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Isaac Bashevis Singer : Un jour de plaisir

isaac bashevis singerIsaac Bashevis Singer (1902-1991) est un écrivain juif polonais naturalisé américain en 1943. Après avoir abandonné le rabbinat pour se consacrer à la littérature et au journalisme, il débute sa carrière en 1925 en publiant, sous divers pseudonymes, des nouvelles et en traduisant en yiddish des romans de Knut Hamsun ou de Thomas Mann. Auteur de dix-huit romans, quatorze livres pour enfants et plusieurs recueils de nouvelles, il a reçu le prix Louis Lamed à deux reprises puis le National Book Award en 1974 (ex-æquo avec Thomas Pynchon) et le prix Nobel de littérature en 1978. En 1983, Barbra Streisand avait adapté au cinéma sa nouvelle Yentl.

Un jour de plaisir, édité en 1979 chez Stock, est une compilation d’une vingtaine de textes, pour certains déjà parus ailleurs, pour d’autres inédits. On y trouve aussi la première mouture de Shosha qui deviendra plus tard un roman à part entière.

Comme le précise l’écrivain dans sa préface, « Les histoires que je raconte dans ce livre sont vraies et se sont passées pendant les quatorze premières années de ma vie. » Souvenirs d’enfance, donc, où nous suivons l’auteur de Radzymin, petit village polonais où il naquit à Varsovie, puis alors que la première Guerre mondiale éclate et fait souffrir les habitants des villes, à Bilgoray village natal de sa mère. Né d’un père rabbin et d’une mère fille de rabbin, le jeune Singer baigne dans le respect des traditions et de la culture juive.

Le bouquin découpé en chapitres courts, dresse des portraits attachants que ce soit le laitier, Reb Asher qui le balade dans sa voiture tirée par un cheval, ou bien l’émouvante histoire de cette vieille blanchisseuse qui jusqu’à sa dernière seconde mettra un point d’honneur à satisfaire ses clients et enfin, Shosha une amourette d’enfance qui nous vaut un texte au final poignant.

Un excellent livre dans le sens où il est une parfaite introduction à la littérature juive américaine, on y retrouve ici les mêmes souvenirs de jeunesse que chez les Henry ou Philip Roth (par exemple) mais en moins trash que chez Henry et exprimés plus naïvement que chez Philip. Là aussi, les termes yiddish font l’objet d’un très mince glossaire en fin d’ouvrage et n’entravent pas du tout la lecture. Une bonne occasion pour se familiariser avec les traditions juives (de l’époque ?) comme l’interdiction d’avoir de l’argent sur soi pendant le shabbat ou de porter une perruque pour les femmes… Personnellement, j’aime beaucoup ces histoires où de jeunes juifs corsetés dans leurs rigides coutumes ancestrales et religieuses font l’expérience de la vie en se confrontant au monde moderne qui s’éveille en ce début de vingtième siècle. Et comme chez ses confrères écrivains, il y a une écriture qui ne peut laisser indifférent.

 

« J’étais très jeune quand je pris conscience de la souffrance humaine. La Pologne, déchirée entre la Russie, l’Allemagne et l’Autriche, avait perdu son indépendance une centaine d’années plus tôt. Mais nous, les Juifs, nous avions perdu la terre d’Israël voilà près de deux mille ans. Mon père m’assurait toutefois que si les Juifs menaient une vie pieuse, le Messie viendrait et nous retournerions tous en terre d’Israël. Mais attendre deux mille ans, c’était long, vraiment trop long. En outre, comment être sûr que tous les Juifs obéissaient à la loi de Dieu ? Il y avait des voleurs, dans notre rue, et toutes sortes d’escrocs. Des gens de leur espèce pouvaient retarder indéfiniment la venue du Messie. »

 

isaac bashevis singerIsaac Bashevis Singer   Un jour de plaisir   Stock – 205 pages –

Traduit de l’anglais par Marie-Pierre Bay

 

 

 

 

 

 

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08/10/2014 | Lien permanent

Jorn Riel : La Vierge froide et autres racontars

Jorn RielJorn Riel est un écrivain danois, né en 1931 à Odense. Jorn Riel s'est engagé en 1950 dans une expédition scientifique pour le nord-est du Groenland, où il passera seize années, notamment sur une base d'étude de l'île d'Ella. De ce séjour, il tirera le versant arctique de son œuvre littéraire, dont la dizaine de volumes humoristiques des Racontars arctiques, ou la trilogie Le Chant pour celui qui désire vivre. Dans ces romans, dédiés à son ami Paul-Émile Victor, Jorn Riel s'attache à raconter la vie des populations du Groenland. Il vit actuellement en Malaisie à la lisière d'une forêt près de Kuala-Lumpur.

La Vierge froide et autres racontars date de 1974, traduit chez nous en 1993. Roman ou recueil de nouvelles, difficile de trancher d’autant que rien n’est précisé sur mon édition ; alors disons qu’il s’agit de dix textes, c'est-à-dire dix histoires différentes, liées entre elles par des personnages qui reviennent de temps à autre, le tout se déroulant dans une géographie commune.

Côte est du Groenland. Des cabanes de chasseurs de phoques et de renards sont disséminées le long de la côte où un navire passe de temps en temps collecter les peaux pour la Compagnie et apporter quelques vivres de base. Dans chaque cabane, deux hommes doivent cohabiter durant la longue période hivernale. Pour combattre leur solitude, ces rudes trappeurs picolent beaucoup, jouent aux cartes et se racontent des histoires, véridiques ou inventées… 

Si la vie est dure (« l’hiver, l’obscurité bloque toute perspective aussi bien dans la tête des bonshommes que dehors »), l’auteur prend le parti de nous la raconter sur le mode de l’humour (« Ils prirent un repas auquel le Comte donna un nom étranger, ce qui ne l’améliorait pas particulièrement ») et ma foi, je n’ai pas lâché mon sourire du début à la fin de ce gentil bouquin. Je ne vais pas vous résumer ces historiettes dont certaines sont franchement désopilantes, disons pour vous mettre en appétit qu’il y a une histoire de tinettes qui crée la discorde, une autre où un mort passe la soirée avec ses amis qui ayant trop bu, le confondront avec un vivant au moment de l’inhumation, mais la plus « humour noir » voit un cochon semer la zizanie au sein d’un couple d’hommes, ce qui nous vaut une chute ahurissante ! Quant à la nouvelle éponyme donnant son titre au livre, elle est pleine de poésie et de mélancolie amère, quand l’un des leurs invente une femme, Emma : confrontés à leur solitude ces hommes se refileront « virtuellement » une conquête qui aura satisfait leurs désirs intimes.

Un très joli petit bouquin, avec ces paradoxes, souriant alors qu’il décrit un monde de solitude et de dureté tout en décrivant un monde clôt, des cabanes, au milieu de vastes espaces glacés. Tout cela est brillamment troussé et cerise sur le gâteau, mon édition est particulièrement soignée : papier rose saumon et illustrations  naïves de bon ton, collant parfaitement aux récits.  

 

« - Qu’est-ce que je dois faire, Valfred ? – Et comme ça sans arrêt. Que peut-on faire quand la première fille publique est à des milliers de kilomètres ? Je le tapote sur l’épaule et lui dis qu’on va arranger ça. – D’abord tu quittes ton pantalon, que je lui ai dit, et après tu cours face au vent du sud-est, du mieux que t’as appris. – Voilà ce que je lui ai dit, Anton, et je l’ai répété jusqu’à ce que je sois sûr que ça avait pénétré. Parce que pour ce mal-là, c’est le seul remède que je connaisse. – Face au vent du sud-est, je disais, comme ça, ça passera et, au retour, tu seras un rude gaillard ! »

 

 

Jorn RielJorn Riel   La Vierge froide et autres racontars   Gaïa Editions – 196 pages –

Traduit du danois par Susanne Juul et Bernard Saint Bonnet – Illustré par Eiler Krag

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Joris-Karl Huysmans : Marthe

huysmans, Zola, maupassantJoris-Karl Huysmans de son vrai nom Charles Marie Georges Huysmans, est un écrivain et critique d'art français (1848-1907). Huysmans était le descendant par son père, d'une lignée d'artistes peintres hollandais. Certains tableaux du plus célèbre de ses ancêtres, Cornelius Huysmans, peintre à Anvers au XVIIe siècle, figurent aujourd’hui au Louvre et c’est pour mieux évoquer ses origines hollandaises, que Huysmans adopta le prénom de Joris-Karl. A partir de 1876, Huysmans collabore en tant que chroniqueur d’art, à différents journaux pour lesquels il rédige des comptes rendus des Salons de peinture et il prend la tête du combat visant à imposer l’Impressionnisme au public. Marthe, histoire d‘une fille, son tout premier roman date de 1876.

Autant vous le dire tout de suite, J.-K. Huysmans fait partie de mes écrivains favoris et cette année je suis comblé, une Pléiade vient de paraître avec ses principales œuvres et le musée d’Orsay lui consacrera une exposition à la fin de ce mois. Ayant déjà lu ses grands romans (A rebours, En rade, Là bas, En route etc.) j’ai entamé le bel ouvrage de chez Gallimard par le commencement, c'est-à-dire ce premier roman, très court au demeurant et qui fut interdit en France en son temps.

Comme l’indique son sous titre, histoire d’une fille, dans le langage de l’époque le roman nous conte le parcours de Marthe, une prostituée. Ouvrière dans une usine de perles à Paris, elle connait une première déception sentimentale avec la mort de son amant et de leur enfant, elle tombe alors dans la prostitution puis semble s’en sortir quand elle rencontre Ginginet directeur d’un théâtre qui l’engage pour sa belle figure et partage sa couche. Une nouvelle chance s’offre à elle avec Léo, un écrivain en herbe et sans le sou qui l’aime réellement. Mais il est dit que le Destin n’a pas prévu le bonheur pour Marthe, leur liaison bat de l’aile quand le quotidien éteint la passion et malgré les efforts des uns et des autres pour la sauver, la jeune femme sombre dans l’alcoolisme et s’échoue, à jamais certainement, dans une maison de passes.

Si Marthe est un roman mineur de l’écrivain - lui-même avait envisagé un temps de le réécrire - avec ses défauts, j’y ai néanmoins trouvé matière à me réjouir. Tout d’abord, il y a cette « musique » commune à tous les romans du XIXème siècle que je vénère, une écriture ample et longue en bouche, avec ici les prémisses de ce que sera son style à venir, des phrases très travaillées, des mots rares ou bien pour nous aujourd’hui, des expressions datées qui n’en sont que plus savoureuses encore (« C’était un crapoucin bonasse et un jovial compère… »).

Roman social d’un réalisme pessimiste, une femme du peuple, les petits ateliers parisiens et les gens ordinaires, la prostitution comme une évidence pour nombre de ces femmes, les bistros et la faune qui s’y abreuve etc. Tout ceci vous semble familier car vous l’avez lu chez Zola (Nana) ou éventuellement Maupassant (Boule de suif) par exemple, mais ces écrits datent de 1880, donc postérieurs au livre de Huysmans. Que vous lisiez ce roman ou non, qu’importe, mais lisez J.-K. Huysmans, il le mérite et vous le valez bien.  

 

« Elle allait alors à vau-l’eau, mangeant à même ses gains de hasard, souffrant le jeûne quand la bise soufflait. — L’apprentissage de ce nouveau métier était fait ; elle était passée vassale du premier venu, ouvrière en passions. Un soir, elle rencontra dans un bal où elle cherchait fortune en compagnie d’une grande gaupe, à la taille joncée et aux yeux couleur de terre de sienne, un jeune homme qui semblait en quête d’aventures. Marthe, avec sa bouche aux rougeurs de groseille, sa petite moue câline alors qu’il la lutina, sa prestance de déesse de barrière, son regard qui se mourait, en brûlant, affama ce naïf qu’elle emmena chez elle. Cet accident devint bientôt une habitude. Ils finirent même par vivre ensemble. Chassés d’hôtels en hôtels, ils se blottirent dans un affreux terrier situé rue du Cherche-Midi. »

 

huysmans, Zola, maupassantJoris-Karl Huysmans   Marthe, Histoire d’une fille   Gallimard La Pléiade – 65 pages –

 

 

 

 

 

 

Si vous êtes intéressé par ce livre mais que vous ne vouliez pas investir, ici c’est gratuit !

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Paul Cleave : Ne fais confiance à personne

paul cleavePaul Cleave, né en 1974 à Christchurch, est un écrivain néo-zélandais. Après avoir travaillé comme prêteur sur gages pendant sept ans, il retourne à ses premières amours - l'écriture - et publie son premier roman, Un employé modèle en 2006 qui connaît un succès international. Ne fais confiance à personne, son sixième roman traduit chez nous, est sorti en 2017.

Jerry Grey, la cinquantaine, est un auteur reconnu de romans policiers qui aurait pu continuer à vivre heureux entre sa femme Sandra et leur fille Eva, s’il n’était atteint de la maladie d’Alzheimer, ce qui oblige à le placer en maison de santé. Bientôt il se retrouve soupçonné d’un, voire plusieurs crimes et sa mémoire lui faisant défaut ou lui jouant des tours, il en vient à se persuader qu’il est devenu un monstre. Mais un polar où le criminel est montré du doigt dès les premières pages, tss tss tss, est-ce vraiment crédible ?

Si les intrigues convenues des polars ou des thrillers vous lassent, venez faire un tour par ici. Paul Cleave avec ce nouveau bouquin réussit à nous entrainer dans une histoire « prise de tête » qui agace au début, intrigue ensuite et finit par accrocher le lecteur jusqu’à la fin car jamais on ne sait vraiment ce qui se passe.

Nous savons déjà que Jerry est atteint d’Alzheimer ce qui induit des pertes de repères, des souvenirs tronqués ou falsifiés. Jerry Grey écrit ses romans sous un pseudonyme, Harry Cutter, or voilà que dans l’esprit perturbé de notre héros, Jerry et Harry vivent côte à côte, deux voix, deux façons de penser, deux mémoires différentes. Inutile de vous dire que lorsque Jerry est en phase perturbée, c’est un joli bazar dans sa pauvre tête, et quand il reprend temporairement ses esprits, il ne sait plus quoi en penser. Les chapitres alternent le passé et le présent, incluant des extraits d’un carnet disparu où Jerry anticipant sa future perte de raison totale, notait des éléments de sa vie.

Plus le récit avance, plus les cadavres de femmes s’empilent. La police aux trousses de Jerry cherche à élucider ces crimes, le personnel de la maison de santé tente d’aider Jerry, puis Hans, son vieux copain pas trop respectueux des lois va lui donner un coup de main. Mais quelque chose cloche, Jerry le sent bien, coincé entre ses crises de démence et ses courts moments de lucidité il va essayer désespérément de se sortir de ce cauchemar. Mais n’oubliez pas qu’il ne faut faire confiance à personne… même à soi-même ?

Crises de paranoïa où Jerry et Harry conversent avec Harry et Jerry, le tourbillon machiavélique semble sans fin et le lecteur tout aussi égaré que Jerry ne peut que s’abandonner au fil de l’écriture de Paul Cleave, en espérant que l’épilogue éclaircisse cet embrouillamini ?

Ajoutons à tout ce qui précède, une mise en abyme passionnante où l’écrivain réel (Paul Cleave) imagine un écrivain fictif (Jerry) aux prises avec son double (Harry) dans ce qui s’apparente à un montage genre poupées russes… Prise de tête je vous avais dit, vous ne suivez pas ? 

 

« « - C’est la démence. Il ne se souvient pas de ses propres histoires. – Mais vous vous souvenez des personnages, pas vrai ? demande Mayor. Vous vous rappelez les avoir tués. C’est pour ça que vous écrivez ? Parce que c’est un exutoire pour vous, parce que vous vous dites que ça vaut mieux que de commettre de vrais meurtres ? Je me suis toujours interrogé sur les types comme vous. » Jerry ne répond rien. « Moi je me suis toujours dit qu’un type qui écrivait le genre de livres que vous écrivez, eh bien, il devait y avoir quelque chose qui clochait chez lui, quelque chose de tordu. Sinon, pourquoi pondre tous ces trucs ? » (…) Quand vous allumez la radio et que vous entendez parler d’une pauvre gamine balancée dans une benne à ordure avec la gorge et la culotte en lambeaux, est-ce que vous vous dites : Bon ça va faire une bonne histoire ? »

 

 

paul cleavePaul Cleave  Ne fais confiance à personne  Editions Sonatine – 458 pages –

Traduit de l’anglais (Nouvelle-Zélande) par Fabrice Pointeau

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Goethe à Strasbourg

goetheJohann Wolfgang von Goethe, né en 1749 à Francfort et mort en 1832 à Weimar, est un romancier, dramaturge, poète, théoricien de l'art et homme d'Etat allemand, passionné par les sciences, notamment l'optique, la géologie et la botanique. Pas moins !

Il est l'auteur d'une œuvre abondante aux accents encyclopédiques qui le rattache à deux mouvements littéraires : le « Sturm und Drang » (un mouvement à la fois politique et littéraire allemand de la seconde moitié du XVIIIe siècle) et le classicisme de Weimar. En physique, il proposa une théorie de la lumière et en anatomie, il fit la découverte d'un os de la mâchoire.

En tant qu’écrivain il est notamment l'auteur des Souffrances du jeune Werther (1774) qui le rendront immédiatement célèbre, Les Affinités électives, Les Années d'apprentissage de Wilhelm Meister ainsi que de nombreux poèmes.

Après des études de droit commencées à Leipzig (1765-1768) Goethe les termine à l’université de Strasbourg (1770-1771). Le 2 avril 1770, il s’installe à l’Hôtel de l’Esprit, quai Saint-Thomas, au bord de l’Ill, cet affluent du Rhin qui ceint le quartier historique de la capitale alsacienne. Aujourd’hui il n’y a plus d’hôtel à cette adresse, par contre une plaque commémore un autre évènement, plus tardif, c’est ici dans cet hôtel que le 5 décembre 1823, Franz Liszt alors âgé de douze ans, a donné son premier concert en public en France… mais ceci est une autre histoire.

« Je n’ai jamais encore aussi bien compris que depuis mon arrivée à Strasbourg comment il se peut faire qu’on s’amuse infiniment sans que le cœur y soit pour rien. Des relations étendues avec ce que la ville offre de plus agréable, un commerce assidu avec des gens d’esprit et de plaisir occupent tout mon temps et ne me laissent pas une minute pour réfléchir et me sentir vivre. En un mot, mon existence actuelle peut se comparer à une partie de patins brillante et bruyante, et si tant est qu’elle ait beaucoup pour les oreilles, je me dois à moi-même d’avouer qu’elle n’a rien pour le cœur. » [Lettres et Notes de Goethe (1766-1780), recueillies par Schoell, Weimar 1846].

Plus tard Goethe louera une chambre au fourreur Schlag, 36 rue du Vieux-Marché-aux-Poissons et prendra ses repas tout à côté, 22 rue de l’Ail, dans la pension Lauth, où se retrouvent les étudiants en philosophie. Il rencontre là un futur condisciple, Johann Heinrich Jung-Stilling, auteur de nombreux travaux glorifiant le christianisme.

Se rendant un jour à l’Hôtel de l’Esprit, il rencontre le philosophe Johann Gottfried von Herder, venu soigner ses yeux à Strasbourg et qui devient son mentor. De cinq ans son aîné, Herder lui fait découvrir Shakespeare, Ossian et la culture populaire. Avec Rousseau, passé d’ailleurs dans la ville en 1765, voilà tracées les influences principales du « Sturm und Drang », ce courant préromantique qui s’incarne en particulier dans Les Souffrances du jeune Werther.

Goethe aime aussi parcourir les environs à cheval à la recherche de paysages et d’histoires des campagnes, en particulier avec le docteur Salzmann, hôte comme lui, de la pension de la rue de l’Ail. Peut-être, est-ce lors d’une de ces promenades qu’en octobre 1770, qu’il rencontre Frederike Brion, fille du pasteur de Sessenheim, un village proche de Strasbourg. L’idylle est partagée et Frederike lui inspirera de grands poèmes. Mais ne souhaitant pas encore se lier par le mariage, il rompt avec elle quelques semaines avant août 1771, époque de son retour à Francfort. On montre encore aujourd’hui, sur la route de Drusenheim, le chêne au pied duquel il lui annonça son départ. Snif ! Que c’est beau ! Mais comme on le sait, les histoires d’amour finissent toujours mal…

 

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Photos : Le Bouquineur   Sources : Wikipédia et diverses sources pompées sur internet…

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12/12/2017 | Lien permanent

Serge Joncour : Chien-Loup

Serge Joncour, Henri BoscoSerge Joncour, écrivain français né en 1961, pratique différents métiers avant de se lancer dans l'écriture (publicité, maître nageur). Il publie son premier roman, Vu, en 1998. Il est aussi, avec d'autres artistes et écrivains, l’un des protagonistes de l'émission de radio Des Papous dans la tête sur France Culture. Auteur d’une dizaine de romans dont certains ont été adaptés au cinéma, Chien-Loup son dernier, vient de paraître.

Franck et Lise vivent ensemble depuis plus de vingt ans, lui est producteur de cinéma, elle ancienne actrice. Cet été, Lise a choisi leur lieu de vacances, une maison perdue dans le causse, dans le Lot. Ici c’est le trou du cul du monde, rien alentour, et surtout pas de réseau pour les téléphones portables, une aubaine pour elle venue se ressourcer, un calvaire pour lui, en pleine négociation professionnelle avec ses jeunes associés. A peine installés, un énorme chien apparemment sans maître et venu d’on ne sait où, chien perdu sans collier, semble décidé à leur tenir compagnie…

Serge Joncour mène son roman comme un attelage à deux têtes, alternant les chapitres contant deux histoires distinctes mais qui se rejoignent dans cette maison isolée. L’endroit devenu gîte peu fréquenté a connu un passé mouvementé autant qu’insolite, durant la Première Guerre mondiale, il a servi de refuge à un dompteur et ses fauves avec l’autorisation du maire de la petite bourgade proche, aujourd’hui abandonnée. Des lions et des tigres sur le causse, il y a près de cent ans, c’est bien assez pour avoir alimenté légendes et rumeurs, et repousser quiconque envisageant de s’approcher trop près des lieux.

Comme par un effet de yoyo, le lecteur passe des années de guerre à aujourd’hui sans pour autant être déstabilisé car les deux histoires résonnent l’une dans l’autre. La peur est l’un de leurs points communs, durant les années de guerre elle a mille causes évidentes pour les villageois tandis que pour Franck, être coupé du monde, l’affaiblit et le désarme face à ses « ennemis », ses associés qui tentent de l’évincer.

Le roman qui débute avec un léger mystère lié au lieu (« Ils y seraient heureux. Ou alors ce serait l’enfer. ») devient dans sa dernière partie, une fable sur la violence de l’époque et d’hier au travers du triptyque Nature/Animaux/Hommes, perdant au passage de sa crédibilité narrative. Si la nature est belle – et Joncour sait la décrire magnifiquement, parfois j’ai pensé à Henri Bosco – elle n’est pas exempte de violence ; quant à l’Homme, qu’il soit d’hier ou d’aujourd’hui, il reste un loup pour lui-même. Franck le constatera et devra user de moyens extrêmes pour contrer ses adversaires avant de trouver, enfin, la sérénité et le calme intérieur sous l’œil bienveillant du chien-loup.

Les chapitres sont très courts, l’écriture de Serge Joncour est très belle et j’ai cru y déceler une légère différence de style selon que le récit se déroule durant la guerre ou de nos jours, mais il y a aussi des répétitions qui rallongent un peu trop le texte à mon goût. Pour conclure, nous avons là un bon roman populaire – dans le bon sens du terme, à savoir qu’il plaira à tous.     

 

 

« A présent il savait que ce territoire n’était pas neutre, il habitait le périmètre de cette femme, de cet homme, de ces lions. Tous ces acteurs engloutis, ces présences d’un autre siècle, il s’y sentait bizarrement lié. D’une façon ou d’une autre leur histoire était toujours là à rôder, elle errait sous forme de molécules de mémoire qu’on tentait de taire ou d’oublier. Il songea à Lise, elle dormait peut-être encore dans la maison grande ouverte, avec les portes et les fenêtres telles qu’il les avait laissées, le chien devait probablement être déjà là, à l’attendre à l’ombre du chêne. Finalement, là-bas tout l’attendait, les vivants et les autres. »

 

Serge Joncour, Henri BoscoSerge Joncour   Chien-Loup   Flammarion – 476 pages –

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Philippe Djian : 2030

philippe djianPhilippe Djian est un romancier français né en 1949 à Paris. Longtemps présenté comme un héritier de la Beat Generation en France, il est notamment l'auteur en 1985 de 37°2 le matin qui lui apporta la popularité mais depuis, son style et son inspiration ont beaucoup évolué, ce roman qui vient de paraître en étant la preuve flagrante.

Nous sommes en 2030, le réchauffement climatique s’est intensifié, il fait chaud et il ne pleut pas ou bien ça se rafraichit, il peut et ce sont les inondations. Greg vivote dans le souvenir de sa femme et enfant décédés dans un accident de voiture. Il travaille dans le laboratoire chimique de son beau-frère Anton, second époux de sa sœur Sylvia qui a deux filles, Aude, vingt ans, paralysée dans son fauteuil, et Lucie, quatorze ans, militante écologiste. Le pesticide fabriqué par le laboratoire est soupçonné d’être dangereux pour les humains, ce qu’un rapport falsifié à l’insu de Greg mais non d’Anton aurait caché jusqu’à ce qu’un mort modifie la donne pour Greg…

Le roman devait paraître au printemps comme d’habitude avec l’écrivain mais pour les raisons que vous connaissez, il a été reporté à l’automne ; une attente qui n’a rien gâché, au contraire, car il est excellent.

Si vous aviez cessé de lire cet auteur par lassitude, il est grand temps d’y revenir car depuis ces dernières années tout a changé dans sa boutique et il atteint aujourd’hui une vitesse de croisière particulièrement réussie. Terminée l’époque où il décrétait que l’histoire n’avait pas d’importance, finies les scènes de sexe olympiques, oubliés les effets de style (genre focus sur les points-virgules) etc. 

Donc une histoire qui tient la route. Tous les romans de Djian sont imprégnés de l’air du temps et des idées qui circulent, mais dans celui-ci, l’écologie y tient une part prépondérante, toile de fond omniprésente à son récit. Félonie des fabricants de pesticides, participation de « la jeune fille aux nattes » (mais jamais nommée) comme modèle et idole de Lucie, meeting écolo avec attentat etc.

Si cet angle est très important dans le livre, le réel propos de l’auteur est ailleurs, celui qu’il développe et reprend au fil de chacun de ses bouquins : les relations difficiles entre les hommes et les femmes. Ici Greg tombe follement amoureux de Véra, une belle femme divorcée, libraire et éditrice écolo qui a pris Lucie sous son aile. L’un est hanté par le souvenir de sa femme défunte, l’autre a été déçue par son mariage. Ils sont aimantés l’un par l’autre mais résistent tacitement par peur de tout gâcher. Quel avenir pour ce couple virtuel ? D’autant qu’ils ont du mal à se dire les choses importantes… Même la fin du roman avec son petit rebondissement est assez bien gérée.

Ce qui m’ennuie souvent avec la littérature française, ce sont les messages trop lourdingues avec ces récits qui baignent trop dans l’écolo, le social, les migrants, le racisme…. Philippe Djian ouvre ici le volet écologique mais son ton, son approche, bien que très proches de la réalité, restent légers et aériens. Ce qui, de mon point de vue, ne retire rien à la gravité des faits. 

Sachant que je suis un fan de Philippe Djian vous me lirez avec méfiance et je ne vous en tiens pas grief, alors pour vous prouver ma bonne foi je vais évoquer un défaut mineur : quand l’angle sentimental entre Greg et Véra s’accentuera, dans le dernier tiers du livre, le volet écolo et tout ce qui tourne autour sera oublié par l’écrivain. Ca peut en agacer certains… ?

Un très bon roman de Djian.

 

« Ce livre rendait tellement furieux. A moins de faire preuve d’un optimisme inébranlable, il n’y avait aucune chance de réparer les dégâts infligés à l’environnement – sans même parler des catastrophes humanitaires. Au fond, se disait Greg, c’était une histoire d’engrenage muni d’un cliquet antiretours. Si certains s’employaient à limiter la casse, d’autres – plus puissants, plus roués, plus vénaux – s’empressaient de tout démolir. Une mécanique folle, que rien ne pouvait arrêter. C’était hallucinant. »

 

philippe djianPhilippe Djian   2030   Flammarion – 210 pages –

 

 

 

 

« … il pouvait lire à la lumière naturelle ou écouter les yeux mi-clos cette fille que Véra lui avait fait découvrir, Michelle Gurevich, une bénédiction, des enregistrements qui ne dataient pas d’hier, 2016 et 2018, avec une voix à tomber. »

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Christian Kiefer : Fantômes

christian kieferPoète et écrivain américain, Christian Kiefer dirige le département de Creative Writing à Ashland University, dans l’Ohio, et vit en Californie.  Son précédent livre, Les Animaux (2017), m’avait beaucoup plu alors j’avais hâte de lire Fantômes qui vient de paraître.

En 1945. Ray Takahashi, soldat américain d’origine japonaise rentre au pays, de retour de la guerre en Europe. Personne n’est là pour l’accueillir, ses parents expulsés de chez eux et enfermés au camp de Tule Lake, vivent désormais à Oakland. Ray va vouloir comprendre ce qui s’est passé, pourquoi personne de leurs anciens voisins ne veut lui parler et où est Helen, sa petite amie.

En 1969. John Frazier, le narrateur, est de retour du Vietnam ; traumatisé par cette guerre il espère trouver une échappatoire en écrivant un roman. Le hasard l’intègre dans l’histoire de Ray quand il s’aperçoit qu’un membre de sa famille l’a connu, mais alors d’épouvantables secrets vont s’échapper des mémoires…

S’il s’agit bien d’un roman, il est basé sur une histoire vraie et des faits historiques bien réels. Pour la partie historique, ce sont les conséquences du bombardement de Pearl Harbour en 1941, attaque surprise menée par les forces aéronavales japonaises contre la base navale américaine située dans le territoire américain d’Hawaï : Conséquence directe, 110 000 Japonais et citoyens américains d'origine japonaise furent rassemblés et surveillés dans des camps d'internement sur ordre de Roosevelt et une opération qui concerna l'ouest du pays où se concentraient les populations japonaises.

Sans trop entrer dans les détails : les parents de Ray étaient employés sur la ferme des Wilson qui avait plusieurs enfants dont Helen, secrète petite amie du jeune homme. Evelyn Wilson, la mère, s’avère être une tante de John Frazier, même s’il ne l’a jamais fréquentée. Aujourd’hui veuve, cette femme énergique au fort caractère demande à John de l’aider à retrouver la mère de Ray…

Cette enquête tragique se frayera un chemin chaotique entre des familles déchirées par cet ostracisme envers les populations d’origine japonaise, Evelyn ne voit plus sa fille Helen, la mère de Ray, veuve elle aussi, n’a plus jamais eu de nouvelles de son fils parti à la guerre et en veut à Evelyn. Petit à petit Evelyn va lâcher le morceau et c’est assez épouvantable, en une sorte de rédemption qui lui coûte ; la mère de Ray va apprendre des choses sur son fils peut-être plus difficiles à accepter que l’ignorance ; et John, qui lui-même se débat avec ses démons intérieurs, témoin/enquêteur contre son gré, sera le seul à finalement savoir ce qui est réellement advenu de Ray. 

Un roman sur la peur. Cette peur des Japonais après le traumatisme de Pearl Harbour mais qu’on peut reconduire dans d’autres situations approchantes. Un roman sur le poids de la culpabilité aussi.

Je retiens surtout de ce livre que Christian Kiefer écrit vraiment très bien, ce que son précédent roman laissait déjà penser. Le texte est dense et surtout – marque évidente de ce que nous appellerons son style car déjà déployé dans son précédent ouvrage –, il manie la chronologie avec une habilité remarquable. Là, où la facilité ferait alterner les chapitres avec les époques (Période post-Harbour, guerre du Vietnam, temps présent), Christian Kiefer mêle les unes avec les autres, nous obligeant à rester attentifs, ce qui donne aussi plus de poids ou d’envergure à son récit.   

 

« L’histoire m’a été dévoilée des années plus tard, peu après les obsèques de Mrs Takahashi, alors que je confiais à ses filles adultes, Doris et Mary, tout ce que j’avais découvert sur leur famille et sur la mienne : elles me rapportèrent à cette occasion la rencontre initiale – dont j’ignorais encore les circonstances -, à l’ombre des pêchers malades d’Homer Wilson, décrivant aussi les années qui l’avaient précédée, en remontant dans le passé jusqu’à la période japonaise. Cette première rencontre ne leur fut révélée que tardivement, car si l’on évoquait les années à Newcastle chez les Takahashi, on n’y prononçait jamais le nom des Wilson, pas après Tule Lake, Jerome, Oakland et San José. C’était une affaire du passé et une trahison, qu’il fallait effacer des mémoires. »

 

christian kieferChristian Kiefer  Fantômes  Albin Michel – 275 pages –

Traduit de l’américain par Marina Boraso

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Jeanette Winterson : Frankissstein

Jeanette Winterson, Mary Shelley, Percy Shelley, Lord ByronJeanette Winterson, née le 27 août 1959 à Manchester, est une romancière britannique et Frankissstein Une histoire d’amour, son nouveau roman, vient de paraître.  

En 1816, Mary Shelley (1788-1851) est mise au défi d’écrire une histoire de fantôme par son époux, le poète Percy Shelley (1792-1822) et son ami Lord Byron (1788-1824). Un défi relevé de main de maitre puisque la jeune femme inventera le docteur Frankenstein et sa créature. De nos jours en Grande-Bretagne, Ry Shelley, médecin transgenre, fournit des membres humains à Victor Stein son amant, un pionnier dans la recherche sur l’intelligence artificielle (IA) menant un projet aussi fou que secret. De son côté, Ron Lord, fabrique des robots sexuels pour répondre à toutes les pulsions masculines.

Le vrai bon roman du moment ! Enfin !

La narration fait courir en parallèle, deux époques, deux personnages aux idées folles, deux idées qui n’en font qu’une, faire revivre les morts, prolonger la vie et voyons plus loin encore, supprimons le corps pour n’en conserver que l’essentiel, le cerveau. Waouh !

Jeanette Winterson fait très fort avec cet extraordinaire bouquin, autant par le style que par le fond. Les chapitres alternent les époques, nous revivons la vie de Mary Shelley, leurs voyages avec son époux en Italie, leur amour intense, les décès de leurs enfants, la conception de son fameux Frankenstein, le lecteur se sent petite souris surprenant leurs conversations, partageant leur intimité, écoutant avec intérêt leurs échanges d’idées. Cette partie du livre était déjà très bien à elle seule, les autres chapitres se déroulant de nos jours sont eux, renversants.

L’angle narratif mêle l’humour (Ron Lord est un type très basique, un peu lourdingue mais non sans un certain bon sens populaire parfois), l’amour (les Shelley) ou une certaine conception de l’amour entre Ry, le transgenre (femme devenant homme) et Victor le savant fou ou visionnaire (?), la culture, car les références sont multiples (littéraires, scientifiques etc.), les réflexions politiques (piques anti-Brexit) ou sociales (« Quel est l’intérêt du progrès s’il ne bénéficie qu’à quelques-uns pendant que tous les autres souffrent ? »).

Quant aux (nombreux) thèmes traités dans ce livre, ils touchent aux fondamentaux de l’être humain, soulevant des questions qui laissent le lecteur bouche bée, comme par exemple : et si demain l’Homme s’exonérait du biologique, par transfert (téléchargement) du contenu de son cerveau dans une machine, donnant à celle-ci une conscience ?  

Fascinant, excitant, inquiétant et faisant réfléchir. Je ne sais pas quoi dire de plus pour vous pousser à lire ce roman magistral que j’ai adoré.   

