10/08/2023
Virginia Woolf : Londres
Virginia Woolf, pseudonyme d’Adeline Virginia Alexandra Stephen (1882-1941), est une femme de lettres anglaise, l'une des principales auteures modernistes du XXe siècle. Bisexuelle et féministe, elle fut une figure marquante de la société littéraire londonienne et un membre central du Bloomsbury Group, qui réunissait des écrivains, artistes et philosophes anglais, groupe au sein duquel elle rencontrera Vita Sackville-West avec qui elle aura une liaison durant toutes les années 1920. Woolf souffrait d'importants troubles mentaux et présentait tous les signes de ce qu'on nomme aujourd'hui, troubles bipolaires. En 1941, à l'âge de 59 ans, elle se suicida par noyade dans l'Ouse, dans le village de Rodmell (Sussex), où elle vivait avec son mari Leonard Woolf, écrivain lui aussi. Elle avait commencé l'écriture comme activité professionnelle en 1905 pour le supplément littéraire du Times et un premier roman en 1915.
Londres, qui vient de paraître, est une compilation de quatorze textes (Articles, essais, extraits de son journal, réflexions et souvenirs) datant des années 1920-1930 réunis pour la première fois en un seul volume et consacrés à sa ville de Londres. Suivez le guide !
Le premier texte prend pour prétexte l’achat d’un crayon à papier pour flâner dans les rues de la ville. Ville où nous irons de quartier en quartier selon les chapitres, les Docks où se prépare le trafic maritime avec les Indes ou l’Australie ; Oxford Street « qui n’est pas l’artère la plus distinguées de Londres »… Monuments et maisons célèbres sont visités, la Cathédrale Saint-Paul, le Parlement où se joue encore une partie de l’avenir du monde en ce début du XXème siècle (« Des affaires de la plus haute importance, qui décident du bonheur d’un peuple, du destin de nations entières, sont ici à l’œuvre »), à moins que ce ne soit la maison où vécu Thomas Carlyle (1795-1881) écrivain, satiriste et historien écossais, dont le travail eut une très forte influence durant l'époque victorienne, résidence qui en dit plus sur l’écrivain que n’importe quelle biographie constate Virginia Woolf.
L’écrivaine n’oublie pas les gens qui peuplent cette métropole, que ce soit le divorce d’un homme d’église « particulièrement fanatique dans sa foi, de sorte qu’il avait fait entrer la religion dans les régions les plus intimes de sa vie » ; ou bien le droit des femmes, cause chère à son cœur, « il fallait que justice soit faite, non pour elles, ni pour leurs enfants, mais pour toutes les femmes ».
Le texte le plus intéressant reste néanmoins celui consacré à Bloomsbury, situé dans le sud du borough londonien de Camden, Bloomsbury est une zone du centre de Londres dans un quartier résidentiel à la mode. Ici vécu l’auteure avec ses frères et sœurs après le décès de leur père et c’est ici que naquit le fameux Bloomsbury Group, un groupe qui réunit un certain nombre d'artistes, universitaires et intellectuels britanniques majoritairement diplômés de l’Université de Cambridge et installés à Londres, liés par des liens d’amitié depuis les premières années du XXème siècle jusqu'au début de la Seconde Guerre mondiale.
Un recueil qui ne manque ni d’intérêt ni de charme grâce à la belle écriture de Virginia Woolf, styliste s’il en en est, offrant de temps à autre de jolies formules (« Les livres d’occasion sont des livres sauvages, des livres sans toit ni loi »). Un œil perçant qui sait observer, grand angle ou zoom, au cœur d’une ville entrant dans la modernité avec ses habitants de classes mélangées, quartiers huppés ou rues populaires.
Pas mal du tout.
« Il n’y avait donc plus rien désormais que l’on ne pût dire, que l’on ne pût faire au 46, Gordon Square. C’était là, à mon avis, un grand progrès pour la civilisation. Peut-être que les amours des pédérastes, c’est vrai, ne sont pas (du moins si l’on est de l’autre bord) d’un intérêt passionnant ni d’une importance capitale. Mais qu’elles soient évoquées en public, et personne ne s’offusque qu’elles soient pratiquées en privé. De nombreuses coutumes, de nombreuses croyances furent révisées de la sorte. La suite de Bloomsbury prouva d’ailleurs que l’on peut jouer bien des variations sur le thème du sexe, et avec de si beaux résultats que mon père lui-même aurait peut-être hésité avant de lancer d’une voix tonitruante le seul mot qui selon lui convenait au pédéraste ou à l’adultère ; et ce mot, c’était « canaille » ! » [Le Vieux Bloomsbury]
Virginia Woolf Londres Rivages poche - 205 pages -
Traduit de l’anglais par Chloé Thomas
06:00 Publié dans NOUVELLES, XIXe siècle | Tags : virginia woolf | Lien permanent | Commentaires (7) | Facebook |