20/03/2025
Caleb Carr : L’Aliéniste
Caleb Carr (1955-2024) est un romancier pas très prolifique avec cinq romans, scénariste et historien militaire américain. Son roman, L’Aliéniste date de 1994. Ce livre a été adapté en une série télévisée du même nom, diffusée en 2018, avec Daniel Brühl dans le rôle principal.
New York en 1896. Un tueur en série fait des dégâts dans la ville, tuant et mutilant atrocement de jeunes enfants masculins prostitués. Théodore Roosevelt qui n’est encore que préfet à cette époque, il sera élu président des Etats-Unis entre 1901 et 1909, fait appel à ses amis d’enfance Laszlo Kreizler aliéniste et John Schuyler Moore, journaliste à la rubrique criminelle du New York Times et narrateur, pour mener l’enquête. Une enquête en toute discrétion car les théories scientifiques de l’aliéniste, nom donné alors aux spécialistes des maladies mentales, sont mal vues d’une partie de la communauté médicale, et que les adversaires politiques de Roosevelt sont nombreux et prêts à tout pour le faire chuter. Les deux hommes renforcent leur équipe avec des gens de confiance, Une jeune femme, Sara Howard secrétaire au service de Roosevelt pleine d'ambition et deux frères enquêteurs, Marcus et Lucius Issacson, aux méthodes modernes et révolutionnaires.
Un très bon polar malgré ce qui peut ressembler à quelques défauts, trop long par exemple ou un peu nunuche sur certains points, si on le lit avec les yeux d’un lecteur d’aujourd’hui. Par contre, si on considère le bouquin comme un texte qui aurait été écrit à l’époque des faits, ces « défauts » prennent sens car communs à la littérature de la fin du XIXème siècle.
Le roman est bon car très riche. L’enquête policière est tout en psychologie, Kreizler mène l’affaire en s’appuyant sur ses théories novatrices, cherchant en priorité à dresser un portrait psychologie du tueur, profileur avant l’heure. Si un criminel doit être arrêté, il doit être examiné pour qu’on comprenne ses motivations et que cet enseignement serve à prévenir d’autres cas, éventuellement le soigner. Ce qui va à l’encontre des policiers de la ville, qui eux veulent la peau de l’assassin sans autre forme de procès. C’est le thème principal du livre, les débuts de la psychologie criminelle et l'idée que l'analyse psychologique peut aider à résoudre des crimes.
D’ailleurs, tout le roman présente les effets difficiles de la nouveauté pour les institutions en place, police, mairie ; un thème assez éternel. Analyse psychologique donc, nouvelles méthodes de recherche criminelle pratiquée par les deux frères (empreintes digitales, méthode Bertillon etc.) et place de Sara Howard, la première femme employée par le département de police de New York, qui doit affronter le scepticisme (au mieux) de ses collègues.
L’époque est aux bouleversements, « A New York comme dans l’ensemble du pays. La ville est en train de changer. De façon spectaculaire. » Construction d’un nouveau pont etc. De longues digressions nous baladent dans la cité, principalement dans les quartiers déshérités le Lower East Side avec ses bordels, ses bars miteux, ses populations d’immigrés qui sont la cible des griefs des classes plus aisées. Mais si crimes et misère sont condamnés par tous, ce sont aussi de bien faciles moyens à manipuler par le biais des médias pour les politiques, la pègre et la police pour avancer leurs pions dans leurs luttes de pouvoir et c’est avec tous ces paramètres de corruption endémique que nos enquêteurs doivent jongler pour avancer dans leur enquête.
L’auteur ajoute à ces éléments des dilemmes moraux et éthiques, l'utilisation de la violence ou la manipulation des preuves pour atteindre les objectifs. Ou encore la condition des femmes et des enfants dans la société de la fin du XIXème siècle.
Alors, oui c’est long, mais la densité du propos l’explique. J’ai aussi dit que ça pouvait être un peu nunuche, si les crimes sont atrocement détaillés, les rapports sentimentaux entre certains des acteurs sont assez fleur bleue, mais collent assez bien avec l’époque des faits. Donc mes légères critiques n’ont pas lieu d’être.
Un bon roman qui par bien des côtés reste très moderne !
« Il s’étai risqué dans ce sanctuaire de l’élite fortunée et avait osé laisser un cadavre dans Battery Park, aisément visible des bureaux d’un bon nombre des financiers les plus influents de la ville. Oui, si notre homme était sain d’esprit, comme Kreizler le croyait profondément, ce dernier acte n’indiquait pas seulement une cruauté barbare mais de l’audace, de cette audace particulière qui a toujours suscité un mélange d’horreur et d’admiration réticente chez les New-Yorkais. »
Caleb Carr L’Aliéniste Pocket - 575 pages -
Traduit par René Baldy et Jacques Martinache
« Le réservoir de Croton étirait sur deux pâtés de maisons ses murailles aussi hautes que les immeubles qui l’entouraient, aussi prodigieuses que celles de la légendaire cité de Troie. (…) C’était tout simplement le cœur du système, le centre que tous les aqueducs alimentaient et d’où partaient tous les conduits. »
06:00 Publié dans POLARS | Tags : caleb carr | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
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