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Antoine Blondin : Quat’ Saisons

4 saisons 10522242.jpgLire Blondin c’est se garantir de tomber dans les textes emberlificotés de certains, les écrits sans style d’autres, les histoires à la mords moi le nœud d’écrivains qui cherchent le truc qui les sortira de la masse anonyme. Blondin c’est du nanan, un pur régal. L’écriture est légère, le style affirmé, l’humour sous-jacent. Un écrivain journaliste (1922-1991) amateur de bistrots, de copains et de rugby, voilà une belle carte de visite qui en dit certainement plus qu’une longue analyse textuelle. Avec Quat’ Saisons paru en 1975 nous avons un recueil de nouvelles découpé en quatre chapitres, un par saison, de l’hiver au printemps pour garder une touche d’optimisme.

En quelques phrases nous sommes plongés dans des histoires rondement menées. Avec Petite musique d’une nuit, un employé de compagnie d’assurance, ravit ses voisins avec le cliquetis de sa machine à écrire qu’ils interprètent comme une musique. Dans Métempsychose nous sommes à Londres, dans l’Angleterre telle qu’on la fantasme, un ancien major devenu responsable du rayon alimentaire d’un grand magasin (service en gants blancs et chapeau de tulle) va jouer sa vie pour combattre une souris capricieuse qui a choisi son rayon pour loger. Avec la très belle dernière nouvelle Nous rentrerons à pied, c’est une très belle histoire d’amour toute en finesse qui clôt ce merveilleux livre. Douze nouvelles, comme les douze mois de l’année, quat’ saisons comme les marchandes du même nom où je vous conseille vivement de faire votre marché.

 

« La vieille Angleterreavait dégrafé un peu trop vite son corset. Et, comme on s’était ingénié naguère à copier ses excentricités guindées, son débraillé fit mal aux cœurs qui l’admiraient. Humiliée à traversla Livre Sterling, ajournée sans cesse à l’examen d’entrée dans le Marché Commun, sevrée de revanches sur les pelouses de rugby, son génie ne s’exprimait plus guère, cette année-là où je faisais un stage aux Lloyds, que par le truchement de galopins aux cheveux longs ou de poètes blasphémateurs et il semblait improbable que l’invention de la mini-jupe dût lui valoir le Prix Nobel. »     

 

Blondin images.jpgAntoine Blondin  Quat’ Saisons La Table Ronde    

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09/10/2012 | Lien permanent

Michael Punke : Le Revenant

Punke Livre.jpgMichael Punke a grandi dans le Wyoming et a longtemps vécu dans le Montana. Il a travaillé à la Maison-Blanche comme Directeur des affaires économiques internationales ainsi qu'au Conseil de sécurité nationale et au Conseil économique national. Aujourd'hui, il est ambassadeur et le représentant permanent des Etats-Unis auprès de l'OMC et vit à Genève. Outre son roman, Le Revenant, en cours d'adaptation au cinéma, il a publié deux ouvrages sur l'histoire de l'Ouest américain et deux scénarios. Si le roman date de 2002, il vient tout juste de paraître chez nous.

« En 1823, au cours d'une expédition à travers les Grandes Plaines des Etats-Unis, le trappeur Hugh Glass est attaqué par un grizzly. Défiguré, le corps déchiqueté par la bête, Hugh est confié à deux volontaires chargés de le veiller jusqu'à sa mort puis de l'enterrer. En plein territoire indien, chaque heure qui passe amenuise les chances de ses gardiens de retrouver leurs compagnons. Aussi abandonnent-ils le blessé à son triste sort. Seul, désarmé et à bout de forces, Glass survit. Son unique motivation : la vengeance. Commence alors la légende de Hugh Glass : l'histoire d'un homme hors du commun qui va parcourir cinq mille kilomètres depuis le Dakota du Sud jusqu'au Nebraska pour retrouver ceux qui l'ont trahi... »

Basé sur une histoire réelle, de celles qui ont construit l’histoire de l’Amérique, le bouquin de Michael Punke relève du roman d’aventures comme ceux que je dévorais quand j’étais gamin. Western, avec ses trappeurs commerçant les fourrures, Indiens bons et méchants, forts perdus au milieu de nulle part, mais aussi histoire de pirates avec Jean Lafitte qui s’invite au scénario. Vous allez croire qu’il s’agit-là d’un émule de R.L.Stevenson, las ! Le talent en moins.

