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Blake et Mortimer : Huit heures à Berlin

Edgar P. Jacobs, Philip Kerr, La série de BD Blake et Mortimer n’a pas bercé mon enfance, je ne l’ai découverte que beaucoup plus tard et si j’en ai lu les principaux volumes, ceux de l’époque de leur créateur Edgar P. Jacobs (1946-1987) j’en étais resté là. La série ayant depuis était reprise par de nombreux continuateurs. Jusqu’à ce que paraisse ce nouvel album, le tome 29, peut-être attiré inconsciemment par une association d’idée avec les excellents romans de Philip Kerr ? Une bonne idée, car cette BD est très bien !

Si la lecture de l’album est ardue, le pitch en est très simple. Berlin en 1963, la Guerre froide (1947-1991) a coupé la ville en deux par un sinistre Mur, entre l’Ouest et les pays du bloc soviétique. En Juin de cette année, le président des Etats-Unis, J.F. Kennedy doit se rendre dans la ville très brièvement, huit heures, pour y prononcer son fameux discours « Ich Bin Ein Berliner ». C’est aussi l’occasion rêvée pour l’ignoble, machiavélique et increvable Olrik, de réaliser un coup de maître lui assurant le pouvoir mondial ! Pas de chance, Blake et Mortimer sont sur l’affaire… ce qui fait dire à l’ignoble « Décidément, c’est une aimantation plus forte que l’amour. Où que je sois dans le monde, je finis toujours par vous voir arriver. »

Les habitués de la série vont retrouver dans ce nouveau volume tout ce qu’ils attendent et espèrent y trouver. Une intrigue qui part dans plusieurs directions au début, au propre comme au figuré, de l’Oural à Londres puis à Berlin. De sinistres soviétiques, un savant fou digne des laboratoires nazis, le fameux Olrik derrière tout ça et nos deux compères, à la vie à la mort, se tirant de pièges invraisemblables autant qu’abracadabrant sans être dépeignés, ponctuant leurs efforts de « Old Chap ! » et autre « Good Heavens ! »

J’ai dit que la lecture était ardue car si vous n’êtes pas habitué de cette série, vous ignorez qu’ici nous sommes au royaume du phylactère copieux ! Le genre de BD où s’il y a beaucoup à voir évidemment, il y a encore plus à lire ! Ca se lit et ça se relit, ne serait-ce que pour boucher les ellipses du scénario.

Une intrigue épatante, des héros aussi sympathiques que leur adversaire inusable est affreux, et un contexte historique qui rajoute un peu de sérieux à cette chouette aventure.

A ne pas manquer !

 

 

Les aventures de Blake et Mortimer d’après les personnages d’Edgar P. Jacobs   Huit heures à Berlin  

Scénario : José-Louis Bocquet & Jean-Luc Fromantal   Dessin : Antoine Aubin

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James Lee Burke : Une Cathédrale à soi

james lee burke, James Lee Burke nait en 1936 à Houston au Texas et passe son enfance sur la côte entre le Texas et la Louisiane. Ecrivain américain de romans policiers, il est particulièrement connu pour sa série mettant en scène Dave Robicheaux. Issu d'une famille pauvre, son père est ouvrier dans une raffinerie, pendant la Seconde Guerre mondiale il fréquente l'école catholique où il se découvre une vocation d'écrivain. Après des études à l'Université de Louisiane du Sud-ouest ainsi qu’à l’Université du Missouri, il sort diplômé dans les domaines de la littérature et du journalisme. Après l'université, Burke a pratiqué plusieurs métiers, ouvrier du pétrole, routier, journaliste, assistant social, garde forestier, topographe, enseignant d'anglais. Actuellement Burke et sa femme Pearl partagent leur temps entre le Montana et la Louisiane. Leur fille, Alafair Burke, est également autrice de romans policiers.

Une Cathédrale à soi, dernier opus de la série Dave Robicheaux (2021) vient d’être réédité en poche.

En Louisiane. Les familles Shondell et Balangie se haïssent, pourtant Johnny Shandell et Isolde Balangie s’aiment ; lui, compose et joue de la musique, elle, chante. Hélas pour eux, Isolde est « promise » à Mark Shondell, l’oncle de Johnny, pervers sexuel très puissant dans la région. Dave Robicheaux va se mêler de cette affaire, particulièrement complexe, où les ennemis seront nombreux, les pires n’étant pas réellement humains… ?

Mon expérience avec James Lee Burke est mince, un seul roman lu et pas de cette série, ce préambule expliquant peut-être mon avis dubitatif sur ce polar.

L’intrigue est trop complexe pour que j’entre dans les détails, tellement, qu’elle ne m’a pas semblée très claire durant la lecture et même le bouquin refermé. En gros, il y a une haine séculaire entre deux familles bien pourries, une jeune fille servant de monnaie d’échange entre les deux pour satisfaire un gros pervers coupable de maints crimes et horreurs mais si puissant et fichant la trouille à tout le monde (police incluse) qu’il agit tranquillement. Déboulent dans ce drame étouffé, Dave Robicheaux et son pote Clete Purcel, deux lascars en ayant vu de toutes les couleurs dans le passé et cerise sur la gâteau déjà bien roboratif, l’intervention surnaturelle d’un mort cherchant la rédemption ! Et là, on trouve une analogie avec le film de Bertrand Tavernier “Dans la brume électrique” (2009) avec Tommy Lee Jones, adapté du roman presque éponyme de l’écrivain.

Certains trouveront ce polar assez médiocre : intrigue abracadabrante, difficulté à suivre et comprendre les motivations psychologiques des uns et des autres, violences physiques et morales, introduction de l’élément surnaturel dans le récit, et si vous êtes du genre à aimer les polars rectilignes où l’enquête suit son cours et s’éclaire à la fin, vous allez faire la grimace, c’est certain. Je le comprends très bien.

Mais je pense que ce n’est pas la bonne manière d’aborder cet ouvrage. Je crois qu’il faut le lire en restant au-dessus de la mêlée, ne pas chercher à tout comprendre, si un plus un égale deux, par contre il faut y rechercher le but de l’écrivain à travers son héros fétiche : Dave a démissionné de la police de la Nouvelle Orleans mais le devoir moral avant tout, il accepte d’être enquêteur pour le shérif du Comté quand un crime lui parait trop sordide, pour sauver les vivants, rendre justice aux morts innocents et aussi, surtout, pour se sauver lui-même car il est hanté par son passé, crimes commis dans l’armée au Vietnam, ex-alcoolique, ses deux femmes décédées. Il y a une dimension mystique chez Dave Robicheaux, un homme simple et banal qui pense avoir un petit rôle à jouer dans ce monde définitivement pourri où le mal le plus ignoble et les violences les plus atroces (aux femmes, aux enfants…) s’exercent sans que les coupables soient toujours châtiés.

C’est je pense, le sens exact du propos de ce roman, le monde est un théâtre d’horreurs, hier comme aujourd’hui, ne les cachons pas sous le tapis, combattons-les avec nos maigres moyens même s’ils contreviennent à la loi.

Un roman difficile avec certainement des défauts mais très puissant néanmoins.

 

 

« J’avais été assez vaniteux pour me penser capable de trouver les origines de la cruauté humaine. En conséquence, j’avais découvert une dimension temporelle qui existait peut-être parallèlement à la nôtre. Je n’en connaissais pas plus sur la nature humaine que lorsque j’avais rendu visite à Marcel LaForchette au pénitencier d’Huntsville, cet homme qui s’était révélé mon demi-frère et s’était tué dans mon salon. Dans ma recherche des origines de la cruauté humaine, j’étais arrivé à la même impasse que les psychiatres qui scrutent le cœur des ténèbres et en sont si effrayés qu’ils remercient Dieu pour le terme clinique « pathologique », car il leur permet d’évacuer les images implantées dans leur esprit par les patients qu’ils ont essayé de soigner. »

 

 

james lee burke, James Lee Burke   Une Cathédrale à soi   Rivages/Noir   - 487 pages -   

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Christophe Mercier

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Pavel Sanaïev : Enterrez-moi sous le carrelage

pavel sanaïevNé à Moscou en 1969, Pavel Sanaïev est un réalisateur, scénariste et écrivain russe. Enterrez-moi sous le carrelage, son premier roman (2003), a été traduit chez nous en 2009. 

Sacha, le narrateur, est un gamin à la santé fragile qui vit chez ses grands-parents depuis quatre ans, depuis que sa mère s’est remise en ménage avec « un nabot buveur de sang » selon les dires de sa mémé Nina. Une grand-mère forte en gueule, grossière dans son langage, menant à la baguette son entourage.

Récit de cette époque de son enfance, le môme nous la fait revivre à travers une dizaine de textes contant chacun un épisode de sa vie chaotique. Atteint de mille maladies, au point qu’on s’interroge sur la véracité de toutes, Sacha doit accepter contraintes et avaler potions sous l’œil sévère de la mémé qui appelle son petit-fils, « ce salaud ». Quasi interdit d’école, surveillé constamment, le gosse lui n’a qu’un rêve, passer une journée entière avec sa maman qu’il ne voit guère souvent.   

Roman truculent et burlesque, tout en exagérations et propos outranciers proférés par Nina qui critique tout et tout le monde, du matin au soir. Ce que nous appellerons « l’âme slave ». Pourtant sous la rudesse de la bonne femme on devine l’amour porté à Sacha, mais il est bien caché et d’un type très particulier ! C’est aussi ce caractère de cochon qui éloigne la mère de son enfant, les deux femmes se querellant sans cesse quand elles sont à portée de voix l’une de l’autre.

Je n’ai pas grand-chose à dire de ce roman car il n’est ni mauvais ni incontournable. Il est souvent amusant, genre souriant, tendre parfois mais il y a aussi des longueurs… Et qu’en retenir ? « La fête avait ses règles, la vie avait les siennes », une fatalité qui rendrait incompatible la vie et le bonheur ? Finalement, sous l’humour, un bouquin pas si marrant que cela…

 

« Je m’appelle Sacha Savéliev. Je suis en CM1 et je vis avec ma grand-mère et mon grand-père. Maman m’a échangé contre un nabot buveur de sang et a accroché une lourde croix au cou de grand-mère. Et j’y suis pendu depuis l’âge de quatre ans. J’ai décidé de commencer par le récit de mon bain. Sachez que ce sera une histoire intéressante. Le bain chez grand-mère relevait d’une importante procédure : vous allez en être convaincus. »

 

 

pavel sanaïevPavel Sanaïev  Enterrez-moi sous le carrelage  Les Allusifs – 266 pages –

Traduit du russe par Bernard Kreise

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11/08/2017 | Lien permanent

Jean-Marie Gourio : Brèves de comptoir L’anniversaire

1211 Gourio Livre .jpgJean-Marie Gourio est un auteur et scénariste français né en 1956. Son parcours passe par le journal Charlie Hebdo et diverses collaborations dans l’audio-visuel avec des gens comme Luis Rego, Les Nuls ou Jean-Yves Lafesse. Auteur de plusieurs romans, son succès le plus éclatant reste Les Brèves de comptoir qui seront adaptées pour le théâtre par Jean-Michel Ribes.

