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04/04/2022

Jack Kerouac : L’Océan est mon frère

jack kerouacD’origine canadienne, Jean-Louis Kérouac ou Jean-Louis Lebris de Kérouac dit Jack Kerouac (1922-1969), est un écrivain et poète américain. Les œuvres les plus connues de Kerouac, Sur la route (considéré comme le manifeste de la Beat Generation), Les Clochards célestes, Big Sur ou Le Vagabond solitaire, narrent de manière romancée ses voyages à travers les Etats-Unis. L’Océan est mon frère qui vient de paraître, est un roman inachevé (1942) et inédit de l’écrivain.

Wesley Martin, jeune marin a déjà beaucoup roulé sa bosse, que ce soit sur terre à travers les Etats-Unis ou sur mer aux quatre coins du monde depuis une dizaine d’années. Actuellement à New York, il profite de cette pause pour boire des bières et prendre du bon temps. Dans un bar il fait la connaissance d’un groupe d’amis et il va se lier avec Bill Everhart, enseignant à Columbia. Nuit bien arrosée, discussions passionnées et Bill de prendre conscience de sa condition, une petite vie étriquée entre son père impotent et le couple de sa sœur. Wesley lui semble une révélation, lui l’homme libre avec un esprit de pionnier. Sur un coup de tête il décide de quitter son job universitaire pour s’engager dans la marine marchande aux côtés de Wesley…

La première précision qui s’impose : oui, il s’agit d’un inédit, oui, il s’agit de plus du premier roman écrit par Kerouac et oui, encore, il est inachevé, mais contrairement à ce qu’on pourrait craindre et qu’on a pu constater dans d’autres cas similaires, c’est un très bon roman ! Même la notion d’inachevé ne prête pas à conséquence, le bouquin tient très bien ainsi et si ce n’était la ponctuation finale et ambigüe […] on peut très bien imaginer qu’il s’achève là.

Le roman n’a rien de maritime puisque tout se déroule avant le départ du navire. Il y est question de politique, la guerre est déclarée, certains des intervenants ont combattu en Espagne contre Franco, résolument antifascistes, d’autres prônent le communisme et voudraient aller en Russie, discussions dans les bars avec le groupe d’amis ou de rencontres. Quand Bill décide de s’engager, les deux compères vont rallier Boston en stop, où ils s’engageront sur un navire marchand participant à l’effort de guerre. Ce voyage « décoiffant » pour Bill jamais sorti de ses bouquins est l’occasion pour les deux hommes d’évoquer leur vie, deux vies bien opposées on s’en doute, ce qui ne fait qu’exciter Bill à muer vers cette fameuse liberté qui n’était qu’un concept intellectuel pour lui jusqu’alors.

Une très belle scène assez émouvante à Boston quand Wesley rencontre impromptu, sa femme Edna. Car notre héros est marié mais l’a larguée comme on largue les amarres, irrésistiblement attiré par l’océan. Edna qui l’aime encore et l’attend.

La fin du roman se passe sur le navire, chacun a un job bien précis à accomplir, puis c’est l’heure du départ, le navire marchand escorté par un destroyer s’élance sur les mers où dans les profondeurs guettent des sous-marins allemands… Des hommes jeunes, plein de vitalité et d’espoirs, affamés de vie, quel sera leur destin ? Honnêtement, je ne vois pas comment le roman aurait pu se terminer autrement.

Si on part du principe que dans un premier roman un écrivain met beaucoup de lui-même, si on compare ce texte avec sa biographie on y trouve de multiples détails qui abondent dans ce sens. On peut même avancer que Wesley et Bill sont deux facettes de Jack.

Vous lirez ce bouquin parce qu’il est bien écrit mais surtout parce qu’il est terriblement frais, il y règne une certaine naïveté et un genre d’optimisme qui font plaisir à rencontrer, une denrée qui semble épuisée de nos jours.

 

« « - Tu as mené une vie plutôt insouciante, hein ? poursuivit Everhart. Débauche dans les ports et retour en mer. ET pendant ce temps… - Exact. – Tu ne t’es jamais soucié de planter des racines dans la société, je suppose. – Essayé une fois, essayer de planter des racines, comme tu le dis… J’avais une femme, un bébé en route, un boulot stable, on avait une maison. » Wesley s’interrompit et but une gorgée pour faire passer les pensées amères. Il continua : « Je me suis tiré après la naissance du bébé, mort-né, ce genre de conneries. Je suis parti sur la route, j’ai vagabondé dans tous les Etats-Unis et j’ai fini par m’embarquer. » »

 

 

 

 

jack kerouacJack Kerouac   L’Océan est mon frère   Gallimard  - 203 pages -    

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Guglielmina

 

 

 

 

 

« Derrière eux, un marin glissa une pièce dans le juke-box et se mit à danser lentement à travers le bar pendant que Bing Crosby chantait Please Don’t Take My Sunshine Away. »

07:00 Publié dans Etrangers | Tags : jack kerouac | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |