13/07/2023
Laurent Tournesac : Cher Monsieur l’éditeur
Après une adolescence en Angleterre, une expérience maritime, un séjour prolongé dans une île de l'océan Indien et une carrière au sein du ministère de l’Intérieur, Laurent Tournesac se consacre entièrement à la littérature. Ses tiroirs sont remplis de manuscrits. Cher Monsieur l’éditeur, qui vient de paraître, est paradoxalement le premier à en sortir sous forme de livre.
Combien de chefs-d’œuvre de la littérature mondiale ont été rejetés par des éditeurs, combien de refus ont dû être essuyés par les plus grands cadors des lettres (Orwell, Proust, Nabokov, Woolf etc.) ? Mille anecdotes sur ce sujet nous sont familières mais c’est néanmoins sur ce thème que Laurent Tournesac a construit son bouquin, une sorte d’essai romancé (?) écrit sous la forme d’une lettre adressée à un éditeur…
Je ne m’attarde pas sur les très nombreux exemples de livres refusés à des écrivains par les éditeurs, ils sont souvent déjà connus mais prêtent toujours à sourire (avec le recul c’est facile de se moquer !) et c’est agréable à lire, l’auteur ne se prend pas trop au sérieux, son « essai » à des allures de roman.
Le texte devient légèrement plus sérieux quand il s’agit d’analyser le pourquoi des refus. Là ça devient complexe à expliquer (on exclut tous les livres tendancieux ou licencieux) et les raisons sont multiples, l’une d’elles nous rappelle que la littérature est un métier, ce qui oblige à oublier le « romantisme » que certains voudraient y voir régner, l’écrivain écrit mais l’éditeur vend ! Deux logiques s’affrontent et le plus souvent la plume s’incline devant le bilan comptable : « De plus en plus de livres sont publiés pour leur potentiel commercial supposé », « La décision de publier ou non tel ou tel livre n’est plus prise par les éditeurs mais par ce qu’on appelle « le comité éditorial » où le rôle essentiel est tenu par les financiers et les commerciaux. »
Un livre amusant et sérieux tout à la fois mais qui, paradoxalement, donne surtout envie d’en lire un autre, celui de Michel Deguy (Le Comité. Confession d’un lecteur de grande maison.) car largement cité durant les quinze dernières pages, c’est ce qui est le plus intéressant et réellement critique dans le livre de Laurent Tournesac !
« Alors qu’il a jusqu’ici été au service de la création, l’éditeur petit à petit devient un véritable opérateur culturel. Un acteur qui, loin de s’en tenir à son rôle premier de médiateur entre l’auteur et le lecteur, se fait fort désormais d’adapter la création au goût supposé du public. Insensiblement la mission de l’éditeur n’est plus d’imposer la création auprès du public mais d’imposer le goût du public aux créateurs. Plus l’édition bascule dans une économie de la demande et non de l’offre, plus l’éditeur cesse d’être un lecteur au nez fin pour devenir un spécialiste du conditionnement et du lancement. »
Laurent Tournesac Cher Monsieur l’éditeur Le Cherche Midi - 192 pages -
07:00 Publié dans ESSAIS | Tags : laurent tournesac, michel deguy | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |