21/09/2023
Sebastian Barry : Au bon vieux temps de Dieu
Sebastian Barry né en 1955 à Dublin, est un écrivain irlandais. Il est l'auteur de pièces de théâtre, de romans et de poèmes, publiés depuis le début des années 1980. Au Bon vieux temps de Dieu, son nouveau roman, vient de paraître.
Irlande au milieu des années 90’. Tom Kettle, inspecteur de police, retraité depuis quelques mois, s’est glissé dans une vie tranquille dans la banlieue de Dublin et peut imaginer qu’il en soit ainsi jusqu’à ses derniers jours. Hélas, le destin est toujours imprévisible et lorsque deux anciens collègues débarquent à l’improviste chez lui pour lui demander de l’aide au sujet d’une vieille affaire d’abus sexuels au sein de l’Eglise, Tom se retrouve douloureusement confronté à son passé…
Un passé terrible. Sa femme June, le grand amour de sa vie, suicidée ; son fils assassiné à Albuquerque aux Etats-Unis ; sa fille avocate, d’overdose. Et comme si cette charge de malheurs n’était pas assez lourde, antérieurement il y eut pire encore, June avait été violée régulièrement entre six et douze ans par un prêtre de son orphelinat, tandis que Tom lui-même élevé dans un autre de ces lieux avait été brutalisé et vu des sévices innommables sur d’autres enfants.
Si le cerveau de Tom avait réussi jusqu’ici à maintenir tous ses souvenirs dans une boite de Pandore intime, un déni salutaire à première vue, l’intrusion de ses ex-collègues venus lui demander conseil, ouvrira cette boite et un à un, les souvenirs reviendront à la surface, d’autant plus pénibles à réveiller que la police est aujourd’hui sur la piste d’un prêtre pédophile qui s’avère être le complice de celui qui a violé June !
Réalité ? Passé reconstruit, bricolé comme ça arrange Tom ? Sebastian Barry dresse le portrait psychologique d’un homme prisonnier de deux maux, les premiers signes tangibles de la vieillesse, la mémoire qui lâche doucement, cet autre nous-même qui nous devient étranger (« Tom ne reconnaissait pas les parties de son corps qu’il voyait dans le miroir »), et en dépit de ces trous dans son passé, ces remontées de souvenirs d’abord flous puis prenant de la consistance lentement, ce que lui mais surtout June ont enduré enfants, ce qui en a suivi et peut-être comment une certaine justice a été rendue ?
Même si globalement le lecteur suit le déroulé du récit déroulé petit à petit, la part d’ombre et de mystères subsistera car la parole de Tom reste sujette à caution sur certains points, d’une part parce que ses souvenirs ne sont pas très fiables et d’autre part parce qu’il a enfoui au plus profond de lui un secret concernant June. Roman sans fin, qui laisse le lecteur sonné : comment de telles souffrances peuvent-elles être causées par des hommes ? Et comment peuvent-elles être endurées et supportées par d’autres ?
« Certes, l’histoire était peuplée d’atrocités. Des choses tellement atroces qu’elles étaient au-delà de la description, alors pendant des années, Tom n’avait pas cherché à les décrire, à personne et surtout pas à lui. Il ne pouvait laisser cette succession d’horreurs se reproduire dans son cerveau. Il devait penser à tout le reste avant ça. Il devait penser à des choses qui n’existaient pas, s’adresser à des âmes virevoltantes qui n’existaient pas. Plutôt voir des fantômes que de raconter son histoire. Coincer son esprit dans un énorme étau en métal victorien. Mais c’était fini. »
Sebastian Barry Au bon vieux temps de Dieu Joelle Losfeld Editions - 252 pages -
Traduit de l’anglais (Irlande) par Laetitia Devaux
06:00 Publié dans Etrangers, ROMANS | Tags : sebastian barry | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |