Rechercher : les grands cerfs
Larry Brown : Sale boulot
Larry Brown, né en 1951 à Oxford dans le Mississippi et décédé en 2004 d'une crise cardiaque, est un écrivain américain. Après avoir servi dans l'US Marine et exercé de multiples petits boulots, bûcheron, charpentier, peintre, etc. il fut pompier pendant seize ans. Après qu’un éditeur remarque un jour une de ses nouvelles dans un magazine, en quelques années Larry Brown est reconnu comme un grand romancier par la critique comme par les lecteurs et il récolte de nombreux prix. Son œuvre compte six romans, deux recueils de nouvelles, une autobiographie et un essai. Sale boulot, son premier roman datant de 1989, vient d’être réédité.
Unité de lieu : une salle dans un hôpital militaire du Mississipi. Unité de temps : une nuit. Après deux jours de coma, Walter James, un homme blanc, se réveille dans une salle d’hôpital. Dans le lit proche, Braiden Chaney, un homme noir. Le premier a eu la gueule arrachée par une roquette durant la guerre du Vietnam et depuis il est sujet à de fréquents malaises, le second a lui aussi morflé à la guerre, il n’a plus ni bras, ni jambes et végète dans ce plumard depuis vingt-deux ans !
Cette longue nuit va rapprocher les deux hommes et les marquer pour toujours. Lentement, l’un et l’autre vont en venir à se raconter leurs vies, leurs souffrances et leurs espoirs. Un long dialogue coupé de pauses de sommeil, Braiden rêve d’Afrique tandis que Walter songe à Beth, une jeune fille mutilée qu’il aime car elle seule a été capable de le voir tel qu’il est et non comme un monstre. Régulièrement, Diva, l’infirmière vient les voir et leur offre en douce, bières fraiches et joints.
Le roman est court et plus le lecteur avance dans sa lecture, plus il est pétrifié par l’intensité dramatique qui suinte entre les lignes. Chacun des deux hommes a beaucoup souffert dans le passé, que ce soit dans la vie civile ou durant la guerre, à cette émotion montant crescendo Larry Brown ajoute une dose de suspense, pour quelle raison exactement Walter a-t-il atterri dans cet hôpital ?
Le roman s’achève sur un coup de théâtre dramatique d’une grande intensité, magnifié par une écriture sobre et économe en coups d’éclat. La puissance à l’état brut, du très grand art pour ce bouquin que vous ne devez pas rater !
« Une fois qu’ils lui ont fait cette piquouze, c’était fini. Je l’avais trop saoulé avec mes histoires. J’aurais dû comprendre qu’il était stressé. Je pouvais même plus lui parler, du coup. Je pouvais rien faire d’autre que le regarder. Quand on te prend tes bras et tes jambes tu peux plus rien faire. C’est pas une existence pour un homme. J’ai remarqué qu’il disait jamais nègre. Je pense pas que c’était son vocabulaire. Il a même pas dit espèce d’enfoiré de Noir. Juste espèce d’enfoiré. Ce qui m’a fait penser que c’était un mec très bien. Je lui avais dit que je préfèrerais être mort. Donc c’était pas vraiment inattendu. J’avais juste essayé de lui en dire trop d’un coup. »
Larry Brown Sale boulot Gallmeister Totem – 203 pages –
Traduit de l’américain par Francis Kerline
26/02/2018 | Lien permanent
Amos Oz : Vie et mort en quatre rimes
Connu sous son pseudonyme d’Amos Oz (« force » en hébreu) Amos Klausner, né à Jérusalem en 1939 et mort le 28 décembre 2018 à Tel-Aviv, est un poète, romancier et essayiste israélien. Professeur de littérature à l'université Ben Gourion de Beer-Sheva, Amos Oz était le cofondateur du mouvement La Paix maintenant et un fervent partisan de la solution d'un double Etat au conflit israélo-palestinien. Son œuvre compte plusieurs recueils de nouvelles, des essais et une petite vingtaine de romans. Vie et mort en quatre rimes date de 2008.
Un écrivain connu est convié à une soirée donnée en son honneur dans un centre culturel. Très vite il s’ennuie, las de ces réunions où l’on discute de son œuvre et où il doit répondre aux questions du public sur son dernier roman. Cette routine promotionnelle laisse le champ libre à son imagination…
Quel astucieux petit roman ! Le héros du livre, écrivain célèbre mais anonyme pour nous lecteurs, va tromper son ennui en imaginant des vies fictives aux spectateurs venus l’interroger ou le voir par simple curiosité. De telle ou tel, Amos Oz, oups ! pardon, l’écrivain célèbre héros du roman, va dresser d’improbables portraits plus ou moins farfelus ou drôles et les placer dans des situations ne l’étant pas moins le plus souvent. Vous l’aurez compris, nous sommes au cœur de la création littéraire. Quasiment en direct grâce à un tour de passe-passe de ce magicien d’Oz. Amos Oz l’écrivain réel a créé un écrivain sans nom qui lui-même créé les personnages d’un éventuel roman à écrire…
Du coup tout se mêle, la réalité (néanmoins fictive puisque nous sommes dans un roman !) de la réunion culturelle et les histoires nées de l’imagination de l’écrivain sans nom. Par exemple, Rochale Reznik, comédienne chargée de lire des extraits du roman de l’écrivain lors de cette soirée, va devenir un personnage central du bouquin que nous lisons (Et de Rochale devenir Rachel) par le biais d’une aventure sentimentale/sexuelle entre elle et l’écrivain. Un coup d’une soirée dont on ne saura jamais vraiment s’il a bien existé ou s’il est sorti de l’imagination de chacun des deux protagonistes par ailleurs hésitants et timides ; en tout cas, une dizaine de pages d’une très grande qualité littéraire où la scène de sexe nous est livrée d’une écriture délicate toute de tendresse et de drôlerie mêlée. Du grand art.
