27/11/2023
Anita Brookner : Un Début dans la vie
Anita Brookner (1928-2016), est une romancière britannique. Elle se lance tardivement dans l'écriture et publie ce premier roman qui vient d’être réédité, Un Début dans la vie (dans une traduction précédente La Vie, quelque part), en 1981 à l'âge de 53 ans. Dès lors, elle publiera chaque année un livre. Elle remporte le Booker Prize en 1984 pour Hôtel du lac. Elle est l'auteur de vingt-quatre romans, tous traduits en français. Elle est faite commandeur de l'ordre de l'Empire britannique en 1990.
Roman très autobiographique avec un titre emprunté à Balzac, écrivain bien présent dans cet ouvrage.
Ruth Weiss, docteur ès lettres, a quarante ans et revient sur l’histoire de sa vie, nous en donnant la tonalité dès la première phrase, « la littérature avait gâché sa vie ». Enfant solitaire, n’intéressant que moyennement ses parents, c’est dans les livres qu’elle trouve du réconfort. Helen sa mère est actrice (« Elle avait toujours été mythomane, fascinée par sa propre légende »), George son père est un libraire dilettante. C’est donc tout naturellement vers la littérature que Ruth oriente ses études, préparant une thèse sur Balzac, et prétexte à tenter de s’éloigner du giron familial, chambres de bonne pour avoir un « chez soi », puis séjour en France où elle découvre une sorte de liberté possible à Paris.
Des hommes l’approcheront mais jamais ça ne collera vraiment, son innocence et sa conception théorique de la vie faisant obstacle. Théorique car tirée des livres, « Elle sentait bien que rédiger sa thèse sur le vice et la vertu était beaucoup plus aisé que d’en faire l’apprentissage dans la vie réelle ».
Seule le plus souvent, nulle part réellement à sa place, elle envisage l’amour comme une hypothétique solution à son problème mais une amie plus délurée qu’elle l’avertit : « - Ce n’est qu’un jeu, alors ? Anthea lui rendit tristement son regard. – Seulement si tu gagnes, répondit-elle. Si tu perds, c’est beaucoup plus grave. »
Un roman remarquablement écrit, plein d’empathie pour tous ses personnages et de douceur dans le récit. Le lecteur se prend d’affection pour Ruth et voudrait l’aider, tout en sachant très bien que son parcours est tracé d’avance. Anita Brookner est très précise dans ses description, son regard ne manque pas d’une tendre ironie nostalgique pour tous ses acteurs, Ruth, son père et sa mère, qui finalement seront passés à côté de la vie ?
Excellent.
« Ils attendaient l’autobus, après avoir de toute évidence remonté comme elle la rue Bonaparte. Elle les entendit discuter de l’endroit où ils iraient dîner et une grande souffrance l’envahit, liée au fait qu’elle ne pouvait jamais faire des projets de ce genre. Il lui apparut alors, avec une évidence qu’elle n’avait jamais aussi fortement ressentie, qu’elle menait une vie impossible. Elle était enfermée dans une prison, et elle avait ajouté à cette absence de liberté physique une routine aussi contraignante, aussi dépourvue de spontanéité que si elle lui avait été imposée par un Etat policier. »
Anita Brookner Un Début dans la vie Bartillat - 222 pages -
Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Nicole Tisserand
06:00 Publié dans Etrangers, ROMANS | Tags : anita brookner, honoré de balzac | Lien permanent | Commentaires (4) | Facebook |