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Vu Tran : Disparue à Las Vegas

tran vu, Vu Tran est né à Saigon en 1975. Il a grandi à Tulsa dans l’Oklahoma après avoir quitté le Vietnam et donne aujourd’hui des cours de « creative writing » à l’Université de Chicago. Disparue à Las Vegas est son premier roman.

Robert Ruen, un flic d’Oakland, se remet difficilement du départ de sa femme Suzy. Deux ans plus tôt, elle l’a quitté pour aller vivre avec Sonny, un baron de la pègre vietnamienne de Vegas. Quand elle disparaît une nouvelle fois, étonnamment c’est à Robert que Sonny demande son aide. Sous la pression du gangster, Robert traque Suzy à travers Las Vegas. Il en apprendra plus sur son ex-femme qu’il n’en avait jamais su pendant les huit années de leur mariage, notamment sur son arrivée aux Etats-Unis après la chute de Saigon. Peu à peu, le passé trouble de Suzy se dessine plus clairement…

Je ne sais pas vraiment quoi vous dire de ce roman qui m’a laissé froid du début à la fin. Ennuyeux, c’est le seul terme qui me vienne à l’esprit. Rien n’est réellement mauvais mais comme rien n’y est particulièrement intéressant, le lecteur reste en plan attendant le mot « fin », sans joie ni peine, indifférent.

Je vois bien (du moins c’est ce que j’imagine) ce que l’auteur avait en tête, évoquer en toile de fond le sort des réfugiés, ici les boat people ayant fui le Vietnam lors de la chute de Saigon en 1975 et leur nouvelle vie chaotique en Amérique, loin de leurs racines. Mais les bonnes intentions ne font pas les bons livres. Tout est trop mièvre dans ce roman, trop lisse, jamais le lecteur n’en retire d’émotions de quelque nature, les personnages restent finalement assez fades. Et puis cette très mauvaise idée de faire parler en « petit nègre » certains Vietnamiens pour montrer leurs difficultés d’intégration, car à l’inverse, ça casse complètement l’ambiance ou l’émotion que l’écriture aurait peut-être pu transmettre. Je dis « peut-être » mais c’est un crédit dont je n’attends pas vraiment d’être remboursé… Seule bonne idée, Suzy personnage principal du roman, n’est physiquement parlant qu’une ombre ou un souvenir pour les autres acteurs.  

Un roman pas assez mauvais pour que je le descende ou le voue aux gémonies mais que j’ai beaucoup de mal à vous conseiller.

 

« - Je vois clair dans votre jeu, Monsieur Robert. Dès l’instant où vous vous êtes présenté à notre porte, j’ai vu clair. Vous n’avez rien à perdre. Mais cela ne fait pas de vous quelqu’un de courageux, cela fait de vous un crétin. Happy m’a dit que vous n’aviez rien dans la tête. Que comptiez-vous faire ? Tuer mon père ? Lui casser le bras ? L’engueuler ? Tout ce que je vous ai raconté est vrai, je me suis montré parfaitement sincère. Vous êtes cependant trop gouverné par vos émotions pour écouter. Vous vous présentez ici avec l’intention de jouer les héros et sauver votre ex-femme des griffes d’un sale type. Vous voulez qu’on vous dise ce qu’il lui a fait et pourquoi. Alors qu’en fin de compte, la seule chose qui vous intéresse, c’est de savoir pourquoi elle vous a quitté pour une simple gifle et reste ensuite avec un homme qui la pousse dans un escalier. »

 

 

tran vu, Vu Tran  Disparue à Las Vegas  Mercure Noir  - 307 pages – (parution prévue le 19 mai 2016)

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nathalie Bru

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16/05/2016 | Lien permanent

Sándor Márai : Divorce à Buda

sándor máraiSándor Márai (de son vrai nom Sándor Grosschmied de Mára) né en 1900 à Kassa qui fait alors partie du Royaume de Hongrie dans l'Empire austro-hongrois (aujourd'hui en Slovaquie) et mort en 1989 à San Diego aux Etats-Unis, est un écrivain et journaliste hongrois. La vie de l’écrivain fut itinérante, européenne et quasi-vagabonde dans sa jeunesse pour fuir la Terreur Blanche de 1919, hongroise pendant vingt ans, américaine et italienne après le passage de la Hongrie dans la sphère soviétique et le choix par Márai de l’exil qui le mènera de New York à Salerne, en Italie, puis en Californie où il se donnera la mort à 89 ans, quelques mois avant la chute du mur de Berlin. Divorce à Buda date de 1935.

Un soir très tard, Imre Greiner, médecin, se présente au domicile de Krystof Kömives, le juge chargé d’instruire le dossier de son divorce avec Anna son épouse, et déclare : « L’audience ne peut avoir lieu demain parce que cet après-midi j’ai tué ma femme. »

Le roman est construit en deux parties, la première et la plus longue campe la silhouette du juge Kömives, son origine sociale et sa famille, son parcours depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte, son mariage avec Herta et leurs deux enfants, sa carrière professionnelle. Tout ce passé permet à l’écrivain de dresser un portrait psychologique pointu de l’homme, « Trop correct, trop formaliste » selon son supérieur et investi d’une mission claire, « elle consistait à sauvegarder et à conserver », c'est-à-dire « sauver et éduquer la société. »

La seconde partie, et nous en venons au cœur de l’affaire, ressemble vaguement dans la forme à un autre roman de l’écrivain, Les Braises, où deux hommes discutent toute une nuit, dans un huis-clos pesant et lourd de sens. A cette différence près qu’il s’agit ici, non pas d’une discussion mais plutôt d’un long monologue de Greiner. Et à mon humble avis, c’est ici moins réussi même si ce roman est bon.

La situation prend rapidement un tour plus épais quand le lecteur découvre petit à petit, que les deux hommes se sont un peu connus à l’époque où ils faisaient leurs études et qu’ils ne s’étaient plus revus depuis, mais surtout, que le juge a croisé jadis Anna avant qu’elle épouse Greiner. Et c’est ce point crucial que le médecin veut éclaircir avant le lever du jour, quels étaient/quels sont les sentiments de Kömives pour Anna ? Car s’il est certain que sa femme l’a aimé, Greiner sait aussi que son épouse était restée attachée au juge. Cette révélation tardive va ébranler Kömives et soulever des questions sur l’ambivalence des sentiments, la réalité de l’amour total.

L’écrivain greffe son histoire sur une vision critique de la bourgeoisie de son époque et plus largement, sur la crise de la société (« les dossiers qu’il consultait témoignaient de la putréfaction de la famille, dévoilant entre leurs lignes, la « crise » générale de la société… »). Le vieux monde s’effondre, un autre va lui succéder, la longue nuit s’achève, le jour se lève, le juge Kömives « veut croire en ce monde visible et aussi en l’autre, qu’il ne connait pas. »

Un bon roman, un de plus pour cet écrivain que j’invite chaudement tous ceux qui ne l’ont jamais lu, à découvrir au plus vite.

 

«C’est que, déjà, une fermentation des esprits s’amorçait dans les profondeurs de la nouvelle génération, un vague mécontentement grondait, qui cherchait à s’exprimer par des mots d’ordre et des slogans ; les jeunes de cette grande famille se rencontraient au bord de l’abîme qu’incarnaient les extrêmes politiques, mais ils avaient en commun une conviction : la génération qui avait précédé la leur n’était plus capable de maîtriser le mécontentement social par ses méthodes révolues et pieusement charitables. Dans les profondeurs comme dans les hauteurs, aux étages des immeubles où se trouvaient leurs appartements bourgeois, les jeunes de la nouvelle génération préparaient quelque chose. Par tous ses pores Kömives le sentait – et il savait aussi qu’il n’appartenait plus à cette jeunesse. » 

 

sándor máraiSándor Márai Divorce à Buda  Le Livre de Poche – 247 pages –

Traduit du hongrois par Georges Kassai et Zéno Bianu

 

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Gaston Leroux : La Machine à assassiner

gaston lerouxGaston Leroux (1868-1927) est un romancier français. Gaston-Alfred-Louis Leroux grandit en Normandie et après avoir obtenu le baccalauréat de lettres au lycée de Caen, il s'installe à Paris en octobre 1886 où il s'inscrit à la faculté de droit. Devenu avocat en 1890, il exerce cette profession jusqu'en 1893. Pour arrondir ses fins de mois, il écrit des comptes rendus de procès pour le journal L'Écho de Paris. A partir de 1901, devenu grand reporter, il effectue de nombreux voyages en France et à l'étranger, notamment en Espagne et au Maroc. Sa renommée s’appuie sur la série des romans avec Joseph Rouletabille ou ses chefs-d’œuvre comme Le Mystère de la chambre jaune (1907), Le Parfum de la dame en noir (1908) et Le Fantôme de l’Opéra (1910).

La Machine à assassiner est la suite de La Poupée sanglante, tous deux romans de 1923. Si les deux ne font qu’un, à mon grand étonnement ces deux ouvrages sont diamétralement opposés ou, si le terme est exagéré, complètement différents l’un de l’autre. Et ce billet ne pouvant traiter de manière isolée ce second volet sans le comparer au premier, je préviens ceux qui seraient tentés de lire ce diptyque que je risque de déflorer le mystère…

L’intrigue de La Poupée sanglante se résumait grosso modo à l’enchevêtrement de trois mystérieuses affaires : un personnage étrange nommé Gabriel, tenu au secret chez un horloger de l’île Saint-Louis à Paris et finalement assassiné ( ?) par l’orfèvre et son neveu Jacques Cotentin étudiant en anatomie, au grand désespoir de Christine, sa fille ; un relieur d’art, Bénédict Masson, voisin de ceux-ci, amoureux transi de Christine et guillotiné en fin d’ouvrage, reconnu coupable d’assassinat de jeunes femmes dans sa résidence secondaire en grande banlieue ; d’un comte qui semble immortel grâce à la vie qu’il suce en sa femme… Ce premier volet s’achevait en nous laissant en plan, rien de ces mystères n’était certifié avéré et peut-être n’était-ce que notre imagination qui courait à sa guise ? Tout était étrange, le fantastique rôdait dans toutes les pages, le suspense était haletant et l’épilogue incertain attisait une frustration qui faisait de cette Poupée sanglante (titre inapproprié alors) un excellent roman.

 Une suite s’imposait, La Machine à assassiner était là pour répondre à toutes nos interrogations. Et oui, nous avons une explication « logique » à ces trois affaires liées – de ce genre de logique qu’on accepte pour ce type de roman, bien entendu. Réponses qui auront leurs origines dans les progrès de la science et les fantasmes induits chers aux écrivains et, pour ajouter une touche d’extravagance exotique comme on l’appréciait à cette époque, l’entrée en scène, bien que modeste, des Thugs !

Alors en quoi cet ouvrage est-il si différent du premier ? Le premier, c’était comme assister à un merveilleux spectacle de prestidigitation qui vous laisse pantois et ravi, le second c’est d’apprendre comment l’artiste à procédé ! La Machine à assassiner est un vrai polar un peu désuet. Gabriel, « la chose », a enlevé Christine et perpétuerait de nouveaux crimes à l’identique de ceux de Bénédict Masson (déjà guillotiné), la police lui court après et de leur côté, Jacques et l’horloger, qui savent tout, tente de récupérer Gabriel les premiers… Le mystère n’est plus aussi prégnant, la tonalité générale est même à la rigolade ( ?) : des scènes burlesques, des dialogues avec un directeur de la police qui m’ont faire penser à De Funès dans Fantômas etc. Les portraits/croquis de personnages secondaires tous issus des classes populaires (retraités, petits commerçants…) sont très amusants et l’épilogue se clôt sur une note d’humour.

Aussi suis-je bien ennuyé pour conclure. Autant j’ai adoré le premier tome, autant je suis un peu/beaucoup désappointé avec celui-ci : La Machine à assassiner n’est pas un mauvais roman mais il est tellement différent de l’autre, plus vieilli aussi tout en étant plus amusant que je ne sais quoi penser de l’ensemble ? 

PS : j’ai parlé de diptyque – mot qui m’est venu tout seul sous la plume – pour évoquer ces ouvrages, or en recherchant la définition exacte de ce mot dans le Larousse, je lis : « Œuvre composée de deux parties qui s’opposent ou se mettent en valeur par contraste. » Tout est dit.   

 

« Disons tout de suite que cet événement était « un enlèvement », mais quel enlèvement ! D’abord, Mme Langlois : « Je vais tout vous dire, monsieur le commissaire… Faut jamais faire un vœu ni un souhait parce que, c’est comme dans la fable, ça peut vous sauter au nez !… Mlle Barescat, qui nous avait priées à sa camomille, venait à peine de dire : « Je voudrais bien le voir de près, votre Gabriel »… que le voilà justement qui entre, comme un démon de la tempête, tout couvert de sang avec ça… et portant Mlle Norbert, la demoiselle de l’horloger, évanouie sur son bras comme si elle ne pesait pas plus qu’un fichu de dentelle… à elle aussi le sang lui coulait de la figure… Nous avons tous poussé un cri comme vous pensez bien… un cri horrible ! Moi, j’ai crié : « C’est lui, Gabriel !… » « Ah ! Seigneur !… je vivrais cent ans !… Nous étions comme des statues de la terreur, quoi ! devant une invasion pareille !… Cette neige, ce sang !… et cet homme qui nous menaçait de son revolver !… La première fois que j’avais vu cet homme-là chez l’horloger, il m’avait paru beau ! mais maintenant je ne pourrais plus dire ! Je ne vois plus que ses yeux qui étaient épouvantables !… des yeux d’assassin !… »

 

 

gaston lerouxExceptionnellement je ne précise pas l’édition de ce livre car je l’ai lu dans une sorte de fichier PDF imprimé à la va-comme-je-te-pousse, carrément minable mais néanmoins vendu sur internet !!! La photo de l’ouvrage devrait vous permettre d’éviter ce choix, si vous êtes tentés par cette lecture.

Par contre voici où trouver gratuitement ces deux livres : La poupée sanglante et La Machine à assassiner

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02/04/2021 | Lien permanent

François Garde : Marcher à Kerguelen

François Garde François Garde, né en 1959 au Cannet, est un écrivain et haut fonctionnaire français. Sorti en 1984 de l'ENA il est nommé de 1991 à 1993 Secrétaire général adjoint de la Nouvelle-Calédonie. Entre mai 2000 et décembre 2004, François Garde est administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises à la Réunion. Marcher à Kerguelen paru en 2018 vient d’être réédité en poche. 

