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11/12/2013

Reif Larsen : L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet

Larsen Livre 2.jpgReif Larsen, né en 1980 dans le Massachussetts, est un écrivain américain surtout connu pour son bouquin L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet  paru en 2010. Enseignant à l’Université de Columbia, il est aussi cinéaste, il a réalisé des documentaires aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Afrique subsaharienne sur les étudiants en arts. Son roman adapté au cinéma par Jean-Pierre Jeunet est sorti en salles en octobre dernier.

La famille Spivet vit dans le Montana. Le père est un vrai cow-boy et tient le ranch, la mère est entomologiste ne semblant vivre que dans l’espoir de trouver une espèce rare de cicindèle, la fille aînée Gracie, seize ans, « veut être actrice et déménager à Los Angeles », le fils cadet Layton s’est tué avec un fusil. Entre ces deux enfants, il y a Tecumseh Sansonnet Spivet, douze ans, passionné de cartographie et illustrateur scientifique de génie, introverti et peut-être aussi atteint de TOC (troubles obsessionnels compulsifs). Un jour il reçoit un appel inattendu du Smithsonian museum, le prenant pour un adulte et lui annonçant qu’il vient de gagner le prix Baird. Il est invité à venir faire un discours lors de sa réception. A l’insu de sa famille, T.S. décide de partir seul à Washington, dans un train de marchandises, un voyage de quatre milles kilomètres.

Attention bouquin génial ! Je n’ai pas vu ce sticker sur la couverture, mais ce n’est pas grave puisque je suis là pour vous le dire. Tout est bien là-dedans et si j’écris « tout », c’est qu’il ne s’agit pas seulement d’un roman mais d’un ovni littéraire. Il suffit de le prendre en main chez votre libraire préféré pour comprendre ce que je veux dire. Gros livre au format presque carré, en feuilleter quelques pages vous plonge immédiatement dans l’extase car en plus du texte, les larges marges sont remplies de croquis, dessins, notules et autres enluminures. Chaque page est un éblouissement. Ce simple geste vous replonge dans l’enfance, vos premiers livres, illustrés, plein de trucs et de machins à décrypter qui font d’un livre un trésor comme aiment à s’en inventer les gamins. Là, il faut rendre hommage à l’éditeur, car je suppose que ce fut un gros boulot d’imprimerie.

Quant au roman, il est bien entendu dans la même veine. Un gosse de douze ans, qui part tout seul pour un long périple, voyageur clandestin dans un train de marchandises, et là c’est l’adolescence du lecteur qui est titillée quand il se souvient des récits de hobos à la Jack London ou des chansons de Woody Guthrie. Son bagage, un télescope, des compas et un carnet des Mémoires de son arrière-arrière-grand-mère. Voyage dangereux car il ne faut pas se faire prendre par un contrôleur, se méfier de certaines rencontres, mystérieux aussi puisqu’il croisera les membres d’un Club secret et des souterrains inconnus. Tous les ingrédients de la grande aventure.   

Pour autant ce n’est pas un livre pour les gosses, il faut savoir bien lire et ne pas avoir peur de s’engager dans des digressions, soit par le texte, soit par les notes dans les marges. L’auteur ne lésine pas sur les détails et les précisions descriptives. Le plus étonnant étant le décalage entre l’âge du narrateur et ses réflexions ou l’étendue de ses connaissances. Reif Larsen n’hésitant pas à ponctuer son roman de sentences existentielles ou qui comme celle-ci, est peut être le secret du bonheur : « La vie fera de son mieux pour te chier dessus, mais si tu te cramponnes à tes seize ans jusqu’à la fin de tes jours, tu devrais pas trop mal t’en sortir. »

Voyage initiatique surtout, T.S. Spivet qui se sentait un peu seul au monde avant son aventure, entre un père vivant dans le souvenir d’un fils préféré décédé et une mère trop accaparée par ses recherches scientifiques, va découvrir que l’amour parental peut prendre des formes inattendues. Un roman délicieusement épatant qui pourrait faire un excellent cadeau pour vos fêtes de Noël.      

 

« Cartographier un roman est une tâche difficile. Parfois les paysages imaginaires m’offraient un refuge, un répit dans la mission que je m’étais assignée de cartographier le monde réel dans sa totalité. Mais ce répit était toujours assorti d’un sentiment de vacuité : je savais que je me leurrais, que l’œuvre de fiction n’était qu’une illusion. Sans doute certains parviennent-ils à justifier le plaisir de l’évasion par la conscience du leurre, peut-être est-ce précisément là tout l’intérêt des romans, mais pour ma part j’ai toujours trouvé difficile d’accepter cette cohabitation de la réalité et de la fiction. Peut-être faut-il simplement être adulte pour réaliser ce numéro d’équilibriste qui consiste à croire tout en ne croyant pas. » 

 

Larsen.jpgReif Larsen  L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet  NiL éditions

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Hannah Pascal

 

 

08:04 Publié dans Etrangers | Tags : reif larsen | Lien permanent | Commentaires (4) |  Facebook |