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Katherine Neville : Le Huit

Katherine NevilleKatherine Neville, née en 1945 à Saint-Louis (Missouri), est une romancière américaine. Elle a tout d'abord effectué une carrière de mannequin avant de devenir consultante internationale en informatique à New York. Ce nouveau métier l'enverra en Algérie, dans les années 1970, au moment de l'embargo de l'OPEP. Grâce à ses précédents travaux dans le domaine énergétique, elle est sollicitée dans l'Idaho pour participer à la recherche sur l'énergie nucléaire et développer, dans le désert, des méthodes pour identifier et contrôler les matériaux toxiques et dangereux. Puis, en 1980, elle déménagera à San Francisco pour un nouveau job de vice-présidente de la Bank of America. Katherine Neville habite actuellement à Washington DC. Son premier roman qui date de 1988, Le Huit, est paru en France en 2002 et fut un best-seller international.

Si je me suis étalé sur le CV de l’auteure en introduction, c’est qu’il fait partie intégrante du roman, portrait quasi exact de son héroïne Catherine Vélis qui va se retrouver entrainée dans une aventure particulièrement abracadabrante. Du New York des années 1970 jusqu’à l’Algérie, Catherine se retrouve intimement impliquée dans un plan qui la dépasse où il est question de récupérer un jeu d’échecs mythique, le Jeu Montglane, recélant un pouvoir extraordinaire qui envoûta Charlemagne lui-même. Parallèlement aux péripéties rencontrées par Catherine Vélis, nous suivons aussi les malheurs de Mireille, exfiltrée de son couvent durant la Révolution française par son abbesse, afin de dissimuler le fameux échiquier.

Le pavé, près de mille pages, est riche en rencontres célèbres, Richelieu, Robespierre, Catherine de Russie, Napoléon pourquoi pas et d’autres encore. J’ai lu quelque part que ce roman évoquait Umberto Eco, je serai beaucoup moins enthousiaste ; si l’on veut dire que le roman est bâti sur une trame  complexe à base de théories des nombres mêlant époques et personnages historiques impliqués dans un complot ayant son origine dans la nuit des temps, d’accord, mais c’est beaucoup moins bien écrit. Nous sommes plus proches de Dan Brown que d’Umberto Eco.

En vérité j’avoue ne pas trop savoir quoi penser du bouquin, j’avais hâte d’en venir à bout pour connaître le fin mot de l’histoire et en même temps, l’histoire ne m’a pas beaucoup intéressé ! Je ne vois qu’une explication, l’écriture qui n’est pas à la hauteur. Les références historiques sont trop lourdement incrustées dans le texte, le style est inexistant, mais son principal défaut, c’est long, c’est long… « Ayez de la patience, car ce n’est pas une histoire simple » prévient justement l’un des personnages.

Un roman qui néanmoins atteint son seul but, être un best-seller tenant son lecteur en haleine jusqu’au bout. Ni plus, ni moins. Katherine Neville lui a donné une suite, Le Feu sacré paru en 2009, mais personnellement je m’en passerai.

 

« Car j’ai enfin compris que le secret découvert dans l’ancienne Babylone, le secret transmis à l’Empire perse et indien, et connu exclusivement par une élite et quelques élus, était en fait le secret du Jeu Montglane. Ce secret, tout comme le nom sacré de Dieu, ne fut jamais transcrit par aucune main. Un secret si puissant qu’il causa la chute de civilisations et la mort de rois, et qu’il ne devait jamais être divulgué à quiconque, sauf aux initiés appartenant aux ordres sacrés, à des hommes qui avaient satisfait à l’épreuve d’admission et prêté serment. Ce savoir était si terrible qu’il ne pouvait être confié qu’aux plus fins fleurons de l’élite. »

 

 

Katherine NevilleKatherine Neville  Le Huit  Pocket

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Evelyne Jouve

 

 

 

 

 

 

 

 


Katherine Neville, "Le Huit" et "Le feu sacré" par EditionsPocket

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06/11/2013 | Lien permanent

Florian Rochat : Cougar corridor

florian rochatAncien journaliste, amoureux de la nature, Florian Rochat qui vit au pied des montagnes du Jura suisse est aussi un familier de l'Ouest américain, notamment du Montana. Après avoir publié deux livres chez des éditeurs traditionnels, il s'est engagé depuis 2011, dans la voie de l'auto-publication numérique. Il a eu la gentillesse de m’adresser son roman Cougar corridor.

Dans le Montana, un enfant tué par un couguar déclenche un mouvement de révolte parmi la population locale. Il y a ceux qui veulent éliminer tous les lions de montagne immédiatement pour qu’un tel accident de se reproduise plus, citoyens ordinaires ou promoteur immobilier sur un projet en cours. Et il y a ceux qui connaissant bien ces félins ont d’autres propositions à faire, comme Julie une écologiste d’origine française qui veut aménager des corridors naturels facilitant la circulation des couguars dans cette région en pleine mutation urbaine. Sans entrer dans les détails, l’intrigue est pimentée par l’enlèvement de Julie et une sombre histoire de vengeance liée à la guerre du Vietnam.   

Florian Rochat se débrouille plutôt bien pour mêler intrigue policière et plaidoyer écologique pour la sauvegarde des couguars, dans un roman s’inscrivant très légitimement dans la tradition du Nature Writing cher à mon cœur. L’écrivain connaît bien le pays et son histoire, lardant son texte de détails instructifs sur l’immigration ou les mouvements et groupuscules politiques, des écologiques aux milices du Montana, ainsi que de références à des traditions indiennes. Quant aux couguars, ils n’ont aucuns secrets pour lui et il nous les transmet, pas toujours avec subtilité mais c’est toujours intéressant et instructif.

Le roman n’est donc pas exempt de quelques passages un peu maladroits ou naïfs, je pense aussi à la présentation des personnages au début du roman et aux rares scènes romantiques entre les deux héros Julie et Mike (encore que là, ce soit un travers commun à énormément de romanciers, comment parler d’amour simple, sans être nunuche ?), mais tout le reste tient assez bien la route. L’écrivain aime les couguars et sa plume, dans deux beaux discours des défenseurs des lions de montagne s’adressant à la population vociférant, dégage de l’émotion et touche le lecteur.  

Un roman agréable à lire, d’autant que coïncidence, la problématique des loups revient dans l’actualité en France et s’apparente aux problèmes de fond soulevés dans ce livre. Mon avis n’a certes pas valeur de référence mais sachez que Jim Fergus en pense beaucoup de bien « Florian Rochat a écrit un roman d'une étonnante justesse sur l’Ouest américain d'aujourd'hui. Méticuleusement documentée et habitée par de vrais personnages de chair et de sang, Cougar corridor est une histoire poignante et magnifique sur le thème de l'affrontement entre l'espèce humaine et le monde animal sur une planète qui se rétrécit. Hautement recommandé. »  

   

« Depuis quelques heures, tout le monde dans la vallée parlait de la mort de Phil Bardgett. Et toute l’ambiguïté de la cohabitation de l’homme avec le grand félin resurgissait, nourrie de peurs ancestrales et irrationnelles. Certes, le lion de montagne manifestait plus ou moins régulièrement sa présence dans la moitié ouest du Montana en chassant aux marges des zones habitées. Quelques veaux et moutons. Quelques chiens. Des poules. Mais dans l’ensemble, le bilan de ces forfaits était assez insignifiant. Et peu de gens étaient victimes de ce prédateur. Moins d’une vingtaine de morts dans tout l’Ouest en plus de cent ans, et une cinquantaine de blessés. Salement atteints, pour certains. Défigurés, par exemple. A chaque fois, ces accidents suscitaient des réactions violentes dans la communauté où ils se produisaient. Pour une raison simple : ces animaux étaient sauvages. Donc incontrôlables, particularité inacceptable dans une société ayant placé sa sécurité au-dessus de tout. »

 

 

florian rochatFlorian Rochat   Cougar corridor   En édition numérique chez Amazon

Pour en savoir plus sur l’auteur et son œuvre, visitez son site.

 

 

 

 

 

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David Bellos : Le Poisson et le bananier

david bellosDavid Bellos est professeur de littérature française et comparée à Princeton University (USA), où il dirige le programme de traduction et communication interculturelle. Il est titulaire d'un doctorat de l'université d'Oxford et a enseigné à Oxford, Édimbourg, Southampton et Manchester. Auteur de nombreux livres et articles sur l'œuvre de Balzac, ainsi que de deux biographies, de Georges Perec (1994) et de Jacques Tati (2002). David Bellos est aussi traducteur. Parmi ses travaux, les versions anglaises de La Vie mode d'emploi de Georges Perec, L'Histoire universelle des chiffres de Georges Ifrah, et plusieurs romans d'Ismail Kadare. Son essai, Le Poisson et le bananier. Une histoire fabuleuse de la traduction, est paru en 2012.

Très intéressé par la problématique de la traduction littéraire, quand une aimable bloggeuse m’a signalé cet ouvrage, je n’ai pas manqué de l’inscrire sur ma liste des livres à lire. Et c’est vrai que le bouquin est passionnant.

David Bellos envisage la traduction dans différents domaines d’activité, non seulement littéraire mais aussi dans le cinéma (doublage et sous-titres), dans le milieu juridique et législatif, ainsi que le rôle des interprètes dans les réunions internationales comme à l’ONU par exemple. Chaque activité impose ses propres contraintes et les conséquences en seront diverses comme on l’imagine. La mise par écrit de textes juridiques internationaux en plusieurs langues ou dans un genre plus ludique, la traduction d’une BD avec l’entrave physique de la bulle qui interdit de dépasser la place allouée au texte, sont des exemples extrêmes des problèmes rencontrés par les traducteurs.   

Globalement le bouquin est passionnant à plus d’un titre. L’auteur signale des idées fausses « les Esquimaux ont une centaine de mots pour dire « neige » [une idée] réfutée depuis bien des années », des contre-vérités « l’anglais serait plus simple que les autres langues » ou bien soulève des paradoxes réjouissants « Il existe actuellement environ sept mille langues parlées à travers le monde (…) pour communiquer avec la plupart des habitants de la Terre, il vous suffirait d’en connaitre neuf ». Il défend même une théorie iconoclaste ( ?) « … la parole n’est pas apparue pour permettre de communiquer avec des membres d’autres groupes de congénères (…) ou pour favoriser la communication entre membres d’un même groupe » Ca c’est ce que l’école nous apprend, « selon toute vraisemblance, l’utilité première de la parole humaine fut d’affirmer la différence, non l’identité. » Et bing sur la tour de Babel !

Le texte est écrit « simplement », sans excès de mots complexe et sur le ton du roman, avec un léger humour même ; nous sommes loin d’un essai universitaire pompeux et froid, alignant des phrases incompréhensibles pour le non-spécialiste.

Il y a néanmoins des aspects négatifs au bouquin qu’il faut prendre en compte, car il n’est pas donné (absent à ma bibliothèque municipale, j’ai attendu d’en trouver un exemplaire d’occasion consulté au préalable avant de l’acheter). On ne peut échapper à quelques passages abscons ou sibyllins et ça tire en longueur souvent, j’ai même trouvé des pages carrément chiantes à lire, il faut quand même le dire ! La construction peut aussi agacer, David Bellos avance des faits qui confortent les idées reçues du lecteur lambda avant de les réfuter plus tard, cet effet de « dévoilement différé » ridiculise un peu le lecteur… Autre critique, David Bellos ne donne jamais son avis sur ce qui ressemble à des critiques ou à tout le moins, des paradoxes qui mériteraient d’évoluer.

Donc vous l’aurez compris, un bouquin qui ne s’adresse pas à tout le monde obligatoirement. J’ai essayé d’en donner le pour et le contre afin que chacun puisse juger par lui-même mais je le crois assez riche pour que tous y butinent ici ou là, matière à intérêt.

 

« Dans la pratique, nous consultons la page de titre, la quatrième de couverture, celle du copyright, ou encore les références à la fin d’un article pour déterminer si ce que nous lisons est ou non une traduction. Mais en l’absence de telles indications, les lecteurs sont-ils effectivement capables de distinguer, d’après le goût que laisse un texte sur leurs papilles linguistiques et littéraires, si celui-ci est « original » ou « traduit » ? Pas du tout. D’innombrables auteurs ont pu faire passer des originaux pour des traductions, ou des traductions pour des originaux, sans que personne s’en aperçoive – pendant des semaines, des mois, des années, voire des siècles. »

 

 

david bellosDavid Bellos  Le Poisson et le bananier. Une histoire fabuleuse de la traduction  Flammarion

Traduit par Daniel Loayza avec la collaboration de l’auteur

 

 

 

 

 

 

 

 

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Mathilde Janin : Riviera

mathilde janinMathilde Janin a grandi à Lyon où elle est née en 1983, et vit désormais à Montreuil. Journaliste, elle a été responsable éditoriale du magazine Modzik avant de devenir chroniqueuse littéraire pour la radio. Riviera son premier roman vient de paraître.

 Philippe Arnaud est un artiste majeur de la scène rock indépendante, Nadia Batashvili son épouse est une émigrée à la tête d’un label de disques, Frédérique, la sœur d’Arnaud, est aussi chanteuse. New York, Paris, Berlin est leur territoire. L’exil, la passion et la mort vont lier le trio. L’exil, quand Philippe et Frédérique quitteront New York pour Paris en 1990 afin de fuir l’épidémie mortelle du virus Ebola qui ravage le continent américain. Exil aussi pour Nadia qui profitera de la chute du mur de Berlin pour retourner sur l’île de son enfance, au milieu de la mer Noire. La mort, qui réunit Nadia et Dominique à Berlin en 1992 devant le corps de Philippe retrouvé noyé dans un lac de la ville.

Je ne sais pas s’il s’agit d’un roman rock, car déjà il faudrait s’entendre sur la dénomination, mais le rock sert de toile de fond sonore au bouquin. Rock new wave et punk qui connurent leurs années de gloire entre 1970 et 1980 avant d’évoluer vers l’alternatif. Ce pourrait n’être que des détails, et d’une certaine façon ils en sont dans le roman puisque le propos de Mathilde Janin n’est pas de nous raconter l’histoire d’un mouvement musical, mais ils caractérisent bien une époque et une certaine jeunesse d’alors. Le No Futur des uns résumant bien la situation des autres, à savoir notre trio qui fuit devant la pandémie.

Disons le tout de suite, le roman n’est pas vraiment facile à lire. Le narrateur n’est pas toujours identifié, la chronologie n’est pas respectée, des situations ne sont précisées que plus loin dans le texte, des passages entre guillemets ou en italiques tirés de coupures de presse ou d’un journal intime donnent un éclairage intrigant à l’ensemble, « comme si à travers d’une multiplicité d’agencements, la même histoire se racontait à l’infini. »

Bien entendu, les rapports entre ces Jules et Jim modernes sont tout, sauf simples. Si les histoires d’amour finissent mal en général, elles savent aussi être douloureuses pendant. Philippe et Nadia, Nadia et Frédérique, Nadia et son oncle Pavel, les liens, troubles, se tissent dans un désordre de lecture affolant la logique traditionnelle. Mais de cet imbroglio dont Philippe semble de prime abord la vedette, parce qu’il est l’Artiste central et l’objet de toutes les convoitises, c’est in fine le personnage de Nadia qui s’avère être le sujet central du roman. Peut-être par sa proximité relative avec l’écrivain ?

Mathilde Janin vient d’écrire un premier roman ambitieux, à l’écriture complexe, parfois d’une froideur intellectuelle qui tient un peu, hélas, le lecteur à distance. Néanmoins, il faudra suivre son prochain effort avec attention car il y a là le matériau digne d’un écrivain naissant.  

 

« Philippe laissait Nadia cloisonner leurs vies. Elle s’appropriait les mondanités et gardait jalousement ses rares amitiés. Elle clamait être de ces célibataires endurcis pour qui l’amour est une nécessité qu’ils cultivent et la relation un fardeau qui ne pèse jamais longtemps. Elle érotisait chacun de ses rapports, sans discrimination de sexe, plaçant Philippe dans une position qui tenait aussi bien du rival que de l’inféodé. Elle n’hésitait pas à railler subtilement, c’est-à-dire sans agressivité, avec un amusement qui trahissait sa tendresse, l’apparence ou les capacités intellectuelles de son compagnon. Ainsi pouvait-elle se figurer avec un pied en dehors du couple et un recul effroyable – bien que ces deux traits, indépendance et capacité d’abstraction, lui manquassent cruellement. »

 

mathilde janinMathilde Janin  Riviera  Actes Sud

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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18/09/2013 | Lien permanent

Jules Verne : Le Château des Carpathes

121017 Jules Verne Livre.jpgJe ne reviens pas sur la biographie de Jules Verne (1828-1905) écrivain français dont une grande partie des œuvres est consacrée à des romans d'aventures et de science-fiction ou d'anticipation, j’imagine qu’elle est connue de tous. Son bouquin Le Château des Carpathes a été publié en 1892 après avoir fait l’objet d’un feuilleton dans une revue.

Le roman, comme l’indique son titre, se déroule dans les Carpathes en Transylvanie. C’est déjà tout un monde mystérieux qui s’ouvre à l’esprit du lecteur moderne, la région étant célèbre pour être le lieu de villégiature préféré des vampires !

Un vieux château abandonné par Rodolphe de Gortz depuis plus de vingt ans, un berger qui un jour aperçoit une fumée s’échapper de la ruine et déjà la rumeur se répand dans le petit village de Werst, les lieux sont hantés. Un jeune homme téméraire et un toubib froussard, habitants du village, se lancent dans une expédition vers le château mais ils doivent affronter des évènements étranges ou surnaturels (selon votre sensibilité) et rebroussent chemin sans en savoir plus.

C'est à ce moment-là qu'arrive au village le jeune comte Franz de Télek. Il apprend la situation du château et est frappé par le nom de son propriétaire. L’histoire commence à se dessiner plus précisément puisqu’on apprend alors qu’il y a plusieurs années, Franz de Télek et Rodolphe de Gortz étaient tous deux amoureux à Vienne, d’une diva d’opéra,la Stilla. Celle-cidécédant sur scène, les deux hommes repoussaient l’un sur l’autre la cause de cette mort. Depuis, Franz de Télek voyageait pour oublier son amour et Rodolphe de Gorz avait disparu, jusqu’à ce que le premier se retrouve aujourd’hui dans le fief de son ennemi juré. Il décide alors d'explorer le château mais ayant réussi à y pénétrer, Franz entend et voit la Stilla chanter ! C’est alors qu’il est fait prisonnier par Rodolphe de Gortz.

Je ne vous révèle pas la fin de l’histoire mais sans trahir l’auteur, disons que l’épilogue expliquera tous les faits surnaturels et troublants qui entouraient de mystère le château. Jules Verne n’est pas le genre d’écrivain à raconter des histoires de fantômes et s’ils s’en présentent, vous pouvez être certains que ce n’en sont pas. L’étrange est toujours expliqué par une raison scientifique ou naturelle. Dans ce roman ce sont les techniques de l’image et du son qui sont explorées par Jules Verne pour créer des ambiances et des situations dramatiques, elles-mêmes ressort de l’intrigue.

Un bon roman qui sait marier les faits étranges, l’humour et les technologies nouvelles. Les faits étranges ce sont les rumeurs et les légendes nombreuses qui courent dans ces régions reculées peuplées de villageois et de bergers ; l’humour, ce sont les réactions faites de peurs ou de vantardise de certains habitants du village, quant aux technologies modernes, c’est tout le talent de l’auteur qui sait introduire dans ses œuvres les dernières inventions de son époque. 

