23/07/2021
Léon Bloy : La Femme pauvre
Léon Bloy (1846 – 1917), est un romancier et essayiste français, polémiste célèbre. Sans trop entrer dans le détail de sa biographie, juste cet épisode marquant qui donne une bonne idée du personnage : En 1877 il perd ses parents, effectue une retraite à la Grande Trappe de Soligny, la première d'une série de vaines tentatives de vie monastique, et rencontre Anne-Marie Roulé, prostituée occasionnelle, qu'il recueille, et convertit, en 1878. Rapidement, la passion que vivent Bloy et la jeune femme se meut en une aventure mystique, accompagnée de visions, de pressentiments apocalyptiques et d'une misère absolue puisque Bloy a démissionné de son poste à la Compagnie des chemins de fer du Nord. Son roman La femme pauvre date de 1897.
Le roman se déroule en grande partie à Paris, débutant en 1879 et courant sur une petite dizaine d’années. Clotilde, l’héroïne du livre, vit avec sa mère et le concubin de celle-ci, tous deux ont connu des jours meilleurs mais aujourd’hui c’est la grande misère et son cortège d’alcoolisme, de violence et autres misérables conditions de vie dans un taudis infâme. Quand le hasard lui fait rencontrer Gacougnol, artiste peintre, Clotilde pense être sortie de sa triste condition ; il l’engage comme modèle puis la prend sous son aile amicale et chaste comme dame de compagnie, faisant son éducation intellectuelle et l’éloignant de ses parents ignobles. Mais le destin n’en aura pas fini avec Clotilde quand son protecteur sera assassiné par son beau-père et qu’elle se retrouvera sans le sou…
Si vous n’avez jamais lu cet auteur, sachez que c’est une expérience qui peut être tentée mais qu’elle n’est pas donnée à tous.
Tout d’abord il s’agit d’un roman datant d’un autre siècle, il faut donc s’attendre à être plus ou moins déstabilisé par la mentalité des personnages, le style de l’écriture mais je suppose que la majorité d’entre vous connaissez cette situation. Sauf que là, l’écrivain c’est Léon Bloy et ça fait une grosse différence avec ce que vous pouvez imaginer.
D’emblée le lecteur est plongé (noyé ?) dans une écriture asphyxiante au vocabulaire luxuriant de mots rares, spécialisés, régionaux… ; d’images fortes (« … le chiendent d’une séditieuse moustache qu’il eût été préférable d’utiliser pour l’étrillage des roussins galeux ») ; de vacheries (« … méprisé par les gazouillards de la Comédie Française et les liquidateurs de diphtongues du Conservatoire… ») ; de tournure de phrases extravagantes sur un ton de déclamation souvent. A ce stade de l’affaire, soit vous vous émerveillez devant cette avalanche, cette logorrhée sans fin, soit vous pliez bagage. Les plus courageux devront affronter une autre épreuve et ce n’est pas la moindre, tout le roman baigne dans la religiosité et une recherche d’absolu qui aujourd’hui plus qu’hier déjà, alourdit le roman, clôture de barbelés qui en éloignera de potentiels lecteurs.
Car qu’en est-il exactement du roman ? Clotilde rebondit avec Leopold, l’épouse et accouche d’un petit ; la cécité atteint son époux qui doit se reconvertir, retour à la case misère. Je vous épargne toutes les horreurs que devra endurer le couple, la mort qui frappe à la porte deux fois et notre héroïne désormais seule à jamais et dans le plus complet dénuement mais qui trouve enfin le bonheur dans cette situation de pauvreté extrême, sauvée par sa foi qui la rapproche un peu plus de son Dieu.
Un roman costaud qui se mérite, donc pas pour tout le monde. Je ne dirai pas que je me suis régalé, ni le contraire d’ailleurs mais l’expérience est très intéressante.
« Il se rappelait un geste, rien qu’un geste. Le soir qui avait précédé la catastrophe, au moment où il allait monter dans sa chambre, l’enfant s’était détourné de sa mère et avait tendu vers lui une de ses mains pour le caresser à son ordinaire. Mais Clotilde, qui n’était parvenue qu’à peine à faire prendre le sein au petit malade et qui craignait une distraction, avait éloigné d’un signe de tête son pauvre mari que le souvenir de ce geste puéril, de cette dernière caresse perdue, torturait maintenant d’une manière affreuse. Car l’âme humaine est un gong de douleur où le moindre choc détermine des vibrations qui grandissent, des ondulations indéfiniment épouvantables… »
Léon Bloy La Femme pauvre Les Editions du Cénacle – 310 pages –
Vous pouvez lire ce roman ICI
07:02 Publié dans XIXe siècle | Tags : léon bloy | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |