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La Série Noire fête ses 70 ans

Paris, été 1944, les alliés viennent de débarquer en Normandie lorsque Marcel Duhamel, agent pour Gallimard, sort de chez l'auteur dramatique Marcel Achard avec trois bouquins que ce dernier vient de lui confier : This man is dangerous et Poison Ivy de Peter Cheyney, et No orchids for miss Blandish d'un certain James Hadley Chase. Un an plus tard, en octobre 1945, le public français découvre une nouvelle collection à travers ses deux premiers titres, La Môme vert-de-gris (titre français de Poison Ivy) et Cet homme est dangereux, les deux polars de Cheyney.

La « Série noire » est née et personne ne se doute que soixante-dix ans plus tard, presque 3000 romans seront à son catalogue. On notera que si La Môme vert-de-gris porte le n° 1 de cette collection, Le Dernier Coup de Kenyatta de Donald Goines paru en 2005 avec le n° 2743, est l’ultime roman de La Série Noire à se voir attribuer un numéro.  

Mais revenons aux origines. En quoi cette collection a-t-elle révolutionné le monde de l’édition ? La réponse nous est donnée dès 1948 par Marcel Duhamel, à travers ce court texte de présentation, véritable manifeste :

 « Que le lecteur non prévenu se méfie : les volumes de la « Série noire » ne peuvent pas sans danger être mis entre toutes les mains. L'amateur d'énigmes à la Sherlock Holmes n'y trouvera pas souvent son compte. L'optimiste systématique non plus. L'immoralité admise en général dans ce genre d'ouvrages uniquement pour servir de repoussoir à la moralité conventionnelle, y est chez elle tout autant que les beaux sentiments, voire de l'amoralité tout court. L'esprit en est rarement conformiste. On y voit des policiers plus corrompus que les malfaiteurs qu'ils poursuivent. Le détective sympathique ne résout pas toujours le mystère. Parfois il n'y a pas de mystère. Et quelquefois même, pas de détective du tout. Mais alors ?... Alors il reste de l'action, de l'angoisse, de la violence — sous toutes ses formes et particulièrement les plus honnies — du tabassage et du massacre. Comme dans les bons films, les états d'âmes se traduisent par des gestes, et les lecteurs friands de littérature introspective devront se livrer à la gymnastique inverse. Il y a aussi de l'amour — préférablement bestial — de la passion désordonnée, de la haine sans merci, tous les sentiments qui, dans une société policée, ne sont censés avoir cours que tout à fait exceptionnellement, mais qui sont parfois exprimés dans une langue fort peu académique mais où domine toujours, rose ou noir, l'humour. A l'amateur de sensations fortes, je conseille donc vivement la réconfortante lecture de ces ouvrages, dût-il me traîner dans la boue après coup. En choisissant au hasard, il tombera vraisemblablement sur une nuit blanche. »

série noire, patrick pécherot, Voilà pour le fond. Quant à la forme, elle se distingue par une esthétique particulière (pochette cartonnée noire et jaune avec une jaquette noire avec liseré blanc) qui va faire beaucoup pour la notoriété de la collection, dont le nom a été inventé par Jacques Prévert.

La littérature anglo-américaine se taille la part du lion dans la collection. Marcel Duhamel se charge lui-même de la traduction de nombreux ouvrages (Raymond Chandler et Dashiell Hammett). Tous les grands auteurs du roman noir américain seront publiés (Horace McCoy, W. R. Burnett, Ed McBain, Chester Himes, David Goodis ou Jim Thompson). Dans le même temps Duhamel va éditer des auteurs français, le premier est Serge Arcouët (publié sous le pseudonyme de Terry Stewart en 1948) puis Albert Simonin avec Touchez pas au grisbi !, et permettre au genre de prendre son envol définitif en France. Les écrivains du néo-polar (par exemple, Jean-Patrick Manchette, A.D.G. et Jean-Pierre Bastid) en feront un véhicule pour le commentaire social et politique.

Au cours des années 1980 la collection commence à subir la concurrence de nouvelles collections comme Rivages/Noir. On critique aussi l'absence d'auteurs de sexe féminin. Patrick Raynal essaiera d'y remédier en donnant leur chance à Maïté Bernard, Laurence Biberfeld, Pascale Fonteneau, Sylvie Granotier, Nadine Monfils, Chantal Pelletier.

Devant l'érosion des ventes constatée depuis que nous avons changé de siècle, Antoine Gallimard a profondément modifié la collection, confiant sa direction en 2005 à Aurélien Masson : la collection sœur La Noire disparaît tandis que la Série noire passe d'un format mi-poche (19 X 12,5 cm.) au grand format, gardant l'esprit de la dernière version des semi-poches (photo en noir et blanc, typographie en jaune) et supprime la fameuse numérotation. Les tirages sont moins importants et leur prix plus élevé.

A titre personnel, ces modifications me désolent énormément car j’étais très attaché au format précédent mais je conçois que ce soit là une réflexion de petit vieux borné. Et puis comme disait l’autre, on ne juge pas un livre sur sa couverture, l’important restera donc toujours le texte et la valeur des auteurs publiés.

Dans une interview accordée au Monde des Livres (27/03/2015), Aurélien Masson envisage les axes de développement suivants : « Continuer de promouvoir des voix françaises dans leur diversité. J’ai aussi demandé l’autorisation de publier exceptionnellement quelques biographies de rock. Pourquoi s’interdire des choses ? Il faut abolir les frontières. Patrick Pécherot (1), par exemple, est publié alternativement dans des collections de littérature noire (Tranchecaille, 2008) et blanche (L’Homme à la carabine, 2011). Je compte enfin développer le polar rural en 2016, parce qu’il traite de problèmes rarement évoqués : fermetures d’usines et de commerces, ennui de la jeunesse, délinquance diffuse… »

Longue vie à la Série Noire ou, pour reprendre le titre d’un Peter Cheyney, A toi de faire, ma mignonne

 

(1)- Mon prochain billet chroniquera l’excellent nouveau roman de Patrick Pécherot : Une plaie ouverte.

 

Sources : Gallimard – Wikipedia – Le Monde

 

 

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19/09/2015 | Lien permanent

Oscar Wilde au Petit Palais

Paris offre enfin sa grande exposition à l’écrivain Oscar Wilde, au Petit Palais. Ce sont plus de deux-cents pièces, dont des inédits, qui sont proposés au public : manuscrits, dessins, tableaux, photographies… permettent de mieux cerner et d’entrer dans l’univers de ce francophone et ardent francophile, à la vie mouvementée.

Oscar Wilde, pour ceux qui le connaissent le moins, ce sont ces petites phrases et aphorismes dont tous les recueils de citations font mention et pour ceux qui ont déjà ouvert un livre de l’écrivain, très certainement le célèbre Portrait de Dorian Gray.

oscar wildeOscar Wilde, dont le nom complet est Oscar Fingal O'Flahertie Wills Wilde, est un écrivain irlandais, né à Dublin le 16 octobre 1854 et mort à Paris le 30 novembre 1900. Né dans la bourgeoisie irlandaise et protestante de Dublin, Oscar Wilde se distingue par un parcours scolaire brillant et c’est à l'université d'Oxford qu’il se construit un personnage d’esthète et de dandy, sous l’influence des préraphaélites et des théories de « L'art pour l'art » de Walter Pater, John Ruskin ou Whistler. A l’issue de ses études, Wilde s’installe à Londres, où il parvient à s'insérer dans la bonne société et les cercles cultivés, s’illustrant dans plusieurs genres littéraires, son œuvre recouvrant le roman la poésie et le théâtre.

Dans son roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) il explore les liens entre la beauté, la décadence et la duplicité. Sa pièce Salomé (1891), rédigée en français à Paris l’année suivante, ne peut être jouée en Angleterre, faute d’avoir obtenu la licence d’autorisation, au motif qu’elle met en scène des personnages bibliques. Wilde enchaîne avec plusieurs comédies de mœurs, qui font de lui l’un des dramaturges les plus en vue de Londres. Indissociables de son talent littéraire, sa personnalité hors du commun, le mordant de son esprit, le brillant de sa conversation et de ses costumes assuraient sa renommée.

Au faîte de sa gloire, alors que sa pièce maîtresse L'Importance d'être Constant (1895) triomphe à Londres, Oscar Wilde poursuit le père de son amant Alfred Douglas pour diffamation, après que celui-ci a entrepris de faire scandale de son homosexualité. Après une série de trois procès retentissants, Wilde est condamné pour « grave immoralité » à deux ans de travaux forcés. Ruiné par ses différents procès, condamné à la banqueroute, il écrit en prison De Profundis, une longue lettre adressée à son amant dont la noirceur forme un contraste saisissant avec sa première philosophie du plaisir. Dès sa libération en mai 1897, il quitte définitivement la Grande-Bretagne pour la France. C’est dans ce pays d’accueil qu’il met un point final à son œuvre avec La Ballade de la geôle de Reading (1898), un long poème commémorant l’expérience éprouvante de la vie en prison. Il meurt à Paris en 1900, dans le dénuement, à l'âge de quarante-six ans.

L’exposition permet donc de voir des manuscrits autographes : des sonnets, une lettre adressée à sa mère en 1868 quand il était au pensionnat, une à son père en 1875 avec des croquis d’œuvres Etrusques vues dans un musée de Florence. D’autres lettres, plus tard quand il sera en France, à Mallarmé, Edmond de Goncourt ou Henri de Régnier. Mais bien sûr, on peut aussi voir les manuscrits de L’Importance d’être constant, du Portrait de Dorian Gray ainsi que d’une édition de ce roman de 1891 dédicacée.  

Une pièce de l’exposition est consacrée à Salomé, pièce écrite en français en 1891, avec les illustrations d'Aubrey Beardsley qui l'ont rendue célèbre, des affiches présentant le mythe de Salomé, et une projection de son adaptation en film par Charles Bryant (1923).

De nombreuses photographies aussi, celles prises par Napoleon Sarony (dont celle illustrant ce billet) lors de son voyage aux Etats-Unis en 1882 pour un cycle de conférences sur l’art. Ou bien ces photos avec Lord Alfred Douglas de Queensberry, son amant rencontré en 1891. Tous deux mèneront une vie débridée en affichant en public leur homosexualité ce qui entraînera le scandale Queensberry et un procès, le père du jeune homme provoquant Wilde plusieurs fois, comme avec cette carte de visite exposée ici, où pour se faire présentée à Wilde dans un club sélect, est inscrit au dos « sodomite ».