Certes le roman se lit bien, mais entre des aventures rocambolesques alternant avec une narration simpliste et le manque de subtilité psychologique des personnages, on comprend vite qu’il y a erreur de public de cible. Ce livre devrait être destiné à un jeune lectorat uniquement. L’écriture manque de puissance ou de souffle pour dépasser la simple relation du récit et intéresser réellement un lecteur moyennement exigeant. Donc, un roman qui se lit facilement et vite, mais « vite » dans le sens de passons rapidement à autre chose. Dommage car la matière scénaristique ne manquait pas, c’est le moins que l’on puisse dire.

 

« Jamais cependant il n’avait vu un corps humain dans cet état, juste après l’attaque. Glass était en lambeaux de la tête aux pieds. Son cuir chevelu pendait d’un côté de sa tête et il fallut un moment à Harris pour reconnaître les éléments qui composaient son visage. Le pire, c’était la gorge. Les griffes du grizzly avaient creusé trois rainures profondes, de l’épaule à l’autre côté du cou. Quelques centimètres de plus et la jugulaire aurait été sectionnée. Le coup de patte avait ouvert la gorge, tranchant dans le muscle et découvrant le gosier. Les griffes avaient aussi coupé la trachée et Harris, horrifié, vit une grosse bulle se former dans le sang qui coulait de la blessure. C’était le premier signe clair que Glass vivait encore. »

 

 

Punke.jpgMichael Punke  Le Revenant  Presses de la Cité – 352 pages –

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jacques Martinache

 

 

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Françoise Chandernagor : Les Dames de Rome

Chandernagor Livre 51WrfifTWSL._BO2,204,203,200_PIsitb-sticker-arrow-click,TopRight,35,-76_AA300_SH20_OU08_.jpgFrançoise Chandernagor, née en 1945, est une écrivaine française Membre de l'Académie Goncourt, elle est la fille d'André Chandernagor, ancien député de la Creuse et ministre du gouvernement Pierre Mauroy. Son roman Les Dames de Rome, qui vient de paraître, est le second volet d’une trilogie nommée La Reine oubliée.

Le roman s'ouvre sur l'arrivée à Rome des trois enfants de Cléopâtre et de Marc Antoine exhibés lors du triomphe d'Octave, avant d'être confiés à Octavie, soeur aînée d'Octave et première dame de Rome, qui vit entourée d'enfants : ceux qu'elle a eu avec Antoine et ceux qu'il avait eus avec sa première épouse. Après la disparition brutale de ses frères qu’on suppose assassinés, Séléné va grandir au milieu de cette tribu impériale, faisant lentement sienne la culture romaine. Si on marie à peine pubères les autres filles selon des jeux d'alliances complexes, Séléné reste une paria. Octavie qui s'est attachée à la petite prisonnière va pourtant manigancer pour lui faire épouser Juba, roi de Maurétanie, de l'autre côté de la Méditerranée, bouleversant le destin de la dernière des Ptolémée.

Je dois avouer que le bouquin m’a été offert, ce qui signifie que je ne l’aurais pas lu de ma propre autorité. Vous devinez où je veux en venir. Je me suis ennuyé à mourir comme rarement, à la lecture de ce roman ! Ces histoires de familles avec des mômes venus de partout par filiation ou carrément adoptés, très peu pour moi. Ca a beau être de l’Histoire, c’est d’un ennui mortel. D’ailleurs l’écrivaine s’en doute, puisqu’elle écrit (page 63) « On s’y perd, hein ? On s’embrouille ? Pas étonnant ! ». Je sais que je ne serai pas compris et même décrié, mais passez-moi l’expression qui résume parfaitement ma pensée en peu de mots, c’est un roman pour bonnes femmes !

L’idée de romancer l’Histoire pour la rendre compréhensible au plus grand nombre est très bonne et louable, le problème c’est que l’écriture est quelconque et qu’on se noie dans cette foule de personnages présentés un peu mièvrement. Du coup on obtient l’effet inverse à celui recherché, ces petites histoires nous fatiguent ou ennuient et on regrettela grande Histoirelue dans les bouquins scolaires, un comble !

Cette sensation est confortée parla longue Notede l’auteur, en fin d’ouvrage, où Françoise Chandernagor reprend son roman en trente pages, mais sous l’angle historique pur, références et état des connaissances actuelles sur le sujet, et là c’est réellement passionnant.

Un roman complètement raté, ou à peu près, pour un cours d’Histoire réussi in extremis.  

« Julie, tendre et libertine, généreuse et fantasque, sera la plus belle des « cent fleurs » poussées sur le terreau de la dictature paternelle, la plus belle et la plus aimée du peuple romain. Pour l’heure, n’écoutant que son bon cœur, elle se désole pour sa cousine Marcella. Elle n’a pas voulu, dit-elle, lui prendre son vieux mari. Et si on lui avait demandé son avis, elle aurait autant aimé, quant à elle, épouser Iullus, qui a vingt ans et qui n’est pas laid. »

 

 

chandernargor_portrait.jpgFrançoise Chandernagor  Les Dames de Rome  Albin Michel

 

 

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10/10/2012 | Lien permanent

Qu’est-ce qu’un bon roman ?

Vous lisez mes chroniques, vous en écrivez peut-être et vous comme moi en venons, à la conclusion de nos billets, par déclarer que tel roman est bon ou mauvais. Mais qu’entend-on par « bon » roman ?

Comme toujours, chacun placera le curseur sur l’échelle des valeurs au niveau qui lui conviendra en fonction de ses goûts et attentes. Néanmoins, j’imagine qu’il existe un seuil de consensus permettant d’affirmer que ce livre est bon et celui-ci mauvais. J’aimerais, par ce billet, que nous puissions dégager ce minimum requis pour pouvoir le déclarer.

Pour moi, un bon roman doit associer une bonne histoire avec une écriture à la hauteur, du moins est-ce la première idée me venant à l’esprit. Mais ce n’est pas si simple, évidemment. Ma seule certitude, un bon bouquin ne peut pas être mal écrit. Eventuellement dans ce cas, il nous fera passer un moment agréable mais il ne pourra jamais être qualifié de « bon » roman. Inversement, un roman très bien écrit, ne suffit pas pour en faire un bon roman.

Une bonne histoire, c'est-à-dire un bon scénario, est-ce réellement impératif ? J’en suis moins certain à la réflexion. J’accepte qu’il ne se passe rien, à proprement dit, si l’aspect psychologique doit primer. Deux types assis face à face dans un fauteuil et discutant tout du long, peuvent faire un excellent roman. Par contre je ne tolère pas les scénarios sans queue ni tête avec des scènes ridicules, sauf s’ils doivent servir à exprimer humour, dérision ou critique. Du coup la notion de « bonne histoire » me paraît moins importante que prévue et plus floue.  

Histoire et écriture, mais il faudrait y ajouter un troisième critère – qui peut être facultatif mais qui ne fera qu’accentuer la beauté de l’ouvrage s’il est présent -, une thématique en arrière plan, à savoir une vision d’écrivain, une fiction insérée dans un contexte social ou se référant aux mœurs d’une époque. Avec le risque d’obtenir un roman trop daté.   

Nous voilà bien. A ce point de l’enquête nous n’avons pas avancé d’un iota ! Il faut du style, oui ; un minium d’histoire, peut-être ; un arrière-plan sociologique pour y mettre de l’intelligence, pourquoi pas. Notre cocktail est particulièrement complexe à élaborer car il s’avère que tout dépend du dosage.

Devons-nous en conclure que la recette du « bon roman » n’existe pas ? Personnellement, c’est un peu ce que j’espère car s’il suffisait de s’y référer pour écrire un bon bouquin, la littérature perdrait tout ce qui fait son charme.

Je vous donne ici l’avis de James Salter, tiré d’une interview donnée au magazine Lire d’octobre : « Nous savons tous reconnaitre un grand livre mais personne ne sait exactement pourquoi il est grand. Ce qui est certain, c’est que ce n’est pas un livre à message, ni un livre à connotation politique, par exemple. Ces derniers peuvent être de bons livres s’ils collent aux obsessions de l’époque, mais c’est insuffisant pour en faire de grands livres. (…) Quoi alors ? Le style ? Je ne crois pas non plus que ce soit suffisant : il y a des livres superbement écrits mais d’un ennui terrible. Je crois que ce qui peut signaler au lecteur un grand livre est la voix de l’écrivain. Certains écrivains sont aphones, d’autres ont une voix. Qui peut expliquer pourquoi ? C’est ainsi. »

Si vous avez un avis sur la question, n’hésitez pas à venir apporter votre contribution au débat, nous sommes tous, j’en suis certain, curieux d’entendre d’autres voix.

 

 

 

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Jonathan Coe : Numéro 11

jonathan coeJonathan Coe, né en 1961 à Birmingham, est un écrivain britannique, diplômé d’une maîtrise et d’un doctorat en littérature anglaise. Il doit sa notoriété à la publication, en 1994, de son quatrième roman, Testament à l'anglaise. Son dernier livre, Numéro 11 qui date de 2016, vient d’être réédité en poche.

Le roman, découpé en cinq parties, pourrait être l’assemblage virtuose de cinq nouvelles presque indépendantes mais pourtant reliées les unes aux autres par différents fils, le principal étant le destin de Rachel et Alison. Deux gamines au début du livre en 2003 et que nous suivrons jusqu’en 2014, perdues de vue puis se retrouvant, devenues de jeunes femmes onze ans plus tard. Ce fameux nombre onze que le lecteur croisera maintes fois durant sa lecture, sous diverses formes, un numéro de maison, ou de bus, voire de table de banquet et même d’un sous-sol…

Cinq histoires, mystérieuse quelquefois comme cette entame du roman quand les deux fillettes découvrent ( ?) un cadavre dans la forêt à moins que ne viennent s’introduire des évènements touchants, tristes, gais ou souriants. Jonathan Coe n’écrit pas un  roman, il peint sous nos yeux une fresque murale multicolore avec des personnages qui vont et viennent, des faits qui s’estompent avant de refaire surface ;  le roman est ainsi fait d’échos qui se répondent d’un chapitre à l’autre.

Tout ceci n’est qu’un prétexte pour l’écrivain pour faire une sorte de bilan de la situation de son pays et par extension, pour certains points, de notre monde : la guerre en Irak, la crise économique, les émissions de téléréalité, les réseaux sociaux, les lanceurs d’alerte… d’où le sous-titre du roman : Quelques contes sur la folie des temps. Sans parler de suite, Numéro 11 n’est pas sans rappeler Testament à l’anglaise, parce qu’on y retrouve certains membres de la riche et vénale famille Winshaw et qu’après la critique des années Thatcher, c’est au tour de Tony Blair de faire les frais du roman. Une satire sociale et politique.

Le roman est  vraiment très bien, le lecteur se régale à lire cette histoire touffue qui file à une belle vitesse et s’amuse in petto quand reviennent sur le devant des situations qu’il pensait oubliées. Mais, comme dans Testament à l’anglaise – est-ce typique de Coe ? je n’avais lu précédemment que celui-là – l’écrivain introduit dans son récit final une dose de fantastique/surnaturel qui de mon point de vue, n’a rien à y faire, même si je vois bien qu’elle lui sert à boucler la boucle avec le début du bouquin. Comme d’habitude il fallait que je crache mon venin mais vous n’êtes pas obligé d’en tenir compte, par contre considérez-vous comme contraints de lire ce roman, vous en retirerez un excellent moment de lecture. Promis ! 

 

« Eh bien soit. Je vais mettre fin à ces élucubrations et tenter de restituer une autre visite à Beverley chez mes grands-parents, l’été 2003. Une visite que je n’avais pas faite avec mon frère, cette fois-là, mais avec ma chère Alison, celle que j’ai enfin retrouvée après toutes ces années d’éloignement incompréhensible et avec laquelle j’ai pu renouer une précieuse amitié. C’est notre histoire, en fait, l’histoire de notre premier rapprochement avant que des forces bizarres, pour ne pas dire absurdes, nous séparent. Et puis c’est aussi l’histoire de… Mais il ne faut pas que j’en dise trop tout de suite. Reprenons au commencement. »

 

jonathan coeJonathan Coe  Numéro 11 Quelques contes sur la folie des temps  Folio – 481 pages –

Traduit de l’anglais par Josée Kamoun

 

 

 

 

« La partie de ce livre intitulée « Le Jardin de cristal » m’a été inspirée par le morceau éponyme de Harold Budd, enregistré dans son album The Pavilion of Dreams (OBS 10) en 1978 » :

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Philippe Charlier : Autopsie des fantômes

Philippe Charlier, Victor Hugo, Arthur Conan Doyle, Philippe Charlier, né en 1977, est un médecin légiste, anatomo-pathologiste, archéo-anthropologue et paléopathologiste français. Il est connu du grand public pour avoir participé à plusieurs émissions de télévision sur l'Histoire, notamment Secrets d'histoire sur France 2, Sous les jupons de l'Histoire sur Chérie 25, et sur la médecine, notamment Le Magazine de la santé et Enquête de Santé sur France 5. Il a co-écrit et présenté une série documentaire, Enquête d'ailleurs, co-produite et diffusée par Arte en 2013 et 2015. Depuis 2021, il dirige la collection Terre Humaine fondée en 1955 par Jean Malaurie. Autopsie des fantômes  Une histoire du surnaturel (2021) vient d’être réédité en poche.

Fantômes, maisons hantées et tables tournantes sont au cœur de nombreux romans frissonnants, sornettes amusantes diront les uns, vérités qu’on se refuse à voir diront les autres. Philippe Charlier tente avec ce petit ouvrage d’en dresser l’historique et d’en démêler le vrai du faux avec son regard de scientifique. 

Toutes ces manifestations ont leur origine dans l’au-delà, c’est-à-dire la mort. Or la mort a toujours été un sujet fascinant pour l’Homme depuis que le monde existe. Des chamans de la préhistoire aux pratiques de sorcellerie du Moyen-Âge, les vivants ont sans cesse tenté d’entrer en contact avec les disparus. Mais c’est le XIXème siècle qui va donner un essor considérable à ces phénomènes, partant des Etats-Unis avec le spiritualisme au sein de la communauté Quaker avant de s’étendre jusqu’à l’Europe où tables Ouija et médiums vont pousser comme champignons après l’averse, surtout en France.

Nous allons croiser des personnalités célèbres, Allan Kardec (1804-1869) pédagogue français, fondateur de la philosophie spirite, mais aussi des gens comme Victor Hugo pratiquant les tables tournantes à Jersey, Arthur Conan Doyle à qui nous devons Sherlock Holmes mais qui se discréditera à la fin de sa vie dans des causes ayant trait au surnaturel ou bien Camille Flammarion (1842-1925) l’astronome français qui étudiera ces phénomènes étranges, citons encore Thomas Edison…

Trouble mental ou superstition, la science a fini par s’intéresser à la question à cette même époque et la concomitance des découvertes scientifiques et technologiques lui a permis de tenter d’enregistrer le son des morts ou de photographier les « fantômes » évoluant autour des médiums et spirites. Ces techniques ont mis à jour nombre de trucages et arnaques.

L’enquête de l’auteur, de Rome à Paris en passant par le Vietnam et l’Ecosse, essaie de répondre à diverses questions comme à qui profitent ces phénomènes extraordinaires et surnaturels ? Ou montrer le rôle social de ces bizarreries, comme en Ecosse, où ces récits mille fois répétés ancrent dans les cerveaux un peu d’espoir pour rassurer ceux qui ont perdu espoir en la vie, oui il existe une autre vie après la mort.

Bilan final : un bouquin bien sage, genre « le spiritisme pour les Nuls », qui n’apprend pas énormément à ceux qui s’intéressent vaguement au sujet comme moi, quelques rappels et informations oubliés ou supplémentaires, seuls les deux derniers chapitres offrent un intérêt - néanmoins discutable - avec une approche psychologique.

 Sympathique mais un peu court/léger.

 

« Le spiritisme est un spectacle. Ce qui compte, c’est l’apparition, le phénomène de l’apparition, le contact, la visibilité : il se passe quelque chose. Mais attention, on n’est pas dans des phénomènes d’apparition religieuse : ce n’est pas la Vierge qui apparaît ou des saints, ce n’est pas Satan, il ne s’agit pas d’exorcisme, même si parfois les frontières sont assez ténues. Il s’agit plutôt d’êtres surnaturels, principalement de fantômes, de revenants (…) Parfois, on en profite pour se rincer l’œil, quand la médium est une femme et que l’occasion est trop belle pour ne pas la dénuder… ou qu’elle s’en sert pour faire de cette scène (et de sa nudité) un espace de relative liberté face au carcan sociétal puritain. »