 

« Il y a un problème, Ron, et la solution à ce problème n’est pas réconfortante. D’un point de vue médical et légal, la mort survient suite à une défaillance cardiaque. Votre cœur s’arrête. Vous rendez votre dernier soupir. Mais votre cerveau, lui, fonctionnera encore pendant environ cinq minutes. Ou dix, ou quinze dans les cas extrêmes. Le cerveau meurt parce qu’il est privé d’oxygène. Il s’agit de tissus vivants comme le reste du corps. Il est donc possible que notre cerveau sache que nous sommes morts avant de mourir à son tour. Vous vous foutez de moi. Je ne me fous pas de vous, Ron. »

 

 

Jeanette Winterson, Mary Shelley, Percy Shelley, Lord ByronJeanette Winterson   Frankissstein Une histoire d’amour   Buchet-Chastel   - 344 pages -  

Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Céline Leroy 

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Taylor Brown : Le Fleuve des rois

taylor brownTaylor Brown est né en 1982 en Géorgie, dans le sud des Etats-Unis, puis il a vécu à Buenos Aires et San Francisco avant de s’installer en Caroline du Nord. Le Fleuve des rois, son troisième roman, vient de paraître.

Géorgie, le long de l’Altamaha, fleuve se jetant dans l’Atlantique. Un an après le décès de leur père, les frères Loggins, Hunter le cadet étudiant à l’université et Lawton militaire dans les commandos spéciaux, se proposent de descendre le fleuve jusqu’à son embouchure pour y disperser les cendres de leur paternel. Mais Lawton a une autre idée en tête, il espère comprendre comment est décédé leur père, retrouvé noyé… ça c’est le pitch de départ, pour un roman beaucoup plus ambitieux et riche que ce minuscule résumé n’en dit.

Le livre mêle trois histoires en parallèle qui se partagent les chapitres, à trois époques différentes, liées entre elles par le personnage central du bouquin, à savoir le fleuve, cet Altamaha qui peut être source de richesses ou mortel pour les hommes, hanté par une légende des temps anciens.

Nous aurons donc le périple de quelques jours des deux frères dans leurs kayaks, les personnages plus ou moins sympathiques qu’ils croiseront, leurs souvenirs d’enfance sur ce même fleuve, la nature de leurs lien fraternels ainsi que ceux complexes avec leur géniteur. Un trajet plein d’embûches, un combat écologique pour sauver ce pan de nature…

Bien avant dans le temps, il y a Hiram, leur père. Un homme violent, pêcheur vivant du fleuve, qui traçait son sillon selon ses convictions, sans arriver jamais à rien et dont les activités finales et fatales finiront pas être tristement révélées aux deux frères.

Et puis il y a la troisième histoire, que dis-je, il y a l’Histoire, celle qui remonte au XVIe siècle. Quand Jacques Le Moyne de Morgues (1533-1588), cartographe et illustrateur français, était avec Ribault et Laudonnière lorsqu’ils sont arrivés en Floride française en 1562 et ont fondé Charlesfort, puis Fort Caroline en 1564. Avec Le Moyne nous suivons les colons dans ce nouveau monde, le long du fleuve ; alliances ou combats contre les Indiens, recherche de l’or qui serait à portée de main dans les Appalaches, les souffrances, la faim qui les tue, la mutinerie de l’équipage, les Espagnols ennemis mortels…

Tous les acteurs du livre mènent une quête, celle de la vérité (comment est mort le père ?), celle de l’or (pour les colons), ou encore par-dessus les époques, celle du monstre, gigantesque serpent quasi préhistorique qui vivrait dans les fonds du fleuve, aux dires des Indiens dont Le Moyne a recueilli les propos et mis en images, légende qui se perpétuera au fil des siècles… 

Un roman très dense, riche en faits historiques, extrêmement détaillé dans son écriture, tout en se lisant facilement. Certains critiqueront peut-être des points mineurs de l’intrigue, ou une sorte de lyrisme dans quelques passages. Chipotage. C’est un très bon bouquin, comme tous ceux de cet écrivain !

 

« Hunter pressent ce qui va se passer : la dynamite qui bascule dans l’eau, la charge étanche qui s’enfonce en sifflant vers le fond. La détonation étouffée, suivie d’un geyser blanc. Les cadavres qui refluent très lentement vers la surface, comme autant d’âmes englouties. Le fleuve boursouflé par les dizaines de ventres blancs de ces géants aux yeux ronds. Stupéfiés. Tout un peuple rappelé à Dieu, remonté de la nuit. Et au milieu d’eux, le grand mythe du fleuve : un monstre noir recroquevillé sur lui-même comme un organe malade. Inerte désormais. Une créature qui était devenue une légende à force de rumeurs et d’anecdotes éculées. Avant d’être réduite à ça. Voilà ce que prévoit Hunter. Mais il se trompe sur toute la ligne. »

 

taylor brownTaylor Brown   Le Fleuve des rois   Albin Michel 448 pages -

Traduit de l’américain par Laurent Boscq

 

 

 

 

 

Le livre est complété de nombreux dessins de Le Moyne, illustrant les propos du récit. Mais j’ai eu beau examiner le bouquin sous tous les angles, nulle part je n’ai vu les crédits pour ces illustrations ; à moins que ce ne soit un problème avec mes lunettes ?

J’ai donc fait des recherches et voici ce que j’ai trouvé chez Wikipédia : « Tous les dessins originaux de Le Moyne sont censés avoir, à l’exception d’un seul, été détruits lors de l’attaque du fort Caroline par les Espagnols. La plupart des dessins qui lui sont attribués émaneraient en réalité des gravures de Théodore de Bry, graveur et éditeur, huguenot d'origine liégeoise réfugié à Francfort, d’après les recréations de mémoire effectuées par Le Moyne après son retour. »

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