16/05/2024
Stanislas Lem : Une Enquête
Stanisław Lem, aussi francisé en Stanislas Lem (1921-2006), est un écrivain de science-fiction polonais. Son œuvre, traduite en quarante langues, caractérisée par l’étendue de sa palette, est construite autour d’une vision critique du comportement humain. C’est également l’un des écrivains polonais les plus traduits aux côtés de Witold Gombrowicz et Henryk Sienkiewicz. Solaris, sans doute son roman le plus célèbre, a été porté au cinéma par Andreï Tarkovski en 1972 puis par Steven Soderbergh en 2002.
Une Enquête, roman de 1959 qui vient d’être traduit chez nous, tient plus du polar que de la S.F. mais un polar très « spécial » ! Tellement particulier que je ne sais pas vraiment si je l’ai aimé ou pas.
Des cadavres disparaissent de morgues et de funérariums dans de petites villes du sud de l’Angleterre. Le lieutenant Gregory, jeune officier de Scotland Yard est chargé de l’enquête par l’inspecteur-chef Sheppard (« Je ne vous ai pas choisi pour vos exceptionnelles qualités d’enquêteur, parce que vous en êtes dépourvu. Vous n’êtes pas non plus méthodique. Peu importe. »). Une enquête qui se présente bizarrement puisque les premiers indices tendraient à faire penser que les morts sont revenus à la vie et se seraient carapatés d’eux-mêmes… Gregory ne croyant absolument pas au surnaturel ou autres diableries du genre collecte un maximum d’informations à droite et à gauche (« J’improvise ou, si vous préférez, je suis très désordonné, avoua Gregory »). Ce qui l’amène à s’intéresser à Sciss, scientifique et statisticien…
Pourquoi suis-je resté dubitatif dans mon jugement final : parce que nous avons ici un polar métaphysique, s’appuyant sur les théories du statisticien Sciss, hypothèses « scientifiques » difficiles à suivre/peu compréhensibles/farfelues (?), or il se trouve que parfois j’aime ne pas comprendre ce que je lis [Ok ! ça aussi c’est bizarre mais c’est comme ça. L’expliquer prendrait trop de temps, une autre fois peut-être ?], me laissant porter par ce qui devient un mystère total pour moi. Hypothèses qui laissent sceptique Gregory mais hypothèses qui aboutiraient en théorie à voir revenir les cadavres… ce qui advient effectivement !
Outre ce grand flou artistique au cœur de l’enquête, de petits faits anodins de la vie courante de Gregory prennent des allures inquiétantes, Sciss trop calé sur ces disparitions devient un suspect potentiel et même Sheppard paraît un peu louche parfois. Par contre l’épilogue n’est pas terrible.
On trouvera quelques pistes de réflexion sur les thèmes du roman à travers des phrases comme celles-ci : « l’une des deux possibilités, à savoir le miracle ou le bluff, s’est révélée fausse. Il y avait une troisième solution », « jamais, au grand jamais vous ne renoncerez à ce qu’il y ait un coupable, parce que son existence implique la vôtre ! », « De toutes parts surgissent des morceaux de vie étrangers aux significations que nous avons définies comme uniques, et nous ne voulons pas les voir ! Or seule existe la statistique »
Polar intellectuel ou pipeau total ? Là encore un mystère… mais qui ne me fait pas regretter ma lecture.
« Ce qu’on appelle le bon sens consiste à ne pas percevoir volontairement, à taire ou à moquer tout ce qui ne correspond pas aux conventions d’un « monde tellement intelligible » formulées au XIXème siècle. Cependant à chaque pas, on peut être confronté à des phénomènes dont la structure nous échappe et continuera à nous échapper sans le recours à la statistique. D’où la tristement célèbre duplicitas casuum des médecins, d’où les comportements des foules ou les fluctuations cycliques du contenu des rêves, ou encore les tables tournantes. »
Stanislas Lem Une Enquête Actes Sud - 222 pages -
Traduit du polonais par Charles Zaremba
06:00 Publié dans POLARS | Tags : stanislas lem, witold gombrowicz, henryk sienkiewicz | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |