il un potentiel pouvant donner de meilleurs résultats, l’écriture est agréable, mais la lecture de ce texte ne permet pas d’en décider pour l’instant et il en faudra beaucoup plus pour me convaincre.

Seul point où Thomas Temple excelle, c’est le bagout pour vanter sa camelote. Dans la vraie vie, il doit bosser dans le marketing ou une agence de communication. Pas de chance avec moi, c’est tout ce que je déteste !

 

 

Thomas Temple  Vodka on Fire  Autoédition et livre numérique en vente sur Amazon (format Kindle)

 

 

 

 

 

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12/02/2013 | Lien permanent

Didier Lett : Lettres à mon père

didier lett, jules renard, Didier Lett, agrégé d'Histoire et Professeur d'Histoire médiévale à l'Université Paris-Diderot (Paris VII) est un spécialiste internationalement reconnu de l'histoire de l'enfance, de la famille, de la parenté et du genre.

Pour ouvrir la nouvelle collection, "Mots Intimes", consacrée à l'art épistolaire et à l'amour des mots qui fait son entrée dans le catalogue des éditions Le Robert, il nous propose un recueil de lettres traitant des relations paternelles et filiales à travers la correspondance de personnages célèbres ou anonymes, de Mozart à Jean Gabin, en passant par Jules Verne, Franz Kafka ou encore François Truffaut...

Les lettres sont présentées par ordre chronologique, chacune précédée d’une courte explication sur l’auteur et d’un décryptage sur le motif de la missive. L’objet livre est assez mignon, petit format, belle police de caractères, illustrations sobres. S’il n’enlaidira pas la bibliothèque d’un honnête homme, on peut néanmoins s’interroger sur son intérêt réel.

Car il n’y a là aucun texte inédit, aucune révélation particulière et l’on serait bien en peine d’en tirer un enseignement enrichissant ou original. Il ne s’agit pas d’un essai ou d’une étude sur la correspondance entre fils et pères ou son évolution à travers les âges, juste une compilation très mince de quelques lettres. Lettres où l’on peut lire, ce qu’on s’attend à y lire, des demandes d’argent (« Après t’avoir affirmé tant de fois que je voulais désormais me suffire à moi-même, je viens encore te demander 200 francs. » Jules Renard à son père) ou des réflexions apeurées de pères effarés par la profession – souvent artistique - envisagée par leur rejeton, (« … ces sociétés d’artistes, dont le nom vous effraye bien plus que la chose ne le mérite. » Jules Verne à son géniteur).

De-ci, de-là, on tombe sur un texte touchant, comme la lettre d’Henriette Guizot âgée de neuf ans, à son papa ministre, s’imaginant le garder pour elle et se marier avec lui. Ou encore, le terrible réquisitoire adressé par François Truffaut à son père adoptif, « Non, je n’ai pas été un « enfant maltraité » mais simplement pas « traité » du tout. »   

Tout ceci ne va pas très loin. Donc un gentil petit livre, idéal pour de petits cadeaux… or, voyez comme les choses sont bien faites, Noël approche !

 

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didier lett, jules renard, Didier Lett  Lettres à mon père  Editions Le Robert collection Mots intimes – 125 pages –

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Bernard Chambaz : Vladimir Vladimirovitch

bernard chambazBernard Chambaz, né en 1949, est un romancier, historien et poète français ayant enseigné l’histoire au lycée Louis-le-Grand à Paris. Son père, Jacques Chambaz, fit partie du bureau politique du PCF de 1974 à 1979 et son frère Jean, médecin et chercheur est le président de l’université Pierre-et-Marie-Curie. Après une agrégation de lettres modernes et d’histoire, il se tourne vers l’écriture. Prix Goncourt du premier roman en 1993 pour L’Arbre des vies, il est aussi couronné d’un prix de poésie en 2005 pour Eté. Son tout dernier roman, Vladimir Vladimirovitch, est paru depuis peu.

Tout est de ma faute. Je n‘avais strictement pas envie de lire ce roman mais un clic de souris mal maitrisé m’a embarqué contre mon gré dans ce challenge bien connu, « un livre offert en échange d’une critique ». Du coup me voilà bien mal à l’aise. Je me suis ennuyé à mourir à la lecture de ce roman mais comment en parler objectivement néanmoins, puisque c’est le deal, sachant que je ne fais pas partie du public potentiel de cet ouvrage et que je reconnais à l’auteur un talent évident d’écrivain ?

Alors que je pensais qu’un seul Vladimir Poutine nous suffisait largement, Bernard Chambaz lui, imagine que le président Russe a un homonyme, même nom donc, même âge, une vague ressemblance physique,  machiniste dans un dépôt de tramways après avoir perdu son job de professeur à l’université, peintre du dimanche et proche de la retraite. Vladimir Vladimirovitch Poutine (l’inconnu) va prendre des notes dans des carnets qui relatent la vie de Vladimir Vladimirovitch Poutine (le président).

L’idée est originale, on peut même dire amusante mais après ? Car en fait le bouquin s’avère une biographie romancée de l’homme public, panachée avec celle de l’inconnu narrateur. Du premier, Chambaz très documenté, tire quelques pages intéressantes/instructives qui survolent l’histoire russe où défilent Staline, Lénine, Gagarine, jusqu’aux évènements récents en Crimée et Ukraine, en passant par les J.O. de Sotchi et j’en passe ; du second, des bribes de vie pas vraiment folichonnes éclairées par la présence de deux femmes, Tatiana son ex et Galina sa nouvelle voisine.

M’étant forcé à lire le roman sa compréhension m’a échappé c’est certain, mais je ne vois pas bien quel était le but recherché par l’écrivain : présenter le Poutine président sous un jour sympathique ou du moins nous aider à comprendre l’homme ? Faire un parallèle entre un russe célèbre et un inconnu pour dresser le portrait robot du Russe moderne ?

 

« Vladimir Vladimirovitch est effrayé par ce qui se rapporte au clonage – d’abord des orchidées, ensuite des rats, bientôt des hommes. Il a déjà assez affaire avec son double, le président. La simple perspective d’un dédoublement lui donne le vertige. Sans compter que des abrutis de premier ordre suggèrent depuis une dizaine d’années de prélever des cellules sur le cadavre de Lénine pour le reproduire et recréer le génie dont le communisme aurait besoin. »

 

 

bernard chambazBernard Chambaz  Vladimir Vladimirovitch  Flammarion  - 374 pages – 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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15/09/2015 | Lien permanent

Henry James : Le Fantôme locataire

Henry JamesHenry James (New York, 15 avril 1843 - Chelsea, 28 février 1916) est un écrivain américain, naturalisé britannique le 26 juillet 1915. Elevé dans le culte de la civilisation européenne, il voyage très vite entre Europe et Etats-Unis et grâce à la fortune familiale peut se consacrer uniquement à la littérature. Ses premiers textes sont publiés en 1864, son œuvre comptant plus d’une centaine de nouvelles et vingt romans. Le Fantôme locataire qui vient de paraître chez Folio, reprend deux nouvelles extraites de Nouvelles complètes (tome 1) dans la Pléiade. Ces deux textes sont, Histoire singulière de quelques vieux habits datant de 1868 puis Le Fantôme locataire écrit en 1876.

Dans la première nouvelle, Arthur Lloyd qui vient de s’installer en Amérique découvre que le Massachusetts recèle la meilleure société qui soit et songe à s’y marier. Mrs Willoughby, une riche veuve, a deux jeunes filles à marier, Viola et Perdita qui tombent sous le charme du jeune homme et réciproquement. Il choisit Perdita mais celle-ci décèdera en donnant naissance à leur fille, non sans avoir eu le temps de faire promettre à son mari de conserver toutes ses robes remisées dans un coffre fermé à clé pour les remettre à leur fille au moment de sa majorité. Je vous laisse découvrir la suite, mais vous devinez aisément qu’il est toujours malvenu de ne pas tenir une promesse faite à un mourant !

Dans la seconde, le narrateur, un jeune étudiant en théologie, est intrigué par une maison abandonnée sur une route isolée que les gens du village évitent d'emprunter. Ayant remarqué qu’un étrange vieillard s’y rend mystérieusement, il finit par l’aborder et celui-ci lui révèle son histoire. Il y a vingt ans, il a maudit sa fille qu'il avait retrouvée en compagnie d’un homme. Peu après la jeune fille mourut, et le père fut bientôt contraint de quitter la maison pour la laisser au fantôme de la morte, mais obligé d’y revenir chaque mois pour que le fantôme lui paye un loyer. Comme vous le verrez, tel est pris qui croyait prendre, pourrait être la morale de cette histoire, à moins que comme le narrateur vous pensiez qu’il « y avait de quoi donner la chair de poule, et aussi de quoi faire rire – les deux à la fois. »

Le second texte est un peu l’inverse de l’autre dans sa construction. Dans l’un, le fantastique ne se révèle que dans les dernières lignes de la chute, tandis que dans l’autre, l’ambiance fantastique court tout du long avant d’être démasquée au final… encore que. Si la trame narrative des deux textes – lus aujourd’hui - ne m‘a pas paru particulièrement originale, j’ai en revanche particulièrement apprécié l’écriture légère – mais parfaite – non dénuée d’humour parfois (« Je devrais peut-être ajouter que, jouissant d’une excellente vue, je prenais un certain plaisir à la fréquentation de mes deux yeux. Nous étions, eux et moi, en très bons termes. »)

 

 

Henry JamesHenry James  Le Fantôme locataire  Folio 2euros  - 116 pages –

Traduit de l’américain par Pierre Fontaney

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03/02/2015 | Lien permanent

Ludmila Oulitskaïa : Le Chapiteau vert

Ludmila Oulitskaïa Ludmila Oulitskaïa est née en 1943, dans l'Oural. Elle a grandi à Moscou et fait des études de biologie à l'université. Auteur de nombreuses pièces de théâtre et scénarios de films, depuis le début des années 1980 elle se consacre exclusivement à la littérature après que ses premiers récits soient parus à Moscou, dans des revues. Son dernier roman, Le Chapiteau vert, paru en 2014, vient d’être réédité en poche.  

Le livre est une vaste fresque historique couvrant l’histoire de la Russie entre 1953 et 1996 à travers trois personnages, Ilya, Sania et Micha, trois camarades d’école au début du roman qui coïncide avec la mort de Staline, pour s’achever l’année du décès du poète Joseph Brodsky. Ilya est un grand maigre amateur de photo, Sania avec des « cils de demoiselle » est musicien et Micha tient le rôle du rouquin juif. Dans cette société Soviétique en pleine reconstruction, riche en turbulences dangereuses, un homme va avoir un rôle essentiel dans l’avenir de ces trois-là, Victor Iouliévitch, leur professeur de lettres (on ne peut s’empêcher de vaguement penser au film, Le Cercle des poètes disparus) qui « les emmenait hors d’une époque misérable et malade, les transportant dans un univers où fonctionnait la pensée, où vivait la liberté, la musique et les arts de toutes sortes. »

Le roman est dense comme on l’imagine aisément, quarante ans d’histoire, qui plus est lorsqu’il s’agit de ce pays, il y a à dire. Se mêleront au récit, les vies personnelles et sentimentales des uns et des autres, l’histoire avec un grand « H » qui passera par le samizdat (système clandestin de circulation d’écrits dissidents en URSS et dans les pays du bloc de l'Est, manuscrits ou dactylographiés par les nombreux membres de ce réseau informel) et la déportation en camp, l’exil en Amérique et le retour en Europe etc. En fil rouge, la littérature toujours présente par ses grands écrivains russes ou pas.

Objectivement, je ne peux faire aucune critique négative de ce livre, Ludmila Oulitskaïa est un très bon écrivain, le bouquin est très réussi techniquement parlant, son propos puissant (dénonciation du totalitarisme) mais… comment dire… ça ne m’a pas enthousiasmé plus que cela. D’abord c’est beaucoup trop long pour mes goûts personnels et enfin, au risque de vous faire hurler, il s’agit d’un nième roman sur le totalitarisme, un de plus dirai-je, ce à quoi vous me répondrez justement, qu’il n’y en a jamais assez quand on dénonce le Mal. Ce n’est pas faux.  

 

« Si des copies du rapport Khrouchtchev circulaient dans Moscou, l’heure du manuscrit du Docteur Jivago n’avait pas encore sonné. En revanche, les poèmes tirés du roman étaient déjà en circulation. « C’est bizarre ! songea Victor Iouliévitch. On se passe de main en main des poèmes recopiés, comme du temps de Pouchkine. Quels changements ! Pour un peu, ils vont arrêter de mettre les gens en prison ! » Le peuple tétanisé par la peur revenait à la vie, il chuchotait avec plus d’audace, il captait les voix « ennemies », tapait à la machine, recopiait, reproduisait. Le samizdat commença à se répandre à travers le pays. »

 

 

Ludmila Oulitskaïa Ludmila Oulitskaïa  Le Chapiteau vert   Folio – 766 pages –

Traduit du russe par Sophie Benech

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Marguerite Yourcenar : Nouvelles orientales

marguerite yourcenarMarguerite Yourcenar, née Marguerite Antoinette Jeanne Marie Ghislaine Cleenewerck de Crayencour en 1903 à Bruxelles et décédée en 1987 à Bar Harbor, dans l'État du Maine (Etats-Unis), est une écrivaine française naturalisée américaine en 1947, auteur de romans et de nouvelles ainsi que de récits autobiographiques. Elle fut aussi poète, traductrice, essayiste et critique littéraire. En 1939 Marguerite Yourcenar, bisexuelle, part pour les États-Unis rejoindre Grace Frick, alors professeur de littérature britannique à New York et sa compagne depuis une rencontre fortuite à Paris en 1937. Les deux femmes vécurent ensemble jusqu'à la mort de Frick d'un cancer en 1979. Elles s'installent à partir de 1950 à Mount Desert Island, dans le Maine où Marguerite Yourcenar passera le reste de sa vie. Elle est la première femme élue à l'Académie française, le 6 mars 1980. Nouvelles orientales, dont la première parution date de 1938, vient d’être réédité. 

Un recueil de dix nouvelles dont l’auteur, dans un post-scriptum, cite ses sources d’inspiration, à savoir contes et légendes d’Orient, dans le sens large du terme, puisqu’elles se déroulent en Chine ou sur les pourtours de la Méditerranée comme la Grèce…

Pour qui n’est pas familier de cet écrivain, je ne conseillerai pas cet ouvrage pour débuter car il ne reflète pas vraiment, me semble-t-il, ce qu’on peut en attendre (aller plutôt lire Mémoires d’Hadrien ou L’œuvre au noir par exemple). C’est en cela qu’il m’a un peu déçu. Tous les textes n’ont pas retenu mon attention mais je citerai volontiers Le Dernier amour du prince Genghi et La Veuve Aphrodissia qui sont d’un bon niveau. Dans le premier, un prince devenu aveugle et bientôt mourant dans les bras d’une ancienne concubine – la seule à l’avoir profondément aimé – ne la reconnait pas et a même oublié son nom… C’est très beau et bouleversant. Dans le second, l’horreur du récit, le meurtre du vieux mari et de l’enfant (« il avait fallu l’étouffer entre deux paillasses ») né de l’amant de la femme, contraste avec la beauté de l’écriture.

C’est ce dernier point qui donne en fait toute sa valeur à ce recueil. L’écriture de Marguerite Yourcenar est magnifique, emprunt d’un certain classicisme. Le rythme des phrases incite à ne pas rater les liaisons entre les mots pour ne pas altérer la musique de l’écriture.

 

« - Racontez-moi une autre histoire, vieil ami, dit Philip en s’affalant lourdement sur une chaise. J’ai besoin d’un whisky et d’une histoire devant la mer… L’histoire la plus belle et la moins vraie possible, et qui me fasse oublier les mensonges patriotiques et contradictoires des quelques journaux que je viens d’acheter sur le quai. Les Italiens insultent les Slaves, les Slaves les Grecs, les Allemands les Russes, les Français l’Allemagne et, presque autant, l’Angleterre. Tous ont raison, j’imagine. Parlons d’autre chose… »

 

marguerite yourcenarMarguerite Yourcenar  Nouvelles orientales  L’Imaginaire – 145 pages –

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22/10/2017 | Lien permanent

Gilles Paris : Autobiographie d’une courgette

Gilles Paris, René Goscinny, SempéGilles Paris est un écrivain français né à Suresnes en 1959 auteur de quelques romans depuis 1991, dont celui-ci, Autobiographie d’une courgette qui date de 2002.  

Icare, mais tout le monde l’appelle Courgette, neuf ans et narrateur de cette histoire, a tué sa mère accidentellement. Le père était parti depuis bien longtemps et la mère picolait et distribuait des torgnoles. Orphelin, il est placé dans un foyer pour enfants où une nouvelle vie commence pour lui…

Je suis certain que vous connaissez les aventures du Petit Nicolas (René Goscinny et Sempé) alors autant vous dire immédiatement que ce roman s’inscrit dans ce genre. C’est son point fort mais aussi sa faiblesse relative donnant une impression de déjà lu.

Outre Courgette, un gentil gamin posant toujours des questions, il y a ses copains de chambrée, Ahmed et Simon qui lui, sait tout sur tout le monde ; Raymond, le gendarme qui a arrêté Courgette, un brave homme, veuf avec un jeune fils, il jouera un grand rôle dans l’avenir de Courgette et bien entendu, il fallait une fille dans l’histoire, ce sera Camille. Camille et Courgette, le coup de foudre immédiat.

On trouve dans le roman tout ce qu’on s’attend à y trouver comme les scènes de vie au foyer : l’école, la cantine, les séances de sport etc. La psychologue qui suit les gosses mais aussi un mini-suspense avec la méchante tante de Camille…

Un roman très frais car raconté par un enfant (avec les tournures grammaticales liées à son âge), c’est drôle car naïf (« Il nous apprend la géographie de la France avec de grandes cartes qu’il accroche au tableau et j’ai un peu de mal à comprendre comment toutes les maisons des gens rentrent là-dedans. ») et c’est aussi très touchant comme le sont toutes les histoires de gosses orphelins avec leurs peines, leurs souvenirs mitigés du passé et leur peur de l’avenir.

Alors que dire ? Certes c’est un gentil roman mais cette sensation de déjà lu le rend faussement un peu long.

 

« Je vois plus le ciel, juste son visage au-dessus du mien et sa bouche qui rit et je chatouille Camille et elle aussi et on rit encore plus fort et on roule dans l’herbe et j’ai jamais été aussi heureux, même quand maman me faisait sa purée. Puis on se relève et on marche sans savoir où on va, la main dans la main, en regardant le bleu au ciel. – Et tu les as revus, ton papa et ta maman ? je demande à cause d’un petit nuage qui vient d’apparaître. – Ben non, ils sont morts. Et sa main serre très fort la mienne. »

 

Gilles Paris, René Goscinny, SempéGilles Paris  Autobiographie d’une courgette  Editions France Loisirs – 282 pages -

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06/11/2017 | Lien permanent

Lauren Elkin : Flâneuse

Lauren Elkin, george sand, hemingway, Lauren Elkin, née en 1978,  est diplômée de Columbia University. Cette doctorante en philosophie spécialisée dans la phénoménologie et les écrivaines britanniques des années 1930 est également traductrice, essayiste, critique et journaliste. Elle écrit pour de nombreux médias, tels que The New York Times, The Guardian, Le Monde ou encore Vogue. Ses sujets sont variés et touchent à la littérature, la culture, l’art, la mode ou encore les voyages. Originaire de New-York, Lauren Elkin s’est installée à Paris en 2004.

Flâneuse (2019), sous-titré Reconquérir la ville pas à pas, est un ouvrage difficile à classer, disons qu’il oscille entre récit et essai. Pour mieux vous en faire comprendre le contenu je déroge à ma règle habituelle en débutant ce billet par un court extrait du livre :

« A mesure que je m’ouvrais aux questions relatives à la ville, j’étais également sensibilisée à tout ce qui touchait à la littérature, la politique, l’histoire des femmes, comme si l’apprentissage dans un domaine allait nécessairement de pair avec des découvertes dans l’autre. Je lisais tout, de Simone de Beauvoir à Susan Brownmiller. Prendre conscience de cette histoire parallèle m’a donné un horizon vers lequel aller. Et j’ai commencé à chercher les indices s’y rapportant, disséminés dans le monde entier. »

Lauren Elkin va nous entrainer dans plusieurs villes, New York, Venise, Tokyo et surtout Paris à différentes périodes de sa vie et de ses amours. Cités que nous ne visiterons pas comme des touristes mais par une approche historique et littéraire au travers de femmes illustres : à Londres se sera avec Virginia Woolf et le groupe de Bloomsbury, à Venise nous suivrons une artiste plasticienne Sophie Calle et à Paris, l’écrivaine Jean Rhys et son mari Hemingway, Agnès Varda la réalisatrice de cinéma et particulièrement George Sand qui occupe la plus grande place dans ce bouquin car femme d’avant-garde autant dans ses mœurs que dans son action politique (terribles pages sur le carnage de 1832 place Saint-Michel…). 

Le livre s’attache à mettre en valeur des femmes d’exception et rebelles, celles déjà citées ou encore Martha Gellhorn, journaliste correspondante de guerre en Espagne avec Robert Capa, son compagnon, le tout sous l’angle de l’Histoire, avec des passages forts intéressants (comment devenir écrivain ou bien l’ambiguïté du métier de journaliste qui même objectif, donne « sa » version des faits). Enfin, je suis tombé des nues en apprenant qu’une loi de 1800, toujours en vigueur, interdit aux femmes de porter un pantalon en public « même si personne n’en tient compte » ! (p.134)

Un livre passionnant et chiant parfois, éblouissant mais saoulant aussi de culture, du genre pointu et sûrement pas pour tout le monde.

 

Lauren Elkin, george sand, hemingway, Lauren Elkin   Flâneuse   Hoëbeke – 366 pages –

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Frédéric Le Berre

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Adrien Goetz : Intrigue à Brégançon

Adrien GoetzAdrien Goetz, né en 1966 à Caen, est un historien de l'art et romancier français. Auteur de plusieurs romans liés à l'histoire de l'art, il est maître de conférences à Sorbonne Université, membre de l'Académie des beaux-arts et directeur de la bibliothèque Marmottan. Intrigue à Brégançon qui vient de paraître, s’inscrit dans la série « Les Enquêtes de Pénélope ».

Pénélope, l’enquêtrice-conservatrice du Mobilier national, doit moderniser le fort de Brégançon en en remplaçant meubles et décorations. Elle est accompagnée de Wandrille son amoureux par ailleurs fils de ministre. Egalement sur place, Suzanne O’Neill éditrice et Anasthase son photographe, préparant un beau livre sur le monument. Un couple de gardiens, Fabienne et Roger, veille au confort de tous et gère les lieux. Si le fort peut être visité en journée quand le chef de l’Etat est absent, son accès est interdit et le point d’entrée fermé. Pourtant, le matin, on découvre le corps de Marie-Paule Beuvrelu dans la cour ; guide pour l’Office de tourisme de la ville, et amie de la mère de Pénélope, elle a été poignardée avec un coupe-papier offert à François Mitterrand par Helmut Khol…

Adrien Goetz n’écrit pas des polars, encore heureux car ici l’intrigue est nulle et sans intérêt. Par contre il utilise ce genre pour apporter un côté ludique à son véritable propos, nous conter l’histoire du fort de Brégançon.

Interviendront dans le récit, la Résistance avec Jean Moulin et Daniel Cordier, le général de Gaulle et Nikita Khrouchtchev, le couple Pompidou etc. Histoire avec un « H » majuscule, anecdotes et extrapolations à partir de sources fiables, cet angle du roman est instructif et plutôt intéressant car pour l’écrire Adrien Goetz a reçu l’autorisation exceptionnelle de visiter l’intégralité du fort, des appartements privés du président aux caves creusées dans le rocher. Il a eu accès aux très discrets entrepôts où, aux environs de Paris, sont conservées les pièces du Mobilier national qui en proviennent.

Mais globalement le roman est très léger. Ca se lit bien, ça se lit vite, mais comment dire pour être aimable ? Bof !

 

« - Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes, n’est-ce pas Roger ? Appelez-moi Wandrille. Vous allez tout me faire visiter, j’espère. Il y a des souterrains ? C’est bien de travailler ici, il y a pire. On regarde autour de soi, et on imagine, ils étaient tous là, Giscard en short blanc, Chirac contrarié, Bernadette un peu tendue, Hollande en polo trop grand, un musée Grévin sans statues de cire c’est quand même mieux. »

 

 

Adrien GoetzAdrien Goetz   Intrigue à Brégançon   Grasset  - 227 pages -       

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