 

« Le pont-levis était baissé. Sans même prendre le temps de réfléchir, Franz franchit le tablier branlant du pont, et mit la main sur la porte… Cette porte s’ouvrit. Franz se précipita sous la voûte obscure. Mais à peine avait-il marché quelques pas que le pont-levis se relevait avec fracas contre la poterne… Le comte Franz de Télek était prisonnier dans le château des Carpathes. »

 

 

121017 Jules Verne.jpgJules Verne  Le Château des Carpathes  Le Livre de Poche avec les illustrations de l’édition originale Hetzel

 

 

 

 

  

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09/10/2012 | Lien permanent

Mircea Eliade : La nuit bengali

Mircea Eliade (1907-1986) est historien des religions, philosophe et romancier roumain. A quatorze ans il publie son premier article et à vingt ans il parle déjà allemand, anglais, français et italien. Adulte, il parlait et écrivait couramment huit langues dont l’hébreu, le persan et le sanskrit. De 1933 à 1940 il enseigne la philosophie indienne à l‘Université de Bucarest.

Son roman La nuit bengali date de 1933 mais ne sera traduit en français pour Gallimard qu’en 1950. C’est cette édition que j’ai achetée dans une brocante, son premier ( ?) propriétaire l’avait faite relier, avec le nom de l’auteur et le titre du livre sur la tranche ainsi que ses initiales. A l’intérieur du bouquin, un premier cachet à l’encre bleue en partie délavée précise, me semble-t-il,  « Le lieutenant Corroyez – O.D. de la C.P.L.E. » tandis qu’un second sur la page suivante indique le nom et le prénom ainsi qu’une adresse à Draveil (91210). Rien qu’avec ces éléments on pourrait écrire un roman ou du moins une histoire passionnante. Mais aujourd’hui ce n’est pas mon propos.

Revenons à notre roman qui se déroule au Bengale dans les années 30. Allan, un jeune européen, ingénieur et dessinateur technique pour une entreprise de canalisation du delta du Gange, mène une vie de célibataire relativement agréable au sein de la petite communauté blanche qu’il fréquente. Le roman est écrit à la première personne, souvenirs d’Allan et extraits de son journal intime. L’ingénieur va rencontrer Maitreyi une jeune fille indienne fille de son patron, et a son plus grand étonnement – car lors de leurs premières rencontres elle ne l’avait pas particulièrement frappé - il va en tomber amoureux.

Dès lors, tout le roman va s’articuler autour cet amour qui doit rester secret, tant pour Allan vis-à-vis de ses compatriotes qui n’accepteraient pas cette relation entre un blanc et une quasi « négresse », que pour les parents de Maitreyi très à cheval sur les conventions liées à leur religion et leur système de classes typique de la société indienne. La situation est d’autant plus complexe, qu’Allan a été accueilli par les parents de la jeune fille et vit sous leur propre toit chaque jour un peu plus comme un fils. Ajoutez à cela, les jeux de l’amour dont les codes diffèrent selon les cultures et qui mettent les nerfs d’Allan à l’épreuve.

Sans dévoiler vraiment la fin du roman, on peut deviner que l’histoire se terminera tragiquement pour certains des acteurs quand la vérité éclatera, que des souffrances s’atténueront avec le temps pour d’autres, peut-être.

Un très beau livre, peut-être un peu désuet mais avec une très belle histoire d’amour dans un décor exotique et un choc des cultures.     

 

« Le dimanche, mes serviteurs partaient en train pour Shillong et ramenaient des provisions. Je dormais jusqu’à midi et me réveillais la tête lourde et la bouche pâteuse. Je restais au lit tout le jour à recopier mes notes sur mon journal. Je voulais publier plus tard un livre sur la vie réelle du blanc en Assam et je m’analysais moi-même avec le plus de précision possible. Mes jours de marasme et de neurasthénie avaient leur place auprès des jours, naturellement plus nombreux, où le pionnier se réveillait en moi plein d’orgueil et de puissance. »

 

Eliade  mircea_eliade.jpgMircea Eliade  La nuit bengali  Gallimard

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13/10/2012 | Lien permanent

James Frey : Le dernier testament de Ben Zion Avrohom

Frey Livre 48876608_10480520.jpgL’écrivain américain James Christopher Frey est en 1969 à Cleveland, Ohio. Ecrivain provocateur, son premier roman Mille morceaux, évoquait son addiction à la drogue et son parcours pour en sortir, un succès colossal aux Etats-Unis mais par la suite il devait avouer que tout n’était qu’invention, obligeant son éditeur à rembourser les lecteurs ! Depuis, il s’est créé un certain nombre de détracteurs et chacun de ses bouquins attise la polémique sur sa personnalité.

Son nouveau roman, Le dernier testament de Ben Zion Avrohom, pourrait lui aussi soulever la controverse, cette fois dans les milieux religieux et intégristes, puisque James Frey imagine que Jésus est revenu sur Terre, à New York, de nos jours.

Bien entendu, il s’agit d’un Jésus pas très orthodoxe ! Ben, ouvrier sur un chantier, réchappe quasi miraculeusement d’un accident qui aurait dû être mortel, aux dires des témoins et du médecin qui le traita, « Quelque chose ou quelqu’un, je ne sais quoi, ne voulait pas qu’il meure », avant de disparaître sans laisser de traces. Treize personnes qui ont croisé son chemin, donnent leur version de l’histoire. Sa famille, son frère, sa sœur et sa mère, confirment que dès sa naissance il présentait les signes d’un nouveau Messie, « son sang davidique, le jour de sa naissance qui était celui de la destruction du Temple de Salomon, le fait qu’il soit né circoncis. » D’autres encore, témoins indépendants (un avocat, un prêtre, une voisine, une jeune fille solitaire, un flic) l’ayant croisé à un moment ou un autre de leur vie, rapportent l’étrange charisme de cet homme qui se fait appelé Ben et son influence bénéfique sur leur existence. Tous sont formels, cet homme est le Messie revenu sur Terre, même si lui ne l’admets jamais formellement.

A travers leurs témoignages, on voit Ben se dessiner sous nos yeux, un homme solitaire, très maigre, le corps couvert de cicatrices, ne mangeant pour ainsi jamais, connaissant les livres sacrés par cœur sans les avoir jamais étudiés, parlant des langues anciennes qui transfigurent ceux à qui il chuchote à l’oreille.

Ben n’a qu’un seul message, l’Amour. Et c’est là que ça risque de faire grincer des dents, l’amour entre hommes et femmes certes, mais aussi entre hommes, entre femmes, partouzes pourquoi pas. James Frey balance quelques impertinences histoire de faire bouillir de rage les intégristes, « La Bible a été écrite il y a deux mille ans. Le monde est différent aujourd’hui. Il faudrait considérer ces livres de la même manière que nous considérons tout ce qui est de la même époque (…) ils sont la parole des auteurs. Des hommes qui racontent des histoires. »

Si vous n’aimez pas les romans d’apocalypse, passez votre chemin, par contre si vous êtes curieux, plongez-vous dans ce bouquin qu’on dévore, pressé de savoir comment il se termine, mais dont je ne vous dirai rien, bien évidemment. Personnellement, j’ai bien aimé, avec un petit bémol car ayant lu un exemplaire d’épreuves non corrigées, j’ai constaté des passages pas très bien écrits ou en mauvais Français, mauvaise traduction ( ?), j’espère qu’il n’en est rien dans la version commercialisée.

« Certains il les faisait asseoir à côté de lui sur le canapé pour leur prendre les mains et les regarder dans les yeux. Parfois il allait à la fenêtre pour leur parler tout bas. Certains il les emmenait dans la chambre, hommes et femmes, et il fermait la porte, et je savais qu’il les baisait, et les aimait, et les rendait meilleurs, comme il avait fait pour moi. Certains il prenait leur figure dans ses mains et les embrassait super léger. Je sais pas ce qu’il disait ou faisait à ces gens, mais ils partaient en se sentant mieux. Ils partaient différents. Ils partaient avec cette vraie foi dans leur cœur. Et ils en parlaient aux autres. »

 

frey.jpgJames Frey  Le dernier testament de Ben Zion Avrohom  Flammarion

 

 

 

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Virginie Deloffre : Léna

Deloffre livre 41290730_9049671.jpgJe ne sais absolument rien de Virginie Deloffre, si ce n’est qu’elle est médecin à Paris et que Léna est son premier roman.

Léna est née en Sibérie, orpheline elle a été adoptée par une parente éloignée Varia, qui héberge aussi chez elle un professeur moscovite, Dimitri, envoyé là par l’Administration pour « réaliser une prospection systématique, qui permettrait de guider le choix ultérieur des zones de forage » et qui depuis plus de vingt ans est resté là. Léna s’est mariée avec un pilote de l’armée de l’air, mais habituée aux grands espaces, à la solitude et aux rêveries, elle n’a pas voulu qu’ils s’installent dans la Base aérienne ; du coup, sa vie est rythmée par les départs et les retours de son mari pour quelques jours, entre leur appartement communautaire et son camp de base, une vie faite d’habitudes et de répétitions, qui la rassurent et créent une certaine stabilité. Nous sommes à la fin des années 80, Vassia son mari, lui ne rêve que d’une seule chose, participer à la conquête de l’espace et marcher dans les traces de Youri Gagarine, d’ailleurs il a été sélectionné avec d’autres pour un nouveau projet spatial secret. 

La structure du roman alterne les lettres envoyées par Léna à ses parents adoptifs, Varia et Dimitri, où elle leur raconte sa vie et les retours de Vassia et leur vie à tous deux pendant ces courtes permissions. Virginie Deloffre semble très bien connaître l’histoire Russe et la conquête de l’espace, nous faisant profiter de ses connaissances par de nombreux détails qui viennent enrichir le récit, mais au-delà d’un savoir qui pourrait n’être que livresque, on devine à certaines précisions et remarques que l’auteur sait parfaitement de quoi elle parle et qu’elle est certainement allée sur les lieux.

Le roman n’est bien entendu pas consacré à l’histoire ou à l’ethnologie du peuple russe, il expose deux conceptions du monde qui divergent, ceux qui ont des rêves d’avenir comme Vassia et ceux qui savent se contenter de ce qu’ils ont comme Léna. Mais rien n’est jamais figé, l’Histoire est en marche, la perestroïka, la glasnost, la démission de Gorbatchev, l’effondrement de l’URSS, vont mettre un terme au projet spatial. Vassia et Léna vont se retrouver, l’un avec des rêves moins grandioses et l’autre avec des projets d’avenir qui lui feront dire « J’ai des rêves moi aussi »..

Pour un premier roman, je dois dire que je suis impressionné. L’écriture coulée, le rythme parfaitement calqué sur le propos et les caractères des personnages, en particulier cette Léna qui se complaît dans la routine, une saudade slave … La seule critique que je ferais, au début du roman, les dialogues sont épouvantables, quand Varia s’exprime on dirait un sketch des Vamps ! J’ai failli refermer le bouquin, ce qui aurait été une grosse erreur, car il s’agit d’un excellent premier roman.   

« Quitte-t-on jamais la toundra ? Souvent il s’était demandé quelle trace avait laissé en Léna sa filiation avec les Seigneurs de l’hiver. Que lui racontait sa mère qui s’était arrêtée un jour au village de Salekhard pour épouser un Russe, mais avait toujours regretté sa vie d’avant la tente ? Peut-être avait-elle gardé pour toujours dans le regard la nostalgie de ces images que lui-même, simple passant, n’avait pu oublier. Que lui chantait-elle ? Le sifflement du lasso dans l’air brillant, le ciel s’illuminant dans la nuit profonde de l’hiver quand s’allument les aurores boréales et leur ballet de lumière… Ou le cortège des traîneaux en marche sur la neige étincelante, et l’immensité blanche de l’espace droit devant soi abolissant la durée… Est-ce pour cette raison qu’en Léna le temps ne semble pas s’écouler ? Est-ce cela qui l’a rendue bizarre cette petite ? »

 

 

Deloffre david-ignaszewski-koboy.jpgVirginie Deloffre  Léna  Albin Michel

 

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12/10/2012 | Lien permanent

Philippe Djian : Incidences

Djian Incidences 25385507_5807779.jpgDepuis le début des années 80 (Bleu comme l’enfer son premier roman date de 1983) Philippe Djian nous livre régulièrement des romans et je fus longtemps impatient d’attendre chaque nouvelle publication. Puis j’ai commencé à me lasser – j’ai même détesté la série littéraire en six volumes Doggy Bag – pourtant il m’est impossible de ne pas me plonger dans ses livres et Incidences ne fait pas exception à cette manie devenue incontrôlable.

Dans un pays non cité, comme toujours dans les bouquins de Djian, mais proche des Alpes, Marc enseigne à ses étudiants les techniques pour devenir écrivain, à défaut d’avoir assez de talent pour l’être lui-même, et ne dit pas non quand une jolie étudiante lui dit oui. Ainsi commence ce roman quand au réveil Marc constate « Elle avait vingt-trois ans. A l’aube il s’aperçut qu’elle était sans vie, froide ». Dans la vie réelle, on serait tenté d’appeler la police, dans un roman on planque le corps ! D’ailleurs dans ce bouquin il ne faudra jamais chercher la crédibilité sinon vous risquez vite d’être déçus. Ce cadavre ne sera pas le seul et tous finiront au fond d’un gouffre, portés sur l’épaule, dansla forêt. Inutilede dire que l’enquête de police n’est pas le propos de l’auteur, nous ne sommes pas dans un polar, heureusement car il serait raté.

Philippe Djian ne s’intéresse pas réellement à son histoire, son but unique c’est le style, ce qu’il appelle la musique de l’écriture « N’importe quel crétin est capable de raconter une histoire. La seule affaire est une affaire de rythme, de couleur, de sonorité. » Pour l’histoire nous l’avons vu, tous les ingrédients y sont car en sus des cadavres, il faut compter avec des rapports troubles pour ne pas dire incestueux avec sa sœur (tiens, il en est de même dans le dernier Paul Auster Invisible !), une enfance difficile près de leur mère etc. mais la tambouille est juste acceptable. Par contre où Djian réussit son pari, c’est grâce à son écriture coulée, la petite musique qui s’en dégage est agréable à l’oreille du lecteur, les phrases roulent en bouche. Bien sûr le livre se terminera mal mais le lecteur sentait venir cette issue inexorablement.

Je vais donc attendre le prochain Djian avec intérêt car il vient par cet ouvrage de rehausser son talent d’écrivain ; ne manque qu’à parfaire le scénario pour éviter qu’à lire certains passages on ne pense « c’est pas possible ce truc là ! ».

 

« Il souhaitait néanmoins la protéger. Dans la mesure du possible.La préserver. Il lui devait bien ça. En passant devant sa chambre, il donna quelques petits coups sur la porte pour lui souhaiter bonsoir. Il l’entendit pleurer. Il détestait l’entendre pleurer. C’était une chose qu’il ne pouvait supporter. De sorte qu’il retourna sur ses pas et enfila son manteau avant de sortir de la maison. Dehors, la lune brillait dans le ciel comme un diamant dans son écrin, littéralement. Il faisait frais. Il alluma une cigarette et s’avança dans le jardin, jusqu’à la route qui commençait à se couvrir d’un léger voile de brouillard flottant au ras du sol. Il la traversa, puis s’enfonça dans les bois. »

Interview donnée par Philippe Djian à l’Express  

 

DJIAN philippe_djian.jpgPhilippe Djian  Incidences  chez Gallimard

 

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08/10/2012 | Lien permanent

Ron Rash : Un Pied au paradis

ron rashRon Rash, né en Caroline du Sud en 1953, titulaire d’une chaire à l’Université, écrit des poèmes, des nouvelles et des romans. Son premier roman paru en France en 2009, Un pied au paradis, avait fait forte impression et Serena en 2011, l’imposera comme l’un des grands écrivains américains contemporains.

Le roman débute dans les années 50, dans un bled au cœur d’une vallée de Caroline du Sud. Holland Winchester, un jeune homme revenu médaillé de la Guerre du Pacifique mais pas très bien vu dans la communauté locale, a disparu et sa mère accuse sans preuve, ni cadavre, son voisin Billy Holcombe de l’avoir assassiné. Le shérif Alexander va mener l’enquête. 

Ca commence comme un polar classique, avec les clichés habituels du genre sur le shérif, son couple à la dérive, un père et un frère qu’il ne fréquente guère depuis qu’il est parti faire des études abandonnant la ferme familiale puis être revenu comme responsable de la police de la petite ville. Le lecteur se croit donc en terrain connu, prêt à suivre le shérif dans ses investigations.

Sauf que ce n’est pas ainsi que Ron Rash envisage les choses, et si le roman ressemble à un polar, ce n’en est pas réellement un, éventuellement un polar déstructuré ou plus certainement un roman choral. Dès le début de son enquête le shérif est convaincu de la culpabilité de Billy et la page 119 nous livre le modus operandi. Il n’y a donc pas le suspense traditionnel au genre, meurtre, enquête, dénouement et arrestation finale. Et ce n’en est que mieux.

Par contre nous avons entre les mains un bouquin découpé en cinq chapitres, dans lesquels chaque acteur du drame va nous en livrer sa version de l’histoire ou nous préciser le rôle qu’il y a joué. Le premier chapitre conté par le shérif Alexander pose les bases et démarre en polar, dans le second Amy la femme de Billy nous donne les clés du mobile avant que Billy lui-même, dans le chapitre suivant, ne nous cache rien de la manière dont il s’est débarrassé du corps. Les deux derniers chapitres, vingt ans plus tard, closent définitivement le drame. Les uns et les autres prendront leurs responsabilités pour que la justice, même si ce n’est pas celle des hommes, passe.

Un très beau roman où des faits complexes démontrent qu’il est souvent difficile de faire la part entre le bien et le mal qui eux, ne sont que des mots. D’où ce sombre constat « Mais rien n’est solide, ni permanent. Nos existences sont élevées sur les fondations les plus précaires. Inutile de lire les manuels d’histoire pour le savoir. Il suffit de connaître l’histoire de sa propre existence. »

Dès ce premier bouquin Ron Rash s’affirme comme un grand écrivain, ses héros sont attachants et leur évolution au fil des pages et des ans nous bouleverse car elle met à jour leur personnalité et leurs actes, plus complexes qu’on ne le pensait. Serena, l’héroïne hors norme de son second roman éponyme, était un caractère fort, acteur actif de sa propre destinée, ici Billy et les autres se coltinent à leur corps défendant les réalités de la vraie vie et réagissent comme ils le peuvent, avec les moyens dont ils disposent.

Point commun avec le roman Serena, dans l’un la nature était ravagée par une exploitation forestière cupide, alors que dans celui-ci il s’agit d’un barrage construit par une compagnie d’électricité qui va inonder la vallée pour créer une vaste zone de rétention d’eau. Les ravages du progrès, mais sans que l’auteur ne s’appesantisse, pour un final lyrique, les lieux du drame engloutis à jamais et pour tous, si ce n’est une trace dans la mémoire de ceux qui partent ailleurs reconstruire leur vie.    

 

« Un pasteur affirmerait que c’était la condition humaine depuis que l’homme avait quitté le paradis, et il y avait tant de vieux cantiques expliquant que dans une autre vie nous serions aux côtés de Dieu. Seulement nous vivions dans le présent. Toujours en quête de quelque chose qui comble cette absence. Peut-être qu’un mariage pouvait guérir cette nostalgie, même si le mien n’y était pas parvenu. L’alcool était la solution pour beaucoup d’autres hommes, sans compter Williams. Peut-être que pour certains les enfants la comblaient, ou peut-être, comme pour papa, l’amour d’un lieu qui vous rattachait à vos ancêtres. »

 

 

ron rashRon Rash  Un Pied au paradis  Editions du Masque

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Isabelle Reinharez

 

 

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04/04/2013 | Lien permanent

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