Avec ce roman Amos Oz s’interroge sur le rôle ou le but de l’écrivain et de l’écriture : « Qu’est-ce qui te pousse à écrire ? Et pourquoi de cette manière ? (…) Quel rôle joue tes récits, si rôle il y a ? » Questions qui resteront sans réponses précises mais qu’importe puisque le lecteur aura passé un bon moment à jubiler in petto.
« On dit que, dans sa vie privée, c’est un homme simple, humainement parlant, quelqu’un d’ordinaire comme vous et moi, et voyez les histoires alambiquées qu’il invente. Il a sûrement eu une enfance difficile. Ce serait intéressant de connaître sa vie de couple. En tout cas, d’après ses livres, ça ne doit pas être rose tous les jours. Il est divorcé ? Non ! Deux fois ? Pas étonnant quand on lit ses bouquins : il n’y a pas de fumée sans feu. En tout cas, il ne ressemble pas à ses photos. Il a pris un coup de vieux, le bonhomme. Quel âge peut-il avoir ? Dans les quarante-cinq, non ? Au maximum. Vous savez quoi, j’étais sûre et certaine qu’il était beaucoup plus grand. »
Amos Oz Vie et mort en quatre rimes Gallimard – 132 pages –
Traduit de l’hébreu par Sylvie Cohen
31/01/2019 | Lien permanent | Commentaires (8)
Vincent Ravalec : Cantique de la racaille
Vincent Ravalec est un écrivain, réalisateur, scénariste et producteur français né en 1962 à Paris. Influencé par les grands mythes des années 1970 et une certaine littérature américaine (Carlos Castaneda, Allen Ginsberg) il commence à publier des textes littéraires et à écrire des scénarios au tout début des années 1990. Son roman Cantique de la racaille (1994) a remporté le prix de Flore 1995 et il l’a lui-même adapté et réalisé au cinéma.
Gaston, le narrateur, un petit malfrat de banlieue, vit de combines et recels minables, passant son temps libre chez Saïd le troquet où se réfugient les poivrots du quartier. Un jour, il prend Marie-Pierre en stop, une jeunette de seize ans dont il tombe amoureux fou. Dès lors sa vie va changer, ses ambitions s’éveillent, les petites combines deviennent grosses arnaques, les biftons s’empilent. Mais toutes les ascensions se terminent par une redescente…
Si tous les vins ne supportent pas de longs temps de cave, il en est de même pour certains livres, comme ce roman. Si je l’avais lu lors de sa parution, il est fort possible que j’aie apprécié cette histoire, aujourd’hui j’ai eu bien du mal à finir mon verre, heu… à terminer ma lecture. Pour en terminer avec ma comparaison, ça m’a saoulé grave.
Le roman débute plutôt bien, on est même happé par l’histoire tant l’intrigue est dense, le rythme allègre, les personnages et les lieux familiers (banlieue, petites gens). Gaston fait un petit malfrat assez sympathique avec ses trafics bas de gamme. On visite la France profonde, l’écrivain dressant par la bande un portrait social du pays de cette époque mais pas si éloigné de celui d’aujourd’hui. Le lecteur s’amuse des références d’alors (fax ou télex) – car le roman est daté ne l’ignorez pas - ou de la problématique rencontrée par Gaston quand ses petites magouilles l’amènent à voir plus grand (difficultés administratives pour trouver un bureau et un local).
Et puis le souffle nous manque pour suivre le rythme endiablé mené par l’écrivain. L’intrigue part dans tous les sens, le moindre détail prend des dimensions improbables, milles sujets annexes sont abordés : bref, le roman aurait pu être amputé de cent pages (ce qui aurait été bien) tout comme il pouvait être rallongé d’autant, sans que cela fasse de différence, tant Vincent Ravalec a la plume bavarde, la tchatche inépuisable. J’avoue avoir décroché avant le mitan, pressé de connaître l’épilogue de cette histoire finalement assez banale.
Dans le dernier numéro du magazine LIRE (# 472), l’écrivain est considéré comme l’un des précurseurs de Michel Houellebecq, et si on prend le roman sous son angle sociologique ce n’est pas faux : on y voit la France des années 90 avec ce qui alimentait les bouquins de cette époque, le consumérisme, le sexe partouzard…
Un bouquin qui n’est pas mauvais mais qui vient trop tard pour moi.
« On pourrait croire que lorsqu’il s’agit de ramasser de l’oseille il y a bousculade au portillon, de gens fiables et très sérieux, mais en réalité c’est tout l’inverse, ce qui d’ailleurs explique en grande partie la crise, le chômage, et toutes ces salades comme quoi le système est au bord du drame et que bientôt c’est aux bidonvilles du Caire que les Champs-Elysées vont ressembler. La vérité certaine est qu’une majorité de feignants nous entourent. Ce que je demandais avait beau ne pas être le bout du monde, un peu de cash, un partenaire avec une camionnette pour le voyage, c’était toute une histoire pour dégoter l’oiseau. – Tu sais, m’a fait remarquer Saïd à qui j’exposais mes griefs, c’est pas facile, tu recherches un voleur qui soit travailleur, ils sont pas si nombreux. Evidemment. »
Vincent Ravalec Cantique de la racaille J’ai Lu - 414 pages –
11/02/2019 | Lien permanent
Gaston Leroux : La Poupée sanglante
Gaston Leroux (1868-1927) est un romancier français. Gaston-Alfred-Louis Leroux grandit en Normandie et après avoir obtenu le baccalauréat de lettres au lycée de Caen, il s'installe à Paris en octobre 1886 où il s'inscrit à la faculté de droit. Devenu avocat en 1890, il exerce cette profession jusqu'en 1893. Pour arrondir ses fins de mois, il écrit des comptes rendus de procès pour le journal L'Écho de Paris. A partir de 1901, devenu grand reporter, il effectue de nombreux voyages en France et à l'étranger, notamment en Espagne et au Maroc. Si sa renommée s’appuie sur la série des romans avec Joseph Rouletabille ou ses chefs-d’œuvre comme Le Mystère de la chambre jaune (1907), Le Parfum de la dame en noir (1908) et Le Fantôme de l’Opéra (1910), d’autres livres valent le détour. La Poupée sanglante (1923) qui vient d’être réédité est de ceux-là.
Au cœur de l’île Saint-Louis à Paris, Bénédict Masson est un relieur d’art doté d’un physique repoussant pour son plus grand malheur. Il est secrètement amoureux de Christine, la fille de son voisin d’en face, le vieux Norbert, un horloger obsédé par la recherche du mouvement perpétuel. Or, il semble se passer d’étranges choses dans cette demeure, outre le père et sa fille, y séjourne Jacques, fiancé de la belle et étudiant en médecine. Un soir, Bénédict qui épie la jeune femme de sa fenêtre, voit sortir de l’armoire de sa chambre, un jeune homme inconnu qui se précipite dans ses bras… A partir de là, les aventures les plus folles et les plus incroyables vont s’enchaîner.
Le roman mêle deux histoires, voire trois, indirectement liées les unes aux autres et dont je ne vous dirai rien comme le veut la règle pour ce type de bouquin. Sachez seulement et j’en dis déjà là beaucoup, que Gaston Leroux tisse ses intrigues plus qu’étranges en surfant sur ce qui a fait le succès de Mary Shelley et Bram Stoker. Vous m’avez compris ? Il y ajoute un autre ingrédient, inspiré d’un fait divers récent qui affola la population, l’affaire Landru ! Nous avons donc nos trois sujets d’intrigue et d’épouvante.
Mais, et c’est là tout ce qui fait l’intérêt de ce roman, si le mystère rôde à toutes les pages, si le faisceau d’indices conduit vers l’horreur totale et le fantastique le plus absolu, rien de tout cela ne sera jamais réellement prouvé ou démontré quand s’achève le livre. Une fin provisoire, car même s’il s’agit d’un ouvrage indépendant pouvant se lire comme tel - ce que disent certains mais ne me convainc pas - il comporte une suite, La Machine à assassiner, que je vais devoir me procurer au plus vite, tant j’ai hâte de mettre un point final cette fois, à cette folle aventure.
Le roman est très bien écrit et n’a pas vieilli dans l’écriture (ou si peu), même si l’intrigue n’a plus le parfum de la jeunesse et doit être lue au second degré. La plume est agile, le récit file un bon train et même dans les temps faibles on dévore cette petite merveille avec plaisir.
Vite, vite, la suite….
« Il est facile de se rendre compte de l’état d’esprit dans lequel Christine arriva à la porte du chalet. L’aspect sinistre du pays qu’elle venait de traverser, la vision de ce cadavre que des eaux bouillonnantes avaient apporté à ses pieds comme l’offrande diabolique de ces lieux funestes, ces flammes qui s’échappaient de ce toit, cet enfant qui s’enfuyait en hurlant d’horreur : tout contribuait à la jeter pantelante sur ce seuil où elle n’avait plus d’espoir qu’en Bénédict Masson ! Son poing eut à peine la force de frapper, mais un grand cri s’échappa de ses lèvres : « Bénédict ! Bénédict ! » Auquel un autre cri, derrière la porte, répondit d’une façon terrible. Un cri ? disons plutôt un hurlement… »
Gaston Leroux La Poupée sanglante Editions Okno - 312 pages –
26/03/2021 | Lien permanent | Commentaires (2)
De l’importance de l’âge
Les critiques des romans abondent dans les médias et sur les blogs, tout le monde y va de son commentaire plus ou moins éclairé, et que je t’analyse ceci et que je prenne en considération cela, tout est disséqué – du moins pour ceux qui se donnent la peine de le faire…
Pourtant il est un critère quasiment ignoré de tous : l’âge ! L’âge de qui, du capitaine ? L’âge de l’écrivain et l’âge du lecteur, tout simplement. Oh ! purée ! Le Bouquineur va encore nous embarquer dans un de ses billets à la noix… Personne n’étant obligé de me suivre, je fais ce que je veux chez moi.
J’ai déjà abordé mollement ce problème dans le passé mais je vais m’y attarder aujourd’hui car je suis convaincu qu’il n’est pas neutre.
Comment peut-on raisonnablement mettre sur le même plan, un écrivain ayant vingt ans et son collègue qui en aurait soixante ou plus ? La même remarque s’applique aussi pour les lecteurs et donc aux blogueurs puisqu’eux nous donnent leur avis sur leurs lectures.
L’âge, c’est le terme réducteur pour dire l’expérience, le vécu. Un homme (ouais, ou une femme) de vingt ans ne voit pas les choses, ne les ressent pas comme un aîné du troisième âge (ça se dit encore ?). Dans ces conditions un jeune écrivain, à moins d’être génial, ne pourra pas utiliser la large palette que le vécu autorise à son grand-père.
Mais ça reste néanmoins possible car l’écriture, c’est aussi la roublardise, dans le sens positif du terme, qui permet de pomper des ressentis déjà décrits par d’autres dans leurs propres livres. Si on peut décrire un meurtre dans un polar sans avoir jamais tué personne dans la vraie vie, on doit pouvoir utiliser les mêmes astuces pour pallier le manque d’expérience dans d’autres domaines. Donc, dans beaucoup de cas, si on accepte l’idée que le métier d’écrivain est un job de faiseur, le critère de l’âge peut souvent être ignoré.
Par contre qu’en est-il du lecteur ? Là je suis beaucoup plus persuadé que l’âge est un facteur important et qui joue un grand rôle dans l’avis porté sur un livre. J’en veux pour preuve ce simple test : relisez un roman de votre jeunesse quand vous serez matures. Si vous l’avez déjà fait, et je suis certain que beaucoup l’ont déjà expérimenté, vous voyez que votre avis de vingt ans n’est plus celui de vos X années de plus. Ceci dit, ne nous méprenons pas, le grand âge ne signifie pas qu’on comprend ou ressent mieux ce que l’on lit ! Ce n’est qu’une question de point de vue, un angle d’approche qui diffère, comme contempler un monument par sa face ouest ou est. Si vous avez aimé le roman à vingt ans, vous aviez raison ; si vous le trouvez niais à soixante, vous avez certainement encore raison – ce n’est pas une règle stricte mais une possibilité recevable.
Où l’affaire se complique et confirme que « Le Bouquineur va encore nous embarquer dans un de ses billets à la noix », c’est que le vécu ou l’expérience restent des concepts flous en réalité – même s’ils sont clairs en théorie – car il y a des jeunes gens qui en ont plus vu et bavé dans leur courte vie que des vieux pépères assis dans leur fauteuil depuis toujours.
Un billet qui se termine en eau de boudin ? Pas faux mais ça n’empêche pas d’y réfléchir.
04/09/2021 | Lien permanent | Commentaires (5)
John Muir : Un Eté dans la Sierra
John Muir (1838-1914) est un écrivain américain, né en Ecosse. Il fut l'un des premiers naturalistes modernes, militant de la protection de la nature. Ses lettres, essais, et livres racontent ses aventures dans la nature et la vie sauvage. Très lus à son époque, ils sont encore très populaires aujourd'hui. Son action a contribué à sauver la vallée de Yosemite et d'autres espaces sauvages. Le Sierra Club, qu'il a fondé, est à ce jour une des plus importantes organisations de protection de l'environnement des Etats-Unis. Ses écrits et sa philosophie ont fortement influencé la naissance du mouvement écologiste moderne. Un Eté dans la Sierra, récit écrit en 1911, vient d’être réédité en poche avec une très belle préface de Michel Le Bris.
1869, John Muir accepte la proposition de son ami irlandais Pat Delaney, accompagner la grande transhumance de ses moutons vers la Yosemite Valley ; de juin à septembre, Muir va convoyer deux milles « ballots de laine » avec Billy le berger, un Indien et un Chinois, Jack un petit chien et Carlo le gros Saint-Bernard, Delaney qu’il surnomme Don Quichotte pour son physique, faisant la liaison entre eux et la ville pour les ravitailler. Le job de John Muir n’est pas contraignant, contre quelques heures de taches simples, il a tout loisir pour explorer à sa guise le territoire traversé, et il va s’en mettre plein les yeux, conviant à la fête tous ses sens, mettant en pratique toutes ses connaissances et les élargissant.
Notre homme s’émerveille devant tant de beauté qu’offre la Nature sauvage et vierge, il observe et consigne, voire dessine tout ce qu’il voit. Les plantes, les arbres, les animaux de l’insecte aux mammifères font l’objet de descriptions et remarques très détaillées et parfois (allez, j’ose le dire) un peu soulantes. John Muir écrit très bien et n’a recourt qu’à un lyrisme raisonnable pour exprimer ses sentiments (« c’est une page grandiose du manuscrit des montagnes, et je donnerais volontiers ma vie pour être capable de la lire »). L’humour pointe parfois comme avec cette longue description du pantalon du berger (« Au lieu d’être aminci par l’usure, il est épaissi par la crasse, et sa stratification est d’une grande importance géologique ») à moins qu’il ne laisse le lecteur pantois avec l’épisode savoureux d’inconscience naïve face à un ours brun.
Toutes ces beautés ont néanmoins leur pendant et déjà l’auteur s’inquiète « seuls l’homme et les animaux qu’il domestique détruisent ces jardins » et ne cache pas son pessimisme « il se pourrait qu’à longue échéance les forêts soient détruites ».
Un très beau récit, devenu un classique du genre, mais que le lecteur moderne ne pourra réellement apprécier que s’il garde en mémoire qu’il a été écrit bien avant tous les autres qui lui ont succédés…
« Quand je songe aux tourments que nous avons endurés le mois dernier, uniquement parce que nous manquions de farine ! L’homme paraît avoir plus de mal à se nourrir que toutes les autres créatures du Seigneur. Car dans bien des villes, c’est pour beaucoup une lutte qui consume leur vie entière ; et pour d’autres, le danger de se trouver à court est si grand qu’ils forment la mortelle habitude d’accumuler éternellement en prévision de l’avenir, laquelle habitude étouffe toute vie véritable et se poursuit longtemps après que tout besoin raisonnable a été plus qu’assouvi. »
John Muir Un Eté dans la Sierra Folio - 306 pages -
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Béatrice Vierne
05/05/2022 | Lien permanent | Commentaires (2)
William R. Burnett : Quand la ville dort
William Riley Burnett (1899 - 1982) est un écrivain de roman noir et un scénariste américain. Après l'obtention d'un diplôme en journalisme, Burnett fait plusieurs petits métiers, dont celui de statisticien pour l'Etat de l'Ohio, et écrit cinq romans qui ne trouvent pas d'éditeur. Déçu, il part pour Chicago où son travail à la réception d'un hôtel lui permet d'observer le monde des truands et des trafics en tout genre. Il trouve là son inspiration et publie en 1929 Le Petit César qui remporte un vif succès. La réussite de l'adaptation de ce roman au cinéma en 1931, réalisée par Mervyn LeRoy et qui révèle Edward G. Robinson, lui ouvre les portes d'Hollywood. A son actif de nombreux petits bijoux du roman noir comme celui-ci qui vient d’être réédité, Quand la ville dort (The Asphalt jungle) publié en 1949 et dont une adaptation cinématographique a été réalisée par John Huston en 1950, avec Sterling Hayden et Marilyn Monroe.
Une grande ville américaine imaginaire, genre Chicago. Riemenschneider, dit « le Doc », à peine libéré de prison, constitue une équipe pour dérober un fabuleux butin dans la bijouterie la plus réputée de la ville. Cobby, le plus grand bookmaker de la ville, le branche sur Emmerich un puissant et rupin avocat chargé de financer le coup. Louis, « un petit gars mince et pointilleux, qui parlait sans cesse de son môme » devra ouvrir le coffre et Dix, « un homme dangereux (…) tueur potentiel », sécurisera l’entreprise. Evidemment, rien ne va se dérouler comme prévu… et leur rêve à tous de réaliser le dernier coup pour changer de vie, va s’avérer fatal.
Un excellent roman noir, l’un des grands classiques du genre.
Tout d’abord, il y a la ville. Tentaculaire, nuit, pluie, froid, où seuls les types louches et la police ne dorment pas à ces heures. Omniprésente, comme une chappe d’inquiétude permanente, elle donne le ton du bouquin. Le roman débute doucement, tranquille, d’une écriture sèche et froide, puis au fur et à mesure, l’intensité dramatique va monter en puissance, soit par le suspense lors du casse, soit et là on touche le cœur du livre, par les portraits psychologiques des uns et des autres et leurs liens.
L’intrigue je vous la laisse découvrir. Ce sont les acteurs qui font tout le sel du roman. Ce qu’ils sont ou donnent à voir au début, puis comment ils se découvrent quand ça va mal tourner. Il y a Gus, un petit bossu qui tient un snack où les nuiteux se sustentent, ses oreilles sont à l’écoute de tout ; Louis, un gars bien sympa avec une famille aimante ; « le Doc » dont le vice, ce sont les très jeunes filles… ; Emmerich, richard aux yeux du monde, entretenant une maîtresse trop jeune pour lui et écervelée, et dont on va découvrir qu’il n’est pas réellement l’homme de la situation ; et puis il y a Dix, mon préféré. Un gros dur, solitaire et taiseux, en ménage à l’insu de son plein gré avec Doll, une entraineuse « d’une vulgarité assez plaisante », follement amoureuse de son homme. Prête à tout sacrifier pour le sauver, son amour collant va finir par toucher Dix.
Je ne peux pas m’étendre plus sur la psychologie des différents rôles sans révéler toute l’histoire. Sachez qu’il y a des passages extrêmement touchants entre Dix et Doll, Louis et sa femme et d’une certaine manière entre Emmerich et sa femme trompée et malade imaginaire… Sous un apparent mépris macho, ces hommes ont un cœur qui parfois s’attendrit.
Je l’ai dit, un classique du genre, un quasi chef-d’œuvre.
« Dix était rongé par l’envie de rentrer chez lui – de revoir ce pays merveilleux et qui sait, d’y rester pour toujours. Il se sentit soudain animé d’une haine violente pour cette ville monstrueuse qui pulsait et vibrait sur plusieurs kilomètres et dans toutes les directions derrière les fines cloisons du réduit. « Et comment, que je vais le prendre, ce fric, se dit-il avec rage. Et quand j’aurai en poche ce qui me revient, je rentre chez moi. C’est là que je suis moi-même, et pas ailleurs. Dans ce sale trou, je suis comme un poisson dans l’eau. » »
William R. Burnett Quand la ville dort Folio - 338 pages -
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par J.-G. Marquet
Traduction révisée par Marie-Caroline Aubert
17/11/2022 | Lien permanent | Commentaires (2)
Jules Verne : Les Tribulations d’un Chinois en Chine
Jules Verne (Jules-Gabriel Verne de son nom exact), né en 1828 à Nantes et mort en 1905 à Amiens, est un écrivain français dont les livres sont, pour la plus grande partie, constituée de romans d'aventures utilisant les progrès scientifiques propres au XIXe siècle. En 1863 paraît chez l'éditeur Pierre-Jules Hetzel son premier roman, Cinq semaines en ballon, qui connaît un très grand succès y compris à l'étranger. Jules Verne nous a légué une œuvre immense, plusieurs dizaines de romans dont quelques chefs-d’œuvre comme Vingt mille lieues sous les mers (1870) pour n’en citer qu’un et mon préféré. Populaire dans le monde entier, il vient au deuxième rang des auteurs les plus traduits en langue étrangère après Agatha Christie. Les Tribulations d'un Chinois en Chine est un roman d'aventures, paru en 1879. Adaptation cinématographique par Philippe de Broca en 1965 avec Jean-Paul Belmondo.
En Chine à la fin du XIXème siècle. Kin-Fo, jeune et riche homme d’affaires, prévoit de d’épouser Le-ou, une jeune veuve. Pourtant un mal insidieux le ronge, indifférent à tout, il ne connaît pas le bonheur malgré les conseils de son ami et maître, Wang, un philosophe. Quand un courrier venu de sa banque à San Francisco lui apprend qu’il est ruiné, il décide de mourir. Prêt à se suicider, il constate que là encore il n’en ressent aucune émotion. Ne pouvant l’accepter, il demande à Wang de le tuer par surprise avant deux mois, après avoir pris ses dispositions pour léguer sa fortune à Le-ou et Wang avec une assurance-vie. On entre enfin dans l’histoire quand Kin-Fo apprend qu’il n’est en réalité pas ruiné. Il veut alors faire annuler le contrat passé avec son ami, mais il a disparu. Commence une longue cavalcade à travers le pays pour le retrouver et qu’il n’exécute pas le projet initial…
Je n’avais jamais lu ce roman de Verne, pressentant instinctivement qu’il ne me plairait pas ? A moins que le film avec Belmondo, bien tartignole, en soit la vraie raison ? Donc, oui, je me suis beaucoup ennuyé à lire ce roman sans grand intérêt. Désolé Jules, mais ce n’est pas avec celui-ci que vous continuerez à faire rêver vos lecteurs.
L’intrigue est très quelconque et le dénouement bien simplet s’achevant sur une moralité assez banale, on ne mesure vraiment son bonheur qu’après avoir connu le malheur ou les ennuis.
Par contre, soyons objectif en remettant le livre dans son contexte historique. Le bouquin paraît en 1879, à cette époque la Chine est quasiment terra incognita pour les vulgaires lecteurs de l’écrivain. Toutes ces longues pages où il mentionne des détails sur l’histoire, les mœurs et coutumes du pays plongeaient ses lecteurs dans un exotisme plein de curiosités et mystères certainement très attrayants. Par ailleurs, comme d’habitude, Verne en profite pour caser les nouveautés technologiques ou en cours de création à cette époque (ici par exemple, un genre de magnétophone). Tout ceci n’était donc pas neutre, alors. Mais aujourd’hui ?
Si vous connaissez Jules Verne, vous savez qu’il a écrit de merveilleux romans, quand aux autres, ne commencez surtout pas par celui-ci.
« Ainsi donc, Wang, malgré la parole donnée, avait senti sa volonté se paralyser, lorsqu’il s’était agi de frapper son ancien élève ! Ainsi Wang ne savait rien du changement survenu dans la fortune de Kin-Fo, puisque sa lettre ne le disait pas ! Ainsi Wang avait chargé un autre de tenir sa promesse et quel autre ! un Taï-ping redoutable entre tous, qui, lui, n’éprouverait aucun scrupule à accomplir un simple meurtre, dont on ne pourrait même le rendre responsable ! La lettre de Kin-Fo ne lui assurait-elle pas l’impunité, et la délégation de Wang, un capital de cinquante mille dollars ! »
Jules Verne Les Tribulations d’un Chinois en Chine Le Livre de Poche - 335 pages -
08/12/2022 | Lien permanent | Commentaires (2)
Patrice Jean : La Vie des spectres
Patrice Jean est un écrivain français né à Nantes en 1966. Après des études de philosophie, il devient professeur de lettres modernes et se lance dans la littérature. La Vie des spectres son dernier roman vient de paraître.
Nantes. Jean Dulac, marié avec Doriane et un fils adolescent nommé Simon, est journaliste dans la presse régionale tout en s’évertuant à écrire le roman qui lui permettra de s’échapper de son job. Notre Jean n’a pas la vie facile, entre son épouse et ses copines qui le critiquent, l’une d’elles féministe féroce entreprend de le « rééduquer » et le fiston adolescent « révolutionnaire » … Fils qui se voit mêlé à une histoire de photos pornos d’une surveillante de son lycée divulguées sur internet par un de ses copains, copain bien vite tabassé pour venger la dame, mais le copain s’appelle Moussa et les tabasseurs seraient des fachos. L’affaire prend de l’ampleur, Jean écrit un article qu’il veut honnête et objectif pour son journal, scandale car pas assez critique contre les agresseurs (mais il a de bonnes raisons), sa femme ne veut plus le voir, son fils non plus, Jean délaisse le domicile familial et se réfugie dans un vieil appartement où il vécut dans sa jeunesse…
Résumé amorce, mise en bouche mais aussi exemple parfait illustrant la société actuelle. Une société que Patrice Jean va décortiquer en en montrant les multiples contradictions dans une critique acérée de notre époque. Je me suis régalé et extrêmement amusé avec ce roman aussi grinçant qu’ironique où « la caricature, de nos jours, court après le réel, un réel toujours en avance d’une connerie sur sa représentation romanesque. »
Le roman peut se voir en deux parties, celle où Jean vit avec sa famille puis celle où il sera seul dans cet appartement du passé où il revoit par la pensée ses amis d’alors, dont Ronan décédé très jeune, avec lequel il va discuter et philosopher lors de séquences oniriques, comparant le monde d’hier et celui d’aujourd’hui.
Le bouquin est tellement ancré dans la réalité qu’on a l’impression de suivre les actualités dans ses grandes lignes : féminisme outrancier, écolos, manifestations antifasciste, idéologies, presse et intellectuels de gauche aveuglés, rôle des médias, polémiques bidons, gloubi-boulga où tout et son contraire sont commentés sans arrêt, au grand désespoir de Jean qui finalement préfère les animaux, « enfin des êtres qui n’ont pas d’idées sur le monde ! » Jean ne comprend plus cette époque et tente d’en analyser les raisons, la perte de sens des mots (« Qui adopte le langage de son temps en embrasse aussi les poncifs »), les discours creux où les grands mots cachent le manque d’idées, les slogans faciles, les tics de langage (« Trop contente ! Trop contente ! »).
Pour son journal il doit rédiger des portraits de personnalités locales, mais son esprit acerbe rend son rédacteur en chef fou (d’une romancière il écrit « elle est inspirée par les lieux communs ! Lapalissade et Banalité sont ses muses ! »).
Avec un esprit subversif l’écrivain traite de l’isolement, Jean est à l’âge où l’on fait des bilans, la vieillesse n’est pas loin et les jeunes sont difficiles à comprendre (« La jeunesse est sans pardon. Elle puise dans son inexpérience la violence avec laquelle elle flagelle ses aînés »), bientôt ne resteront que les souvenirs et encore, que valent-ils ? Mélancolie… ; critique sociale ironique quand on en fait ressortir les contradictions, les nouvelles normes adoptées par la société. Pour Jean il ne lui reste plus qu’à « transformer mes contemporains en ectoplasmes : je suis réel, ils sont irréels. »
L’auteur égratigne aussi largement la littérature d’aujourd’hui, certains écrivains, les éditeurs, les lecteurs et ça vaut son pesant de cacahuètes ! J’arrête là car recenser tous les sujets abordés serait trop long.
Un excellent roman, très bien écrit, plein d’humour mais aussi sujet de réflexion.
« J’avais envie de leur dire : Non ! Non ! Devenez dentiste, champion de boxe, marin, P-DG, chirurgien, mais n’ambitionnez pas de vivre de vos écrits ! L’écrit, ça ne représente plus rien. Pensez à toutes ces boîtes à livres qu’on trouve un peu partout dans les villes et les villages ! croyez bien que si les livres avaient de la valeur, personne ne les abandonnerait où que ce soit ! Existe-t-il des boîtes à smartphones ? Des boîtes à bijoux ? Ou même des boîtes à tubes de dentifrice ? »
Patrice Jean La Vie des spectres Le Cherche Midi - 452 pages -
09/09/2024 | Lien permanent | Commentaires (4)
Brice Matthieussent : Petit éloge de l’Amérique
Brice Matthieussent, né en 1950 à Paris, est un écrivain, traducteur et éditeur français. Il est aussi professeur d'esthétique et auteur de plusieurs essais critiques. Depuis la fin des années 1970, il se consacre à la traduction en français de littérature anglo-saxonne, notamment américaine. Il a ainsi traduit de grands noms de la littérature contemporaine tels que Charles Bukowski, Thomas Pynchon, John Fante, Paul Bowles, Henry Miller, Jack Kerouac, Jim Harrison, Bret Easton Ellis, Thomas McGuane ou Richard Ford. Depuis 2022, il codirige la collection "Amériques" aux éditions du Réalgar, à Saint-Etienne, où ils traduisent et publient essentiellement de la poésie américaine.
Petit éloge de l’Amérique, un texte inédit, vient de paraitre directement en format poche. D’autres ouvrages, plus ou moins dans la même veine, vont certainement suivre à quelques mois à peine de l’échéance électorale américaine.
Brice Matthieussent pose immédiatement les bases de sa réflexion et j’ai cru y lire mes propres pensées : nous sommes tous les deux de la même génération et nous avons été attirés très jeunes à la période charnière entre 60’ et 70’ par ce pays par les mêmes éléments, littérature (Beat Generation), musique (Rock) et sentiment de liberté. Un attrait irrésistible mais pas aveugle pour autant, les Etats-Unis fascinent parce qu’ils mêlent le bien et le mal, certains aspects enthousiasment d’autres révulsent.
Donc dans les grandes lignes j’ai bien aimé ce petit bouquin, je dis grandes lignes car je l’ai trouvé néanmoins un peu décousu dans sa construction et que sur certains points pas obligatoirement d’accord avec l’auteur.
Quelques sujets abordés, dans le désordre : la littérature avec la Beat Generation, Bukowski, son ami Jim Harrison et tant d’autres qui viendront illustrer ses propos. L’écriture genrée, la langue anglaise n’est pas genrée et pour les Américains le langage de la rue fait la règle, contrairement à la France qui a son Académie Française qui décide du bon usage. Bien entendu l’auteur aborde le domaine de la traduction (« les titres des romans américains sont souvent mal traduits en français, pour des raisons commerciales frisant le grotesque ») constatant que « même les meilleures traductions littéraires perdent environ la moitié de l’original ». Et pour en finir avec la littérature, sa définition du roman réussi : « c’est un roman sans idées, sans opinion à défendre, sans thèse à prouver, sans message préexistant à l’écriture. »
Le bouquin ne peut faire autrement que d’évoquer Trump et entre autres que le clivage radical entre les deux camps ennemis trouve son origine dans l’émancipation des femmes dans les années 70, entre féminines de gauche et républicaines ultra-conservatrices.
Je retiens surtout de ce petit livre que le pays cumule de nombreux points très positifs mais aussi qu’il perd les pédales et le Nord sur d’autres, par exemple quand dans certaines universités, « des étudiants de couleur exigent des espaces non mixtes pour ne pas avoir à côtoyer des Blancs ! » soit, réinstaurer ce contre quoi on luttait au début, la ségrégation raciale !
Brice Matthieussent prend à témoin Tocqueville et s’en fait le double moderne, confrontant les écrits du premiers avec ce que lui voit de l’Amérique d’aujourd’hui.
« L’Amérique est ainsi divisée en deux camps irréconciliables à géométries variables, qui se méprisent et se détestent, Trump ayant seulement mis de l’huile – certes beaucoup d’huile… - sur le feu de cette division, qu’il attise à la première occasion en ayant recours à son mode de communication préféré : l’insulte. Et plus elle est vulgaire, plus elle lui plaît. Au slogan américain très populaire durant la Seconde Guerre mondiale, United We Stand, succède désormais son contraire désolant : Divided We Stand. La division triomphe, l’opposition systématique, irrévocable, de deux camps ennemis qui se détestent comme jamais. Et voilà les Etats-Désunis ! »
Brice Matthieussent Petit éloge de l’Amérique Folio - 122 pages -
19/09/2024 | Lien permanent