compteur de visite

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : les marches de l'amérique

Honoré de Balzac : Honorine

balzacHonoré de Balzac (1799-1850) est un romancier, dramaturge, critique littéraire, critique d'art, essayiste, journaliste et imprimeur, il a laissé l'une des plus imposantes œuvres romanesques de la littérature française, avec plus de quatre-vingt-dix romans et nouvelles parus de 1829 à 1855, réunis sous le titre La Comédie humaine. A cela s'ajoutent Les Cent Contes drolatiques, ainsi que des romans de jeunesse publiés sous des pseudonymes et quelque vingt-cinq œuvres ébauchées.

Honorine, très court roman ou plus sûrement longue nouvelle parue en 1844, s’insère dans les Scènes de la vie privée de La Comédie humaine et vient d'être rééditée en poche. Ce n’est pas un des textes les plus connus de l’écrivain, ce n’est pas l’un de ses meilleurs non plus.

Honorine, jeune épouse du comte Octave, ministre d’Etat, se laisse séduire par un amant avec lequel elle s’enfuit. Hélas, elle se retrouve rapidement abandonnée avec un enfant qui mourra bien vite. Malgré les demandes pressantes de son mari lui accordant son pardon, elle refuse de regagner son foyer et se terre dans une maison où elle se croit cachée…

Amour, passion, folie et mort.

Octave noue un amour fou pour Honorine et quand elle le quitte et se retrouve seule, à son insu, par ses relations et son argent, dans l’ombre il veille sur elle, lui trouvant un logement coquet et pas cher dont il paye une partie, des domestiques à sa botte, et ses hommes de paille achètent au-dessus de leur valeur les bouquets artificiels créés par Honorine pour assurer sa subsistance. Elle se croit libre et indépendante, elle est prisonnière dans une geôle aux barreaux invisibles.   

La situation dure depuis plusieurs années quand le comte fait emménager son nouveau et jeune secrétaire, Maurice de l’Hostal, dans la maison attenante, afin qu'il se lie avec sa femme et qu'il la convainque de revenir. Elle finira par accepter mais le remords et le chagrin sont trop forts et la rongent, engendrant un désespoir aussi grand chez son époux et ce qui devait arriver, arrivera.

Un grossier résumé de l’intrigue où Balzac sonde les caractères et plus particulièrement les tourments de l’amour, les extrémités où conduit la passion, voire la folie, avec en question centrale : une femme adultère peut-elle rester vertueuse ?

 

 

« En Orient, berceau de l’Humanité, la femme ne fut qu’un plaisir, et y fut alors une chose ; on ne lui demandait pas d’autres vertus que l’obéissance et la beauté. En mettant l’âme au-dessus du corps, la famille européenne moderne, fille de Jésus, a inventé le mariage indissoluble, elle en a fait un sacrement. (…) Cette institution a produit un monde nouveau, reprit le comte en souriant ; mais les mœurs de ce monde ne seront jamais celles des climats où la femme est nubile à sept ans et plus que vieille à vingt-cinq. L’Eglise catholique a oublié les nécessités d’une moitié du globe. »

 

 

balzacHonoré de Balzac   Honorine   Folio  - 205 pages -   

Lire la suite

La belle saison de la lecture

Dans un texte de Virginia Woolf, Des heures à lire* paru en 1916 et que je vous conseille fortement, l’écrivaine déclare : « Au-delà des généralités, il n’est guère difficile de démontrer, preuves à l’appui, que la belle saison de la lecture se situe entre dix-huit et vingt-quatre ans. »

Je ne sais pas ce qu’il en était à son époque mais aujourd’hui c’est une affirmation très banale constatée par tout le monde.

Cette période de notre jeunesse est celle où notre esprit est le plus ouvert, prêt à toutes les expériences et découvertes. C’est à cet âge que nous sommes initiés à ce qui définira notre avenir et notre personnalité. C’est vrai pour les livres et nos lectures mais il en est tout autant pour les autres aspects de notre existence.

Oui, c’est bien durant cette époque que j’ai fait mes plus belles expériences de lecteur qui elles-mêmes m’ont poussées vers d’autres écrivains et livres. Je me sentais explorateur d’un monde qui peu à peu me révélait ses richesses jusqu’alors insoupçonnées. Cinquante ans plus tard j’ai encore la nostalgie de ces terrains vierges où je m’engageais livre après livre. Certes, aujourd’hui je lis toujours de bons bouquins mais ce n’est plus pareil. Même quand c’est très bon, j’ai (presque) toujours l’impression de fouler un chemin déjà parcouru. Blasé ? Peut-être, mais c’est mon sentiment…

Revenons au texte de Virginia Woolf, plus loin elle déclare : « Mais l’ancien désir de savoir ce que pensaient les auteurs immortels a laissé place à une curiosité bienveillante qui nous pousse à savoir ce que pensent nos contemporains. »

Là, j’avoue avoir tiqué. Car ce n’est absolument pas mon ressenti ! L’écrivaine avait peut-être en tête l’idée que cette curiosité s’appliquait à une autre tranche d’âge particulière ? Pour ma part, aujourd’hui septuagénaire, c’est tout le contraire. S’il fut une période où je tenais à savoir ce que pensait le monde qui m’entourait pour comprendre comment il tournait, désormais, lassé, déçu (?), affligé, je me contente des informations mais ce n’est surtout pas dans les romans que je vais chercher des explications ou des justifications aux problèmes de nos sociétés. Ce monde n’est plus le mien. Bonne chance à vous !

Pour en terminer avec ce très beau texte de Woolf, je suis bien d’accord avec elle quand elle écrit : « Quoi que nous ayons appris des classiques, nous en avons besoin aujourd’hui pour évaluer le travail de nos contemporains. » Et plus encore : « Mais une vérité s’impose : on peut les lire aussi souvent que l’on veut sans qu’ils perdent la moindre de leur qualité et sans qu’ils ne se muent en une vaine coquille de mots. »

 

 

*Le texte de Virginia Woolf est à lire dans Essais choisis (Folio n° 5895) ou bien dans Des Heures à lire et autres courts essais (Folio n° 7340 qui vient de paraître).

Lire la suite

Jim Harrison : Wolf

jim harrisonJim Harrison (1937-2016), de son vrai nom James Harrison, est un écrivain américain. Il a publié plus de 25 livres, dont les renommés Légendes d'automne, Dalva, La Route du retour, De Marquette à Vera Cruz… Membre de l'Académie américaine des Arts et des Lettres, Jim Harrison a remporté la bourse Guggenheim et a déjà été traduit dans 25 langues.

Quelle surprise en consultant la liste des œuvres (romans et nouvelles) de l’écrivain, deux romans m’avaient échappé, ce Wolf (1971) le tout premier paru, et un autre que je me réserve pour plus tard. Quand on interrogeait Harrison sur ce livre, il le résumait succinctement ainsi « C’est l’histoire d’un jeune homme qui a fait pas mal de bêtises dans sa vie et s’enfonce dans les bois avec l’idée de s’y enraciner pour de bon et, surtout, de rencontrer un loup. » Et si je vous dis que le bouquin est sous-titré Mémoires fictifs, vous aurez une assez proche idée de son contenu.  

Nous avons donc Swanson notre héros, un jeune gars qui part en forêt, loin du monde pour être au plus près de la nature et de sa faune, plus ou moins bien équipé pour ce genre d’aventure mais assez expérimenté pour ne pas faire d’âneries dommageables et en profiter pour ne pas boire d’alcool. Il crapahute de-ci, de-là, rampe dans le marais pour épier un balbuzard devenu oiseau rare etc.

Ça pourrait être un peu bateau à lire ce texte aujourd’hui mais Jim Harrison a déjà la fibre du grand écrivain qu’il deviendra car cette randonnée est ponctuée de digressions multiples et de natures diverses qui rompent le prévisible, surtout pour ceux qui ont déjà lu l’auteur. A cette errance se mêlent des rêveries poétiques, des fantasmes et des souvenirs autobiographiques avérés (décès tragique de son père et sa sœur, perte de son œil, ses origines suédoises…) et d’autres très plausibles ou très proches de la réalité vécue : il sillonne le pays en autostop, Boston, New York, la Californie…, il boit des coups, il connait de jolies filles (Laurie, Barbara…), il fait des rencontres, une jeune vie de marginal sans le sou. Et déjà à cette époque ce triste constat sur ce que devient l’Amérique où la nature peine à résister à l’envahissement humain et industriel.

Ce n’est bien entendu pas le meilleur roman de Jim Harrison mais pour un premier essai, il est prometteur et bien dans le sillon de ce qu’il tracera par la suite.

 

« Il n’y avait plus de terres vierges, seulement quelques avant-postes moins visités que d’autres. On creusait l’Arctique pour y puiser du pétrole, de grandes mares d’huile suintaient à travers les glaciers. Le continent américain ressemblerait à l’Europe avant que ma vie ne prenne fin, et j’en était désespéré. La simple odeur du profit nous ferait détruire toute beauté, il n’était plus question de sentiments. »

 

 

jim harrisonJim Harrison   Wolf    10-18  - 285 pages -      

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marie-Hélène Dumas

Préface inédite de François Busnel

 

 

Lire la suite

Annie Proulx : Nouvelles histoires du Wyoming

Proulx Livre 22312407_4066313.jpgAnnie Proulx est née en 1935 dans le Connecticut et a reçu le prix Pulitzer en 1994. C’est en adaptant une de ses nouvelles que le cinéaste Ang Lee a réalisé le film Brokeback Mountains en 2005. La dame vous est maintenant un peu plus familière.

Avec Nouvelles histoires du Wyoming nous sommes au cœur de l’Ouest américain à travers onze récits dont l’action se déroule autour d’Elk Tooth, un bled perdu mais dans une région que l’écrivaine connaît bien puisqu’elle y vit désormais. Les décors vous les connaissez par les westerns, de grandes plaines, des sommets rocheux et dentelés, des ranchs et des troupeaux de vaches. Sur cette toile de fond Annie Proulx dresse le portrait d’hommes et de femmes quelconques qui sont eux aussi l’Amérique d’aujourd’hui. Des gardes-chasse, une jeune femme qui retrouve ses racines Indiennes, un camionneur. Il est aussi question d’un concours de la barbe la plus longue et d’une courte passion pour les bains chauds qui redonne un peu de vie à Elk Tooth, où les langues trouvent matière à se délier pour les piliers du PeeWee, le Silvertip ou le Mudd’s Hole, les trois bars du coin.

La guerre du VietNam a laissé des traces encore tangibles, les fermiers deviennent une race en voie de disparition au profit des spéculateurs qui tablent sur de probables bénéfices dus au pétrole. Un monde parallèle se construit, fait de faubourgs où stationnent des caravanes décaties, peuplées de soiffards brutaux et pères de familles nombreuses, où des gamins de moins de dix ans biberonnent des canettes de bière sous l‘œil éteint de leurs mères. Mais attention il y a aussi des nouvelles pleines d’humour ou teintées de fantastique.

Le style d’Annie Proulx est plutôt laconique, parfois abrupte même, ce qui en fait un livre très facile à lire. A petites touches elle nous décrit une Amérique, son Amérique. 

 

« Peu de temps après, sa mère commença a décliner. Elle le regardait et disait : « Où est donc Gilbert ? En train de jouer dehors, je parie. Je veux qu’il remplisse la caisse de bois à brûler. » Plus tard elle lui disait : »Tu devras te débrouiller tout seul pour le dîner. Je ne peux pas cuisiner sans bois. » Gilbert se sentait une pointe de remords : quand il était gosse il avait échappé souvent à la corvée de bois. Elle lui demandait souvent si le facteur était passé jusqu’au jour où Gilbert, exaspéré, lui dit : »Tu attends une lettre du président ou quoi ? ». Elle avait secoué la tête mais n’avait rien répondu. »  

 

Proulx images.jpgAnnie Proulx  Nouvelles histoires du Wyoming  Livre de Poche

 

 

Lire la suite

16/10/2012 | Lien permanent

Joan Didion : Maria avec et sans rien

Didion Livre Maria 995958_5167286.jpgJ’ai déjà cité ici Joan Didion il y a quelques mois quand je l’avais découverte grâce à la réédition de son livre culte L’Amérique, emballé par ce livre j’ai voulu en savoir plus sur cette femme écrivain et je me suis plongé dans Maria avec et sans rien édité dans la très élégante collection Pavillons poche chez Robert Laffont. J’insiste sur l’élégance de cette collection, car si le texte est primordial, cela tombe sous le sens, quand l’édition est soignée c’est un petit plus qui s’ajoute au plaisir de la lecture. 

Le roman est sorti aux USA en 1970 mais il garde néanmoins toute son actualité. Maria est une jeune femme d’une trentaine d’années, actrice de second rang, divorcée et mère d’une fillette internée pour troubles mentaux. Elle ne manque néanmoins pas de moyens financiers au vu de ses voyages et séjours à l’hôtel et repas au restaurant. Dépressive, elle sillonne la Californie en voiture, à la recherche d’une tranquillité d’esprit qui ne semble pas lui être destinée.

Le livre est très bien écrit, trop bien peut-être pour moi car j’ai eu beaucoup de mal à suivre le périple de cette femme qui ne sait jamais trop ce qu’elle veut, qui erre sans but précis, qui gâche des occasions de se remettre en selle. Tout à fait le genre de personne que je ne supporte pas dans la vie réelle mais c’est aussi tout le talent de l’auteur de nous mettre sous le nez un tel personnage aussi bien décrit. Quant à son entourage, la clique superficielle des « petits » de Hollywood qui ne connaissent que les ragots, les coucheries et la dope, il n’est pas fait non plus pour l’aider à se sortir de son marigot déprimant. Joan Didion nous livre là encore, une vision cynique d’une certaine Amérique. Heureusement que le livre n’est pas trop épais car je crois bien que je serai tombé moi aussi dans la déprime totale à suivre la vie de ces gens.

J’espère m’être fait bien comprendre, il s’agit d’un très bon livre mais il ne faut pas trop s’impliquer dans sa lecture sous peine de dépression.

 

« Au cours de la semaine suivante Freddy Chaikin donna un certain nombre de coups de téléphone à divers producteurs de télévision leur demandant « comme un service personnel à rendre à Carter », de penser à Maria pour des rôles même d’une seule journée. « N’importe quoi pour lui changer les idées, dit Freddy à chacun d’eux. Nous sommes en présence de quelqu’un qui est presque au bord du suicide. » Maria était au courant de ces coups de téléphone car Hélène lui en parlait. »

   

Didion_5097.jpegJoan Didion Maria avec et sans rien collection Pavillons Poche chez Robert Laffont

 

 

Lire la suite

12/10/2012 | Lien permanent

Catherine de Silguy : Histoire des hommes et de leurs ordures

Petite histoire amusante car véridique concernant ce bouquin, je l’ai trouvé en farfouillant dans les encombrants jonchant les trottoirs de ma ville, quelques instants avant le passage du camion des éboueurs. On ne pouvait mieux associer l’objet et son contenu !

 

Silguy Livre.jpgCatherine de Silguy née en 1943 à Landerneau en Bretagne, a travaillé comme ingénieur dans des organisations professionnelles agricoles puis à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. Agronome de formation, elle s'est spécialisée dans les domaines liés à la préservation de l'environnement, en particulier l'agriculture biologique, les énergies de la biomasse et les traitements des déchets municipaux.

Le titre complet de l’ouvrage est Histoire des hommes et de leurs ordures du Moyen Âge à nos jours. Attention, ce « à nos jours » s’arrête à l’année 1996, date de parution du bouquin. Autant dire que depuis, mentalités et techniques ont évolué, même si le chemin reste encore long dans la prise de conscience par tous, individus, entreprises, gouvernants, pour que la pollution, directe ou indirecte induite par nos déchets ne soit plus une réalité affligeante.

Le livre s’adresse plus aux néophytes comme vous et moi qu’aux spécialistes des ordures. C'est-à-dire qu’il est simple à lire, sans explications techniques trop complexes. C’est aussi son point faible certainement, rien de novateur dans ce qui est décrit, mais je le rappelle le texte date de 1996, se remettre à notre niveau de connaissances de l’époque n’est pas aisé. Néanmoins à le lire, on ne sent pas une plume révolutionnaire ou adepte des théories les plus radicales de certains mouvements de la tendance écologiste. Je rappellerai cette formule simple qui devrait guider toute réflexion sur le sujet, « le seul bon déchet, c’est le déchet qui n’a pas été produit ! ».

Je fais ces quelques critiques pour ceux qui seraient intéressés par cet angle de l’ouvrage, car moi en fait ce qui m’a conduit à lire ce bouquin c’est sa première partie, à savoir l’histoire de nos déchets et ordures.

Les pots de chambre vidés par les fenêtres au Moyen Âge ou les égouts de Paris se déversant dans la Seine où s’approvisionnaient les porteurs d’eau. Philippe Auguste (1165-1223) qui fut le premier roi de France à tenter de combattre à Paris les pestilences immondes causées par les boues dans les rues. Les différentes méthodes de ramassage des ordures jadis, le préfet Poubelle dont le nom dit tout, les sociétés complexes au sein des chiffonniers. Toute l’histoire de France est aussi marquée par une succession de règlements et de lois non appliquées, contrés par des corporatismes divers, comme quoi il n’y a rien de nouveau sous le soleil.  

Enfin, l’auteur conclut par un original dernier chapitre où elle aborde l’utilisation de nos déchets par les artistes contemporains dans leurs œuvres. Donc, un livre qui ne révolutionne pas le secteur de l’ordure, aujourd’hui moins qu’hier, mais qui ne méritait pas de finir dans la poubelle dont je l’ai tiré !

 

« Après l’euphorie des années de forte croissance, on redécouvre l’enjeu du recyclage des déchets de la consommation humaine. Il ne s’agit pas de retourner aux pratiques d’antan, mais de tenter de se rapprocher du cycle écologique en tenant compte des progrès technologiques. Les déchets domestiques constituent un filon de matières secondaires et d’énergies qui s’immiscent dans de nombreux secteurs de production. »

 

 

Silguy.jpgCatherine de Silguy  Histoire des hommes et de leurs ordures  Le Cherche Midi

 

   

 

 

Lire la suite

23/11/2012 | Lien permanent

Sophie Divry : Quand le diable sortit de la salle de bain

sophie divrySophie Divry, née en 1979 à Montpellier, vit à Lyon. Entre 2004 et 2010, elle a été journaliste au journal La Décroissance, un mensuel anticonsumériste, syndicaliste et engagée sur une liste de gauche aux élections municipales de sa ville d’adoption avant de se lancer dans la littérature, tout en exerçant un job de serveuse dans la restauration. Son quatrième roman, Quand le diable sortit de la salle de bain, est paru depuis peu.

Sophie, la narratrice célibataire et journaliste pigiste au chômage, habite Lyon et rêve d’écrire un roman qui lui ouvrira les portes d’un avenir plus reluisant. Pour l’heure, elle crève la faim et compte ses euros pour payer ses factures.

A partir de ce pitch, Sophie Divry nous offre un gentil roman qui mérite qu’on y jette un œil, « gentil » prévenant d’emblée que j’y mettrais quelques réserves néanmoins. Les premières pages m’ont emballé, une écriture, un style, un rythme, un ton séduisant teinté d’humour, nous partions sur de bonnes bases. Je me suis mis à attendre monts et merveilles inattendues, n’ayant jamais lu cet écrivain. Pourtant, maintenant que le roman est refermé et rangé dans ma bibliothèque, mon enthousiasme est retombé. Le roman n’est pas mauvais, loin de là, mais bon… je ne sais pas trop quoi en penser, ni même en retenir.

Il y a une écriture certaine, je l’ai dit. J’ai adoré tous les néologismes particulièrement savoureux qui ponctuent la narration, « Je ne vais pas tout lucifaire à ta place » s’exclame Lorchus, son diable personnel. Une voix mauvaise conseillère qui intervient ponctuellement (très peu en fait) dans le récit, tout comme celle de sa mère lui dispensant ses avis d’ange gardien sur sa manière de vivre (On pense à Tintin éméché dans je ne sais plus quel album d’Hergé, le diable sur une épaule, l’ange sur l’autre). La première partie du roman dresse le portrait de la vie quotidienne d’une chômeuse, le fond est sombre pour ces malheurs de Sophie mais la forme souriante remporte ce set.

Dans la seconde partie, Sophie retrouve sa famille et ses frères mariés avec enfants et boulot stable,  près de Montpellier, pour un anniversaire dans la grande maison familiale. De belles pages sur le retour en enfance et le passage à l’état d’adulte. Le propos se fait plus profond, l’engagement politique de Sophie Divry transpire de ces lignes, un peu dépité, « Où sont les agitatrices, les courageux, les têtes brûlées et les exceptions ? Où sont-ils et où sont-elles ? Où est la jeunesse de mon pays ? » Une sorte de morosité s’empare de ce second set.

La dernière manche m’a laissé perplexe, Sophie a trouvé un boulot temporaire dans la restauration mais qui se termine mal (vous aurez noté au passage, tous les points communs entre la Sophie du roman et celle qui le rédige) et sur une phrase ambigüe, « … il arrive un moment où, quand une injustice trop patente vous est faite, il ne vous reste plus qu’à quitter la course. »  

Cette fin pas très claire m’a déçu. Et je ne peux passer sous silence, les délires typographiques utilisés par Sophie Divry. Ils ne sont pas bien méchants certes et ne compliquent pas la lecture mais personnellement je suis très réservé sur ce genre de procédé. Je trouve que cela n’apporte rien à un roman et si je poussais le raisonnement plus loin, j’irais même jusqu’à dire qu’ils sont une faiblesse (comme si les mots seuls ne suffisaient pas à dire les choses), à moins qu’ils ne soient comme une preuve de régression infligée au lecteur, me rappelant les livres pour enfants des maternelles, où pour garder leur intérêt éveillé, on dispose le texte en arabesques savantes ou polices de caractères différentes…

Je répète ce que je j’ai dit au début de ce billet, un roman qui mérite d’être lu, mais qui n’est pas aussi remarquable que certains voudraient nous le faire croire. Ce dont l’auteure consciente (ou maligne) avoue dans un « bonus » final : « Comme vous pouvez le constater, il y a beaucoup d’éléments dans ce livre, c’est pour l’heure un grand fourre-tout. J’ai besoin d’y voir plus clair. » Nous aussi !

 

« Le fait que je me résigne à mon chômage, que je m’y installe durablement, avait éteint leur inquiétude au lieu de les aiguiser. Au fond, ma situation s’était normalisée. Rien de nouveau ; donc, plus de danger. J’étais là comme ils m’avaient toujours vue. La même tête. La même voix. Seul un révélateur chimique d’une composition inconnue aurait pu rendre visible la faim qui le tenaillait. Ce que ma famille ignorait, c’est que le pire du chômage n’est jamais le début. Le pire, c’est l’installation dans cette idée, justement, que rien de nouveau n’arrivera plus… »

 

 

sophie divrySophie Divry  Quand le diable sortit de la salle de bain   Editions Noir sur Blanc, collection Notabilia  - 309 pages –

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lire la suite

Laurence Peyrin : La drôle de vie de Zelda Zonk

Laurence PeyrinLaurence Peyrin a été journaliste de presse pendant 20 ans au Dauphiné Libéré. Mère de six enfants pour la plupart adolescents, elle se consacre désormais à transmettre sa passion du cinéma à des élèves de collège, aux voyages et à l’écriture qui occupe la plus grande partie de sa vie. Son roman, La drôle de vie de Zelda Zonk, vient de paraître.  

« Sur cette route d’Irlande qu’Hanna a prise tant de fois pour aller à son atelier, c’est l’accident. À l’hôpital, la jeune femme se lie avec Zelda, sa voisine de chambre de 85 ans, positive et joyeuse, experte en broderie. Mais Hanna sent un mystère chez la vieille dame, qui esquive toute question précise sur son passé. Que peut-elle avoir à cacher, à son âge ? »

Après dix pages ma religion était faite et à la page quatre-vingt, je n’en pouvais plus. Alors oui, je le confesse j’ai terminé ce bouquin en mode accéléré, me contentant d’en lire les dix dernières lignes de chaque chapitre, plus que suffisantes pour suivre l’action poussive.

Certains livres sont mauvais pour des tas de raisons, celui-ci entre dans la catégorie de ceux qui m’horripilent le plus. Il a tout du plat cuisiné industriel, formaté, sans surprises et pire que tout, on sent qu’il est écrit par une femme, pour un public féminin. Est-ce l’écriture naturelle de Laurence Peyrin ou un plan calculé ? Qu’importe, le résultat est là, je me suis ennuyé à mourir à survoler cette bluette qui sous couvert d’une éventuelle découverte d’une Marilyn Monroe, non décédée donc, et vivant planquée en Irlande, cache en réalité une histoire de problème de couple à la psychologie simplette.

Et ce truc-là a été primé ! Mon dieu…

 

« Hanna ignorait ce que le serveur pensait du couple qu’ils formaient ce soir, autour de cette table romantique à deux pas de Saint-Germain-des-Prés. Les prenaient-ils pour des amoureux se découvrant l’un l’autre, pour des amants tout neufs en échappée belle ? Hanna s’en fichait. En tout état de cause, Michael n’avait pas l’air d’un dragueur. Enfin… Il n’avait pas l’air de faire exprès d’être séduisant. Il était tellement naturel et spontané qu’on en oubliait presque qu’il était aussi beau qu’une affiche de film, avec ses yeux si clairs, sa mâchoire carrée, son nez un peu cassé et ses mains viriles. Hanna était tout à fait à l’aise avec lui. »

 

 

Laurence PeyrinLaurence Peyrin  La drôle de vie de Zelda Zonk  Kero  - 393 pages – 

Lire la suite

De l’importance de l’âge

          Les critiques des romans abondent dans les médias et sur les blogs, tout le monde y va de son commentaire plus ou moins éclairé, et que je t’analyse ceci et que je prenne en considération cela, tout est disséqué – du moins pour ceux qui se donnent la peine de le faire…

Pourtant il est un critère quasiment ignoré de tous : l’âge ! L’âge de qui, du capitaine ? L’âge de l’écrivain et l’âge du lecteur, tout simplement. Oh ! purée ! Le Bouquineur va encore nous embarquer dans un de ses billets à la noix… Personne n’étant obligé de me suivre, je fais ce que je veux chez moi.

J’ai déjà abordé mollement ce problème dans le passé mais je vais m’y attarder aujourd’hui car je suis convaincu qu’il n’est pas neutre.

Comment peut-on raisonnablement mettre sur le même plan, un écrivain ayant vingt ans et son collègue qui en aurait soixante ou plus ? La même remarque s’applique aussi pour les lecteurs et donc aux blogueurs puisqu’eux nous donnent leur avis sur leurs lectures.

L’âge, c’est le terme réducteur pour dire l’expérience, le vécu. Un homme (ouais, ou une femme) de vingt ans ne voit pas les choses, ne les ressent pas comme un aîné du troisième âge (ça se dit encore ?). Dans ces conditions un jeune écrivain, à moins d’être génial, ne pourra pas utiliser la large palette que le vécu autorise à son grand-père.

Mais ça reste néanmoins possible car l’écriture, c’est aussi la roublardise, dans le sens positif du terme, qui permet de pomper des ressentis déjà décrits par d’autres dans leurs propres livres. Si on peut décrire un meurtre dans un polar sans avoir jamais tué personne dans la vraie vie, on doit pouvoir utiliser les mêmes astuces pour pallier le manque d’expérience dans d’autres domaines. Donc, dans beaucoup de cas, si on accepte l’idée que le métier d’écrivain est un job de faiseur, le critère de l’âge peut souvent être ignoré.

Par contre qu’en est-il du lecteur ? Là je suis beaucoup plus persuadé que l’âge est un facteur important et qui joue un grand rôle dans l’avis porté sur un livre. J’en veux pour preuve ce simple test : relisez un roman de votre jeunesse quand vous serez matures. Si vous l’avez déjà fait, et je suis certain que beaucoup l’ont déjà expérimenté, vous voyez que votre avis de vingt ans n’est plus celui de vos X années de plus. Ceci dit, ne nous méprenons pas, le grand âge ne signifie pas qu’on comprend ou ressent mieux ce que l’on lit ! Ce n’est qu’une question de point de vue, un angle d’approche qui diffère, comme contempler un monument par sa face ouest ou est. Si vous avez aimé le roman à vingt ans, vous aviez raison ; si vous le trouvez niais à soixante, vous avez certainement encore raison – ce n’est pas une règle stricte mais une possibilité recevable.

