04/11/2021
Joseph Incardona : Derrière les panneaux il y a des hommes
Joseph Incardona, né en 1969 à Lausanne de mère suisse et de père sicilien, est un écrivain, scénariste et réalisateur suisse. Il est l'auteur de romans, de scénarios pour le théâtre, le cinéma et la bande dessinée, ainsi que réalisateur de cinéma. Derrière les panneaux il y a des hommes date de 2015.
Il y a six mois, la fillette de Pierre et Ingrid a été enlevée sur une aire d’autoroute, jamais retrouvée. Depuis, Pierre a tout abandonné, son métier de médecin légiste et son domicile, il vit dans sa voiture, sur cette autoroute, à la recherche du coupable pour le tuer ; Ingrid, elle, profondément dépressive, reste tapie chez eux, se masturbant compulsivement. Quand une troisième gamine disparait dans les mêmes conditions en moins d’un an, la police se lance dans une chasse à l’homme, en parallèle avec celle de Pierre…
Ce qui frappe immédiatement le lecteur, c’est le style adopté par l’auteur pour narrer cette fulgurante traque. Des phrases hyper courtes, parfois un seul mot suivi d’un point succède à un autre mot suivi d’un point etc. Ca speede un max, j’ai lu le bouquin en une seule journée tant il était prenant.
Outre Pierre et Ingrid, le criminel est immédiatement connu du lecteur, c’est Pascal, un sourd qui travaille dans une cafétéria de l’autoroute ; interviendront ensuite Julie Martinez capitaine de police et son adjoint Thierry Gaspard, tandis que des « figures » du paysage routier auront aussi leur importance, comme par exemple Lola le travelo et son mentor Tia Sonora, une vielle pute cartomancienne ou bien un cantonnier collectionneur. Si les corps des gosses ne sont jamais retrouvés, des cadavres collatéraux vont s’empiler sur les bas-côtés de la voie express.
La vitesse induite par l’écriture ajoute à l’angoisse et l’excitation du récit, les bribes de phrases expriment l’urgence de retrouver le criminel mais aussi la souffrance des parents, cette souffrance qui vous coupe la respiration, empêche de parler et réduit vos propos à quels mots épars.
Des corps disparus à jamais, d’autres qui jonchent les aires de repos. Des corps qui souffrent de douleurs physiques endurées, d’autres corps qui souffrent de douleurs morales qui les rongent de l’intérieur. Il y a du sexe triste, des corps vivants ou qui s’en approchent, d’autres morts.
Joseph Incardona complète son récit par un regard lucide et dur sur notre société : jobs de merde, promotion canapé etc.
Un roman sec et rude qui vous pousse au cul, vous entrainant à une vitesse folle vers le dénouement. Du bon boulot d’écrivain.
« Chacal a bien fait son boulot, un professionnel du malheur sous forme de fait divers. Il l’a tellement bien fait que l’objectif rédactionnel est atteint. C’est exactement le traitement de l’information qu’on lui demande. Pratique à lire sur un transat, au coin de la table du bistrot : le magazine se vend à tirage record : photos des parents en longue focale, photos floutées des motards suspects. Long article écrit avec l’efficacité d’un journaliste qui sait comment lisent ceux pour lesquels il écrit. Titres chocs. Couverture où la violence le dispute à l’inquiétude qui le dispute à l’émotion qui le dispute à ta sœur. »
Joseph Incardona Derrière les panneaux il y a des hommes Editions Finitude - 277 pages -
07:00 Publié dans POLARS | Tags : joseph incardona | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |
Commentaires
J'ai découvert l'auteur avec titre et il m'avait emballée : l'écriture qui nous plonge dans une sorte de frénésie, l'univers de l'autoroute, décrit comme un monde parallèle... c'est efficace et brutal, mais pas simpliste.
Écrit par : Ingannmic | 05/11/2021
J’ai « découvert » cet écrivain cet été, c’est tout frais, il m’a emballé et ce second essai pour moi, confirme mon admiration pour ses excellents livres. Dès que j’aurai un trou dans mes lectures, je piocherai dans ses bouquins à la bibliothèque.
Ce que tu dis ce ce roman est très juste...!
Je conseille donc à ceux qui ne l’ont jamais lu, d’ouvrir un de ses ouvrages, ça vaut largement le coup !
Écrit par : Le Bouquineur | 05/11/2021
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