De nombreux tableaux d’artistes de l’époque sont accrochés aux murs, avec un commentaire de Wilde en regard ; par exemple, pour « La dernière heure du crépuscule » de William Holden Hunt, cette remarque « Comme étude de couleur c’est superbe mais il est difficile de s’intéresser humainement à cette paysanne Egyptienne. »

Enfin le parcours s’achève avec des esquisses du sculpteur Jacob Epstein prévues pour orner la tombe d’Oscar Wilde. C'est d'ailleurs à Paris, au Père-Lachaise, qu'est enterré ce francophile, qui avait écrit dans une lettre à Edmond de Goncourt : « Français de sympathie, je suis irlandais de race, et les Anglais m'ont condamné à parler le langage de Shakespeare. »

Pour conclure, je retiendrai cette formule bien typique de Wilde : « Il n’existe pas de livre moral ou immoral. Un livre est bien écrit ou mal écrit : un point c’est tout. »

Les photos étant interdites, je n’ai rien pu faire pour ornementer ce billet de documents intéressants… désolé !

 

Exposition : Oscar Wilde, l'impertinent absolu, du 28 septembre au 15 janvier 2017, au Petit Palais, avenue Winston-Churchill, Paris (VIIIe).

 

 

oscar wilde

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Photo : Le Bouquineur   Sources : le fascicule offert à l’entrée de l’expo, Wikipédia et les notes du volume de la Pléiade consacré à l’auteur

 

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André Maurois : Les Silences du colonel Bramble

andré mauroisAndré Maurois (pseudonyme d’Emile Salomon Wilhelm Herzog), né en 1885 à Elbeuf et mort en 1967 à Neuilly-sur-Seine, est un romancier, biographe (Shelley, Byron, Victor Hugo, George Sand, Balzac…), conteur et essayiste français. Issu d'une famille de drapiers juifs alsaciens ayant quitté l’Alsace en 1870 pour ne pas devenir Allemands, Maurois a pour professeur au lycée de Rouen le philosophe Alain, à qui il sera redevable de son orientation esthétique. Il préfère en effet une carrière littéraire à la direction de l’usine familiale par laquelle il passera néanmoins durant une dizaine d’années. Interprète militaire et officier de liaison auprès du BEF (Corps expéditionnaire britannique) en France et en Flandres pendant la Première Guerre mondiale, Maurois écrit en 1918 Les Silences du colonel Bramble, son premier ouvrage, qui connaîtra un vif succès, tant en France que dans les pays anglo-saxons. Elu à l’Académie française en 1938, il s’exile aux Etats-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale, admirant Winston Churchill et se méfiant de Pétain.

Les Silences du colonel Bramble vient d’être réédité, précédé d’un court essai inédit, En retrouvant le général Bramble.

S’inspirant de sa propre expérience militaire durant la Première Guerre mondiale, André Maurois met en scène cinq acteurs : le colonel Bramble, un Ecossais amateur de musique et ne se séparant jamais de son gramophone ; le major Parker, un Anglais ; le docteur O’Grady, Irlandais, socialiste à l’esprit cartésien et pragmatique ; le révérend McIvor, Ecossais, surnommé le Padre et enfin, Aurelle (un alias de l’auteur), un Français qui écrit des vers durant ses temps libres, agent de liaison entre la France et la Grande-Bretagne.

Tandis que les combats font rage et que les armées progressent dans le Nord de la France, le soir au mess, nos cinq hommes faisant abstraction de la situation dans la mesure du possible, devisent de choses et d’autres. Discussions entre gentlemen autour d’une bouteille, où l’on respecte les convenances, sur un ton amical et le plus souvent humoristique qui nous ferait oublier que tout proche le canon tonne et que des hommes sont morts dans la journée. Les sujets d’échanges sont nombreux, la guerre bien sûr, les modes de gouvernance, l’Histoire, la philosophie mais plus légers parfois, comme la polygamie ou les absurdités de l’administration militaire.

On sourit souvent devant ce fameux humour anglais comme : « Les autorités discutaient sur l’origine de ces mines, que le N.T.O. disait amies, alors que le M.L.O. les croyait ennemies. Mais un point de détail n’était pas controversé : tout navire qui avait rencontré l’une d’elles s’était ouvert en deux morceaux qui n’avaient pas flotté longtemps. » Ou bien encore : « J’avais un ami, le major Featherstonehaugh, qui vers l’âge de quarante ans commença à avoir des éblouissements : il alla voir un médecin qui accusa le whisky et lui conseilla d’essayer pendant quelque temps de boire du lait… Well, dix jours après il était mort. » Vous ne manquerez pas de noter non plus, le passage relatant drôlement une chasse au lion qui rappelle furieusement la bande dessinée Tintin au Congo, quand le journaliste au toupet s’essaie au tir sur une antilope… Hergé avait donc lu Maurois.

Un bouquin délicieux devant tout à son ton léger apparent et ironique mais qui ne manque pas d’ambitions néanmoins, rapprocher les peuples Anglais et Français, passer outre leurs différences et ne s’accorder que sur ce qui les unit sans tomber dans la complaisance nunuche, « Quant à croire que les démocraties seront pacifiques, c’est une naïveté. »

 

« - Il y avait une fois, dit le docteur, deux officiers qui, le même jour, perdirent chacun un objet appartenant au gouvernement de Sa Majesté. Le premier égara un seau à charbon, le second un camion automobile. Or vous savez, Aurelle, que, dans notre armée, un officier est responsable sur ses propres deniers de la valeur des objets qu’il perd par négligence. Les deux officiers reçurent donc deux notes du War-Office avisant l’un qu’il aurait à payer la somme de trois shillings, l’autre qu’il lui serait retenu mille livres sur son traitement. Le premier voulut se défendre : il n’avait jamais eu de seau à charbon et prétendit le démontrer. Il compromit son avancement et dut à la fin payer les trois bobs. Le second, qui connaissait les voies du Seigneur, écrivit simplement au bas du papier : « Noté et retourné ». Et il renvoya le papier au War-Office. Là, suivant une vieille et sage règle, un scribe perdit le dossier et le bon officier n’entendit plus jamais parler de cette bagatelle. »

 

 

andré mauroisAndré Maurois  Les Silences du colonel Bramble  Les Cahiers Rouges Grasset  - 175 pages –

Nota : Les Silences du colonel Bramble contient la traduction par André Maurois du célèbre poème de Rudyard Kipling « If », sous le titre « Tu seras un homme, mon fils ». 

 

 

 

 

Cadeau offert par la maison, si vous ne pouvez pas vous procurer l’ouvrage ou si vous voulez vous familiariser avec avant d’investir, en voici le texte intégral ICI

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René Goscinny « Au-delà du rire »

J’ai du mal à réaliser mais il y a déjà quarante ans Goscinny nous quittait. Une exposition rassemblant plus de deux cents œuvres (planches et scénarios originaux) et de nombreux documents inédits sortis des archives Goscinny, retrace le parcours de ce fils d’immigrés.

rené goscinny, René Goscinny (1926-1977) est un scénariste de bande dessinée, journaliste, écrivain et humoriste français, également réalisateur et scénariste de films. Il est l'un des rédacteurs en chef de Pilote, créateur d’Astérix, d’Iznogoud et du Petit Nicolas, scénariste de Lucky Luke durant une longue période, c’est l’un des auteurs français les plus lus au monde.

Son père, Stanislas, né en 1887 à Varsovie (Pologne), fils de rabbin, s'installe à Paris après la Première Guerre mondiale pour suivre des études d'ingénieur chimiste. Sa mère, Anna, née Beresniak, née en 1889 à Khodorov alors en Russie (aujourd'hui Ukraine), est issue d'une famille d'éditeurs et doit quitter avec sa famille son village à la suite des pogroms. La famille s'établit à Paris en 1912, où le grand-père maternel de René Goscinny, tient une imprimerie. C’est dans la capitale que Stanislas et Anna se rencontrent et se marient en 1919.

Ils ont d’abord un premier fils, Claude Goscinny, né en 1920 et en 1928, deux ans après la naissance de leur fils René, les Goscinny partent pour Buenos Aires, en Argentine, où le père a décroché un poste d’ingénieur chimiste. René Goscinny étudie dans les écoles françaises de la ville. Il commence à dessiner très tôt, inspiré par les histoires illustrées comme Zig et Puce, Superman, Tarzan et surtout Les Pieds Nickelés.

René Goscinny, accompagné de sa mère, quitte l’Argentine pour New York en 1945, afin de rejoindre son oncle Boris, le frère de sa mère. « Résolu à tenter une carrière de dessinateur dans le cinéma d’animation, René entre en apprentissage dans une agence publicitaire new-yorkaise. En 1946, alors que s’offre à lui la possibilité d’obtenir la nationalité américaine en servant comme GI, il choisit de rester français et effectue son service militaire en France. De retour à New York en 1947, il travaille comme illustrateur peinant, durant quatre ans, à subvenir à ses besoins. Il y rencontre le dessinateur Harvey Kurtzman, futur créateur de Mad. (…) Kurtzman lui présente Will Elder, John Severin et Jack Davis qui l’initient à l’art du comic book. Toute son œuvre sera marquée par cette expérience. A New York, Goscinny fait aussi la connaissance de Jijé, installé dans le Connecticut depuis 1947, pilier de l’hebdomadaire franco-belge Spirou, qui lui présente le jeune dessinateur belge Morris. »

En 1951, Goscinny quitte New York pour la France. Il fournit textes et dessins à divers magazines (Bonnes soirées, Spirou…) et se lie avec Jean-Michel Charlier et Albert Uderzo. Scénariste très demandé dans les années 1953-1955, Goscinny collabore avec les dessinateurs Franquin, Jijé, Morris, Sempé, Tabary, Uderzo… Entré dans l’hebdomadaire Tintin, il intensifie sa collaboration avec Uderzo et Morris.

En 1955, Goscinny, Jean-Michel Charlier et Uderzo tentent de monter un syndicat au sein de la World Press afin que les dessinateurs soient considérés comme les propriétaires de leurs œuvres, et non les éditeurs. Goscinny, suspecté d’avoir fomenté ce mouvement, est licencié de l’agence de presse. Charlier, Uderzo et Jean Hébrard l’accompagnent par solidarité et fondent le syndicat d’édition Edipress/Edifrance. A la même époque, Goscinny abandonne progressivement le dessin pour se consacrer exclusivement à l'écriture. Sous le pseudonyme d’Agostini, Goscinny écrit Le Petit Nicolas pour Jean-Jacques Sempé dans Le Moustique et plus tard dans Sud Ouest, puis Pilote.

Pour moi, Goscinny débute avec le journal Pilote au tout début des années 60’ (en fait le premier numéro date du 29 octobre 1959) et Astérix la fameuse autant qu’increvable BD qui continuera bien après la mort de son scénariste. Il faudra que j’écrive un long billet hommage sur Pilote un de ces jours tant ce journal a compté pour moi… Mais c’est aussi Iznogoud (« Je veux être calife à la place du calife ») sans oublier Lucky Luke (dont je n’ai jamais vraiment été fan) ou Le Petit Nicolas délicieux de finesse.

Une exposition à ne pas manquer.

 

 

Exposition René Goscinny « Au-delà du rire » : Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, 71 rue du Temple 75003 Paris – du 27 septembre au 4 mars 2018 –

Et si vous en voulez encore plus, une autre exposition « Goscinny et le cinéma » se tient à la Cinémathèque française, 51 rue de Bercy 75012 Paris, du 4 octobre au 4 mars 2018.

 

 

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 Photos : Le Bouquineur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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05/10/2017 | Lien permanent

Henri Bosco : Bargabot

Après m’être gavé de romans américains, il était temps de faire une pause, l’heure était venue de revenir à mes fondamentaux, la littérature française, mais celle d’un autre siècle, quand la langue était riche, onctueuse, tout comme l’était la cuisine d’alors, riche en beurre et en crème. Prenez place, nouez votre serviette autour de votre cou, j’envoie le premier plat… 

 

henri boscoFernand Marius Bosco, dit Henri Bosco (1888-1976) est un romancier français issu d'une famille Provençale dont les origines les mieux identifiées se trouvent près de Gènes. Pensionnaire au lycée d'Avignon, il poursuit en parallèle pendant huit ans des études de musique au Conservatoire de la ville. Bosco obtient, en 1909, sa licence de lettres et son diplôme d'études supérieures à l'université de Grenoble. Devenu musicien de talent, il occupe ses loisirs à jouer et même écrire de la musique. Pendant la Grande Guerre de 1914-18 il fait campagne en Macédoine et en Grèce, puis la paix revenue, il passera dix ans à Naples à l’Institut Français avant de partir en 1931 au Maroc comme professeur de lycée à Rabat. C’est d’ailleurs au Maroc qu’il écrira le plus gros de son œuvre. Publié en 1937, L’Âne culotte, lui vaut l’intérêt du public et Le Mas Théotime lui offrira le Prix Renaudot en 1948. Revenu en France en 1955, il partage sa vie entre Nice, où il décèdera et Lourmarin souvent cité dans ses romans. Bargabot date de 1958.

La cloche de l’internat a sonné, Pascalet, notre jeune héros de treize ans est de retour au Mas-du-Gage pour les vacances d’été. Beaucoup de choses ont changé, Tante Martine et son chien Barboche sont morts et ses amis, compagnons d’aventures extraordinaires, sont partis, Bargabot le braconnier et Gatzo, le jeune Gitan. Par contre, un vieil homme s’est installé dans une hutte près de la rivière avec son clebs Risque-tout. La nuit, Pascalet le rejoint discrètement et le vieux berger lui raconte des histoires dont les acteurs sont des troupeaux, des étoiles, de la neige, des montagnes et des herbes… mais plus encore, car Béranger connaît les secrets de Bargabot et grâce à lui Pascalet peut revoir celui-ci et transmettre son dernier message à Gatzo. Tout cela s'accomplit dans le plus grand mystère… 

L’ouvrage contient deux textes, Bargabot suivi de Pascalet qui se déroule trois ans plus tard et tous deux poursuivent le même thème, une histoire sans fin, que les lecteurs d’Henri Bosco ont déjà pu savourer dans des romans antérieurs, Hyacinthe (1940) et L’Enfant et la rivière (1945) : l’âme d’une jeune fille (Hyacinthe) a été enlevée par un vieux sorcier gitan et Gatzo, un Bohémien de l’âge de Pascalet tente de délivrer la malheureuse de ce maléfice, avec l’aide de Bargabot et Pascalet.

Les deux textes mêlent les mystères et les sorties nocturnes, le drame avec la mort du braconnier et les disparitions mais aussi la vie quotidienne menée par Pascalet ; que ce soit à l’internat où il végète mais où il croise un magnifique professeur de Français et de Langues mortes (« Nous adorions Aristide de Cabriolles. Il nous trouvait à tous des qualités majeures, quelquefois même du talent. Peut-être en avions-nous, tellement il nous exaltait. »), ou bien au Mas quand il y reviendra, y vivre seul, après s’être évadé de l’internat avec l’aide de son ancienne nourrice et de son fils.

De la littérature à l’ancienne, très belle par les images suggérées comme par les sentiments naïfs qui s’en dégagent ; mystère, onirisme et poésie se côtoient pour créer une ambiance particulièrement délicieuse, quant à la langue d’Henri Bosco, en particulier dans le second texte, on s’en régale tant elle est chiadée.

 

« - Tiens ! il y a trois mois, j’y ai entendu des coups de pétoire. J’ai reconnu sa canardière. Et après, dans un barquichon, deux hommes ont filé à toutes rames… Et puis, un a tiré… Et j’ai vu Bargabot sortir d’une broussaille… Il a rechargé son fusil et a envoyé une belle volée de plombs contre la barque… Mais elle était déjà trop loin et les plombs n’ont troué que l’eau… Pour Bargabot, il est parti, le lendemain, avec armes et bagages. Et il m’a dit : « Je m’en vas essayer de les rattraper en Camargue… Tu surveilleras ma maison, mon bon Béranger, jusqu’à mon retour… » Et j’ai surveillé la cabane… Et bien, tu sais ? j’y ai eu peur… On y vient… Je ne sais pas qui… Mais on rôde autour. Et des gens qui arrivent là par la rivière… On voit leurs pieds. (…) Je ne veux pas dire qui… Mais si je le disais… »

 

henri boscoHenri Bosco   Bargabot suivi de Pascalet   Gallimard – 171 pages –

Illustrations de Jean Palayer

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Kjell Ola Dahl : Le Noyé dans la glace

Kjell Ola Dahl, Kjell Ola Dahl est né en 1958 en Norvège. Entré en écriture en 1993, il a une dizaine de romans à son actif dont la moitié traduite en français.

Un matin de décembre, le corps d’un homme est repêché dans le bassin portuaire d’Oslo. Si ses supérieurs penchent pour l’accident, l’inspecteur Lena Stigersand a vite des doutes. Le noyé devait rendre prochainement un rapport très sensible au Fond pétrolier norvégien, concernant ses investissements dans une compagnie exploitant des phosphates au cœur du Sahara Occidental. Un indicateur apprend à Lena que le mort aurait dîné la veille au soir avec une députée très en vue, chargée du contrôle de la commission des finances au parlement. D’autres morts vont s’ajouter à la liste, puis les services secrets…

Un polar qui m’a laissé de glace comme le macchabée noyé. Le polar n’est pas mauvais, il est quelconque ! C'est-à-dire qu’il n’a rien d’original dans son intrigue et que les personnages n’ont rien de particulièrement attachant tant ils font clichés. L’écriture et la manière dont est déroulée l’intrigue ne m’inspirent aucuns commentaires mais soyons juste, l’écrivain n’a certainement pas de prétentions littéraires non plus.

Je ne m’attarderai donc pas plus longtemps sur ce K.O.D. trop simple à mon goût. Un roman qui se lit mais il y en a tellement de meilleurs… Mon seul et unique étonnement à propos de cet ouvrage, c’est qu’il ait été écrit par un homme car – c’est politiquement incorrect, je sais – j’aurais juré qu’une plume féminine se cachait derrière tout cela.

 

« Il est resté immobile à écouter les hommes fouiller le tunnel, il a vu leurs lampes torches balayer les murs. Il a écouté leurs conversations et attendu qu’ils s’éloignent. C’est alors qu’il a compris comment s’en sortir à moindres frais : en poussant le cadavre devant la rame. Le crime parfait – ou presque. Il ne savait pas, ou il n’a pas pensé, que la porte de l’issue de secours déclencherait un signal d’alarme qui trahirait sa présence. Quoi qu’il en soit, le meurtrier était une personne sûre d’elle, sans aucune compassion pour sa victime, une personne que rien – ni doute ni conscience – ne faisait dévier du but qu’elle s’était fixé. Un psychopathe. »

 

Kjell Ola Dahl, Kjell Ola Dahl  Le Noyé dans la glace  Série noire Gallimard  - 382 pages - (parution prévue le 27 février 2014)

Traduit du norvégien par Hélène Hervieu

 

 

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22/02/2014 | Lien permanent

René Manzor : Celui dont le nom n’est plus

René ManzorRené Manzor, nom de plume de René Lalanne, né en 1959 à Mont-de-Marsan, est un réalisateur et scénariste français, frère de Francis et Jean-Félix Lalanne. À la télévision américaine, il a signé la réalisation de plusieurs épisodes de séries comme Le Voyageur (The Hitchhiker), Highlander, Frères d'armes, Les Aventures du jeune Indiana Jones. En mai 2012 il publie son premier roman Les Âmes Rivales et le second, Celui dont le nom n’est plus,  vient de paraître. 

Londres. Plusieurs crimes horribles présentant le même mode opératoire défraient la chronique. Les victimes sont éviscérées par un de leur proche n’ayant plus aucun souvenir de son acte criminel. L’inspecteur McKenna, un vieux cador de Scotland Yard est chargé de l’enquête, bientôt secondé par Dahlia Rhymes une criminologue chevronnée en provenance de New York, tandis que Nils Blake, avocat reprenant du service après un grave problème de santé se charge de la défense des prévenus.

Des crimes bien glauques, des rites mortuaires ésotériques, des criminels ayant perdu la mémoire et comme hypnotisés, ne répondant pas aux critères habituels des coupables, l’amateur de thriller frétille par avance mais qu’en est-il à l’arrivée ?

René Manzor écrit correctement, son intrigue ne manque pas de sel, tous les clichés du genre sont présents, les héros McKenna et Rhymes se trimballent des fardeaux psychologiques costauds tandis que celui de Nils Blake est plus original (la mémoire cellulaire), il y a même ce qu’on est sensé appeler des rebondissements. Mais je n’ai pas été convaincu pleinement par le roman. Il se lit vite et bien, je n’ai rien de négatif à en dire mais avec ce matériau de base efficace, René Manzor ne nous donne pas un thriller assez prenant à mon goût. Ca manque de force, de puissance dans la narration, thriller oui, haletant non ! D’autant plus dommage que l’histoire m’a bien plu.

 

« - J’en suis nulle part, j’te dis. Pas de mobile. Des tueurs qui ne se connaissent pas entre eux mais qui utilisent le même modus operandi. Ils tuent la personne qu’ils aiment le plus au monde, prélèvent ses organes et offrent à sa dépouille le rite mortuaire prescrit par sa religion. Les éventreurs n’essaient même pas d’effacer leurs empreintes. Ils reconnaissent avoir tué mais ignorent comment et surtout pourquoi. Ils effectuent la livraison  des organes dans une glacière reçue par FedEx. »  

 

René ManzorRené Manzor   Celui dont le nom n’est plus   Editions Kero – 391 pages –

 

 

 

 

 

 

 

Pour ceux qui liront ce roman, sans être familiers avec l’œuvre d’Erik Satie, voici le morceau dont il est beaucoup question dans l’ouvrage, Gnossienne n°1 : 

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18/06/2014 | Lien permanent

Jean-Jacques Schuhl : Entrée des fantômes

jean-jacques schuhlJean-Jacques Schuhl, né en 1941 à Marseille, est un écrivain français. Il a reçu le prix Goncourt en 2000 pour son roman Ingrid Caven. Son quatrième ouvrage, Entrée des fantômes, est paru en 2010.

Le narrateur, écrivain, tente avec beaucoup de difficultés d’écrire un nouveau roman. L’inspiration le fuit, laissant la place aux souvenirs et aux fantômes envahir son esprit, réveillant le passé.

Roman qui n’appelle pas l’analyse, Entrée des fantômes doit se prendre comme une rêverie, mêlant le vrai et le faux, souvenirs et inventions, personnages réels ou de fiction. Les souvenirs, quand l’écrivain revient sur l’écriture d’Ingrid Caven, son grand succès. Ses fantômes, êtres de chair et de sang venant du cinéma, Jean Eustache, Jim Jarmusch et Raoul Ruiz les réalisateurs comme Jean-Pierre Rassam le producteur, mais aussi de la littérature avec Lafcadio (personnage de Gide) ou Troppmann (personnage de Bataille).

On lit, on se laisse emporter (ou pas, ce sont les limites d’un tel roman) par ces divagations sans queue ni tête qui ne tiennent debout que par le pouvoir du style et l’écriture fluide et élégante de Jean-Jacques Schuhl. Roman de la nuit, vaguement branché, usant du name dropping, mais pas tant que je le craignais avant d’ouvrir ce livre, l’écrivain sait aussi nous passionner en jouant avec les mots et leur sonorité et nous intéresser par ses considérations sur le métier d’acteur ou ses réflexions à propos des gestes qui amèneraient les mots, « Je me revois à mon bureau comme si j’y étais, sept huit dix fois en train de ramasser et d’enrouler et de réenrouler à mon poignet une chaîne absente, afin de faire venir les mots, trouver la phrase précise… »

Roman ou autoportrait, les deux c’est selon, moderne mais pas creux, « morbide chic » d’après le narrateur qui ailleurs en convient « Un thème ? oui vaguement mais, tu sais bien, c’est un prétexte pour faire des images, jouer avec les mots, faire revenir quelques morts… » Un roman comme un film, à moins que ce ne soit l’inverse, Jean-Jacques Schuhl use de sa plume comme d’une caméra, pour faire son cinéma.

 

« … du rire, des larmes, de l’action, un peu de réflexion quand même, pas trop… une vie… n’oublie pas la vie, Charles… tu oublies trop souvent… remets les pieds sur notre belle planète bleue. Ah ! ah ! ah !... Et puis une femme, faut une femme, Carlito, n’oublie pas ça quand même, sans ça tintin pour le Goncourt. Ah ! ah ! ah ! Quoi encore ? Ah oui, ce qui est toujours bien c’est de les faire voyager les gens… les faire rêver… du rêve, Charles, n’oublie pas le rêve, mais ça tu connais, le rêve, hein ? les beaux voyages, New York, Rome… le cinéma… une actrice ou une grande chanteuse peu importe… comme tu veux… Ah ! ah ! ah ! Mais surtout, mets-moi dedans !! Ca vaut le coup ! »

 

 

jean-jacques schuhlJean-Jacques Schuhl   Entrée des fantômes  Gallimard  - 143 pages -

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16/05/2014 | Lien permanent

Bernard Chambaz : Dernières nouvelles du martin-pêcheur

Chambaz Livre.jpgBernard Chambaz, né en 1949, est un romancier, historien et poète français ayant enseigné l’histoire au lycée Louis-le-Grand à Paris. Son père, Jacques Chambaz, fit partie du bureau politique du PCF de 1974 à 1979 et son frère Jean, médecin et chercheur est le président de l’université Pierre-et-Marie-Curie. Après une agrégation de lettres modernes et d’histoire, il se tourne vers l’écriture. Prix Goncourt du premier roman en 1993 pour L’Arbre des vies, il est aussi couronné d’un prix de poésie en 2005 pour Eté. Dernières nouvelles du martin-pêcheur est sorti cette année. 

Durant l’été 2011, Bernard Chambaz se lance dans une traversée des Etats-Unis en vélo, d’Est en Ouest, de cap Cod à Los Angeles, escorté par sa femme Anne en Cadillac. Ni exploit sportif, ni voyage d’agrément, l’auteur se livre à un périple à travers la mémoire. Son fils Martin est décédé il y a dix-neuf ans, ce parcours toute la famille l’avait déjà fait en voiture, Bernard, Anne, Martin le fils cadet et ses deux frères ; aujourd’hui l’écrivain prend ce pèlerinage comme prétexte pour retrouver les traces de l’enfant disparu. 

Roman double, d’un côté il y a ce récit de voyage à travers une Amérique vue par le petit bout de la lorgnette, les petites villes, les motels, les paysages au cœur du pays, les gens croisés croqués à petites touches, les références éclectiques, musicales, littéraires ou historiques liées aux lieux traversés. Et puis de l’autre, ce souvenir permanent du fils perdu qui s’immisce en fil rouge dans cette étoffe dont chaque brin fait le lien entre des enfants décédés (ceux de Lindbergh, Roosevelt…) et les oiseaux dont une légende prétend qu’ils reviendraient de l’au-delà sous cette forme. Bernard pédale, Anne conduit, à priori seuls chacun dans leurs univers jusqu’à l’étape, mais en fait accompagnés par Martin, fantôme bienveillant se montrant parfois à leurs yeux crédules et consentants.    

Le livre est très bien écrit, j’avouerai y voir là son principal attrait. Si l’Amérique décrite dans ces pages m’est agréable, elle m’est aussi familière par d’autres ouvrages. Quant au deuil de l’écrivain, si je lui témoigne un respect poli, j’ai ressenti une légère gêne devant la banalité de la douleur et le convenu des souvenirs du défunt, évidemment garçon parfait, même s’ils sont exprimés avec beaucoup de poésie et de tact. Un roman plus intellectuel que sentimental mais très agréable à lire.

 

«  Que nous ressentions le deuil comme un état tangible n’empêche pas de vivre. Du simple sentiment de la vie, il résulte la possibilité d’être joyeux. Le deuil est compatible avec la joie. Le tout était de l’écrire une bonne fois pour toutes et d’en faire la démonstration. Cette traversée et ce roman en sont le corollaire. »

 

 

Chambaz.jpgBernard Chambaz  Dernières nouvelles du martin-pêcheur  Flammarion – 320 pages –

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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30/04/2014 | Lien permanent

Arnaldur Indridason : La Femme en vert

arnaldur indridasonArnaldur Indridason, né en 1961 à Reykjavík et fils de l'écrivain Indrid G. Þorsteinsson, est un écrivain islandais. Après un diplôme en histoire à l’université d'Islande, il exerce les métiers de journaliste, scénariste puis critique de films. Entré en littérature en 1997, il est aujourd'hui l'auteur d’une quinzaine de romans policiers, dont près de la moitié traduits en français ont donné plusieurs best-sellers. Le roman, La Femme en vert, est paru en 2006.

Un enfant qui découvre un os humain dans une banlieue de Reykjavik et l’équipe du commissaire Erlendur va devoir mener une enquête dont les faits remontent aux années de guerre, en 1940. Sur le terrain d’où provient l’os, un cadavre. Jadis ici se trouvait une maison dont la fiancée du propriétaire a mystérieusement disparu, puis qui fût louée à divers occupants dont une famille avec trois enfants. Dans le jardin, des groseilliers et aux alentours des baraquements habités par des soldats américains. 

Deuxième épisode des enquêtes du commissaire Erlendur dans la chronologie bibliographique de l’auteur. Les acteurs récurrents tissent un fond lourd de souffrances psychologiques. Le commissaire divorcé depuis une éternité ne connait pour ainsi dire pas ses enfants, Sindri Snaer le fils auquel il ne parle quasiment jamais ou Eva Lind sa fille, droguée, victime de violences et d’une fausse-couche qui tout du long de ce roman restera dans le coma, allongée sur un lit d’hôpital. Le collaborateur d’Erlandur, Sigurdir Oli, vit de son côté une crise de couple avec sa compagne… La vie est dure sous le ciel islandais.

La Femme en vert est un roman extrêmement éprouvant, car au-delà de l’enquête proprement dite et qui n’est qu’un prétexte, Arnaldur Indridason s’attaque au problème des violences conjugales et des rapports de couple. Ce qui nous vaut des pages d’une insoutenable brutalité, tant physique que psychologique, sous les yeux horrifiés d’enfants qui en garderont le traumatisme gravé en eux, toute leur vie. Douleur encore quand Erlandur impuissant devant le corps de sa fille plongée dans le coma, lui racontera sa vie, tentant d’expliquer et comprendre comment son couple a explosé, en venant petit à petit à révéler son propre démon intérieur, le décès de son petit frère.

L’écrivain alterne les époques avec habileté, le présent de l’enquête et les flashbacks explicites durant les années du drame, souvent dans le même chapitre, juste assez pour déstabiliser un court instant la lecture mais sans pour autant en perturber la compréhension.

Un superbe roman qui rehausse le niveau du simple polar, servi par une écriture à l’unisson de ce drame émouvant quand on songe au calvaire enduré par ces personnages ordinaires. Un bouquin à lire absolument.   

 

« Il creusa plus profond et avait les mains toutes sales quand il tomba sur une seconde pierre du même genre, puis sur une troisième, une quatrième et enfin une cinquième. Erlandur s’agenouilla et envoya la terre voler dans toutes les directions. L’objet apparaissait de plus en plus distinctement dans le sol et, bientôt, Erlandur regardait ce qui, à sa grande surprise, n’était autre qu’une main. Cinq phalanges et métacarpes dépassaient du sol. Il se releva lentement. »

 

arnaldur indridasonArnaldur Indridason  La Femme en vert  Editions Métailié

Traduit de l’islandais par Eric Boury

 

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19/12/2013 | Lien permanent

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