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17/11/2022

William R. Burnett : Quand la ville dort

William R. Burnett William Riley Burnett (1899 - 1982) est un écrivain de roman noir et un scénariste américain. Après l'obtention d'un diplôme en journalisme, Burnett fait plusieurs petits métiers, dont celui de statisticien pour l'Etat de l'Ohio, et écrit cinq romans qui ne trouvent pas d'éditeur. Déçu, il part pour Chicago où son travail à la réception d'un hôtel lui permet d'observer le monde des truands et des trafics en tout genre. Il trouve là son inspiration et publie en 1929 Le Petit César qui remporte un vif succès. La réussite de l'adaptation de ce roman au cinéma en 1931, réalisée par Mervyn LeRoy et qui révèle Edward G. Robinson, lui ouvre les portes d'Hollywood. A son actif de nombreux petits bijoux du roman noir comme celui-ci qui vient d’être réédité, Quand la ville dort (The Asphalt jungle) publié en 1949 et dont une adaptation cinématographique a été réalisée par John Huston en 1950, avec Sterling Hayden et Marilyn Monroe.

Une grande ville américaine imaginaire, genre Chicago. Riemenschneider, dit « le Doc », à peine libéré de prison, constitue une équipe pour dérober un fabuleux butin dans la bijouterie la plus réputée de la ville. Cobby, le plus grand bookmaker de la ville, le branche sur Emmerich un puissant et rupin avocat chargé de financer le coup. Louis, « un petit gars mince et pointilleux, qui parlait sans cesse de son môme » devra ouvrir le coffre et Dix, « un homme dangereux (…) tueur potentiel », sécurisera l’entreprise. Evidemment, rien ne va se dérouler comme prévu… et leur rêve à tous de réaliser le dernier coup pour changer de vie, va s’avérer fatal.

Un excellent roman noir, l’un des grands classiques du genre. 

Tout d’abord, il y a la ville. Tentaculaire, nuit, pluie, froid, où seuls les types louches et la police ne dorment pas à ces heures. Omniprésente, comme une chappe d’inquiétude permanente, elle donne le ton du bouquin. Le roman débute doucement, tranquille, d’une écriture sèche et froide, puis au fur et à mesure, l’intensité dramatique va monter en puissance, soit par le suspense lors du casse, soit et là on touche le cœur du livre, par les portraits psychologiques des uns et des autres et leurs liens.

L’intrigue je vous la laisse découvrir. Ce sont les acteurs qui font tout le sel du roman. Ce qu’ils sont ou donnent à voir au début, puis comment ils se découvrent quand ça va mal tourner. Il y a Gus, un petit bossu qui tient un snack où les nuiteux se sustentent, ses oreilles sont à l’écoute de tout ; Louis, un gars bien sympa avec une famille aimante ; « le Doc » dont le vice, ce sont les très jeunes filles… ; Emmerich, richard aux yeux du monde, entretenant une maîtresse trop jeune pour lui et écervelée, et dont on va découvrir qu’il n’est pas réellement l’homme de la situation ; et puis il y a Dix, mon préféré. Un gros dur, solitaire et taiseux, en ménage à l’insu de son plein gré avec Doll, une entraineuse « d’une vulgarité assez plaisante », follement amoureuse de son homme. Prête à tout sacrifier pour le sauver, son amour collant va finir par toucher Dix.

Je ne peux pas m’étendre plus sur la psychologie des différents rôles sans révéler toute l’histoire. Sachez qu’il y a des passages extrêmement touchants entre Dix et Doll, Louis et sa femme et d’une certaine manière entre Emmerich et sa femme trompée et malade imaginaire… Sous un apparent mépris macho, ces hommes ont un cœur qui parfois s’attendrit.

Je l’ai dit, un classique du genre, un quasi chef-d’œuvre.

 

 

« Dix était rongé par l’envie de rentrer chez lui – de revoir ce pays merveilleux et qui sait, d’y rester pour toujours. Il se sentit soudain animé d’une haine violente pour cette ville monstrueuse qui pulsait et vibrait sur plusieurs kilomètres et dans toutes les directions derrière les fines cloisons du réduit. « Et comment, que je vais le prendre, ce fric, se dit-il avec rage. Et quand j’aurai en poche ce qui me revient, je rentre chez moi. C’est là que je suis moi-même, et pas ailleurs. Dans ce sale trou, je suis comme un poisson dans l’eau. » »

 

 

William R. Burnett William R. Burnett   Quand la ville dort   Folio   - 338 pages -     

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par J.-G. Marquet

Traduction révisée par Marie-Caroline Aubert