C’est grâce à son mandat d’administrateur des Terres australes et antarctiques que François Garde découvre les îles Kerguelen, archipel français dans le sud de l'océan Indien, l'un des cinq districts des Terres australes et antarctiques françaises situé à plus de 3 250 kilomètres de La Réunion, terre habitée la plus proche. Il se promet d’y revenir un jour, à titre personnel pour en faire la traversée pédestre, rêve qu’il réalisera plusieurs années plus tard et dont il fait le récit dans cet ouvrage.

Tout d’abord constituer une équipe restreinte d’amis chacun spécialiste dans son genre : Mika, guide professionnel sera le chef d’expédition, Bertrand ancien officier de marine, grand connaisseur du climat et du terrain local, sera le photographe, et Fred, ancien hivernant sur l’île, est le médecin de la troupe. L’expédition durera vingt-cinq jours dans des conditions particulièrement rudes, aussi doivent-ils ne se charger qu’au minimum et se répartir le tout, vingt-cinq kilos dans chaque sac quand même, et par exemple ils prennent une tente pour trois alors qu’ils sont quatre… Ils connaissent le terrain, ils savent qu’ils n’ont pas droit à l’erreur, aucun secours rapide n’est envisageable.

Le décor posé qu’en est-il du récit ?

Personnellement ça m’a laissé assez froid, c’est le cas de le dire ici ! Le paysage minéral est d’une grande tristesse, la faune se sont les oiseaux marins, les manchots et les éléphants de mer, la flore des lichens variés et même ce peu, ils n’ont guère loisir de l’admirer car le périple se fait dans le froid, la pluie et la neige, le brouillard et un vent à rendre dingue (« son bruit, ses gifles, ses caprices, son haleine glacée »).

Je comprends très bien que tous les goûts soient dans la nature et que ce genre d’endroit puisse avoir son charme. En faisant un effort je peux convenir que certains se lancent dans ce type d’aventure pour défier les lois du physique. Je ne conteste donc pas le plaisir de ces marcheurs, mais pour celui du lecteur de ce récit, on repassera. Rien ne m’a fait envie, rien ne m’a étonné ou inquiété, je n’y ai même rien appris de mémorable sur les lieux ou sur la nature humaine. Oui c’est fort bien écrit mais pour moi ça reste une lecture sans grand intérêt d’autant que des récits de ce genre et dans différents coins du globe j’en ai lu un paquet…

 

« Etrange idée tout de même qu’un livre tout entier consacré à la marche. Il repose sur une illusion, voire un mensonge. Qui peut croire que chaque ligne a été écrite pendant l’effort, dans la spontanéité du mouvement et le vagabondage de l’esprit ? A l’évidence, si j’écris pendant que je marche, je tombe. De même qu’un livre traitant de l’amour n’est pas écrit au fond d’un lit, dans la tiédeur des corps enchevêtrés, de même celui-ci n’a pas été rédigé au fil des pas. Rien ne serait plus hypocrite que de laisser croire à la chronique d’un exploit. »

 

François Garde François Garde   Marcher à Kerguelen   Folio – 283 pages –

 

Peut-être que ce fichier audio pourrait vous mettre dans de meilleures conditions ? C’est ICI.

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Adrien Goetz : Intrigue à Brégançon

Adrien GoetzAdrien Goetz, né en 1966 à Caen, est un historien de l'art et romancier français. Auteur de plusieurs romans liés à l'histoire de l'art, il est maître de conférences à Sorbonne Université, membre de l'Académie des beaux-arts et directeur de la bibliothèque Marmottan. Intrigue à Brégançon qui vient de paraître, s’inscrit dans la série « Les Enquêtes de Pénélope ».

Pénélope, l’enquêtrice-conservatrice du Mobilier national, doit moderniser le fort de Brégançon en en remplaçant meubles et décorations. Elle est accompagnée de Wandrille son amoureux par ailleurs fils de ministre. Egalement sur place, Suzanne O’Neill éditrice et Anasthase son photographe, préparant un beau livre sur le monument. Un couple de gardiens, Fabienne et Roger, veille au confort de tous et gère les lieux. Si le fort peut être visité en journée quand le chef de l’Etat est absent, son accès est interdit et le point d’entrée fermé. Pourtant, le matin, on découvre le corps de Marie-Paule Beuvrelu dans la cour ; guide pour l’Office de tourisme de la ville, et amie de la mère de Pénélope, elle a été poignardée avec un coupe-papier offert à François Mitterrand par Helmut Khol…

Adrien Goetz n’écrit pas des polars, encore heureux car ici l’intrigue est nulle et sans intérêt. Par contre il utilise ce genre pour apporter un côté ludique à son véritable propos, nous conter l’histoire du fort de Brégançon.

Interviendront dans le récit, la Résistance avec Jean Moulin et Daniel Cordier, le général de Gaulle et Nikita Khrouchtchev, le couple Pompidou etc. Histoire avec un « H » majuscule, anecdotes et extrapolations à partir de sources fiables, cet angle du roman est instructif et plutôt intéressant car pour l’écrire Adrien Goetz a reçu l’autorisation exceptionnelle de visiter l’intégralité du fort, des appartements privés du président aux caves creusées dans le rocher. Il a eu accès aux très discrets entrepôts où, aux environs de Paris, sont conservées les pièces du Mobilier national qui en proviennent.

Mais globalement le roman est très léger. Ca se lit bien, ça se lit vite, mais comment dire pour être aimable ? Bof !

 

« - Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes, n’est-ce pas Roger ? Appelez-moi Wandrille. Vous allez tout me faire visiter, j’espère. Il y a des souterrains ? C’est bien de travailler ici, il y a pire. On regarde autour de soi, et on imagine, ils étaient tous là, Giscard en short blanc, Chirac contrarié, Bernadette un peu tendue, Hollande en polo trop grand, un musée Grévin sans statues de cire c’est quand même mieux. »

 

 

Adrien GoetzAdrien Goetz   Intrigue à Brégançon   Grasset  - 227 pages -       

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Violette Leduc : Trésors à prendre

violette leducViolette Leduc (1907-1972) est une romancière française. Fille illégitime d’un fils de famille de la haute bourgeoisie de Valenciennes qui refuse de reconnaître l'enfant, elle est marquée par la honte de sa naissance. Une vie difficile et scandaleuse pour l’époque, des liaisons homosexuelles, un court mariage ou des amours masculines sans retour car ce sont eux-mêmes des homosexuels, un avortement où elle manque mourir. En 1939, elle est secrétaire pour la Nouvelle Revue Critique, en 1942 elle commence à écrire des souvenirs d’enfance. En 1945, présentée à Simone de Beauvoir elle en tombe amoureuse et la compagne de Sartre qui reconnait immédiatement son talent, la soutiendra toute sa vie. En 1964 elle frôle le Goncourt pour son roman La Bâtarde, une fiction autobiographique. Violette Leduc a fait de sa vie la matière principale de ses livres, ce qui en fait une des pionnières de l’autofiction. Trésors à prendre, récit datant de 1960, vient d’être réédité.

C’est sur les conseils de Simone de Beauvoir que Violette Leduc va parcourir le sud de la France, sac au dos, Le Puy, Albi, Cordes (« Il y a à Cordes, entre les vieux habitants et les ruines, des barbelés qui sont les barbelés du respect. »), Marseille… A pied, en train ou micheline, en stop, un parcours sans ligne bien définie, rien de rectiligne dans ce qu’elle en rapporte ici. Des repas frugaux (« sardines, tomates, vache qui rit, raisin, sur un banc ombragé… »). Des rencontres bien entendu, mais vraiment très particulières voire mystérieuses (comme ces deux femmes à Albi, une vieille et l’autre avec son parapluie !).

Récit, journal de voyage, un peu des deux ou bien quelque chose de tout à fait différent plus sûrement car ne s’adressant pas aux randonneurs potentiels, l’un des éléments faisant la grande originalité de ce texte.

Disons les choses clairement tout de suite, ce bouquin n’est pas facile à lire. Même pour moi qui aime beaucoup cette écrivaine, j’ai beaucoup peiné à le terminer. Le style est au-dessus de tout soupçon, magistral, la preuve d’une grande écrivaine, mais c’est aussi sa faiblesse car il en rend la lecture complexe pour un lecteur lambda ; je crois que c’est ce que l’on qualifie de livre pour écrivains.

Sous couvert de voyage, le texte est une longue lettre d’amour à destination de Simone de Beauvoir, jamais nommée mais appelée « Madame ». Amour et découverte des régions visitées se rejoignant dans une sorte d’extase quasi mystique (« Moi religieuse dès qu’il s’agit de vous, j’ai frôlé avec mes lèvres l’épiderme ardent de la cathédrale. »).

Un livre où l’esprit tourmenté (euphémisme) de l’écrivaine est particulièrement évident, toujours très sévère avec ceux qu’elles croisent ou carrément raide quand elle évoque ses parents (« Mon père dont je me désintéresse, qui n’a été pour moi qu’un jet de sperme (…), [ma mère] je ne l’accable pas. Elle a été plus qu’humiliée : un cas. »).

 

« Je suis du sexe féminin, mon sexe doit se taire, demeurer neutre, se vouloir faible, effacé dans une salle de douze hommes, douze puissances d’indifférence après le boire et le manger. Que pouvais-je faire ? Prendre la parole, attaquer la gérante, les ouvriers… Je ne me délivre pas d’une éducation innée, de ma saloperie d’hérédité de bâtard, je ne m’en délivre pas surtout dans un cas de terrifiante injustice comme celui-ci. Je ne peux pas parler en public, au-delà d’un auditeur, je ne peux pas m’imposer. Ma réclamation dès le début eût tourné à la clownerie. »

 

 

violette leducViolette Leduc   Trésors à prendre   Gallimard  L’Imaginaire  - 292 pages -  

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30/06/2022 | Lien permanent

Richard Ford : Indépendance

Ford Livre 691286_2843986.jpgRichard Ford né en 1944 à Jackson (Mississipi) a obtenu le Prix Pulitzer en 1996 pour ce roman.

Franck Bascombe est agent immobilier, divorcé de sa femme qui a refait sa vie et élève leurs deux enfants, une jeune fille et Paul un adolescent à problèmes. En accord avec sa mère, Franck va passer le week-end du 4 juillet avec son fils, pour renouer le dialogue et peut-être l’aider à se sortir de ses problèmes psychologiques. Aux Etats-Unis à cette date on fête Independance Day, commémoration de la Déclaration d’Indépendance des colonies vis-à-vis de l’Angleterre le 4 juillet 1776. C’est le récit de ce week-end que Richard Ford va développer sur presque six cent pages assez denses, car l’écrivain n’est pas avare de détails.

Durant ces deux jours nous allons suivre Franck pas à pas, dans son boulot où il tente de vendre une maison à un couple Joe et Phillys bien indécis ou lorsqu’il veut récupérer un loyer impayé dela famille McLeod.Plustard nous rencontrons Karl avec lequel il s’est associé dans une baraque qui vend des hots dogs et dela bière. Enfinnous accompagnons le père et le fils dans un périple qui les emmène visiter des lieux prestigieux liés à l’histoire du baseball, fondements de la culture américaine et donc à même de cimenter leurs relations vacillantes. Las ! Un accident sportif envoie Paul aux urgences pour être opéré d’un œil. Entre-temps l’auteur nous a présenté, Claire une ex qui bossait avec lui et depuis décédée, Charlane la chef-cuisinier avec laquelle il manque de peu d’avoir une aventure, rappelé maintes fois qu’il aime encore son ex-femme, évoqué ses relations difficiles avec Sally qu’il pense aimer et à l’hôpital il renoue –par hasard- avec son demi-frère juif Irv qu’il avait presque oublié.

Entre les propres problèmes, sentimentaux et familiaux, de son héros et ceux des personnages secondaires nombreux qui interfèrent à des degrés plus ou moins importants dans ce long récit, Richard Ford tisse une fresque de l’Amérique telle qu’il la voit en ces années 90. Si parfois on peu s’agacer de digressions qui n’ont pas trop d’intérêt immédiat ou semblent ralentir le cours de l’histoire, comme lors du séjour à l’hôpital du fils et qu’on attend le résultat de ses examens, en fait tout s’imbrique à la perfection et démontre le talent du romancier.

Effectivement il ne se passe pas grand-chose même si mille détails et circonvolutions épaississent le discours, mais en même temps, tous ces riens sont le tout qui constitue nos vies faites de joies, de peines et d’interrogations existentielles.

 

« Sa conviction a elle était inébranlable, simplement et candidement établie : nous étions ridiculement inadaptés l’un à l’autre et nos relations n’iraient pas au bout de la saison ; en même temps, cette liaison erronée lui fut utile en lui permettant de surmonter une mauvaise passe où ses finances étaient précaires, son affectivité en pleine confusion, où elle ne connaissait personne à Haddam et avait trop d’amour propre pour retourner en Alabama. (Le Dr Stopler dirait sans doute qu’elle avait en elle une blessure à cautériser et que je lui ai servi d’instrument chauffé à blanc.) Tandis que pour moi, une fois écarté comme elle l’exigeait le fantasme de permanence, Claire avait mille façons grisantes de donner de l’intérêt, du charme et un exotisme attirant à ma vie de célibataire, elle suscitait mon admiration et préservait mon entrain, pendant que je m’acclimatais à la profession d’agent immobilier et à l’absence de mes enfants. »        

 

Ford richard-ford.jpgRichard Ford  Indépendance  Points          

 

 

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13/10/2012 | Lien permanent

Nick Hornby : Tout comme toi

nick hornbyNick Hornby, né en 1957 à Redhill dans le Surrey, est un romancier, essayiste, journaliste, parolier et scénariste anglais. Il a étudié à l'université de Cambridge puis y a exercé en tant que professeur. Il a également été journaliste pour The Literary Review et The Sunday Times. C'est à la fin des années quatre-vingts qu'il commence à se consacrer à la littérature et plusieurs de ses romans ont été portés à l’écran. Nick Hornby vit et travaille à Highbury, au nord de Londres. Tout comme toi, son nouveau roman, vient de paraître.

Londres en 2016. Les coups de foudre sont imprévisibles, c’est ce qui fait leur charme ou leur inconvénient. Qui aurait pu penser que Lucy et Joseph sortent ensemble, ni l’un ni l’autre très certainement. Lucy, la quarantaine entamée, en cours de divorce avec deux garçons à élever, professeur d’anglais, vivant dans un beau quartier de la capitale ; Joseph, une vingtaine d’années, rêve d’être DJ et bosse à temps partiel dans une boucherie où Lucy fait ses courses mais vit avec sa mère dans un autre coin, comme beaucoup de Blacks comme eux. Il fait aussi du baby-sitting et comme Lucy en cherche un…

Oh, le charmant roman que voilà, tout en tendresse.

Une comédie sentimentale qui n’insiste pas sur la mixité du couple Lucy/Joseph, une difficulté mineure pour l’écrivain mais sur la différence d’âge entre les deux amants. Rencontres secrètes, vis-à-vis des enfants dans un premier temps et des autres, tout baigne mais pour Lucy, plus mûre, insidieusement la taraude la question du futur tandis que Joseph, encore gamin, ne voit que l’instant présent. Tout les sépare en théorie, l’âge, l’environnement social et racial, la culture, d’où des conversations – beaucoup de dialogues dans ce roman – mal embarquées qui déraillent à cause de non-dits francs et de cette exaspérante série de questionnements de Lucy : « Je pense que la seule personne à s’être posée des questions, c’est toi » s’énerve Joseph l’insouciant.

Les gosses sont fous de Joseph qui jouent avec eux et leur parle de football, les copines en manque de Lucy veulent des détails, leur liaison va connaitre des hauts et des bas, d’autres partenaires vont tenter de s’immiscer par ces failles, les familles s’émeuvent. Et tout cela se déroule au moment du référendum sur le Brexit ce qui va cliver la société.

Un bon bouquin, extrêmement plaisant à lire grâce à des personnages très bien campés auxquels on s’attache. L’écriture toute en souplesse n’insiste sur rien et c’est ce qui en fait la force, sous la comédie, délicatement évoqués : le Brexit, les couples avec différence d’âge et de multiples questions en sous-texte comme celle-ci « Ne pouvait-on aimer que ceux qui pensaient comme nous ? »  

 

 

« Lucy n’avait aucun mal à imaginer que Michael et elle formaient un couple, et à comprendre pourquoi il n’en allait pas de même avec Joseph. Elle n’aurait pas pu aller, la veille au soir, à cette soirée d’anniversaire et écouter le set de ce DJ, £Man. Elle aurait détonné, au milieu de tous ces jeunes de vingt ans. Et Joseph n’aurait pas pu l’accompagner ce soir. Il se serait ennuyé, il n’aurait pas été à l’aise. »

 

nick hornbyNick Hornby   Tout comme toi   Stock  - 428 pages -   

Traduit de l’anglais par Christine Barbaste

 

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Renchin Munkhzul : Le Hurlement du vieux loup

Renchin Munkhzul, Tsend Damdinsuren, Donrov Namdag, Chadraabal Lodoidamba, Dugerjav Maam, Tangad Galsan, Tsend Dorjgotov, Dolgor Tsendjav.Renchin Munkhzul est née en Mongolie. Traductrice, elle partage sa vie entre la France et la Mongolie où son agence « Destin Nomade » organise des voyages d’aventure. En 2016, elle a été récompensée par un prix du Ministère des Affaires étrangères de Mongolie pour son travail de traduction en français de la littérature mongole.

Le Hurlement du vieux loup qui vient de paraître, est un recueil de nouvelles mongoles, choisies et traduites par Renchin Munkhzul. Douze textes écrits par sept écrivains : Tsend Damdinsuren, Donrov Namdag, Chadraabal Lodoidamba, Dugerjav Maam, Tangad Galsan, Tsend Dorjgotov et Dolgor Tsendjav. On peut noter que sur ces écrivains, certains sont déjà morts et que le plus jeune est né en 1954… Est-ce à dire que la relève tarde à se montrer ?

Toutes les nouvelles ont un point commun, elles sont toutes centrées sur un animal : cheval, chien, marmotte, gazelle, chameau, ours et loup. Mais contrairement à ce que laisse croire la quatrième de couverture, le loup n’est présent que dans deux textes ; par contre il est vrai qu’il est largement bien servi par celui qui donne son titre à ce recueil. Ecrit par Donrov Namdag, c’est la nouvelle la plus longue et de loin (36 pages), c’est aussi la plus aboutie.

Car soyons objectifs et honnêtes, tous ces textes sont assez faibles. Ils n’ont pour eux que leur naïveté et la simplicité des gens vivant aux limites de la civilisation. Il est donc question de nature, d’animaux et d’hommes, ces derniers souvent décevants quant à leur attitude vis-à-vis de bêtes dites sauvages comme on peut le constater dans des scènes assez cruelles. Par conséquent on lit ces histoires avec plus de curiosité pour leurs auteurs exotiques que pour leur intérêt littéraire ou autre. Il me semble que ça peut faire un bon bouquin à lire aux petits enfants, à l’heure du coucher, d’autant que plusieurs nouvelles adopte le ton du conte pour les veillées, « Vous comprendrez pourquoi dans les lignes qui suivent, car je vais vous conter son histoire. »

Les sept écrivains font l’objet d’une notice de présentation d’où il ressort qu’ils ont souvent eu maille à partir avec l’autorité russe. J’espérais que leurs textes, usant de la métaphore, en soit le reflet, mais soit ça m’est passé au-dessus de la tête, soit c’était franchement trop timide (« Combien de personnes de notre région sont-elles allées en prison pour ne pas avoir rempli leur quota de viande et de lait ! »).

