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Henri Lœvenbruck : Nous rêvions juste de liberté

Henri Lœvenbruck Henri Lœvenbruck, né en 1972 à Paris, est un écrivain, chanteur et compositeur français. Auteur de thrillers, de romans d'aventure et de fantasy, il est traduit dans plus de quinze langues. Auteur-compositeur-interprète, il écrit des chansons pour lui-même et pour d'autres artistes français. Nous rêvions juste de liberté date de 2015. 

Une petite ville d’un pays imaginaire tirant un peu sur la France et beaucoup sur les Etats-Unis. Hugo dit « Bohem », le narrateur, fait partie d’une bande de quatre adolescents « remuants » avec Alex, « la Fouine » et Oscar « le Chinois » sous la houlette de leur chef Freddy, un beau gosse d’origine ritale amateur de motos. Rejeté par sa famille, Bohem est carrément fasciné par Freddy qui le prend sous son aile, lui apprend la mécanique et lui communique son amour pour les bécanes et la liberté. La bande des quatre, fratrie pour la vie, fait les quatre-cents coups. Mais la vie est aussi faite de désillusions, alors quand Freddy abandonne le groupe pour se ranger et bosser avec son père au garage, le reste de la bande menée par un Bohem qui se sent trahi, se lance dans un road-trip à travers tout le pays…  

Voyage initiatique, l’odyssée de Bohem connaitra mille aventures et autant de rencontres. Nos motards s’initieront petit à petit aux codes d’honneur et rituels des bikers – ces frères de cuir et de gros cubes – apprenant et respectant leurs lois. Marche après marche, Bohem créera son propre club, d’autres amis de rencontre se joindront à eux, il y aura des départs et des arrivées, des bastons et des bières bues, des filles mais des drames aussi. Et toujours, au fond de son cœur, Bohem songe à Freddy.

Easy rider, Born to be wild, la route qui file, le vent, la machine qui vibre entre les cuisses, cette sensation de liberté intense que les mots peinent à décrire, Bohem ne vit que pour ça, même ses compagnons ne pourront le suivre si loin dans ses rêves, même sa chérie ne pourra le retenir, il continuera sa route seul jusqu’à son destin. Destin tragique qu’il affrontera cramponné à son code de l’honneur.

Je ne vais pas vous mentir, mon cœur de midinette (?) a craqué en lisant ce magnifique roman et je l’ai refermé, les larmes aux yeux, car il a ranimé des rêves de jeunesse que je pensais enterrés à jamais au plus profond de moi, cette époque où « nous avions vingt ans et nous rêvions juste de liberté ».  

Ma réaction est certainement exagérée mais vous, sachez que le récit ne traine pas, que le ton est léger souvent teinté d’humour, qu’il y a beaucoup de tendresse et d’amour viril ou pas et que c’est bon bouquin.

 

 

« Essaie de ne jamais oublier tes rêves. La vie, les gens, tous essaieront de t’empêcher d’être libre. La liberté, c’est un boulot de tous les jours. Un boulot à plein temps. Cette bague, elle est là pour que t’oublies jamais. Quand je me suis retourné vers le bar et que j’ai gueulé « Tournée générale ! » à l’intention du patron, Pat et Lobo ont éclaté de rire, et toute la salle a poussé des cris, bon sang, c’était un sacré moment ! Je l’ai encore au doigt, aujourd’hui, ma bague. Et elle a encore plus de valeur, maintenant, c’est sûr. C’est la seule chose que j’ai gardée. »

 

 

Henri Lœvenbruck Henri Lœvenbruck   Nous rêvions juste de liberté   J’ai Lu   - 490 pages –

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Jake Hinkson : L’Enfer de Church Street

jake hinksonJake Hinkson est né en 1975 dans l’Arkansas, d’un père charpentier et diacre dans une église évangélique et d’une mère secrétaire dans une église. L’un de ses deux frères est pasteur. Dans sa jeunesse il se passionne vite pour la lecture de polars (Mickey Spillane, Hammett, Chandler, Jim Thomson). « Les deux obsessions de mes jeunes années – la religion et le crime – m’habitent encore aujourd’hui » aime-t-il à dire. Aujourd’hui, il vit à Chicago avec sa femme et écrit des articles sur le cinéma pour des magazines. Après un recueil de nouvelles encore inédit chez nous, L’Enfer de Church Street, son premier roman, vient de paraitre en France. 

Geoffrey Webb se fait braquer sur un parking mais contre toute attente, il n’a absolument pas peur de l’arme pointée sur lui et même, il prévient son agresseur qu’il ne se laissera pas dépouiller, par contre il lui propose un deal. Prendre les trois milles dollars contenus dans son portefeuille à condition de l’emmener à Little Rock en Arkansas, à plusieurs heures de route de là, pour y accomplir son destin. Ce trajet sera l’occasion pour lui de confesser ses fautes et ses crimes, bien qu’il sache « qu’il n’y a pas de pardon ni de bienveillance qui puisse changer ce que j’ai fait. »

Une petite ville au cœur de l’Amérique. Geoffrey Webb, aumônier de l’Eglise baptiste pour une vie meilleure dirigée par Frère Card, tombe amoureux d’Angela, sa fille mineure, « sans attrait, grosse ». A partir de là, les ennuis vont s’enchaîner mécaniquement, aux chantages vont répondre les meurtres et comme le shérif est loin d’être un saint…  

Autant le dire franchement, j’ai été un peu déçu par ce roman. Son titre et son éditeur, m’avaient laissé imaginer un bouquin très noir, or ce n’est pas ce que j’en retiens et c’est aussi en cela que je suis passé à côté de ce roman. Jamais je ne me suis impliqué émotionnellement dans cette histoire, jamais je n’ai tremblé pour le sort réservé à tel ou tel acteur de ce drame. J’ai suivi l’histoire sans m’ennuyer, certes, mais sans impatience ou curiosité excessive quant à son dénouement. En fait, j’ai été pris à contrepied par le ton général de l’ouvrage. Jake Hinkson ne force pas sur le trait noir, même si les éléments dramatiques d’un point de vue factuel, sont nombreux j’en conviens ; il y a au contraire, me semble-t-il, quelque chose d’humoristique ( ?) dissimulé dans le ton de son écriture. J’en veux pour preuve, cette scène où la vieille mère du shérif décédé vient voir et menacer Geoffrey Webb à l’hôpital, ça fait un peu Pieds Nicklés !

Le roman n’est pas mauvais, loin de là, je l’ai lu sans m’ennuyer mais il n’est pas indispensable non plus. Et il est toujours instructif de voir comment un scénario unique aurait pu être traité par un autre écrivain : ici il est léger, ailleurs il aurait été sordide et insoutenable. Une simple constatation, sans jugement de valeur.

 

« Il vira brusquement sur le côté et arrêta son pick-up. Je fus projeté violemment vers l’avant et me cognai la tête contre le pare-brise. Le temps que je retrouve mon équilibre, il avait dégainé son révolver et le pointait sur ma bouche. Je me plaquai contre la portière et plantai mes ongles dans la garniture du siège. Dans la lumière émise par le tableau de bord, son visage avait pris une vilaine teinte orange : - Rapidement, une petite séance de clarification. T’es une sale crapule, je te tiens. Et tu es à mes ordres. Tu joues les durs avec moi, ou tu me balades, et je saute l’étape prison, tu files direct en enfer. Je te mets une balle dans le crâne et je te planque sous un caillou dans les bois. – OK, fis-je d’une voix plaintive. – Tu me crois maintenant ? – Oui, monsieur. S’il vous plaît, dites-moi juste ce que vous voulez. »

 

 

jake hinksonJake Hinkson  L’Enfer de Church Street  Gallmeister Neo Noir – 236 pages –

Traduit de l’américain par Sophie Aslanides

 

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13/05/2015 | Lien permanent

Saul Bellow : La Planète de Mr Sammler

saul bellowSaul Bellow (1915-2005) est un écrivain canadien-américain fils d'immigrés juifs-russes, élevé à l'école de la rue mais universitaire de carrière, notamment à Chicago. Saul Bellow a obtenu trois fois le National Book Award, pour Les Aventures d'Augie March (1953), Herzog (1964) et La Planète de M. Sammler (1969). Il reçut le prix international de littérature en 1965 et le prix Nobel de littérature en 1976. Cinq fois divorcé, l’écrivain vivait entre le Vermont et Boston, remarié à une ex-étudiante de trente ans sa cadette, lorsqu'il décède en 2005.

New York, fin des années soixante, l’homme se prépare à mettre le pied sur la lune. Artur Sammler, soixante-dix ans, borgne et veuf, habite la Grosse Pomme depuis 1947 rescapé par miracle des horreurs du nazisme et du racisme polonais, « Ces choses-là arrivent, c’est tout. Et elles étaient arrivées à Sammler, à sa femme et à d’autres qui, par une journée limpide, avaient dû se mettre nus. Dans l’attente d’être abattus au bord d’une fosse commune. » Sammler vit des largesses d’un membre de sa famille par alliance sur le point de décéder, coincé entre ce dont il est redevable et l’extravagance désarmante de ses proches. Entre une vie difficile et les problèmes psychologiques des siens, le vieil homme tente de s’adapter, que ce soit Shula sa fille qui volera un manuscrit précieux pour son auteur, Angela sa nièce lui confessant ses gros besoins sexuels (« - Une partie carrée ? – Oui. Tu sais, ça se fait maintenant, mon oncle. ») ou Wallace son frère fantasque. Et à l’extérieur ce n’est pas mieux, il sera hué par des étudiants contestataires lors d’une conférence et, carrément extravagant, menacé dans le hall de son immeuble par un individu lui exhibant son sexe énorme sous le nez !

Saul Bellow alternent les souvenirs du passé tragique du septuagénaire (un peu) et le présent, passant d’un personnage à l’autre, dans un texte assez dense fait de longs chapitres. Un roman qui se prêterait mal à une lecture trop fractionnée, au risque d’en perdre le fil. On trouve chez Saul Bellow ce qui fera Philippe Roth plus tard (dans le désordre, les juifs américains d’origine européenne et les traces du nazisme, les problèmes psychologiques et sexuels, la famille prégnante, les intellectuels etc.) avec, pour moi, une préférence pour Roth. J’aime mieux la construction des romans du second, plus simples ( ?) à lire avec un début et une fin plus évidente.    

Le roman ne manque pas d’humour discret, même s’il est étonné ou déconcerté Artur Sammler cherche à comprendre ce monde, s’interrogeant sur la vision qu’il en a, lui le borgne « Bien sûr, dit-il, le monde te paraît différent. Au sens littéral. A cause de tes yeux. » Sans oublier quelques réflexions visionnaires ou très modernes, « L’humanité a perdu sa patience atavique. Elle exige une accélération de l’exaltation, n’accepte aucun instant qui ne soit pas lourd de sens… » ou encore « L’Antiquité acceptait les modèles (…) mais l’homme moderne, peut-être à cause de la collectivisation, a le démon de l’originalité. »

Artur Sammler ayant fait le bilan de ce monde étrange devenu, n’a plus qu’un espoir « … peut-être, peut-être ! que des colonies sur la Lune parviendront à atténuer la fièvre et l’effervescence qui règnent ici, et que l’amour pour l’illimité et pour le tout trouvera un apaisement matériel. L’humanité, ivre de terreur, se calmera, se dégrisera. »

 

« Parfois, Mr Sammler soupçonnait que son regard sur le monde pouvait ne pas être juste. Son expérience avait été trop particulière, et il craignait de projeter ces particularités sur la vie. Laquelle n’était sans doute pas dénuée de reproches, mais il se disait souvent qu’elle n’était pas et ne pouvait pas être telle qu’il la voyait. Puis de nouveau, de temps en temps, il sentait que le phénomène lui-même le dépassait un million de fois en étrangeté. Que de bizarreries ! »

 

 

saul bellowSaul Bellow   La Planète de Mr Sammler   Folio  – 407 pages -

Nouvelle traduction de l’américain par Michel Lederer

 

 

 

 

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30/06/2014 | Lien permanent

Jules Verne : De la Terre à la Lune

jules verneJules Verne (Jules-Gabriel Verne de son nom exact), né en 1828 à Nantes et mort en 1905 à Amiens, est un écrivain français dont les livres sont, pour la plus grande partie, constituée de romans d'aventures utilisant les progrès scientifiques propres au XIXe siècle. En 1863 paraît chez l'éditeur Pierre-Jules Hetzel son premier roman, Cinq semaines en ballon, qui connaît un très grand succès y compris à l'étranger. Jules Verne nous a légué une œuvre immense, plusieurs dizaines de romans dont quelques chefs-d’œuvre comme Vingt mille lieues sous les mers (1870) pour n’en citer qu’un et mon préféré. Populaire dans le monde entier, il vient au deuxième rang des auteurs les plus traduits en langue étrangère après Agatha Christie. De la Terre à la Lune date de 1865.

Peu de temps après la fin de la guerre de Sécession, le Gun Club de Baltimore (un club d'artilleurs), se désole de son manque d’activité. Pour y remédier, son président Impey Barbicane propose d’envoyer un boulet de canon sur la Lune. Un défi technologique et scientifique qui devrait remobiliser ses troupes. L’affaire fait grand bruit dans le monde entier et quand un Français, Michel Ardan, propose de fabriquer un boulet creux dans lequel il s’installerait pour aller sur la Lune, c’est la folie qui s’empare de tous…

Ce bouquin est tombé dans mes mains par hasard mais aussi fort opportunément car il allait m’aider à régler un problème définitivement : j’allais le relire cinquante ans après une première lecture (donc, une fois avant que l’homme ne marche réellement sur la Lune et une fois après) et avec cet œil autre, conforter ou non le souvenir que j’en gardais, à savoir un roman particulièrement ennuyeux ! Autant aller directement au but, si Jules Verne a écrit plusieurs romans magnifiques, il n’est pas interdit de dire qu’il en a pondu de moins bons, et celui-ci en fait partie.

Je concède qu’avoir eu cette idée de voyage dans l’espace était révolutionnaire et que lire ce roman à l’époque devait faire se lever au ciel les yeux des lecteurs ; j’ajouterai aussi que les talents de vulgarisateur de Verne pour les connaissances scientifiques de son public sont ici exploités à fond (pour ne pas dire lourdement). Ce n’est pas rien, mais c’est aussi hélas tout.

La première moitié du bouquin se résume à de longues explications scientifiques sur la faisabilité du projet et c’est d’un ennui mortel. De plus, le roman se déroulant aux Etats-Unis, Verne colle à son sujet en utilisant de nombreux anglicismes et surtout le système métrique local, ce qui nous vaut des distances en miles pas immédiatement évocatrices pour moi. L’âge n’aidant pas à conserver une fraicheur d’esprit, certains passages m’ont semblé grotesques, comme l’aménagement intérieur du boulet qui finalement accueillera trois hommes et deux chiens pour son voyage.

Pour terminer sur une bonne note, j’ai néanmoins apprécié la fin du livre, assez réussie pour mon goût.

 

« Mais il ne suffisait pas d’aller, il fallait voir en route. Rien ne fut plus facile. En effet, sous le capitonnage se trouvaient quatre hublots de verre lenticulaire d’une forte épaisseur, deux percés dans la paroi circulaire de projectile, un troisième à sa partie inférieure et un quatrième dans son chapeau conique. Les voyageurs seraient donc à même d’observer, pendant, leur parcours, la Terre qu’ils abandonnaient, la Lune dont ils s’approchaient et les espaces constellés du ciel. Seulement, ces hublots étaient protégés contre les chocs du départ par des plaques solidement encastrées, qu’il était facile de rejeter au-dehors en dévissant des écrous intérieurs. De cette façon, l’air contenu dans le projectile ne pouvait pas s’échapper, et les observations devenaient possibles. »

 

jules verneJules Verne  De la Terre à la Lune   Folio – 217 pages –

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W.G. Sebald : Les Anneaux de Saturne

W.G. Sebald, John le Carré, Susan Sontag, Thomas Browne, Swinburne, Chateaubriand, Joseph Conrad, G. Sebald, né Winfried Georg Maximilian (1944-2001) est un écrivain et essayiste allemand. Parallèlement à sa carrière universitaire, il a entamé, à partir de la fin des années 1980, une œuvre littéraire qui a suscité une grande attention avant tout en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis (où Susan Sontag s'est beaucoup engagée en sa faveur) et en France. Sebald a même été pressenti comme candidat sérieux au prix Nobel de littérature.

Si Les Anneaux de Saturne, roman datant de 1995, porte un titre sciencefictionnesque, il n’en est absolument rien et si je m’y suis intéressé c’est parce qu’il y est fait référence plusieurs fois dans une de mes lectures récentes, chez John le Carré (L’Espion qui aimait les livres). J’ai donc ouvert le livre avec un entrain favorable…

Le narrateur, jamais nommé mais certainement l’écrivain, visite à pied le Suffolk, sur la côte est de l’Angleterre. Ce pourrait être un récit de voyage, ce n’en est rien là encore et la suite du roman le démontrera car il mêle différents genres littéraires, les voyages, les biographies, l’exploration de la mémoire etc. Notons aussi, ce qui est une caractéristique de l’auteur dans tous ses livres, l’abondance de photos en noir et blanc. Ce mélange hétérogène ne peut donner qu’un ouvrage un peu étrange, assez fascinant car sans qu’on sache très bien comment, Sebald parvient à enchainer des faits sans rapports les uns avec les autres grâce à une écriture très plaisante à lire.

Si vous vous lancez dans cette aventure, vous irez du Suffolk en Allemagne, des Pays-Bas à l’Afrique et à l’Asie, vous y croiserez Thomas Browne (1605-1682), un écrivain anglican anglais dont les œuvres couvrent une large palette de domaines incluant la médecine, la religion, la science, la sociologie et l'ésotérisme, ou bien Swinburne (1837-1909) poète britannique qui a contribué à l'édition de l’Encyclopedia Britannica, Chateaubriand ou Joseph Conrad et je ne vous parle là que des personnages les plus connus ! Il est aussi question des harengs dont vous saurez tout, de la guerre de l’opium en Chine et ce ne sont que quelques exemples de l’éclectisme des digressions extrêmement documentées constituant le corps de ce livre.

Un roman copieux, très cultivé donc très instructif et pas désagréable à lire, pourtant bien vite je me suis demandé ce que voulait me dire l’écrivain, quelle était la portée de cet ouvrage car moi, je ne l’ai pas compris. Je me suis donc tourné vers ceux qui savent et pour commencer, John le Carré et son bouquin où il fait dire à l’un de ses personnages « c’est un tour de force littéraire, un voyage spirituel qui débute dans les marches du Suffolk et embrasse tout l’héritage culturel européen jusqu’à sa destruction. »

 

« Aussi étais-je plutôt mal en point le lendemain matin, lorsque je me retrouvai au Mauritshuis, planté devant le portrait de groupe de près de quatre mètres carrés, La Leçon d’anatomie du Dr Nicolaas Tulp. Bien que je fusse venu à La Haye uniquement pour cette peinture qui, d’ailleurs, devait encore me préoccuper énormément durant des années, je ne parvins absolument pas, dans l’état qui était le mien après cette nuit blanche, à rassembler mes pensées à la vue du sujet de dissection allongé sous les regards des représentants de la guilde des chirurgiens. Sans trop savoir pourquoi, je me sentis même agressé par cette scène au point qu’il me fallut près d’une heure par la suite, pour me calmer un tant soit peu… »

 

W.G. Sebald, John le Carré, Susan Sontag, Thomas Browne, Swinburne, Chateaubriand, Joseph Conrad, W.G. Sebald   Les Anneaux de Saturne   Babel   - 345 pages -      

Traduit de l’allemand par Bernard Kreiss

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Les dessous pas si chics de l’autoédition

Les affamés de lectures ont souvent le poignet qui les démange, la plume qui les chatouille, titillés par l’envie de se lancer à leur tour dans l’écriture. Mais une fois le mot « fin » mis au bas de la dernière page, se pose la  question qui tue, comment se faire éditer ? Avec l’avènement du numérique, l’autoédition a ouvert les portes d’un avenir qu’elle nous promet mirifique.

Afin de porter à la connaissance de tous ce qu’il en est réellement, oyez, oyez bonnes gens, la voix de Condie Raïs, cette jeune écrivaine dont je suis la carrière. Le texte qui suit est de sa plume mais exceptionnellement, j’ai accepté de le publier sur mon blog car je pense qu’il nous intéresse tous, amis des livres et des écrivains en devenir.

 

Comment Condie Raïs va se hisser dans le top 10 des ventes d’Amazon ?

Le principe est simple. Elle va suivre le lumineux chemin des auteurs autoédités qui ont rencontré le succès grâce à la méthode My Kindex. En gros, ça marche de la manière suivante :

Un auteur autoédité s’inscrit sur le site My Kindex. Il achète ensuite des points, patiemment, qui lui permettront après quelques temps – et environ 250 euros dépensés selon les informations délivrées par les webmasters du site – d’être acheté par un certain nombre de lecteurs en un seul jour et d’ainsi grimper dans le top 20 de la boutique Kindle d’Amazon. Ensuite, s’il « trouve son public », il y restera scotché, mais sera assuré d’un retour sur investissement quoi qu’il arrive,  dans la mesure où le fait même de se retrouver dans la poignée de titres figurant en tête du classement entraîne de façon mécanique un nombre de vente conséquent. Même s’il dégringole, il aura vendu son bouquin à suffisamment de gogos pour rentabiliser l’affaire. Ah, il faut préciser : les gogos sont les lecteurs. Qui pensent que lorsqu’un livre est bien classé, c’est qu’il est bon.

Mais quel est donc l’intérêt pour les lecteurs-partenaires du site d’acheter ces livres ? Simple, également.

On leur apprend en échange comment télécharger un bouquin, le rendre dans les 24 heures contre remboursement – c’est une possibilité offerte par Amazon -, puis laisser une chronique avec des petites étoiles. Ainsi, le lecteur-partenaire lit gratuitement et économise beaucoup d’argent. L’auteur, pour sa part, grimpe dans le classement. Et tout le monde est ravi. Sauf évidemment le lecteur qui n’est pas partenaire et qui achète sincèrement un bouquin sur la bonne foi de son classement en espérant tomber sur quelque chose de bon. Cool, non ?

Et ce système fonctionne bel et bien. Quelques auteurs autoédités que je ne citerai pas ici lui doivent d’avoir accédé à une réelle reconnaissance, d’avoir « trouvé leur public ». Qu’importe que l’ensemble du truc pourrisse complètement la possibilité de fabriquer un bouquin en toute honnêteté, en dehors des circuits classiques. Qu’importe qu’il renforce la méfiance, légitime au demeurant, envers tout ce qui n’est pas sorti des usines Galligrasseuil. Puisqu’on vous dit que c’est rentable, amis en auto-publication, foncez !

Ce n’est un secret pour personne, je l’ai dit dans quelques interviews, j’ai choisi l’autoédition parce que certains aspects de l’édition classique me révulsaient légèrement. J’ai finalement trouvé pire.

Le même site donne avec beaucoup d’à-propos la parole à un petit génie, qui se fait, dit-il, dans les 4 000 euros par mois, en vendant des masses de bouquins… Qu’importe la qualité – sauf la couverture, of course -, il faut publier, publier encore, nous dit-il. Avec des pseudos différents. Sur un malentendu, ces pauvres cons de lecteurs achètent (pour voir) quelques bouquins, et la masse de titres mis en ligne est finalement rentabilisée. Le jeune Einstein en question reconnaît toutefois que l’exercice est épuisant. Mais l’imagination humaine est sans limite et un tel talent ne pouvait pas demeurer les bras ballants face à cet obstacle. Il fait donc à présent appel à des « ghostwriters », des nègres quoi, si l’ont peut encore utiliser ce terme sans tomber dans le politiquement incorrect. Génial, n’est-il pas ?

Les créateurs de ce site ingénieux reconnaissent toutefois une lacune. Les bloggeurs ne sont pas encore assez impliqués dans ce système. Encore trop indépendants, trop imprévisibles. Las, la solution devrait émerger cet été, sous forme de partenariats. Nous restons tous figés dans l’attente de ce qui pourra sortir de tels cerveaux en constante ébullition. En attendant, les promoteurs de My Kindex suggèrent aux tenanciers de blogs littéraires, avec beaucoup de pertinence, d’aller faire un tour sur « adopteunauteur.com », ce qui leur permettra de choisir un auteur à adopter, puis à faire le buzz autour de lui. Pas con.

Je remercie infiniment les promoteurs de ce génial concept de m’avoir contactée. Je ne manquerai pas de rejoindre leur écurie d’auteurs autoédités, dès que la banquise aura fini de fondre, mettons, pour fixer une échéance raisonnable.

              Condie Raïs, auteur en attente d’adoption.

 

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Philip Roth : Indignation

philip rothPhilip Roth est né le 19 mars 1933 à Newark, dans le New Jersey, son œuvre couronnée de multiple prix en fait l’un des plus grands écrivains américains contemporains. Aujourd’hui il vit dans le Connecticut et en octobre 2012 il a déclaré à la presse qu’il arrêtait d’écrire. Indignation, paru en 2010, s’inscrit dans le cycle Némésis – celui des romans courts – aux côtés de Un homme (2007), Le Rabaissement (2011) et Némésis (2012), tous chroniqués sur ce blog.

En 1951, seconde année de la guerre de Corée, Marcus Messner, jeune homme de dix-neuf ans, travailleur et sérieux, d’origine juive mais non pratiquant, poursuit ses études au Winesburg College, dans le fin fond de l’Ohio pour s’éloigner de Newark, dans le New Jersey, où habite sa famille et ainsi échapper à la domination de son père, boucher de profession. Un père en proie à une sorte de folie parental envers son rejeton, qu’il surprotège à outrance, amenant Marcus à le détester et s’enfuir.

Marcus, le narrateur, va découvrir un monde nouveau, celui du collège, sa difficile promiscuité avec ses collègues de chambre, les Fraternités étudiantes qui tenteront en vain de l’enrôler dans leurs rangs, les lois et règles régissant l’établissement scolaire auxquelles il ne pourra se plier, beaucoup de motifs d’indignation pour notre héros qui fredonne in petto La Marche des Volontaires, l'hymne national chinois, qui s’avérera d’une cruelle ironie lors de l’épilogue presque ( car des indices disséminés le laisse envisager) surprenant de ce roman.

Un roman d’apprentissage, donc passant par le sexe évidemment et plus encore quand c’est Philip Roth qui tient la plume. Marcus va rencontrer Olivia, étudiante elle aussi mais au passé chargé, qui prendra en main notre puceau, à son plus grand étonnement. Ce qui l’amènera à s’imaginer des sentiments qui n’en sont pas et pervertir son jugement. Nous sommes dans l’Amérique du début des fifties et la gamine sort du lot, si l’on s’en réfère aux critères de l’époque.

Comme souvent chez l’écrivain, ses héros doivent se débattre entre des contradictions ou des atermoiements, des erreurs et des audaces, ou bien ici entre des extrêmes (« à un bout ma mère et à l’autre mon père ; à un bout Olivia adorable et mutine, et à l’autre Olivia démolie. Et entre eux tous, moi qui me défendais hors de propos avec mes stupides « Allez vous faire foutre ! »). Marcus a fui son père comme il fuit ses collègues étudiants, s’évitant les discussions, mais il n’hésite pas à pousser des coups de gueule (voir à vomir au sens premier du terme, dans une scène hilarante) contre le doyen du collège ! Sachant qu’une exclusion du collège l’enverrait directement en conscription et participer à la guerre de Corée. De cet enchainement d’actes finalement assez banaux découlera une conséquence dramatique pour Marcus, ce qui constitue le thème de ce livre. 

Un bien bon roman - mais avec Philip Roth je ne suis jamais déçu - incluant une longue diatribe antireligieuse inspirée de l’œuvre de Bertrand Russel, de l’humour de situation (« il n’y avait pas moyen d’avoir l’air nonchalant juché sur un couvercle de cabinets, alors je redescendis… »), du tragique quand on suit la détérioration mentale du père de Marcus pourtant inspirée par l’amour et une légère dose d’épices fleurant le liquide séminal.  

 

« Oublie l’assistance à l’église obligatoire, oublie Caudwell, oublie les sermons du Dr Donehower, les heures de couvre-feu monacales des étudiantes, et tous les autres défauts de cette fac, prends les choses comme elles sont et fais-en ton affaire. Parce que, en partant de chez toi, tu as sauvé ta vie. Et celle de ton père. Parce que pour le faire taire, j’aurais fini par lui tirer dessus. Maintenant encore, j’aurais pu lui tirer dessus à cause de ce qu’il infligeait à ma mère. Pourtant ce qu’il s’infligeait à lui-même était encore pire. Et comment tirer sur quelqu’un dont la crise de folie à l’âge de cinquante ans ne se bornait pas à fiche en l’air la vie de sa femme et à modifier irrémédiablement celle de son fils, mais ravageait également la sienne ? »

 

 

philip rothPhilip Roth   Indignation   Gallimard  - 196 pages –

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marie-Claire Pasquier

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Paul Beatty : American prophet

paul beattyPaul Beatty, né en 1962 à Los Angeles, est un écrivain afro-américain. Diplômé d'un Master of Fine Arts du Brooklyn College en écriture créative, il a également obtenu une maîtrise en psychologie à l'université de Boston. En 1990, il est couronné Grand champion de slam du café des poètes de Nuyoricana et gagne à cette occasion un contrat d'édition pour la publication de son premier recueil de poésie, Big Bank Takes Little Banka. Son deuxième livre de poésie, Joker, Joker, Deuce, suit trois ans plus tard. Son premier roman, American Prophet, date de 1996 et vient d’être traduit en français.

Parenthèse liminaire, le titre original de l’ouvrage The White Boy Shuffle a été traduit en français ( ?) par American Prophet ! Non seulement le ridicule ne tue pas mais il a encore de beaux jours devant lui.

Quand le roman débute, Gunnar Kaufman son jeune héros, est le dernier descendant d’une longue lignée de Noirs américains dont il nous rappelle les grotesques mésaventures, comme cet aïeul qui migra vers le Sud en pleine période d’esclavagisme ou cet autre qui courut s’enrôler dans les troupes des Etats Confédérés durant la guerre de Sécession, bref une famille jamais du bon côté du manche de l’Histoire en marche. Et il faut que croire que la malédiction les poursuit puisque Gunnar, sa mère et ses deux sœurs, déménagent de Santa Monica quartier chic et Blanc vers Hillside, ghetto de Los Angeles.

Dans cet environnement difficile dont les codes lui sont inconnus, le jeune Gunnar va devoir se faire une place au milieu des gangs entre Bloods et Cripps. Lui qui ne rêve que de poésie, se révèlera aussi basketteur de talent, s’ouvrant les portes des Universités mais aussi les cœurs des petites frappes de son quartier. Entre ses deux potes, Nicholas Scoby, fan de jazz et Psycho Loco leader d’un gang, Gunnar va tenter de se trouver une place dans ce monde. Contre sa volonté il va se retrouver porte-voix, prophète donc, « d’une ethnie à l’abandon » après avoir pris conscience de sa condition à l’annonce du verdict dans le procès de Rodney King, « ce jour-là, pour la première fois de ma vie, je me suis senti comme un moins-que-rien. ».     

Un bien beau et bon roman en vérité. Passées les toutes premières pages qui assomment un peu le lecteur surpris par le style de l’écrivain, le reste du livre se dévore avec une hâte retenue. Hâte, car poussé par la tchatche et la faconde de Paul Beatty vous êtes embarqué par une lame de fond dont l’origine remonterait au jazz pour se poursuivre avec le rap ; retenue, car il vous faudra ingurgiter les nombreuses références au vécu des Noirs américains, références historiques ou culturelles, obligeant à ralentir la lecture pour mieux en appréhender le sens.

Mais rassurez-vous, Paul Beatty sait y faire. Rien n’est lourd ou chargé d’un bien-pensant convenu, au contraire. L’écrivain qui a également publié dans le passé une anthologie de l'humour afro-américain l’utilise ici plus souvent qu’à son tour, en faisant de l’autodérision cette arme typique des minorités pour retourner en leur faveur des situations défavorables. On rit souvent devant ses propos peu enclins au politiquement correct, ses réflexions incongrues.

Drôle, vachard mais lucide avec sa communauté « l’Amérique noire a renoncé à ses besoins dans un monde où les espérances ne sont qu’illusions », instruit aussi, le roman fourmille de détails ou informations historiques et au-delà l’humour, l’auteur sait utiliser les mots et la langue pour nous donner un texte de très grande qualité.    

 

« Chez les Noirs, d’habitude, on réserve les lamentos pour les funérailles. J’ai vu des gosses se prendre sans moufter des coups de matraque, des pare-chocs ou même des balles. Car seules deux occasions vous autorisent à verser une larme : manquer d’un seul petit numéro la grosse cagnotte du loto ou perdre un proche. Deux cas dans lesquels pleurer est acceptable, mais une fois et une fois seulement. Pas le temps de broyer du noir parce que le lendemain, le nègre, y doit retourner marner. »

 

paul beattyPaul Beatty  American prophet  Passage du Nord-Ouest

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nathalie Bru

 

 

 

 

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10/10/2013 | Lien permanent

Brian Panowich : Bull Mountain

brian panowichJe ne sais pas grand chose de Brian Panowich. Il aurait grandi en Europe et actuellement, pompier de son métier, il vit dans l'est de la Géorgie avec sa femme et leurs quatre enfants. Bull Mountain, son premier roman vient de paraître.

« Chez les Burroughs, on est hors-la-loi de père en fils. Depuis des générations, le clan est perché sur les hauteurs de Bull Mountain, en Géorgie du Nord, d’où il écoule alcool de contrebande, cannabis et amphétamines jusque dans six Etats, sans jamais avoir été inquiété par les autorités. Clayton, le dernier de la lignée, a tourné le dos à sa fratrie, et comme pour mettre le maximum de distance entre lui et les siens, il est devenu shérif du comté. A défaut de faire régner la loi, il maintient un semblant de paix. Jusqu’au jour où débarque Holly, un agent fédéral décidé à démanteler le trafic des montagnards. Clayton se résout alors à remonter là-haut pour proposer un marché à son frère… »

Encore un bouquin entamé avec entrain car encensé par un magazine littéraire bien connu, tout en superlatifs alléchants, même James Ellroy en aurait dit du bien. Et c’est vrai que le début se présente bien, on est dans le polar rural, un bled de l’Amérique profonde où tout le monde se connait, avec une lignée familiale virile pour ne pas dire carrément dangereuse qui de génération en génération affine son business de trafics divers, pimenté par l’écrivain de références bibliques à Abel et Caïn pour épicer son ragout. J’étais donc en terrain familier, ce genre qui mêle le polar au Nature Writing et puis… au fil des pages ma bienveillance a commencé à s’estomper.

Le découpage des chapitres m’a agacé, trop simpliste (portrait de l’un, portrait de l’autre, flashbacks) et cassant le rythme ; des incohérences de situations ont pointé (« Il s’approcha presque suffisamment de lui pour lui chuchoter à l’oreille. (…) Halford descendit la volée de marches qui le séparait de son frère… »), les dialogues se sont mis à ne plus sonner justes. Et l’intrigue a pris l’eau carrément, de plus en plus abracadabrante (le lien entre Holly et Clayton, c’est du grand n’importe quoi !) avec un épilogue se voulant rebondissement ahurissant, qui certes est ahurissant mais pas dans un sens positif.

On va me dire que c’est un premier roman, oui et alors ? Une histoire très quelconque, faite de plans piqués à droite et à gauche chez les meilleurs écrivains mais il y manque le principal, une âme, une force intérieure qui accule le lecteur dans ses derniers retranchements moraux, au cœur du noir. Rien de tout cela ici. Un polar franchement décevant, pour ne pas dire pire.

 

« Nous savons exactement où se trouvent les seize laboratoires où votre frère fait sa petite cuisine, et nous connaissons les itinéraires qui mènent en Floride, en Alabama, dans les deux Caroline et au Tennessee. Les mecs ont le doigt sur la détente, ils vous laissent sur la touche exprès, et beaucoup de gens vont mourir. Les règles ont changé avec le 11 Septembre. Si on veut, on a tout le champ pour mener à bien notre opération sans quasiment de comptes à rendre. Ca leur pend au nez depuis un moment. (…) Le pouvoir en place veut tellement s’approprier les bénéfices que génère cette montagne qu’il est prêt à tout cramer plutôt que voir votre frère leur faire la nique un jour de plus. »

 

 

brian panowichBrian Panowich  Bull Mountain  Actes Sud  - 325 pages –

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Laure Manceau

 

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Ivan Tourgueniev : L’Auberge de grand chemin

tourguenievIvan Sergueïevitch Tourgueniev est un écrivain, romancier, nouvelliste et dramaturge russe né en 1818 à Orel en Russie et mort en 1883 à Bougival dans les Yvelines. Son père, officier supérieur, est issu d'une grande famille aristocratique d'origine tatare et sa mère, d'une famille de noblesse de service d'Orel est une riche propriétaire terrienne. C’est dans la propriété familiale que Tourgueniev s'initie à la chasse et à la nature, laquelle nature joue un grand rôle dans ses romans. Confié à des précepteurs russes et étrangers dont il reçoit une excellente éducation, il apprend le français, l’allemand, l’anglais, le grec et le latin. Avec un serf, il commence à écrire ses premiers poèmes. Très tôt, il se rend compte de l’injustice des hommes des classes supérieures envers les serfs, injustice contre laquelle il se révoltera et se battra toute sa vie. Son œuvre compte sept romans, une douzaine de pièces de théâtre, de la poésie et de très nombreuses nouvelles comme L’Auberge de grand chemin, parue en 1855.

Akim Semionov, un ancien serf au service d’Elisabeth Prokhorovna, est aujourd’hui propriétaire des murs d’une auberge qui marche bien, construite sur ses terres. Un jour survient un colporteur, Nahum Ivanov, qui éblouit Avdotia la très jeune femme d’Akim, se fait remettre par elle les économies du mari et trouve le moyen de racheter avec cet argent, l’auberge auprès de la noble à qui le terrain appartient !

Une bien étrange nouvelle quant au sort réservé à ses personnages : Akim, cocu et ruiné retourne à la rue, Avdotia larguée illico presto par Nahum une fois l’auberge achetée se retrouvera seule et reprendra son activité de soubrette, par contre Nahum – escroc magistral – prospérera durant une quinzaine années avant de revendre l’auberge et partir au loin faire de plus grosses affaires encore, dans le commerce du blé. Si par contre on s’attache aux valeurs spirituelles, on peut éventuellement considérer qu’Akim touche à la sainteté par cette épreuve car malgré ses malheurs, il a pardonné à ceux qui l’ont offensé et il vit désormais une vie d’errance, de pèlerin éternel…

Même si ce texte ne m’a pas foncièrement déplu, je me vois mal tenter de vous le faire lire impérativement. Disons que j’aime de temps à autre, replonger dans des bouquins du XIXème siècle (et là ce n’est qu’une nouvelle vite lue), pour une raison mal identifiée je me régale de cette façon d’écrire et même de ces histoires qui écrites aujourd’hui me tomberaient des mains après dix lignes. Il y a dans ce côté vieillot de l’approche psychologique des personnages, le même plaisir qu’on peut avoir à flâner dans la boutique d’un brocanteur. 

 

« Durant la première année qui suivit son établissement sur la grande route, Akim, absorbé par les soucis inhérents à toute installation nouvelle, n’eut guère le temps de songer à l’amour, et si « le grand diable le tourmentait », il le mettait aussitôt en fuite par des lectures édifiantes (il avait appris à lire dès son premier voyage et tenait les livres saints en profonde vénération), par le chant à mi-voix des psaumes ou par quelque autre exercice de piété. Il avait d’ailleurs atteint sa quarante-sixième année, époque de la vie où les passions s’assagissent et où l’on ne songe plus guère au mariage. Akim commençait lui-même à croire que « son grain de folie » l’avait quitté pour toujours…, mais il paraît qu’on ne peut éviter son sort. »

 

tourguenievIvan Tourgueniev  L’Auberge de grand chemin  La Pléiade Romans et nouvelles complets Tome 1 – 49 pages –

Traduction par Henri Mongault, revue par Edith Scherrer

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