Les Brèves de comptoir sont une série de recueils dont la première mouture remonte à 1987 et cet ouvrage L’Anniversaire, comme l’indique son nom est paru en 2007 pour fêter les vingt ans de cet indéniable succès, sorte de compilation des meilleures phrases et réflexions.

On connaît le principe de l’ouvrage original, l’auteur qui fréquente assidûment les troquets et bistros s’est d’abord amusé d’entendre les réparties échangées entre habitués des lieux avant d’avoir l’idée de les collecter pour en faire un bouquin. Une collection d’aphorismes dignes d’être sortis de dialogues écrits par un Michel Audiard mais en fait, issus des sorties à l’emporte-pièce d’anonymes ayant néanmoins un point commun, avoir le coude leste et la langue bien pendue.

Que dire de plus d’un tel ouvrage sinon qu’entre les sourires et l’effarement devant tant de saillies, d’énormes éclats de rire vont vous dilater la rate. On voudrait toutes les retenir pour pouvoir les glisser dans la conversation et déclencher des rires autour de soi. Il y a des brèves pour tous les moments de la vie et toutes les situations. En citer une, c’est en oublier cent plus drôles encore. Ce florilège est un sortilège qui vous envoûtera et même les plus pisse-froid n’y résisteront pas. 

Ecrit en langage parlé évidemment, des phrases d’une ligne ou deux, sans queue ni tête. Certaines sont vulgaires et d’autres flirtent avec le racisme, toutes reflètent la mentalité des classes populaires mais ne sont pas exemptes d’accents de vérité ou de logique sous le vernis pinardier des propos de bistro.

Le seul conseil que je puisse vous donner serait de ne jamais ranger ce livre dans votre bibliothèque, au contraire, laissez-le traîner sur une table de façon à pouvoir y piocher chaque jour votre dose de vitamines du bonheur. Buvez avec modération mais lisez-le avec exagération. 

 

« Faut pas trop parler le matin, sinon l’après-midi on sait pas quoi dire. C’est pas moi qui vais gueuler contre les publicités dans les boîtes aux lettres, c’est les seuls qui m’écrivent. Quand ça sonne, je n’ouvre pas, comme ça, si c’est un étrangleur, il va étrangler ailleurs. Plus tu vis longtemps et moins ça te fera de temps à être mort. On critique que c’est l’argent qui dirige le monde mais dans les petits villages c’est pas mieux. On vend des armes à tout le monde, alors pourquoi tout le monde nous vendrait pas de la drogue ? »

 

 

1211 Gourio.jpgJean-Marie Gourio  Brèves de comptoir, L’anniversaire  Pocket

 

 

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01/11/2012 | Lien permanent

Doit-on parler des mauvais romans ?

La lecture des blogs littéraires et les échanges par le biais de commentaires déposés ici et là,  m’ont fait réaliser que ce que je prenais pour un fait acquis était illusion. Les bloggeurs ne font pas tous état des mauvais livres qu’ils ont lus ce qui amène cette question, pourquoi ?

Tout d’abord je tiens à préciser que lorsque je parle de « mauvais roman », j’entends dire un livre qui ne m’a pas plu. J’avoue sans honte qu’il existe des romans multi-primés ou des classiques écrits par de grands écrivains qui me laissent de marbre, d’où cette autre précision, en tant que bloggeur je livre mon avis personnel, il vaut ce qu’il vaut, ni plus, ni moins.

A ce point, on doit alors s’interroger sur le rôle des blogs littéraires. Est-il de rendre compte des parutions et faire comme à la télévision ou dans la grande presse, évoquer les bouquins des écrivains archiconnus avec plus ou moins de connivence favorable ? Est-il de parler de bouquins pris dans les nouveautés comme dans les vieilleries, sans s’occuper d’un effet « mode » ? Et enfin, quand un bloggeur tombe sur un livre qui lui déplaît, doit-il l’ignorer, ou bien le chroniquer en trouvant un angle pas trop méchant, ou carrément le descendre dans les cas les plus extrêmes ? Là est la vraie question.

Pour moi, la réponse est claire et sans ambigüité. Je chronique les mauvais livres qui tombent parfois entre mes mains, hélas, et j’en dis tout le mal que j’en pense sans hésitation. Bien entendu la critique doit être argumentée, les « j’adore » comme les « c’est nul » n’ont aucun intérêt ici.

Pourquoi agir ainsi ? Pour une raison toute simple, à mon sens. Premièrement, la production mondiale de livres d’excellente qualité est déjà supérieure à ce qu’une vie entière de lecteur ne suffirait à engloutir. Deuxièmement, chaque rentrée littéraire et même le reste de l’année, déverse sur les tables des librairies des quantités astronomiques de livres tentants. Dans ces conditions, j’estime que notre rôle de bloggeur consiste à aider les lecteurs à faire leurs choix, car tout est là, il faut impérativement choisir et tous les gros lecteurs connaissent cette angoisse quand ils constatent que leur liste des livres à lire s’allonge plus vite qu’elle ne décroît.   

Or, comment mieux aider les gens, si ce n’est en donnant un avis tranché sur un ouvrage. Tout avis est subjectif mais chacun le sait, moi qui écris mon billet, comme celui qui me lit. Quand je dis qu’un roman est mauvais (ou bon d’ailleurs) je ne cherche pas à influencer ceux qui me lisent mais à leur donner mon sentiment profond et honnête afin qu’ils en dégagent leur propre opinion.

Si je tiens un blog, c’est que je veux aider les lecteurs. C’est ma raison unique ! Je ne suis absolument pas là pour défendre des écrivains ou des maisons d’édition. Si mon intérêt littéraire pour un livre rejoint les intérêts de l’auteur et de son éditeur, tant mieux, mais ce sera un pur hasard.

Pour moi, le lecteur lambda – c’est lui que je veux aider, pas le boulimique de lectures - doit toujours affronter plusieurs problèmes avant de se lancer dans la lecture d’un livre : trouver un bouquin qui lui plaise, tenir compte de son prix (à la longue, la lecture revient chère et tout le monde n’a pas de bibliothèque municipale bien garnie) et surtout ne pas perdre son temps. Ne pas lui indiquer qu’il risque de s’égarer en lisant tel ou tel ouvrage serait lui rendre un mauvais service.

Quant aux écrivains et maisons d’édition, malgré tout l’amour que je leur porte puisqu’ils sont la source de mon vice préféré, je leur rappellerai ce proverbe bien connu « Qui aime bien, châtie bien ». Je ne vais pas développer, ce serait trop long, ce qui pour moi est une évidence à savoir la connivence générale entre professionnels du livre : les journalistes, les éditeurs, les remises de prix et certains écrivains, qui « obligerait » les uns et les autres à des renvois d’ascenseur entre amis. C’est donc à nous bloggeurs de faire le boulot de critique réellement indépendante (négative s’entend car la positive ne pose pas de problème évidemment) qui n’est pas assez répandu dans les médias traditionnels.

Un bloggeur qui lit un mauvais livre et qui n’en parle pas par charité pour l’auteur, au regard de son travail, commet une double erreur à mon avis : premièrement il laisse entendre à ses lecteurs qu’il n’a pas lu l’ouvrage donc qu’il est peut-être bon, ce que j’associerai à un mensonge par omission, deuxièmement il fait crédit à l’auteur. Or, je crois qu’il faut impérativement dire aux écrivains ce qu’on pense réellement de leur travail. Ca peut être dur mais c’est la règle du jeu, les écrivains écrivent pour être lus et quoi qu’en disent certains, pour être aimés. Ne pas leur dire notre vérité n’aide en rien les plus vertueux à progresser.  

Enfin, il m’est arrivé de lire un livre et de ne pas l’avoir aimé, tout en ressentant au fond de moi qu’il avait des qualités qui m’échappaient. Dans ce cas, même en le critiquant négativement, je précise que lui et moi n’étions pas faits pour nous entendre.

Pour terminer, je voudrais ramener ce débat à ses justes proportions. Je n’ai pas pour vocation de dénicher les bouquins nuls et les dénoncer sur mon blog, au contraire, j’essaie au maximum de les éviter…

 

Voilà à peu près, toutes les raisons qui me poussent à ne pas taire mon sentiment vis-à-vis des mauvais romans. Mais pour que ce billet prenne un réel intérêt, je vous invite tous, que vous soyez blogueurs, simples lecteurs ou autres, à déposer un commentaire pour enrichir ce débat que je déclare officiellement ouvert !

 

 

 

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Henry Roth : La Fin de l’exil

henry rothHenry Roth (1906-1995) est un écrivain américain. Né en Europe centrale, il émigre vers les États-Unis à l'âge de trois ans avec sa famille et passe son enfance au sein de la communauté juive de New York. Son premier roman, L'Or de la terre promise, publié en 1934 passe inaperçu. Henry Roth laisse alors de côté ses ambitions littéraires et épouse, en 1939, Muriel Parker, fille d'un pasteur baptiste et pianiste qui renoncera à sa carrière pour l'accompagner dans l'État du Maine où il exerce plusieurs métiers (garde forestier, infirmier dans un hôpital psychiatrique, aide plombier…). Henry Roth sombre dans une dépression chronique. C'est en 1964, soit trente ans après, que L'Or de la terre promise est réédité et vendu à plus d'un million d'exemplaires. Ce succès inattendu convainc l'auteur de se remettre à écrire. En 1994, soixante ans après la publication de son premier roman, A la merci d'un courant violent sort en librairie, premier volume d’une autobiographie qui en comprendra cinq, Un rocher sur l’Hudson, La Fin de l’exil, Requiem pour Harlem et enfin Un Américain, un vrai. Initialement prévue en six tomes, l’œuvre d’Henry Roth restera inachevée.

Ce troisième volet est paru en France en 1998 et nous y retrouvons Ira Stigman alias Henry Roth, au milieu du New York des années 1920 alors qu’il a une vingtaine d’années, toujours et encore tourmenté par sa sexualité, étonné par sa propre personnalité, se considérant comme étranger parmi les humains et devant ruser pour se donner une apparence « normale » vis-à-vis des autres.

S’il ne couche plus avec sa sœur Minnie, ce n’est pas pour retrouver le chemin de la morale mais parce que celle-ci sort désormais avec des garçons. Du coup il se contente de sa cousine Stella les lundis, lors de rapports sexuels qui en viennent à être drôles pour le lecteur – toute question morale mise à part – Ira se tapant Stella vite fait dans une pièce pendant que les deux parents âgés de la jeune fille sont occupés dans une autre ! De leur côté, Larry et Edith évoluent. Son ami, après avoir tâté de la poésie et de la sculpture, se tourne maintenant vers le théâtre, cherchant sa voie artistique. Edith, sa maîtresse plus âgée, maître assistant de littérature, après avoir guidé le jeune homme doute désormais de sa capacité à entrer dans cet univers intellectuel.

Des rapports complexes entre les personnages vont se créer. Ira devient le confident d’Edith qui lentement se détache de Larry, pas très performant au lit, entretenant une liaison parallèle avec Lewlyn un homme marié. Entre ces deux couples, Ira bouche cousue, tient la chandelle tout en se sentant irrémédiablement attiré par Edith qui par de petits signes amicaux alimente ses troubles sentiments. Entre sa vie personnelle faite de sexe honteux, « sa maudite libido dénaturée », et celle de ses amis faite de rapports mensongers, Ira Stigman se débat comme un beau diable pour ne nuire à aucun tout en cherchant à se placer au mieux dans les grâces d’Edith mais il est là en terrain mal connu ; Edith est une femme, expérimentée qui plus est, alors qu’Ira n’a jamais connu que des gamines ou au pire des prostituées.

Comme dans les précédents volumes, la forme narrative adoptée par Henry Roth reste la même, au cœur du roman se greffent des inserts, bribes de textes où l’écrivain de 89 ans décrit ses souffrances physiques liées à sa polyarthrite ou anticipe sur l’avenir du récit. Ainsi, le lecteur est clairement informé qu’Ira et Edith auront une relation intime mais quand le roman s’achève, la jeune femme et Lewlyn son amant sont en train de se séparer et Ira est à deux doigts de conclure.  

Si le sexe est omniprésent dans les pensées d’Ira, la littérature s’impose de plus en plus en lui comme une échappatoire à sa condition. Alors que chez Larry elle était une attitude ou un souhait, pour Ira elle est une nécessité profonde qui lentement s’impose avec la complicité d’Edith lui révélant Joyce (nombreuses digressions très intéressantes) et TS Eliot, pour l’éveil intellectuel, et la sensualité bientôt, pour le sexe adulte. La fin de l’exil, le début de la vraie vie ? Le prochain volet devrait nous le confirmer…

Je tiens néanmoins à préciser que j’ai trouvé ce troisième épisode, moins puissant que les deux précédents, comme une pause au milieu de l’étalage des révélations intimes et du cheminement intellectuel vers l’écrivain en devenir.

 

« Putain ! Le scabreux, le sordide, la perversité et la misère, en regard de n’importe lequel des personnages d’Ulysse, il en avait à revendre, à surprendre, à se pendre. Mais le langage, oui le langage pouvait métamorphoser comme par magie l’ignominie de sa vie et de ses pensées en précieuse littérature, en cet Ulysse tant vanté. Il pouvait le libérer de son exil dépravé, de son esclavage inaltérable. La sensibilité et la volonté, mis sous forme de langage, venaient facilement à bout du silence, de l’exil et du mensonge. »

 

 

henry rothHenry Roth  La Fin de l’exil  Editions de l’Olivier

Traduit de l’américain par Michel Lederer

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24/11/2013 | Lien permanent

Serge Joncour : L’Ecrivain national

Serge JoncourSerge Joncour, écrivain français né en 1961, pratique différents métiers avant de se lancer dans l'écriture (publicité, maître nageur). Il publie son premier roman, Vu, en 1998. Il est aussi, avec d'autres artistes et écrivains, l’un des protagonistes de l'émission de radio Des Papous dans la tête sur France Culture. Auteur d’une dizaine de romans dont certains ont été adaptés au cinéma, L’Ecrivain national est son dernier paru il y a quelques semaines.

Un écrivain est convié à résider pendant quelques semaines dans une petite ville du Morvan. Il devra y animer des ateliers d’écriture, participer à des réunions de présentation de ses livres devant des lecteurs et assister à des raouts organisés par la mairie. A peine arrivé, l’écrivain lit dans le journal qu’un vieux retraité, Commodore, a disparu. La rumeur le dit secrètement riche et un couple de marginaux d’origine étrangère, Dora et Aurélik, est soupçonné de l’éventuel crime. Troublé par la photo de Dora, l’écrivain va tenter d’en savoir plus.

« L’Ecrivain national », terme dont l’affuble le maire du village dans un discours de bienvenue, ne prénomme Serge et il a écrit un roman qui s’appelle Vu, autant dire qu’il s’agit de Serge Joncour lui-même, pris comme héros de son propre roman. Le bouquin avance sur deux fronts, l’intrigue vaguement policière ou du moins mystérieuse liée à la disparition d’un vieil homme à la vie étrange, une guerre d’Indochine, une épouse asiatique repartie dans son pays du jour au lendemain et les à-côtés de la vie des écrivains comme ces invitations dans de petites villes de province, les discussions avec leurs lecteurs dans les librairies, les séances de dédicaces etc.

C’est ce second point qui m’a décidé à me plonger dans cet ouvrage car il est toujours intéressant d’aller faire un tour dans les cuisines pour voir comment sont confectionnés les plats. Sans révélations fracassantes, on devine que ces escapades sont un mélange de joies et de corvées pour les écrivains. Plaisir de pouvoir mettre des visages sur leurs lecteurs, expériences et rencontres sources d’enrichissement voire d’inspiration pour d’autres livres – amusante mise en abyme quand l’Ecrivain national jure à un interlocuteur ne pas vouloir utiliser le fait divers de la disparition de Commodore comme sujet de roman, alors que c’est exactement ce que fait Serge Joncour dans le sien ! Mais ce sont aussi les corvées de réceptions en mairies ou bibliothèques avec champagne et jus d’orange devant des publics plus attirés par le buffet que par la « vedette ». Serge Joncour en profite pour placer quelques vérités sur son métier, « tout destin est exceptionnel, mais une vie ne suffit pas à faire un livre, un livre c’est bien plus que ça, et bien moins tout en même temps », à moins qu’il ne s’interroge « au départ qu’est-ce qui donne l’envie d’écrire un roman, concrètement ça part de quoi ? » Bien entendu j’aurais voulu que cet angle soit encore plus développé qu’il ne l’est ici…

Quant à l’intrigue, elle apporte une petite dose de mystère bienvenu et permet à l’auteur de dresser un portrait (convenu) des villes de province, où l’on tait ce que l’on sait surtout vis-à-vis des gendarmes, où chacun cache ses petites turpitudes, où les élus locaux jouent leurs cartes dans l’ombre, où l’étranger est toujours vu d’un œil méfiant etc. Où est passé Commodore, que magouillent Dora et Aurélik dans leur baraque au fond des bois et qui sont ces visiteurs venus de pays de l’Est qui passent souvent les voir ? Et ce projet d’usine à bois combattu par les écologistes, quelle est sa place dans tout cela. L’Ecrivain national, subjugué par Dora « cette brune souveraine », va se jeter corps et âme dans l’élucidation de l’intrigue.

Un roman épatant qui tire sa force de l’écriture de son auteur, limpide, très simple, jamais de mots rares ou de tournures de phrases intimidantes. Ce qui ne veut pas dire que ce ne soit pas travaillé, l’apparente facilité cachant souvent au contraire, un gros travail d’écriture. Ca se lit très vite, le rythme est enlevé, soutenu par un humour sous-jacent ou une certaine dérision.  

 

« Qui n’a pas quelque chose à cacher à son voisin, en particulier ceux-là. Dans les deux cas il s’agissait de marginaux, d’êtres limites, pas conventionnels, dans la bâtisse principale il y avait un solitaire au passé tumultueux, et juste en-dessous, près de la rivière, un couple aux revenus douteux qui drainait toute une communauté à géométrie variable. De l’un je retenais qu’il avait un passé enfoui et de l’argent caché, un semblant de famille reparti en Asie, des deux autres je savais qu’ils étaient venus d’ailleurs sous prétexte de réinventer leur vie, de faire un jour du théâtre ou des légumes bio, profitant peut-être de cet isolement pour se livrer à des activités douteuses. »

 

Serge JoncourSerge Joncour  L’Ecrivain national  Flammarion – 390 pages –

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Gérard de Nerval à Saint-Germain-en-Laye

Gérard de NervalGérard de Nerval, pseudonyme de Gérard Labrunie (adopté en souvenir d'un lieu-dit, le clos de Nerval près de Loisy, à cheval sur la commune de Mortefontaine dans l’Oise, où il fut confié durant quelques mois à sa naissance à une nourrice), est un écrivain et un poète français, né le 22 mai 1808 à Paris, ville où il est mort le 26 janvier 1855. Il est essentiellement connu pour ses poèmes et ses nouvelles, notamment son ouvrage Les Filles du feu, recueils de nouvelles (la plus célèbre étant Sylvie) et de sonnets (Les Chimères) publié en 1854.

Lié avec les grands écrivains romantiques (En bon soldat du romantisme, il est convoqué par Victor Hugo pour faire partie de la claque de soutien à Hernani), traducteur du Faust de Goethe (1828), il marque sa prédilection pour l’épanchement du rêve dans la réalité et du passé dans la vie présente. Ses sonnets et son roman Aurélia (1855) font de lui le précurseur de Baudelaire et de l’exploration surréaliste de l’inconscient. Sujet à des crises de démence, sa première crise de folie date de février 1841, il fut retrouvé pendu le 26 janvier 1855 aux barreaux d'une grille qui fermait un égout de la rue de la Vieille-Lanterne (voie aujourd'hui disparue, qui était parallèle au quai de Gesvres et aboutissait place du Châtelet, le lieu de son suicide se trouverait probablement à l'emplacement du Théâtre de la Ville), pour « délier son âme dans la rue la plus noire qu’il pût trouver », selon la formule de Baudelaire.

Ses amis émirent l'hypothèse d'un assassinat perpétré par des rôdeurs, au cours d'une de ses promenades habituelles dans des lieux mal famés, mais le suicide est la thèse généralement reconnue. Toutefois le doute subsiste car il fut retrouvé avec son chapeau sur la tête alors qu'il aurait normalement dû tomber du fait de l'agitation provoquée par la strangulation. On retrouva une lettre dans laquelle il demandait 300 francs, somme qui, selon lui, aurait suffi pour survivre durant l'hiver. La cérémonie funéraire eut lieu à la cathédrale Notre-Dame de Paris, cérémonie religieuse qui lui fut accordée malgré son suicide présumé du fait de son état mental. Théophile Gautier et Arsène Houssaye payèrent pour lui une concession au cimetière du Père-Lachaise.

Grand voyageur, Gérard de Nerval parcourt l’Europe, Londres, la Belgique et les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Autriche, la Suisse et l’Italie mais c’est le 22 décembre 1842 qu’il part pour l’Orient, passant successivement par Alexandrie, Le Caire, Beyrouth, Constantinople, Malte et Naples. De retour à Paris dans les derniers mois de 1843, il publie ses premiers articles relatifs à son voyage en 1844.

Et Saint-Germain-en-Laye dans tout cela me demanderez-vous ?

Le 29 novembre 1810, sa mère meurt à Głogów, en Silésie alors qu’elle accompagnait son mari, médecin militaire. De 1808 à 1814, Gérard est élevé par son grand-oncle maternel, Antoine Boucher, à Mortefontaine, dans la campagne du Valois dans l’Oise, puis chez son parrain Gérard Dublanc, pharmacien à la retraite retiré à Saint-Germain-en-Laye, au numéro 2 de la route de Mantes, au premier étage d’une maison de trois (depuis les années trente, 2 rue du Maréchal Joffre). Il y passera une partie de son enfance et de son adolescence dans la paix revenue de la Restauration. Pas encore bachelier, il y traduira en 1827/1828 - avec sans doute la collaboration de sa tante Augustine, femme de son parrain, qui est la fille d’un pragois et d’une Viennoise -, le Faust de Goethe.

Autre demeure familière de Gérard de Nerval, L’Auberge de l’ange gardien, 74 rue de Paris, actuellement 74 rue du Maréchal Lyautey. Il y descendra lors de ses derniers séjours, dans cette ville qui le reposait « Des agitations et des vaines querelles de la Capitale. »

Gérard de Nerval décrit sa visite dans une goguette de Saint-Germain-en-Laye et parle de son passé de goguettier dans son récit autobiographique Promenades et souvenirs. Il fut membre de la goguette des Joyeux et de la goguette des Bergers de Syracuse. Ici une précision s’impose sur le terme de « goguette » qui n’est pas une faute de frappe pour « guinguette ».

Une goguette est à l’origine une pratique festive en France et en Belgique consistant à se réunir en petit groupe de moins de vingt personnes pour passer un bon moment ensemble et chanter des chansons. Puis cette pratique devient la base de sociétés festives et carnavalesques constituées. Des milliers de goguettes ont existé et disparu. Aujourd'hui, il en reste très peu. Cette pratique festive est le plus souvent oubliée. On ignore le plus souvent jusqu'à l'emploi du mot « goguette » utilisé dans le sens de « société chantante » qui n’est pas non plus une chorale, mais le plaisir de chanter seul devant les autres ou à plusieurs pour se distraire. A capella, ou accompagné au piano ou à la guitare.

 

Sources : Wikipedia – Le Petit Larousse - Christian Besse-Saige Une balade nervalienne à Saint-Germain-en-Laye (Editions Hybride 2005) – Photos : Le Bouquineur

 

La première photo correspond au 2 rue du Maréchal Joffre et la seconde au 74 rue du Maréchal Lyautey

Gérard de Nerval

 

Gérard de Nerval

 

 

 

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Thomas Gunzig : Manuel de survie à l’usage des incapables

thomas gunzigThomas Gunzig est un écrivain belge francophone né en 1970, fils du cosmologue Edgard Gunzig. Son enfance a été marquée par sa dyslexie et il a d’abord connu une scolarité difficile avant d’obtenir une licence de sciences politiques. Après avoir été libraire pendant 10 ans à Bruxelles, il est devenu professeur de littérature et en 1993 il publie un premier recueil de nouvelles. Depuis avril 2010, il est chroniqueur sur une radio belge. Son troisième roman, Manuel de survie à l’usage des incapables, vient de paraître.

Quatre délinquants redoutables braquent un fourgon blindé contenant la recette d’un hypermarché. Jean-Jean, responsable de la sécurité dans ce magasin, à la demande de ses supérieurs épie une caissière pour lui trouver un motif de renvoi. Jacques Chirac ( !) employé est le petit ami de Martine la caissière, mère des quatre délinquants. Accidentellement, Jean-Jean tue Martine. Les quatre délinquants renseignés par Jacques Chirac jurent de faire la peau à Jean-Jean. En gros, voici le résumé de base sur lequel est construit le roman.

Pourtant, ce livre n’est pas un polar mais un cocktail (Molotov, tant il décape) dont les ingrédients sont, le polar, la SF et la fable. La dose de polar vient de vous être résumée ; la SF, parce que le récit se déroule dans un futur très proche où l’Homme, c'est-à-dire les sociétés commerciales, a déposé des copyrights sur les codes de l’ADN et où les femmes peuvent se faire « upgrader » et donner naissance à des enfants marqués de gênes animaux. Les quatre délinquants, par exemple, sont des hommes-loups (des loup-bards ?), Marianne l’épouse de Jean-Jean a des gênes de mamba vert… Quant à la fable, elle réside dans le ton sarcastique avec lequel Thomas Gunzig décrit notre monde fait de meubles Ikea et dont le symbole le plus criard est l’hypermarché, où se joue une guerre sans merci pour le profit, livrée par des managers surentraînés afin de sortir vainqueurs de ce « struggle for life », car seuls les plus forts en réchappent. Triste morale, mais loi naturelle qui conclut le roman quand les « gentils » mais faibles, seront éliminés par les « méchants » mais forts. D’où le titre du livre. Avant de servir le cocktail, ajoutez une dose d’humour avec ces patronymes attribués à ses personnages, Jacques Chirac ou Blanche de Castille, ou ces détails saugrenus comme lorsque nous apprenons que les parents de Marianne se sont rencontrés dans un gang-bang !

L’astucieux Thomas Gunzig a écrit son roman, un genre de polar, avec juste un poil de décalage avec notre réalité quotidienne pour le rendre attractif et étrange. Autre bon point, il insère de-ci de-là une certaine dose de culture dans son bouquin accessible à tout public.  Point négatif, j’ai trouvé faible les rapports homme/femme de ses personnages. Cette dernière remarque grève la note finale, nous avons donc-là, un roman mineur mais qui vous assure néanmoins un très bon moment de lecture.    

 

« Jean-Jean se disait souvent que s’il avait un jour des enfants, ce qui soit dit en passant était fortement improbable vu que ni son salaire ni celui de Marianne n’étaient suffisants pour se le permettre, il leur dirait d’être vigilants, de faire attention aux détails, d’essayer de sentir quand les choses, discrètement, tournent mal. (…) Il leur dirait d’être égoïstes, d’être individualistes, que même si ça faisait d’eux des salauds aux yeux du monde, il valait mieux être un salaud heureux qu’un brave type qui, à l’heure de rentrer chez lui, en pesant le pour et le contre, se dit que tout compte fait il n’a pas envie mais qu’il n’a pas le choix. »

 

thomas gunzigThomas Gunzig  Manuel de survie à l’usage des incapables  Au Diable Vauvert

 

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Agnès Desarthe : Comment j’ai appris à lire

agnès desarthe, Agnès Desarthe, née en 1966 à Paris, est un écrivain français auteur de livres pour adultes et pour enfants mais aussi traductrice. Fille du pédiatre Aldo Naouri, elle a épousé le cinéaste Dante Desarthe, fils du comédien Gérard Desarthe. Son frère Laurent Naouri, chanteur d'opéra, est l'époux de Natalie Dessay. Agrégée d'anglais, elle a d'abord travaillé comme traductrice avant de publier, en 1992, un premier roman pour adolescents. Son dernier ouvrage, Comment j’ai appris à lire, est paru il y a quelques semaines.  

Une idée très répandue voudrait que les écrivains soient des lecteurs forcenés, tombés dès leur plus jeune âge dans une bibliothèque et n’en être jamais ressortis. Agnès Desarthe en est le contre-exemple parfait et en a fait le sujet d’étude de cet essai.

Toute petite elle adorait déjà écrire mais détestait lire. « Lire ne sert à rien. Moi, ce que je veux, c’est écrire », un avis péremptoire et d’autant plus inexplicable que dans son milieu familial, on lisait et parlait plusieurs langues, donc un contexte où la culture n’était pas exclue. Elle réussira néanmoins sa scolarité tout en trouvant le moyen de faire l’impasse sur les classiques de la littérature et ce n’est qu’en hypokhâgne, qu’enfin ( !) l’envie de lire lui viendra, « La révolution a eu lieu. Je vais apprendre à lire. » Car lire n’est pas une activité aussi simple qu’il y paraît. L’activité cache et sous-entend un monde complexe d’interactions mêlant savoir, souvenirs, découvertes, intuition et j’en passe.  C’est d’ailleurs, le thème central de ce bouquin, mené comme une enquête intime. Que signifie lire ? Comment apprend-on à lire ? Voilà ce que l’auteure veut nous expliquer tout au long de cet essai passionnant qui se lit comme un roman.

Mais cet essai aborde un autre sujet, concomitant à la lecture pour l’écrivaine, la traduction. Et là, je me suis franchement régalé car il s’agit d’un sujet qui m’a toujours fasciné. Agnès Desarthe, traductrice elle-même, connaît bien son affaire et ses remarques et propos feront le délice des amateurs. « La migration des âmes, la réincarnation. Quelque chose de cet ordre est à l’œuvre dans la traduction » écrit-elle joliment.  

Si un bon roman ou le plaisir de lire peut s’épargner la logique, Agnès Desarthe n’en manque pas pour conclure son opus, puisque pour elle, « l’écriture est avant tout un travail de traduction » de la pensée et qu’ « écrire, traduire (…) m’ont appris à lire. » CQFD, la boucle est bouclée. Tous les amateurs de lectures se rueront sur ce livre, quant aux autres, il s’agit certainement du bouquin qu’il vous faut pour mettre le pied à l’étrier.

 

« J’ai conçu à partir de là une véritable théorie de la traduction. Je ne soupçonnais pas alors que je deviendrais moi-même, un jour, traductrice (et encore moins que j’adopterais dans ma pratique la théorie diamétralement opposée). Mon idée était que le texte d’arrivée devait laisser affleurer les structures et le génie de la langue d’origine, qu’ainsi on offrait au lecteur la possibilité de goûter deux langues pour le prix d’une. »

 

 

agnès desarthe, Agnès Desarthe  Comment j’ai appris à lire  Stock

 

 

 

 

 

 

Interview d’Agnès Desarthe sur France Inter le 11/02/2013

 

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