04/09/2020
Orhan Pamuk : La Femme aux cheveux roux
Orhan Pamuk dont le nom complet est Ferit Orhan Pamuk, né en 1952 à Istanbul en Turquie, est un écrivain de langue turque. Issu d'une famille cultivée de la bourgeoisie stambouliote il envisage d'abord des études de peinture et de journalisme, avant de se consacrer entièrement à la littérature. Son œuvre est traduite dans le monde entier et il a reçu le prix Nobel en 2006. La Femme aux cheveux roux, son dernier roman, date de 2019.
Le roman débute dans les années 80, Cem le narrateur adolescent prépare son entrée à l’université pour devenir ingénieur géologue tout en rêvant secrètement d’être écrivain. Le père a quitté le foyer et pour aider sa mère financièrement il travaille un été avec Maître Mahmut, un puisatier, sur un terrain dans un petit village proche d’Istanbul. Le soir, pour se détendre, il va au village, jusqu’au jour où il croise le regard d’une femme aux cheveux roux, membre de la troupe de théâtre ayant dressé son chapiteau ici pour quelques jours. Amoureux immédiatement, sa vie va basculer d’autant qu’elle se double d’un évènement tragique…
Un roman sur la quête d’identité et sur les choix qui dirigent nos vies, d’où ces conflits de toute nature, entre père/fils, modernité/tradition, Orient/Occident etc.
Le livre est en trois parties bien distinctes. La première, la plus réussie pour moi, s’attache à notre héros, son travail avec le puisatier, la vie des gens ordinaires dans la Turquie d’alors. Les détails ne manquent pas et sont pleins d’intérêt. Se dessine aussi en parallèle, la psychologie de Cem, l’absence du père lourde à supporter, sa recherche d’un père de substitution en la personne du puisatier. Puis entre en scène la rouquine, beaucoup plus âgée que lui, l’amour fou de l’adolescent et ses tourments qui finiront par être comblés un unique soir. Toute cette première partie est réellement touchante.
Dans la seconde partie, le temps a passé, Cem est marié, a une belle situation, avec sa femme ils voyagent à travers le monde pour affaires, mais le couple est stérile. Le héros est maintenant un adulte, le texte est beaucoup plus profond, la politique, l’art, les réflexions plus intellectuelles en font un autre roman. L’écrivain aborde là plus précisément son propos, le rôle du père, ce qui découle de son absence, en s’appuyant sur deux textes mythiques, l’Œdipe de Sophocle et le Livre des Rois de Ferdowsi : dans l’un le fils tue son père, dans l’autre un père tue son fils. Ces écrits anciens font écho à la situation de Cem, son père est parti, il cache enfoui en lui un terrible secret qui remonte peu à peu et il vient de se découvrir un fils !
Jusqu’ici le roman ne manquait pas de gueule, émouvant, intelligent et cultivé, servi par une écriture très agréable à lire. Et puis arrive la troisième partie, pas bien longue en pages, mais tellement laborieuse ! Une looooongue explication sur tous les faits que nous avons lus et comblant les trous du récit avec quelques surprises certes. Je conclurai par une question : un roman bourré de qualités mais dont la fin est trop lourdingue fait-il un bon roman ? Je vous laisse juge.
« Le raki s’était diffusé dans mon sang et j’étais ivre. Je n’imaginais pas que certaines des choses que je verrais pendant cette heure passée sous le chapiteau pourraient avoir une influence déterminante sur ma vie, à l’image d’Œdipe que j’avais lue et que je me remémorais par bribes. La seule chose qui m’importait en cet instant, c’était de voir la Femme aux Cheveux roux, pas de comprendre ce qui était raconté sur scène. Voilà pourquoi c’est à la lumière des connaissances acquises au fil des lectures et des recherches que j’entrepris des années après que je vais essayer de décrire le spectacle que je vis à travers les brumes de mon cerveau ce soir-là. »
Orhan Pamuk La Femme aux cheveux roux Folio – 338 pages –
Traduit du turc par Valérie Gay-Aksoy
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