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Alex Barclay : Blackrun

Barclay Livre 27315520_7228532.jpgVous vous souvenez qu’il y a peu j’évoquais l’écrivain Evelyn Waugh précisant qu’il était de sexe masculin contrairement à ce que son prénom pour nous francophones laisserait penser, cette fois avec Alex Barclay il en va de même mais dans le sens inverse. Eve « Alex » Barclay née à Dublin en 1974 écrit des polars – quatre à ce jour - et ce Blackrun est le second ayant l’agent spécial du FBI Ren Bryce comme héros.

J’abats mes cartes immédiatement, je n’ai pas du tout aimé ce roman et je ne vais pas m’éterniser dans l’analyse. Une intrigue bien compliquée pour un si mièvre résultat, en lisant le bouquin j’avais l’impression d’assister à la diffusion d’un de ces téléfilms bien nuls diffusés sur la TNT.

Etats-Unis, frontière du Mexique. Une femme violée, plus tard son mari est abattu et ses fils disparaissent. Ren Bryce est chargée de l’affaire quand son passé revient àla surface. Sonfrère Beau s’était suicidé après la mort d’un gamin de son âge, fils des voisins, et de nouveaux indices viendraient accuser le suicidé du meurtre du gamin. La psychiatre de Ren Bryce disparaît à son tour, on découvre son cadavre dans un hangar et là encore des preuves viennent accuser l’agent du FBI du crime, d’ailleurs d’autres faits troublants semblent fortifier l’idée d’un complot contre Ren Bryce. J’abrège les rebondissements (Cabri c’est fini !) car à ce point du livre j’étais déjà à deux doigts de la gerbe.

L’écriture est absolument épouvantable, ce ne sont que des dialogues parfois franchement lourds ou surannés mais peut-être est-ce du à une mauvaise traduction (« Salut crétin ! », « Oui mon grand ! »), coupés de phrases en italiques reproduisant les « pensées » de Ren Bryce. Je suis le premier ennuyé d’être aussi sévère mais je n’ai absolument rien trouvé à sauver dans ces trois cents pages d’inepties. Le titre original est Time Of Death, traduit en français (?) par Blackrun  dont je n’ai même pas compris la signification !! Alors, oui j’avais hâte d’arriver au bout de ma lecture, non pas emporté par le suspense mais plutôt pour ranger et oublier au plus vite ce machin au fin fond de ma bibliothèque.

 

« - Ma psy, Helen Wheeler, a disparu le soir de mon dernier rendez-vous à son cabinet. On l’a retrouvée peu après, morte, dans un entrepôt désaffecté. Le jour du crime, ma carte magnétique a été utilisée pour pénétrer dans cet entrepôt. Là-dessus, le juge Douglas Hammond, qui voulait examiner les dossiers d’Helen, est éliminé lui aussi, et mon dossier bidonné devient un gros index pointé dans ma direction. – Qui est derrière tout ça, d’après toi ? – Je refuse de le dire. J’attends d’avoir des preuves. »    

 

Barclay Alex 5.jpegAlex Barclay  Blackrun  Michel Lafon

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09/10/2012 | Lien permanent

Maurice Barrès : Les déracinés

Barres Livre 23988637_5654497.jpgCe roman – paru en 1897 – est le plus connu des textes  de l’œuvre de Maurice Barrès (1862-1923) alors que paradoxalement, il n’est pas romancier mais essayiste, chroniqueur, journaliste.

Le roman débute à Nancy, dans un lycée où nous faisons connaissance d’un groupe de sept jeunes hommes à l’aube de leur vie et de leur professeur de philosophie, représentation du républicain kantien qui applique la devise « Je dois toujours agir de telle sorte que je puisse vouloir que mon action serve de règle universelle ».  Tout comme le héros de Balzac, Eugène de Rastignac, quelques jeunes gens vont monter à Paris en quête de gloire et de fortune. Loin de leur Lorraine natale, déracinés, ils vont se confronter à la grande ville où leurs personnalités profondes vont dissocier leurs parcours et tracer leurs destinées. Le crime et la mort pour certains, la réussite tempérée par la mise à mal de leurs idéaux de jeunesse pour d’autres.

Un excellent livre qui au-delà de la trame romanesque assez simple, est riche en « à côtés » - qui en réalité sont la quintessence du roman - comme ces longues pages sur l’enterrement de Victor Hugo, ces descriptions précises de la vie économique et éthique d’un journal, ces remarques sur l’éducation de l’époque « Les conditions de la vie universitaire broient les pauvres » ou « l’instituteur a mission de donner la réalité de Français aux enfants nés sur le sol de France » ou bien encore cette réflexion sur la peine de mort « Couper le cou, c’est de la prudence, mais nulle expiation ne peut faire qu’un acte n’ait pas été commis ». Tout cela est accentué par le style de l’écriture créant une distanciation très journalistique entre les faits décrits et leur transcription. Un livre à lire absolument.

 

« De ce dîner par un beau soir profond sous les arbres des Champs-Élysées, Sturel emporta le pressentiment que jusqu’alors il avait vécu dans une convention dans l’ignorance des choses. C’est un thème banal, l’opposition qu’il y a entre la vie, telle qu’on se l’imagine, et sa réalité, mais cette banalité soudain pour Sturel devint douloureusement vivante et agissante. Elle infecta toutes les opinions qu’il s’était composé des hommes et des choses. Chaque jour de cette semaine, il fut plus déniaisé, mais plus sombre. Il apprit que si toutes les convictions ne sont pas déterminées par l’argent, presque toutes du moins en rapportent, ce qui atténua leur beauté à ses yeux. Il constata que si certains hommes prenant certaines attitudes sans subvention, certains autres sont subventionnés pour les prendre, et qu’ainsi le plus désintéressé, toujours suspect aux malveillants, n’a même pas la pleine satisfaction de se savoir en dehors des combinaisons pécuniaires : sans en profiter, il les sert. »

 

Barres mages.jpgMaurice Barrès  Les déracinés  chez Omnia    

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09/10/2012 | Lien permanent

Emmanuel Bove : Le pressentiment

Pressentiment images.jpgEmmanuel Bove, de son vrai nom Emmanuel Bobovnikoff par son père russe, est un écrivain français (1898-1945) qui ne rechercha jamais les honneurs malgré les encouragements de Colette et le succès de son premier roman Mes amis paru en 1924.  Ecrivain tombé dans l’oubli, son œuvre retrouve un regain de faveur depuis quelques années et ce roman Le pressentiment a été adapté pour le cinéma en 2006 par Jean-Pierre Darroussin.

Ce bouquin n’est pas le plus connu de l’auteur mais c’est un merveilleux petit livre qui mérite d’être lu. Le héros, Charles Benesteau, la cinquantaine, avocat parisien marié et père de famille est un représentant typique de la bourgeoisie dont la vie semble établie et l’avenir tout écrit. Pourtant son humeur va changer, il devient sombre et coléreux ce qui alarme sa famille « On l’interrogea, on se fit si persuasif qu’il consentit finalement à parler. Il trouvait le monde méchant. » Devant ce constat, il ne trouve qu’une seule parade,la fuite. Ilquitte sa femme, son travail, son appartement douillet dans un quartier rupin et s’exile dans un tout petit logement d’une rue misérable derrièrela gare Montparnassedu Paris des années 1930. Locataire discret et cherchant à faire le bien autour de lui, il est amené à héberger temporairement une gamine dont la mère est hospitalisée et le père disparu. A partir de là, il va découvrir que le monde dans lequel il a choisi de vivre ne vaut pas mieux que celui qu’il a quitté. Au début considéré par les gens du quartier comme un « monsieur », il va devenir la proie de la cupidité de certains (car il est facilement prêt à donner son argent pour aider)  et des commérages et ragots des autres (car il est facile de jaser sur un célibataire logeant une petite fille). L’histoire finira mal mais depuis le début nous en avions le pressentiment.

Un livre écrit avec des mots simples, des tournures de phrases sans fioritures mais le tout fait un style. Emmanuel Bove ne joue pas sur le pathos, son héros est déterminé mais sans coups de gueule ou violence, un homme ordinaire en quelque sorte qui comme beaucoup d’entre nous un jour à penser tout plaquer pour refaire sa vie ailleurs, sauf que lui Charles Benesteau, il l’a fait. Il y laissera la vie, mais maigre consolation, en prouvant qu’il avait raison, le monde est vraiment méchant. Un très grand – par le talent - petit livre – pour le nombre de pages, d’un écrivain qui mérite d’être lu.

 

« Mme Chevasse était hors d’elle. Elle criait et le vieux concierge lui faisait signe de son lit de se calmer. C’était peine perdue. On lui avait rapporté que son fils avait été vu rue de la Gaieté en train de manger des crêpes avec Juliette. Elle aurait du se méfier, le mettre n garde, car comment aurait-il pu se douter de lui-même que cette Juliette, sur laquelle on veillait avec tant de soins, était une coureuse. Ce Charles Benesteau n’allait tout de même pas faire croire aux gens que c’était par charité qu’il avait hébergé cette petite. D’ailleurs, elle, Mme Chevasse, avait remarqué certaines choses. »

 

emmanuel-bove-amis-L-2.jpegEmmanuel Bove  Le pressentiment chez Le Castor Astral        

 

 

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09/10/2012 | Lien permanent

François Mauriac : On n’est jamais sûr de rien à la télévision

Mauriac Livre 5995412_136808.jpgEntre 1959 et 1964 l’écrivain François Mauriac (1885-1970) a tenu une rubrique « télévision » dans L’Express puis Le Figaro. C’est l’intégralité de ces petits textes qui sont ici réunis dans un livre passionnant pour ceux qui ont vécu comme moi les premières heures de la télévision. D’abord c’est l’occasion de se remémorer des émissions oubliées (L’Homme du XX siècle, La vie des animaux, La piste aux Etoiles etc.) des feuilletons passés (Rocambole) et des acteurs (Denise Gence, Jean Topart, René Dary, la liste est sans fin) qui sont l’univers de ma jeunesse. A cette époque il n’y a qu’une seule chaîne de télévision, la seconde chaîne naît en 1964, et les émissions culturelles sont nombreuses. Les textes doivent être remis dans leur contexte de l’époque et lus avec en mémoire le fait que Mauriac est un écrivain catholique fervent, par exemple une émission médicale d’Igor Barrère et Etienne Lalou, traitant d’obstétrique, le choque. D’ailleurs il n’aime pas trop ces émissions médicales où les chairs s’ouvrent. Par contre ses chroniques sur les pièces de théâtres, les écrivains et les livres présentés, forcent l’admiration pour sa culture. Et en même temps on reste étonné de le voir apprécier Bonne nuit les petits avec Nicolas, Pimprenelle et surtout le gros nounours ! Il aime aussi beaucoup Brigitte Bardot avec des mots choisis tout en retenue. L’intellectuel catholique et Gaulliste dont j’avais une image pesante et chiante (disons-le) devient plus humain, presque « monsieur tout le monde » quand il est devant son poste. Il s’insurge quand une émission littéraire parle d’un écrivain ou de son œuvre par allusions, car tous les téléspectateurs ne pourront pas suivre. Lui qui dit ne pas s’y connaître en musique, se régale et nous régale, quand il évoque un récital de piano ou un concert diffusé parla télévision. Il ne se passionne pas beaucoup pour le sport mais quand les footballeurs français prennent une volée, il est accablé.

Certaines de ses remarques sont encore d’actualité, par exemple quand dans Cinq colonnes à la une il voit un condamné à mort américain donner une conférence de presse « et pourquoi un des journalistes présents ne demanderait-il pas à ce condamné s’il est partisan de la peine de mort ? Et c’est précisément cette question qui lui a été posée ! »

Un excellent bouquin pour ceux qui ont connu ces années et vu ces émissions de télévision qui dans nos mémoires côtoient la date de la bataille de Marignan, le Gaulois Vercingétorix et les textes du Lagarde et Michard.

 

Mauriac mages.jpgFrançois Mauriac « On n’est jamais sûr de rien avec la télévision »  chez Bartillat         

 

 

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15/10/2012 | Lien permanent

Alix de Saint-André : En avant, route !

Alix Livre 27523379_9412800.jpgAlix de Saint-André est journaliste (entre autre elle fut chroniqueuse sur Canal+) et écrivaine. Son nouveau livre En avant, route ! nous raconte son pèlerinage sur la route de Compostelle, trajet qu’elle eut l’occasion de faire trois fois, la première au départ de Saint-Jean-Pied-de-Port, la seconde en partant de La Corogne et enfin en accomplissant le vrai voyage, à savoir partir de chez elle, des bords de la Loire et rejoindre Compostelle à pied.

Une vraie cure de jouvence la lecture de ce bouquin car Alix n’est pas du genre à pleurnicher sur ses maux de pieds ou nous assommer avec des considérations religieuses lourdingues. « Beaucoup s’imaginent qu’on marche derrière des curés en récitant des prières, pas du tout ! Les gens sont très individualistes, pour tout dire on picole, on s’amuse, on improvise des fêtes. Beaucoup même, ne sont pas croyants. »

Livre de marche mais surtout de rencontres, car c’est là l’un des principaux aspects de ce périple, on rencontre des hommes et des femmes – ainsi qu’un âne – de toutes nationalités et de tous âges. Chacun vient avec son caractère, ses problèmes et ses joies, on marche ensemble pendant quelques étapes, on se perd de vue, on se retrouve plus loin. Sans que le bouquin soit un guide, Alix nous distille quelques conseils pratiques sur la manière de sangler son sac à dos, de marcher avec son bâton de pèlerin, les rituels aux étapes dans les gîtes prévus pour les marcheurs et la trace de votre passage grâce au tampon apposé sur votre crédentiale, ce petit livret qui certifie votre passage, par le curé du village ou parfois la tenancière d’un bistrot !

Alix de Saint-André écrit dans un style alerte, plein d’humour et de culture sans ostentation mais avec aussi quelques passages émouvants sur son père et deux amies disparues. On est tenté de lire son livre très vite, mais il faut le déguster lentement pour mieux le savourer, car comme le dit un proverbe du Mali « Tu as la montre, et moi j’ai le temps ». N’hésitez pas à vous lancer dans la lecture de ce livre délicieux qui accompagnera à merveille vos randonnées estivales et le soir, fourbus, vous pourrez dire sans honte « Nous sommes de vrais pèlerins qui ronflons, qui buvons et qui sentons mauvais des pieds ! »

 

« Les plus jolis marcheurs sont un couple de Suisses ; le rythme souple de leurs corps côte à côte dégage une sorte de grâce et d’élégance partagées, comme s’ils dansaient. A un moment ils m’ont emboîté le pas, le temps d’une conversation, l’un à ma gauche, l’autre à ma droite, et après un au revoir, se sont éloignés en me doublant dans l’accélération silencieuse de leur essor naturel, très vite et très loin. Même taille, grands, minces, lui blanc, et elle métisse d’origine haïtienne, assez drôle. Deux légers accents, différents, adoucissent leur français chantant ; ils sont curieux, attentifs, et parents d’enfants adultes, déjà. Ils m’assurent que le quatrième jour, le chemin devient moins douloureux, demain… »

 

 

Alix images.jpgAlix de Saint-André  En avant, route !  Gallimard  

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16/10/2012 | Lien permanent

Barouk Salamé : Le testament syriaque

Salamé Livre images.jpgAprès lecture de ce roman, je me pose une question, est-ce réellement un polar ? Si l’auteur avait fait paraître son livre dans une collection traitant de l’histoire des religions il aurait semblé suspect aux lecteurs de ce type de bouquins, inversement en étant publié dans une collection dédiée aux polars il déçoit un peu de prime abord.

Il déçoit car si on s’en tient au strict aspect de l’intrigue, il est un peu pauvre et les évènements s’enchaînent sans que le suspense puisse être qualifié de haletant. L’action est assez molle et les clichés nombreux. Par contre le livre est passionnant pour ce qu’il nous apprend sur l’islam, le coran et les religions en général.

Barouk Salamé est un véritable érudit qui se balade avec une aisance déconcertante entre les différentes religions, leurs philosophies, leurs origines et leurs filiations. Juifs, Arabes, Chrétiens, l’auteur connaît les écrits de chacune des religions du Livre et les cite, les organigrammes des branches divergentes de chacune. D’ailleurs on s’y perd un peu et certains passages sont assez complexes. 

Pour revenir à l’intrigue, un journaliste français rentre d’Afrique avec un vieux manuscrit dont il espère une revente juteuse. Les cadavres vont commencer à s’empiler autour du journaliste car le codex qui pourrait être le testament de Mahomet semble intéresser beaucoup de monde, agents secrets et intégristes algériens. Un commissaire de police particulièrement calé sur les cultures orientales va tenter de démêler l’affaire qui commence à mettre le pays à feu et à sang dans une confrontation entre musulmans et non musulmans.

L’auteur ne cache pas les aspects violents de certains passages du Coran ainsi que ses aspects sublimes. En abordant l’origine chrétienne de l’islam, christianisme qui fut lui-même une secte juive pendant cent cinquante ans et que la religion juive descend du culte monothéiste d’Aton fondé par le pharaon Akhenaton, il nous invite à une réflexion nuancée sur l’histoire des religions.

 

« - C’est une histoire édifiante, en effet. On devrait relire plus souvent la Bible. Continuez.– le livre du Deutéronome, comme son nom l’indique, est la « Deuxième Loi », une reformulation des dix commandements de Moïse. Il y a un commandement concernant les apostats que vous devriez connaître. Il dit « Si ton frère, ton fils ou ta fille, ta femme ou ton ami, cherche à te séduire avec d’autres dieux, tu devras le tuer. » Vous voyez que l’idée de tuer les mécréants n’est pas propre à l’islam. Mais je voudrais rappeler aussi que le Contrat social de Rousseau, qui a inventé l’idée de souveraineté populaire, le socle de la République française, interdit l’athéisme par le bannissement et punit sa publicité par la peine de mort. Est-ce que je continue, monsieur le préfet ? »     

 

Salamé mages.jpgBarouk Salamé  Le testament syriaque  chez Rivages/Thriller    

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16/10/2012 | Lien permanent

Roger Vailland : Drôle de jeu

Vailland Livre Jeu 3714742276.jpgRoger Vailland, écrivain français (1907-1965) fondateur d’une revue surréaliste (Le Grand Jeu), il s’affirma dans ses romans (Drôle de jeu, La Loi) et son théâtre comme un moraliste ironique. Son roman Drôle de jeu paru en 1945 a reçu le Prix Interallié la même année. 

Le bouquin se déroule dans le Paris de l’occupation et nous décrit la vie quotidienne d’un tout petit groupe de jeunes résistants. Marat, pseudonyme de François Lamballe, 36 ans, le narrateur et chef de groupe, Rodrigue un romantique de 21 ans et Frédéric un quasi gamin, « il est puceau ». Côté féminin, Chloé et Annie, mais dans leur mouvance il y a aussi Mathilde « une grande brune un peu mûre », une ex de Marat, jolie femme vénéneuse aux relations troubles avec des officiers allemands et des collabos, qui amènera le drame.

Roger Vailland, résistant lui-même, connaît parfaitement les arcanes de cette vie dans l’ombre, les rendez-vous secrets, le cloisonnement entre les membres d’un groupe pour en assurer la sécurité maximum, les messages et les rapports transmis aux instances supérieures, les pseudonymes et les logements anonymes, toute une culture du secret et de la clandestinité.

Paris est occupé, la population souffre des restrictions alimentaires, mais des adresses connues des initiés seuls permettent de dîner aussi bien ou presque qu’avant guerre si on en a les moyens, s’y croisent mouchards, femmes vénales, occupants et résistants. Marat, sorte de dandy libertin toujours à l’aise, s’y faufile avec souplesse et y mène comme les autres, un drôle de jeu où se mêlent cyniquement la mort et la séduction amoureuse.

Le roman est divisé en cinq chapitres, cinq journées non consécutives. Le rythme est enlevé, il est même léger si on considère le sujet, la lecture rapide. Aux évènements de la journée racontés par Marat, s’intercalent ses pensées ou des extraits de son journal, l’occasion pour Vailland de distiller des réflexions politiques (« Le révolutionnaire est celui qui ne se résigne pas au malheur de l’homme ») ou psychologiques et surtout des méditations sur les grands thèmes de nos existences, la vie/la mort, l’amour.  

« Oui, tout ce jeu que vous faites semblant, les uns et les autres, de prendre au sérieux… Car enfin, vous jouez… j’imagine que vous, vous êtes assez cynique pour l’avouer… en petit comité… le curé joue au chef de bande : le Roi des Montagnes, Edmond About lui a tourné la tête, il choisit mal ses auteurs… poser des bombes au clair de lune, faire dérailler un train, c’est évidemment un jeu passionnant… même pour un curé. Frédéric s’excite d’une autre manière : il joue à la Révolution, c’est lui l’Incorruptible, il s’imagine Robespierre comme les gosses s’imaginent chauffeurs de locomotives ; en fin de compte il joue au même jeu que le curé, tous les jeux de garçons se ressemblent, il s’agit de bousiller le canapé du salon, le train de von X… ou le monde bourgeois. »

 

Vailland 2615395834.jpgRoger Vailland  Drôle de jeu  Le Livre de Poche

 

 

 

 

 

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17/10/2012 | Lien permanent

Michel Serres : Andromaque veuve noire

1210 Serres Michel Andromaque.jpgMichel Serres, né en 1930 à Agen (Lot-et-Garonne), est un philosophe, historien des sciences et homme de lettres français. Son nouvel ouvrage, Andromaque veuve noire, qui vient d’être édité, regroupe ses chroniques parues dans le Monde de l’Education entre janvier 1997 et mai 1999. 

Une petite trentaine de textes courts, abordant tous peu ou prou, le thème de l’enseignement et de la transmission du savoir.

Michel Serres se gausse des politiques nouvellement nommés qui veulent réformer l’enseignement dans le seul but de se faire mousser ou de contredire leurs prédécesseurs, lui sait au regard de sa longue expérience que « tous les systèmes se valent, l’important étant ce qu’on en fait » et que le savoir dépend des modalités de transmission. A l’ère des ordinateurs et d’internet, ces médiums ne sont pas de simples outils de travail. Une réforme de l’enseignement ne portera ses fruits que si elle intègre le fait que les contenus dépendent des canaux de diffusion.

Le philosophe reste par ailleurs optimiste sur l’avenir du livre, constatant que « jamais un support nouveau ne détruisit le précédent ». Bien que nos vies soient régies par les écrans d’ordinateurs, tablettes, Smartphones et autres technologies modernes, nous continuons à écrire et imprimer. Mais la nature des messages échangés dépend des supports qu’ils utilisent.

L’auteur s’interroge aussi sur la science et l’éthique, remarquant que bien souvent c’est après qu’une découverte a été faite, qu’on se demande si elle est moralement acceptable. Comment inverser cette tendance, sans entraver la liberté ?

Je dois avouer que la lecture de ces différentes chroniques m’a le plus souvent paru ardue. Si quelques unes sont aisément compréhensibles, d’autres doivent être relues et même dans ce cas, l’obscurité ne se dissipe pas pour autant. Il faut dire aussi que si Michel Serres est un conteur très agréable à l’oral (par exemple ses interventions à la radio sur France-Info), à l’écrit malgré ses efforts, il adopte un style un peu daté fait d’éléments de phrases inversés, qui rendent la lecture un peu complexe.

Ces chroniques parues à l’origine dans un magazine, constituaient certainement un moment de lecture plaisant, mêlant culture et réflexion en un texte court, mais ici dans un livre, l’accumulation produit l’effet inverse. Un bouquin intelligent mais pour un public ayant le niveau.   

 

« L’abandon de l’éducation par les parents, la famille, le quartier, la ville et toute autre communauté rejaillit, aujourd’hui, sur l’école, où tout, désormais, doit se faire, où tout donc, par saturation, devient irréalisable. » 

 

 

michel serresMichel Serres  Andromaque veuve noire  Editions de L’Herne

 

Puisque j’ai dit préférer Michel Serres à l’oral qu’à l’écrit, voici son interview par Christophe Bourseiller dans La matinale de France Musique le 5 octobre 2012 :

 


Michel Serres - La matinale - 051012 par francemusique

 

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24/10/2012 | Lien permanent

Jean-Marie Gourio : Brèves de comptoir L’anniversaire

1211 Gourio Livre .jpgJean-Marie Gourio est un auteur et scénariste français né en 1956. Son parcours passe par le journal Charlie Hebdo et diverses collaborations dans l’audio-visuel avec des gens comme Luis Rego, Les Nuls ou Jean-Yves Lafesse. Auteur de plusieurs romans, son succès le plus éclatant reste Les Brèves de comptoir qui seront adaptées pour le théâtre par Jean-Michel Ribes.

Les Brèves de comptoir sont une série de recueils dont la première mouture remonte à 1987 et cet ouvrage L’Anniversaire, comme l’indique son nom est paru en 2007 pour fêter les vingt ans de cet indéniable succès, sorte de compilation des meilleures phrases et réflexions.

On connaît le principe de l’ouvrage original, l’auteur qui fréquente assidûment les troquets et bistros s’est d’abord amusé d’entendre les réparties échangées entre habitués des lieux avant d’avoir l’idée de les collecter pour en faire un bouquin. Une collection d’aphorismes dignes d’être sortis de dialogues écrits par un Michel Audiard mais en fait, issus des sorties à l’emporte-pièce d’anonymes ayant néanmoins un point commun, avoir le coude leste et la langue bien pendue.

Que dire de plus d’un tel ouvrage sinon qu’entre les sourires et l’effarement devant tant de saillies, d’énormes éclats de rire vont vous dilater la rate. On voudrait toutes les retenir pour pouvoir les glisser dans la conversation et déclencher des rires autour de soi. Il y a des brèves pour tous les moments de la vie et toutes les situations. En citer une, c’est en oublier cent plus drôles encore. Ce florilège est un sortilège qui vous envoûtera et même les plus pisse-froid n’y résisteront pas. 

Ecrit en langage parlé évidemment, des phrases d’une ligne ou deux, sans queue ni tête. Certaines sont vulgaires et d’autres flirtent avec le racisme, toutes reflètent la mentalité des classes populaires mais ne sont pas exemptes d’accents de vérité ou de logique sous le vernis pinardier des propos de bistro.

Le seul conseil que je puisse vous donner serait de ne jamais ranger ce livre dans votre bibliothèque, au contraire, laissez-le traîner sur une table de façon à pouvoir y piocher chaque jour votre dose de vitamines du bonheur. Buvez avec modération mais lisez-le avec exagération. 

 

« Faut pas trop parler le matin, sinon l’après-midi on sait pas quoi dire. C’est pas moi qui vais gueuler contre les publicités dans les boîtes aux lettres, c’est les seuls qui m’écrivent. Quand ça sonne, je n’ouvre pas, comme ça, si c’est un étrangleur, il va étrangler ailleurs. Plus tu vis longtemps et moins ça te fera de temps à être mort. On critique que c’est l’argent qui dirige le monde mais dans les petits villages c’est pas mieux. On vend des armes à tout le monde, alors pourquoi tout le monde nous vendrait pas de la drogue ? »

 

 

1211 Gourio.jpgJean-Marie Gourio  Brèves de comptoir, L’anniversaire  Pocket

 

 

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01/11/2012 | Lien permanent

Daniel Pennac : Au bonheur des ogres

121010 Daniel Pennac Livre.jpgDaniel Pennac, né Daniel Pennacchioni en 1944 à Casablanca au Maroc, est un écrivain français. Il a reçu le prix Renaudot en 2007 pour son essai Chagrin d'école. Après une maîtrise en lettres à Nice, il entre dans l'enseignement. Il commence à écrire pour les enfants et finit par proposer Au Bonheur des Ogres à la Série noire en 1985.

C'est par ce roman que Benjamin Malaussène et ses amis de Belleville font leur entrée dans la littérature, une saga qui s’étalera sur sept bouquins. Et ce Malaussène il en connaît du monde ! D’ailleurs il faut un peu s’accrocher au départ pour comprendre exactement les liens qui unissent les uns avec les autres et le tout à Ben le héros récurent de Daniel Pennac, car le roman est assez foutraque tant dans l’écriture, que dans les rapports entre les acteurs et même le traitement du sujet n’est pas banal. Si vous entrez dans ce livre, ne regardez pas derrière vous, oubliez tout, laissez-vous emporter par l’humour un peu destroy de l’auteur pour profiter pleinement de votre lecture. 

Ben (Benjamin Malaussène) s’occupe de ses jeunes frères et sœurs quand sa mère se barre avec un nouvel amant et qu’il n’est pas pris par son job, plutôt original, de « bouc émissaire » dans un grand magasin (entre Bhv et Galeries Lafayette) consistant à encaisser les engueulades des clients mécontents ! Dans la famille Malaussèneil y a les sœurs, Clara qui photographie tout ce qui passe à portée de son objectif, Louna enceinte, Thérèse qui s’adonne à la voyance, quant aux frères, Jérémy qui a mis le feu à son école et « le Petit » aux lunettes roses qui rêve d’ogres de Noël. Et je n’oublie pas Julius, le chien épileptique ! Dans cette première livraison, Ben va rencontrer Julie (« tante Julia »), reporter pour le magazine Actuel et l’inspecteur Coudrier, qui viendront étoffer le casting chargé de la saga Malaussène. 

Tout commence par une bombe qui explose au rayon Jouets du magasin où bosse Ben, puis quinze jours plus tard par une seconde au rayon des pulls et il y en aura encore une troisième. Or, pas de chance pour Ben, étant à proximité lors de toutes ces explosions, il devient de facto, le principal suspect. Ben et sa famille vont mener l’enquête, chacun apportant sa pierre, sous l’œil bienveillant de l’inspecteur Coudrier mais pas de ses collègues du magasin. Une enquête qui va remonter à 1942 et une secte sataniste…

Brindezingue et/ou barjot, Malaussène nous entraine dans un délire souriant – pour la forme – et viendra à bout des ces illuminés particulièrement répugnants – pour le fond. Le thème aurait pu donner un thriller d’épouvantable horreur, Daniel Pennac en fait une pochade drôle et bien rythmée. Je ne connaissais ce Malaussène que de nom, je viens seulement d’en faire la découverte et mon verdict est simple : il gagne à être connu. 

« Le reste marche comme sur des roulettes. Sincèrement ému par mon émotion, M. Muscle se dégonfle d’un seul coup. Impressionnant. On croirait presque voir la forme de son cœur. Lehmann en profite aussitôt pour me charger méchamment. Je lui présente ma démission en sanglotant. Il ricane que ce serait facile. Je supplie, arguant que le Magasin ne peut vraiment rien attendre d’une nullité de mon espèce. – La nullité, ça se paye, Malaussène ! Comme le reste ! Plus que le reste ! »

 

121010 Daniel-Pennac.jpegDaniel Pennac  Au bonheur des ogres  Folio

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08/10/2012 | Lien permanent

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