05/10/2023
Jean Giono : Le Chant du monde
Jean Giono (1895-1970) est un écrivain et cinéaste français. Romancier de la haute Provence, apôtre d’un idéal de vie naturelle et rustique, il évolua vers une philosophie et un art plus classique. Le Chant du monde a été publié en 1934.
Danis, le fils de Matelot a disparu, il travaillait dans la forêt, au bord du fleuve mais il n’est pas revenu. Peut-être s’est-il noyé ? Matelot son père et Antonio se lancent à sa recherche, chacun sur un bord du fleuve, jamais nommé mais qu’on suppose être la Durance. Au fil des rencontres les deux hommes découvrent la vérité, Danis, toujours appelé le besson dans le roman (terme régional désignant un jumeau ; le frère de Danis est mort) s’est sauvé avec Gina, la fille de Maudru, un puissant éleveur de taureaux qui règne sur la région. Les hommes de l’éleveur sont aux trousses du gamin, lequel tue le neveu de Gina qui devait l’épouser. La poursuite s’intensifie entre les sicaires de Maudru et la petite troupe de fuyards sur son radeau.
L’amour et la mort, main dans la main, escortent nos héros. Commençons par l’amour, le besson et sa Gina bien entendu ; Antonio, le pêcheur, qui va croiser la route de Clara, une jeune aveugle dont il s’éprend et se joint à la troupe. Et puis il y a la mort, celle du neveu de Gina qui déclenche le drame et la vengeance de Maudru qui fait assassiner Matelot, père du besson, et de là, comme dans une tragédie grecque, la vengeance appelant la vengeance, le besson et Antonio qui attaquent nuitamment le domaine de Maudru et l’incendient. Ce qui clôt la guerre. Enfin apaisés et toujours sur leur radeau, le besson, Antonio et leurs chéries descendent le fleuve, des projets d’avenir heureux plein les yeux.
Un très beau roman mais pas toujours facile à lire, parler régional particulier et mots de patois, phrases d’un seul mot, nos héros sont du genre taiseux. Par contre on y lira de très beaux passages émouvants, d’autres très poétiques et tout le roman baigne dans une sensualité non pas sexuelle, mais liée aux sens, induite par les saisons qui passent et la nature qui s’adapte et évolue, avec ses odeurs de terre humide ou brûlée par le soleil, à moins que ce ne soit « un poisson sauta hors de l’eau avec une odeur d’anis et de cresson ».
On pourra trouver différents niveaux d’analyse de ce roman : le paysage partagé entre le fleuve et la forêt, le fleuve comme la colonne vertébrale de ce pays ; le Matelot et Antonio, le premier c’est l’homme de la forêt, vieux bûcheron gérant son exploitation avec son fils, il doit son surnom de Matelot à son ancien métier de marin, Antonio lui c’est l’homme du fleuve, pêcheur il vit sur une île ; des gens simples et qui savent se comprendre à demi-mots. Et ce finale sous le signe des éléments primordiaux, arrivés par le fleuve nos héros mettent le feu chez l’ennemi et s’en repartent par ce même fleuve…
J’aurais pu évoquer d’autres personnages comme Toussaint, le nain bossu doué du pouvoir de guérir les malades mais malheureux de n’être aimé…
« Je ne sais pas comment te dire. Si tu fermais les yeux pendant longtemps et que tu t’habitues à tout avec ton corps, et puis si tout changeait pendant ce temps, le jour où tu ouvrirais les yeux de nouveau tu saurais tout, c’est comme ça. Toutes les choses du monde arrivent à des endroits de mon corps (elle toucha ses cuisses, ses seins, son cou, ses joues, son front, ses cheveux), c’est attaché à moi par des petites ficelles tremblantes. Je suis printemps, moi maintenant, je suis envieuse comme tout ça autour, je suis pleine de grosses envies comme le monde maintenant. Il y avait une odeur de limon, d’herbe, de pluie chaude. »
Jean Giono Le Chant du monde Folio - 282 pages -
06:00 Publié dans Français, ROMANS | Tags : jean giono | Lien permanent | Commentaires (8) | Facebook |