29/11/2018
J.G. Ballard : La Vie et rien d’autre
Auteur d’une vingtaine de romans dont plusieurs adaptés au cinéma et de presque autant de recueils de nouvelles, James Graham Ballard est un écrivain de science-fiction et d'anticipation sociale anglais né en 1930 à Shanghai et mort en 2009 des suites d'un cancer de la prostate à Londres. La Vie et rien d’autre (2009) est un livre de mémoires.
Le livre est découpé en deux parties dont on peut s’étonner qu’elles occupent une importance presque égale puisque la première retrace l’enfance et l’adolescence de l’auteur à Shangai, une quinzaine d’années, la seconde le reste de sa vie. Mais il faut aussi admettre que sa jeunesse ne fut pas banale. En 1930 nous sommes dans la Chine de Tchang Kaï-chek et son père est PDG de la filiale chinoise d'une grande entreprise de textile de Manchester. Les Ballard vivent confortablement dans la Concession internationale avec les autres étrangers puis vient la guerre sino-japonaise et l’invasion nippone, la famille est internée jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale dans un camp pour civils où les Occidentaux s’organisent au mieux. Toute cette première partie ne manque pas de sel, Ballard la racontant avec son regard d’enfant ingénu, même les cadavres de Chinois dans les rues ne l’effraient pas et le gamin, à le lire, vit une période riche en aventures et découvertes de mille sortes.
La seconde partie de cette autobiographie court de 1946 à 2007. Il part en 1946 pour l'Angleterre et commence des études de médecine (étonnantes pages sur les cours de dissection mais il avait déjà une certaine expérience des cadavres vus en Chine) envisageant de se consacrer à la psychanalyse qui le passionne et le passionnera toute sa vie. Des études rapidement abandonnées et suivies d’études de littérature anglaise puis de petits jobs avant qu’il ne s’engage dans l’Armée de l’air et soit envoyé au Canada. La proximité des Etats-Unis lui fait alors découvrir les revues de S.F. et il écrit sa première nouvelle de science-fiction qui sera publiée en 1956.
Il y aura aussi son premier mariage avec Mary, décédée trop tôt, le laissant avec trois jeunes enfants qu’il élèvera seul. Ce qui nous donne de belles pages sur l’amour familial, compensant avec ses enfants ce que ses parents très « british » ne lui avaient pas donné. Bien plus tard il rencontrera Claire… Quand le bouquin s’achève après un court retour à Shangai pour la BBC et boucler la boucle, Ballard soigne son cancer avec un succès temporaire, sachant très bien qu’il est condamné à court terme. L’homme est calme et stoïque, acceptant avec sérénité son destin. Respect.
Le livre nous offre encore de belles pages sur l’écriture, les motivations ayant poussé Ballard à écrire, la genèse de quelques uns de ses romans (Crash !, La Foire aux atrocités, Empire du Soleil), le rôle et la place de la S.F. dans la littérature ; on y croise ses amis écrivains, Kingsley Amis, Michael Moorcock, Iain Sinclair, Will Self. Mais il est aussi question d’Art et de peinture, de l’explosion culturelle des années 60 et de mille autres choses passionnantes sur la vie en général, d’ailleurs j’ai annoté ou souligné de nombreux passages du livre méritant d’y revenir plus tard.
Vous n’êtes pas amateur de S.F., Ballard ne fait pas partie de vos écrivains favoris, qu’importe, ce livre dépasse largement ces critères. Fort bien écrit, il se lit avec grand plaisir, mêlant aventures, émotions, humour discret, sincérité, critique sociale de l’Angleterre et tant d’autres choses… Un très bon livre.
« Pendant ce temps, j’en étais toujours au point mort question écriture. La raison m’avait convaincu de mettre un terme à mes efforts pour surpasser Finnegans Wake, et je n’étais ni assez musclé ni assez morbide pour imiter Hemingway. Le problème, c’était que je n’avais pas trouvé de forme qui me convienne. La fiction populaire était trop populaire, la fiction littéraire trop sérieuse. On publiait une avalanche de mémoires et de romans sur la Seconde Guerre mondiale, mais, étonnamment, l’idée d’écrire un roman sur ma propre expérience du conflit ne me venait pas à l’esprit. Même les évènements sinistres dont j’avais été témoin enfant, à Shangai, n’étaient pas comparables aux horreurs du génocide perpétré dans les camps de concentration nazis. »
J.G. Ballard La Vie et rien d’autre Denoël – 290 pages –
Traduit de l’anglais par Michelle Charrier
07:38 Publié dans BIOGRAPHIES | Tags : j.g. ballard, kingsley amis, michael moorcock, iain sinclair, will self, hemingway | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |
Commentaires
Il me semble que Ballard n'est pas qu'un ecrivain de SF ! (voir Crash!, L'empire du soleil...) C'est un peu reducteur. Surtout qu'il en est souvent éloigné. Il est même devenu un "classique" anglais... (lu je ne sais plus où)
Écrit par : Zorglub | 29/11/2018
Ecrivain de S.F. et d’anticipation aurais-je pu préciser éventuellement. Certes il n’a pas écrit que cela mais c’est dans ce genre qu’il est le plus connu me semble-t-il.
Écrit par : Le Bouquineur | 29/11/2018
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