Où l’affaire se complique et confirme que « Le Bouquineur va encore nous embarquer dans un de ses billets à la noix », c’est que le vécu ou l’expérience restent des concepts flous en réalité – même s’ils sont clairs en théorie – car il y a des jeunes gens qui en ont plus vu et bavé dans leur courte vie que des vieux pépères assis dans leur fauteuil depuis toujours. 

Un billet qui se termine en eau de boudin ? Pas faux mais ça n’empêche pas d’y réfléchir.

 

Lire la suite

Bernard Chambaz : Dernières nouvelles du martin-pêcheur

Chambaz Livre.jpgBernard Chambaz, né en 1949, est un romancier, historien et poète français ayant enseigné l’histoire au lycée Louis-le-Grand à Paris. Son père, Jacques Chambaz, fit partie du bureau politique du PCF de 1974 à 1979 et son frère Jean, médecin et chercheur est le président de l’université Pierre-et-Marie-Curie. Après une agrégation de lettres modernes et d’histoire, il se tourne vers l’écriture. Prix Goncourt du premier roman en 1993 pour L’Arbre des vies, il est aussi couronné d’un prix de poésie en 2005 pour Eté. Dernières nouvelles du martin-pêcheur est sorti cette année. 

Durant l’été 2011, Bernard Chambaz se lance dans une traversée des Etats-Unis en vélo, d’Est en Ouest, de cap Cod à Los Angeles, escorté par sa femme Anne en Cadillac. Ni exploit sportif, ni voyage d’agrément, l’auteur se livre à un périple à travers la mémoire. Son fils Martin est décédé il y a dix-neuf ans, ce parcours toute la famille l’avait déjà fait en voiture, Bernard, Anne, Martin le fils cadet et ses deux frères ; aujourd’hui l’écrivain prend ce pèlerinage comme prétexte pour retrouver les traces de l’enfant disparu. 

Roman double, d’un côté il y a ce récit de voyage à travers une Amérique vue par le petit bout de la lorgnette, les petites villes, les motels, les paysages au cœur du pays, les gens croisés croqués à petites touches, les références éclectiques, musicales, littéraires ou historiques liées aux lieux traversés. Et puis de l’autre, ce souvenir permanent du fils perdu qui s’immisce en fil rouge dans cette étoffe dont chaque brin fait le lien entre des enfants décédés (ceux de Lindbergh, Roosevelt…) et les oiseaux dont une légende prétend qu’ils reviendraient de l’au-delà sous cette forme. Bernard pédale, Anne conduit, à priori seuls chacun dans leurs univers jusqu’à l’étape, mais en fait accompagnés par Martin, fantôme bienveillant se montrant parfois à leurs yeux crédules et consentants.    

Le livre est très bien écrit, j’avouerai y voir là son principal attrait. Si l’Amérique décrite dans ces pages m’est agréable, elle m’est aussi familière par d’autres ouvrages. Quant au deuil de l’écrivain, si je lui témoigne un respect poli, j’ai ressenti une légère gêne devant la banalité de la douleur et le convenu des souvenirs du défunt, évidemment garçon parfait, même s’ils sont exprimés avec beaucoup de poésie et de tact. Un roman plus intellectuel que sentimental mais très agréable à lire.

 

«  Que nous ressentions le deuil comme un état tangible n’empêche pas de vivre. Du simple sentiment de la vie, il résulte la possibilité d’être joyeux. Le deuil est compatible avec la joie. Le tout était de l’écrire une bonne fois pour toutes et d’en faire la démonstration. Cette traversée et ce roman en sont le corollaire. »

 

 

Chambaz.jpgBernard Chambaz  Dernières nouvelles du martin-pêcheur  Flammarion – 320 pages –

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lire la suite

30/04/2014 | Lien permanent

Page : 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13