  

« La célèbre louve surnommée Croupe Brune était considérée comme la maîtresse de la montagne sacrée Dugnen. Les éleveurs à qui elle volait du bétail, de peur d’avoir affaire à elle, priait en considérant cette perte comme « un sacrifice à la nature ». Si Croupe Brune ne se montrait jamais à un chasseur armé, elle apparaissait souvent devant des hommes non armés, n’ayant pas peur d’eux et ne prenant pas la fuite à leur vue. Elle poussait même jusqu’à chasser et dévorer le bétail sous les yeux de l’éleveur quand celui-ci était physiquement faible ou à pied. Quand un berger sans fusil levait la main sur elle avec sa houlette, elle arrachait la cuisse du mouton (…) son regard méprisant semblant dire : « Comme toi je suis née dans cette région. Il y a également ma part de viande dans ton repas. » » [« Le Gémissement de la louve » de Tsend Dorjgotov]

 

Renchin Munkhzul, Tsend Damdinsuren, Donrov Namdag, Chadraabal Lodoidamba, Dugerjav Maam, Tangad Galsan, Tsend Dorjgotov, Dolgor Tsendjav.Renchin Munkhzul  Le Hurlement du vieux loup  Editions Tensing – 147 pages –

Traduction du mongol par Renchin Munkhzul 

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30/06/2017 | Lien permanent

Nicolas Fargues : Tu verras

Nicolas FarguesNicolas Fargues est un écrivain français né en 1972 à Meulan. Après une enfance au Cameroun, au Liban, puis en Corse, il entame des Etudes de Lettres à la Sorbonne et rédige un mémoire de DEA portant sur la vie et l’œuvre de l’écrivain égyptien Georges Henein. Suivront deux ans de coopération en Indonésie avant de revenir à Paris, où, entre 1998 et 2002, il est tour à tour agent d'accueil à la Bibliothèque historique de la ville de Paris, lecteur chez Gallimard, pigiste à Nova Magazine et au quotidien québécois Le Devoir, concepteur-rédacteur de bandes annonces pour France 2. Après deux romans, Le Tour du propriétaire (2000) et Demain si vous le voulez bien (2001), il rencontre le succès public et critique avec One Man Show en 2002. Tu verras, est paru en 2011.

Colin, le narrateur, vient de perdre son fils Clément, âgé de douze ans, dont il avait obtenu la garde depuis son divorce d’avec Hélène. Ce décès particulièrement tragique et soudain, remet en cause et donne un nouvel éclairage au passé de parent de Colin.

Tout ce que ce père croyait savoir de son fils n’était qu’aveuglement. En se remémorant les temps récents avec Clément, Colin prend conscience que le monde a changé, le rap, les jeans baggy laissant voir la raie des fesses, tout cela est la réalité d’aujourd’hui, qu’il le veuille ou non. Tous les reproches adressés à son fils, tous ces « Plus tard, tu comprendras que c’est pour ton bien que je te disais ça, tu verras », comme il les regrette maintenant et sont la preuve de son incapacité à avoir compris son enfant. A travers le fils disparu, c’est le père qui se découvre et s’interroge sur sa propre vie, comment a-t-il mené sa barque jusqu’à maintenant, a-t-il fait les bons choix et pris les bonnes décisions ?

L’écrivain interpelle le lecteur, les rôles parents/enfants sont-ils rejoués à l’identique génération après génération. Aimer ses enfants n’est-ce pas aussi les étouffer, de quoi est fait le fameux amour parental ? Mais aussi les familles éclatées et recomposées, vie professionnelle et vie familiale etc. Des questions fondamentales qui viennent enrichir un texte superbe, l’écriture est soignée, la narration subtile et l’émotion très palpable mais très digne.

Dans la dernière partie du roman, Colin part rapidement en Afrique à Ouagadougou, à la rencontre d’une sorte de sorcier local, sensé le délivrer de la souffrance de son deuil. Même si on veut bien accepter ce voyage incongru, la fin ouverte – seul épilogue possible – laissant entendre qu’une nouvelle vie est possible pour Colin, reste un chouïa décevante dans ses dernières lignes. Ce léger bémol n’altère en rien la qualité globale du roman.

 

« « Est-ce que tu était au courant, pour le Facebook de Clément ? » elle m’a demandé d’une voix exsangue mais néanmoins déterminée à ne pas flancher en ma présence. « Facebook ? » Evidemment non, je n’étais pas au courant. De Facebook, d’abord, je ne connaissais à peu près que le mot. Contrairement à la plupart des gens de ma génération, je n’avais pas eu la curiosité de m’y inscrire dans le seul but d’éviter de devenir trop vite un vieux con, préférant m’en tenir avec Facebook, comme avec les MSN, MySpace et autre Twitter, aux mêmes préjugés que je nourrissais vis-à-vis du rap, des émissions de téléréalité et des baggies portés pas comme il faut. »

 

 

Nicolas FarguesNicolas Fargues  Tu verras   P.O.L.  – 194 pages –

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