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28/11/2017

Henri Calet : Fièvre des polders

Henri Calet, Jean Paulhan, Henri Calet (1904-1956), de son vrai nom Raymond-Théodore Barthelmess, est un écrivain, journaliste, homme de radio français, humaniste et libertaire. Né d’un père anarchiste, Calet grandit d’abord dans les quartiers populaires de Paris  puis, pendant la Première Guerre mondiale, sa mère étant flamande, vécut une partie de son adolescence en Belgique occupée. De retour à Paris en 1919 sans véritable métier, il  multiplie les petits métiers jusqu’à son entrée comme aide-comptable dans une société où il travaillera cinq ans, à l’entière satisfaction de ses employeurs, mais sa passion pour les champs de courses l’amène à dérober une forte somme dans la caisse de l’entreprise. Il s’enfuit en Uruguay et y dilapide son argent, avant de revenir en France dans la clandestinité. Cependant, l’amitié qu’il noua avec Michel Matveev, Jean Paulhan et Pascal Pia lui permit de faire paraître ses premières œuvres littéraires, dont La Belle Lurette (1935), récit autobiographique, qui reste son livre le plus connu. Après prescription de ses délits il est enrôlé d’office dans l’armée et connait la débâcle de 1940. Après la libération, il se fit une renommée comme journaliste, écrivant, notamment pour la revue Combat et divers quotidiens et magazines, une série de reportages qui évoquaient la vie quotidienne et les préoccupations des différentes couches de la société française, en particulier des gens les plus humbles, et eut également un franc succès comme auteur radiophonique. Ces réussites n’effacèrent pas sa gêne matérielle, qu’aggravaient une vie sentimentale confuse et le désordre de sa vie personnelle. Une affection cardiaque provoqua sa mort prématurée à l’âge de 52 ans.

Son œuvre compte plus d’une vingtaine d’ouvrages. La Fièvre des Polders, roman commencé en 1936, que Jean Paulhan encouragea Calet à poursuivre en dépit de son statut de hors-la-loi, parut en 1939. Il vient tout juste d’être réédité.

Le roman s’apparente à une chronique familiale se déroulant au début des années 1930, dans un petit village des Flandres, tout proche de la Hollande. Ward, le père, et Nette, sa femme, sont d’anciens bateliers reconvertis. Elle, tient L’Ancre, un estaminet tandis que lui, livre la bière d’un brasseur aux alentours. Odilia, la fille ainée aide sa mère, mais trop sage elle n’attire pas les clients ; Basilius, le fils, fraye avec les écumeurs qui pillent les péniches de passage et dont le quartier général est installé dans un troquet concurrent, ce qui ne peut qu’envenimer les relations entre père et fils. Anneke, la cadette va à l’école, toujours dans les jupes de grand’mère, la mère de Nette, une guérisseuse, accoucheuse, chargée de la toilette des morts et toujours à critiquer son gendre. Gendre qui prête facilement aux reproches, un peu feignasse, mauvais commerçant et s’attardant trop longtemps chez une veuve lors de ses livraisons…  

Henri Calet décrit avec un humour discret, quand les scènes sont drôles, et beaucoup de tact, quand elles ne le sont pas, la vie quotidienne de ces petites gens qui vivent en vase clos. On s’amuse des tournures de langue locale (« Ward avait appris des mots de français, à tout le moins à jurer comme les Franscouillons, none de dju. »), des surnoms épatants de ses personnages annexes (Mie Jambon, Siska-la-paille, Franscouillon…), des récriminations de la vieille etc. Mais ne nous y trompons pas, la teinte générale du roman tire plutôt vers la grisaille ou plus sombre encore car tout va aller de mal en pis. Commerce ruiné, décès des parents, Odilia tombant de Charybde en Scylla, inceste, viol qui ne dit pas son nom et enfin prostitution de proximité.

Roman noir où d’humbles gens se débattent pour survivre avec leurs modestes moyens, partagés entre des espoirs (une caserne pourrait voir le jour à proximité et générer du chiffre d’affaires) et des inquiétudes (la ville proche gagne du terrain et amène une modernité qui effraie). Pas mal donc, mais ce n’est pas le meilleur Henri Calet si je m’en réfère à La Belle lurette par exemple.  

 

« Sans lâcher Anneke, la grand’mère s’arrêta un instant pour uriner debout en ouvrant seulement un peu les jambes. Elle répéta : « Trop tard. » Deux grosses chauves-souris volaient bas. Anneke couvrait sa tête de sa main libre, de peur qu’elles ne se prennent dans ses cheveux. Puis la grand’mère et la fillette repartirent, à peine plus grande l’une que l’autre, tant la vieille se voûtait, l’enfant toujours tenue par la main, comme en laisse, sur le petit chemin noir, escortée par les deux chauves-souris, ces oiseaux qu’il ne faut tuer en aucun cas, sous peine des pires calamités. »

 

Henri Calet, Jean Paulhan, Henri Calet  Fièvre des polders  L’Imaginaire Gallimard – 196 pages -