05/09/2015
Arnaldur Indridason : Etranges rivages
Arnaldur Indridason, né en 1961 à Reykjavík et fils de l'écrivain Indrid G. Þorsteinsson, est un écrivain islandais. Après un diplôme en histoire à l’université d'Islande, il exerce les métiers de journaliste, scénariste puis critique de films. Entré en littérature en 1997, une bonne part de ses romans policiers a donné plusieurs best-sellers. Etranges rivages est paru en 2013.
Erlendur, enquêteur et héros récurrent de l’écrivain, est en vacances. Il campe de manière spartiate dans ce qui reste de la maison où il vécu enfant, dans la région sauvage des fjords de l’Est. Si la nature est belle, elle sait aussi être rude et tragique. Erlendur ne le sait que trop bien puisque c’est sur cette lande d’Islande que son jeune frère a disparu pour toujours quand enfants tous les deux, ils ont été pris dans une tempête de neige. Région sinistre encore puisque dans les années quarante, un groupe de soldats anglais s’est perdu dans ces montagnes pendant une tempête faisant de nombreux morts et que cette même nuit, une jeune femme a disparu dans ce même secteur et n’a jamais été retrouvée. Cette histoire excite la curiosité d’Erlendur, qui va fouiller le passé pour trouver coûte que coûte ce qui est arrivé à Matthildur.
De cette époque ancienne il ne reste que peu de survivants, Jakob l’époux de Matthildur est décédé, Ezra l’ami proche du couple est très âgé, tout comme les sœurs de la disparue. Par ses questions incessantes Erlendur va s’immiscer dans la vie privée des uns et des autres, remuer des souvenirs tragiques que certains préféreraient taire à jamais et lentement notre enquêteur va flairer l’embrouille, Matthildur est-elle réellement morte durant la terrible tempête comme le prétendent tous les témoins d’alors ?
Un roman absolument magnifique et particulièrement émouvant sur le deuil, ou plus exactement comment faire son deuil quand les corps des victimes ne sont pas retrouvés. La question se pose pour Ezra mais aussi pour Erlendur, le premier pleure en vain une femme dont il ne sait exactement ce qui lui est arrivé, le second un frère dont il se pense responsable du décès. Dans une interview l’écrivain déclarait : « Mes romans traitent de disparitions, mais ils ne traitent pas principalement de la personne qui a disparu, plus de ceux qui restent après la disparition, dans un état d'abandon. Je m'intéresse à ceux qui sont confrontés à la perte. »
Arnaldur Indridason a une écriture très douce, la formule n’est pas terrible j’en conviens, mais à le lire c’est le sentiment que je ressens. Une empathie pour ses personnages, une certaine mélancolie ou une infinie tristesse dans le déroulé de l’intrigue, car si des faits horribles ont été commis, les circonstances les excusent-ils ? La justice doit-elle toujours frapper, même après tant d’années, le remords n’est-il pas une peine plus terrible encore ? Autant de questions que le lecteur se pose en refermant l’ouvrage.
« Il y avait toutefois dans l’histoire de Matthildur quelque chose qui le touchait, elle éveillait chez lui une forme d’empathie et cela lui donnait l’impression d’être lié à cette affaire. Il ne savait pas exactement de quoi il s’agissait. Sans doute la vie misérable qu’Ezra avait menée. Son existence tout entière n’était qu’un champ de ruines dont le centre était la disparition de sa bien-aimée. S’il disait vrai, il n’avait effectivement jamais obtenu le fin mot de l’histoire. Erlendur savait mieux que personne combien il était difficile de vivre dans ces conditions. »
Arnaldur Indridason Etranges rivages Métailié Noir - 300 pages –
Traduit de l’islandais par Eric Boury
07:44 Publié dans POLARS | Tags : arnaldur indridason | Lien permanent | Commentaires (6) | Facebook |
Commentaires
J'avais été très déçue par "le duel" ,je ne sais pas si je vais me frotter à un autre livre de cet auteur
Écrit par : luocine | 06/09/2015
Vous connaissez la formule, « les goûts et les couleurs… », de plus je n’ai pas vocation (ni le pouvoir) de forcer les gens à lire ce qu’ils ne veulent pas mais je suis très étonné que cet écrivain puisse décevoir. Ses bouquins allient une écriture paisible aux vertus quasi thérapeutiques, un format court pour ne pas épuiser le lecteur et une réflexion sur la vie en général. La seule critique que je comprenne, les amateurs de polars purs et durs avec intrigue bien torchée pourraient se sentir lésés… Faites un nouvel essai et si là encore ça coince, alors effectivement vous pouvez laisser tomber !
Écrit par : Le Bouquineur | 06/09/2015
C'est de très loin mon préféré d'Indridason, je l'ai trouvé presque poétique parfois.
Écrit par : Valérie | 06/09/2015
Je n’ai pas lu tous les romans de l’écrivain, mais je ne suis pas loin de partager votre avis Valérie, l’un de ses meilleurs très certainement. Son écriture et les sentiments ressentis par le lecteur peuvent s’apparenter à une certaine forme de poésie, effectivement.
Écrit par : Le Bouquineur | 07/09/2015
Il y a déjà un certain temps que je n'ai pas retrouvé Erlendur. Ce billet donne envie de renouer cette relation : peut-on sauter des tomes ?
Écrit par : Sandrine | 06/09/2015
Oui Sandrine, vous pouvez ne pas respecter la chronologie. C’est mon cas et je n’y vois pas d’inconvénient entravant la compréhension….
Écrit par : Le Bouquineur | 07/09/2015
Les commentaires sont fermés.