 

 

Philippe Charlier, Victor Hugo, Arthur Conan Doyle, Philippe Charlier   Autopsie des fantômes  Une histoire du surnaturel   Editions Tallandier Texto  - 295 pages -     

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Jonathan Coe : Le Royaume désuni

jonathan coeJonathan Coe, né en 1961 à Birmingham, est un écrivain britannique, diplômé d’une maîtrise et d’un doctorat en littérature anglaise. Il doit sa notoriété à la publication, en 1994, de son quatrième roman, Testament à l'anglaise.

Son dernier roman, Le Royaume désuni (2022), vient d’être réédité en poche. Une première remarque, j’ai trouvé excellent le titre français donné à ce livre platement intitulé en V.O. Bournville, un jeu de mots amusant qui en résume la tonalité douce-amère.

Le livre est une longue fresque résumant l’histoire du Royaume-Uni, de la fin de la Seconde Guerre mondiale aux années Covid, sans pour autant être un roman historique mais plutôt l’histoire d’une famille anglaise autour d’un personnage central, Mary. De l’Histoire pour les grandes lignes et une histoire familiale plus fouillée, un bouquin pour tout le monde.

Tout commence à Bournville, un village modèle à côté de Birmingham, fondé par la famille Quaker Cadbury pour les employés de l’usine de ses fameux chocolats où travaille le père de Mary. Mary qui épousera Geoffrey Lamb dont elle aura trois fils, Jack, Martin et Peter. Les chapitres du roman scandent la grande Histoire : le Jour de la Victoire (1945), la finale de la Coupe du monde de football entre l’Angleterre, victorieuse, et l’Allemagne de l’Ouest (1966), l’investiture du prince de Galles (1969), le mariage de Charles et Lady Diana (1981), les funérailles de Lady Di (1997) et enfin pour boucler la boucle, le 75e anniversaire du Jour de la Victoire (2020) et le Brexit.

Chacun de ces évènements nous renvoie vers les préoccupations de moments des membres de la famille et de leurs amis, tout en pointant l’évolution de la société à travers leurs réflexions ou attitudes : la multiculturalité qui donne des couleurs au pays, la classe moyenne qui voit arriver le progrès avec la télévision puis les ordinateurs etc… Martin cadre chez Cadbury est devenu lobbyiste à Bruxelles pour défendre « son » chocolat qui ne répond pas aux normes de l’U.E., occasion de faire entrer dans le jeu, Boris Johnson, alors journaliste (« J’ai jamais vu un plus parfait exemple de l’Anglais qui croît que tout lui est dû. »)

Les personnages, nombreux, se croisent, se perdent de vue ou se retrouvent, on se marie, on se sépare, l’un se découvre homosexuel. Les années passent, Mary est désormais veuve mais toujours active, puis elle vieillit.

Un charmant roman malgré un passage à vide en son milieu, avant de repartir vers de très beaux moments plus on approche de la fin, pour le roman et pour Mary, ses souvenirs sont tendres et émouvants, ses « petits » sont sexagénaires. Très touchant.

J’ai bien aimé ce livre, peut-être un peu trop gentil, parfois j’aurais voulu plus de sel et de poivre pour lui donner plus de saveur encore… ?

 

 

« C’est ainsi que les choses se passaient désormais entre eux, depuis la mort de Geoffrey : Mary était incapable de prendre la moindre décision, même anodine, sans consulter ses fils et Peter en particulier. Ils avaient été stupéfaits de découvrir dans les premiers mois de son veuvage, à quel point cette femme dynamique était démunie dans bien des domaines. Elle n’avait encore jamais fait le plein de sa voiture, ni retiré de l’argent à un distributeur, et ils durent l’accompagner dans ces tâches, étape par étape. »

 

 

jonathan coeJonathan Coe   Le Royaume désuni   Folio  - 517 pages –

Traduit de l’anglais par Marguerite Capelle      

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Paul Auster : Seul dans le noir

AUSTER seul dans le noir 16581351_1291237.jpgPaul Auster sait raconter des histoires et créer des cocktails dont les composants troublent délicieusement l’esprit, nous plongeant dans de légères saouleries où réalité et rêve se mêlent, ni trop peu ni pas assez. Pourtant cette fois le breuvage n’est pas très bien dosé, deux tiers d’Owen Brick délectable et un tiers d’August Brill plus banal, laissent un goût d’inachevé dans la bouche quand on repose le verre.

Owen Brick se réveille dans un trou assez profond pour ne pouvoir en réchapper seul. Une main charitable vient à sa rescousse mais en échange on lui demande d’exécuter un homme. Il faut dire, au grand étonnement d’Owen Brick, que les Etats-Unis sont en guerre civile, que les « évènements » du 11 Septembre et la guerre en Irak n’ont pas eu lieu, bref il s’est réveillé dans un monde parallèle où il n’est qu’un pion, pantin dont les ficelles seraient tirées par un invalide qui rêve des histoires pour passer le temps, histoires dont Owen Brick serait le personnage central. La mort de l’invalide permettrait d’arrêterla guerre. Telest le sujet des deux premiers tiers du livre et c’est réellement passionnant et réussi.

Dans le dernier tiers, qui arrive un peu abruptement, nous prenons connaissance d’August Brill, l’invalide, qui est un critique littéraire veuf et à la retraite, vivant chez sa fille divorcée et sa petite fille qui se croit responsable de la mort de son fiancé tué en Irak. L’impotent se remémore sa vie passée, sa femme disparue, et il essaie de comprendre et aider sa fille et sa petite-fille surtout à « vivre dans ce monde étrange qui continue de tourner ».

Sans être un mauvais livre, loin de là, on reste un peu dubitatif, ne sachant pas trop si on vient de lire un ou deux livres àla fois. Maintenantvous me direz, deux livres pour le prix d’un c’est une affaire. Certes, certes…

 

« Et c’est ainsi que naviguent Brick et Flora dans leur rien conjugal, cette petite vie qu’elle l’a persuadé de reprendre avec le bon sens d’une femme qui ne croit pas en d’autres mondes, qui sait que seul existe ce monde-ci, dont les routines abrutissantes, les brèves chamailleries et les soucis financiers sont un élément essentiel, et qu’en dépit des maux, de l’ennui et des déceptions, jamais nous ne serons plus près de voir le paradis qu’en vivant dans ce monde. »

 

paul-auster-2.jpgPaul Auster  Seul dans le noir  Actes Sud

  

 

 

 

 

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09/10/2012 | Lien permanent

Jonathan Coe : Testament à l’anglaise


Coe Livre 418Z41VYZKL._SL500_AA300_.jpgJ’avais emporté le bouquin avec moi lors de mon séjour à Londres il y a quelques jours, le titre me semblant tout indiqué pour m’accompagner et m’occuper dans l’Eurostar. Jonathan Coe est un écrivain britannique né en 1961 qui s’est fait connaître en 1994 avec ce Testament à l’anglaise, son troisième roman.

Véritable saga où les personnages se croisent sans se connaître puis se retrouvent, flash-back et mise en abîme, l’écrivain tel un démiurge manipule ses personnages à son gré et nous entraîne dans la chronique d’une dynastie qui règne dans tous les secteurs de la vie publique de l’Angleterre des années Thatcher.

Un jeune écrivain dépressif et le plus souvent reclus chez lui, Michael Owen, accepte par hasard de rédiger l’histoire des Winshaw à la demande d’une vieille femme, Tabitha Winshaw qu’on dit folle car elle prétend qu’un de ses neveux aurait été responsable de la mort de son frère pendant la seconde guerre mondiale. Son enquête va révéler la vraie personnalité des descendants de cette dynastie. Un banquier véreux, un galeriste pratiquant le droit de cuissage, un marchand d’arme trafiquant avec Saddam Hussein, une journaliste sans morale, un politicien corrompu, la galerie de portraits nous fait tomber de Charibe en Scylla. L’enquêteur s’avèrera moins étranger aux Winshaw qu’il ne l’aurait pensé quand le puzzle commencera à se mettre en place et l’épilogue tragique au plus haut point n’épargnera personne.

Le roman mêle la critique sociale de l’Angleterre des années 80 pendant l’ère Thatcher avec le polar et Jonathan Coe balance des piques contre la télévision ou l’art moderne qui nous éloignent de l’intrigue policière avant de nous y faire revenir mine de rien, quelques pages plus loin, afin de mieux nous ferrer.

Le scénario particulièrement habile nous tient en haleine jusqu’à la dernière page et c’est le paradoxe de ce livre, car à y regarder de plus près certains passages ou scènes sont carrément ridicules – ou bien il s’agit de second degré – surtout la fin du roman quand tout le monde se retrouve dans le manoir isolé sur la lande pour un finale digne d’un film gore de série Z. Je ne sais pas comment Coe s’y prend mais ça fonctionne, j’ai fait abstraction de ces scènes peu crédibles sans effort pour savoir comment se terminerait cette histoire extraordinaire.

     

« Hilary bailla. A sept heures vingt-cinq, ils regardèrent une histoire de médecin écossais avec sa gouvernante, qui paraissait très lente et très provinciale. Alan expliqua que c’était u des programmes les plus populaires. Hilary n’en avait jamais entendu parler. « On commentera demain cet épisode dans chaque bureau, dans chaque usine de Grande-Bretagne, dit-il. C’est ça la grande force de la télévision : elle forme un lien entre toutes les parties dela nation. Elleannule les différences de classe et contribue à créer un sentiment d’identité nationale ». »

 

J COE jc2.jpgJonathan Coe Testament à l’anglaise chez Folio 

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10/10/2012 | Lien permanent

Barouk Salamé : Le testament syriaque

Salamé Livre images.jpgAprès lecture de ce roman, je me pose une question, est-ce réellement un polar ? Si l’auteur avait fait paraître son livre dans une collection traitant de l’histoire des religions il aurait semblé suspect aux lecteurs de ce type de bouquins, inversement en étant publié dans une collection dédiée aux polars il déçoit un peu de prime abord.

Il déçoit car si on s’en tient au strict aspect de l’intrigue, il est un peu pauvre et les évènements s’enchaînent sans que le suspense puisse être qualifié de haletant. L’action est assez molle et les clichés nombreux. Par contre le livre est passionnant pour ce qu’il nous apprend sur l’islam, le coran et les religions en général.

Barouk Salamé est un véritable érudit qui se balade avec une aisance déconcertante entre les différentes religions, leurs philosophies, leurs origines et leurs filiations. Juifs, Arabes, Chrétiens, l’auteur connaît les écrits de chacune des religions du Livre et les cite, les organigrammes des branches divergentes de chacune. D’ailleurs on s’y perd un peu et certains passages sont assez complexes. 

Pour revenir à l’intrigue, un journaliste français rentre d’Afrique avec un vieux manuscrit dont il espère une revente juteuse. Les cadavres vont commencer à s’empiler autour du journaliste car le codex qui pourrait être le testament de Mahomet semble intéresser beaucoup de monde, agents secrets et intégristes algériens. Un commissaire de police particulièrement calé sur les cultures orientales va tenter de démêler l’affaire qui commence à mettre le pays à feu et à sang dans une confrontation entre musulmans et non musulmans.

L’auteur ne cache pas les aspects violents de certains passages du Coran ainsi que ses aspects sublimes. En abordant l’origine chrétienne de l’islam, christianisme qui fut lui-même une secte juive pendant cent cinquante ans et que la religion juive descend du culte monothéiste d’Aton fondé par le pharaon Akhenaton, il nous invite à une réflexion nuancée sur l’histoire des religions.

 

« - C’est une histoire édifiante, en effet. On devrait relire plus souvent la Bible. Continuez.– le livre du Deutéronome, comme son nom l’indique, est la « Deuxième Loi », une reformulation des dix commandements de Moïse. Il y a un commandement concernant les apostats que vous devriez connaître. Il dit « Si ton frère, ton fils ou ta fille, ta femme ou ton ami, cherche à te séduire avec d’autres dieux, tu devras le tuer. » Vous voyez que l’idée de tuer les mécréants n’est pas propre à l’islam. Mais je voudrais rappeler aussi que le Contrat social de Rousseau, qui a inventé l’idée de souveraineté populaire, le socle de la République française, interdit l’athéisme par le bannissement et punit sa publicité par la peine de mort. Est-ce que je continue, monsieur le préfet ? »     

 

Salamé mages.jpgBarouk Salamé  Le testament syriaque  chez Rivages/Thriller    

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16/10/2012 | Lien permanent

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