06/01/2014
Emile Zola : Le Rêve
Émile François Zola (1840-1902) écrivain et journaliste, est considéré comme le chef de file du naturalisme. C’est l'un des romanciers français les plus populaires, l'un des plus publiés, traduits et commentés au monde. Sur le plan littéraire, il est principalement connu pour Les Rougon-Macquart, fresque romanesque en vingt volumes dépeignant la société française sous le Second Empire et qui met en scène la trajectoire de la famille Rougon-Macquart à travers ses différentes générations. Les dernières années de sa vie sont marquées par son engagement dans l'affaire Dreyfus avec la publication en janvier 1898, dans le quotidien L'Aurore, de l'article intitulé « J’Accuse…! » qui lui a valu un procès pour diffamation et un exil à Londres.
Le Rêve, publié en 1888, est le seizième volume de la série ; lentement mais sûrement j’approche de la fin de ma lecture/relecture du grand œuvre de Zola.
Le roman se déroule à Beaumont, petite ville « à une trentaine de lieues de Paris ». Angélique l’héroïne, orpheline d’une dizaine d’années – de Sidonie Rougon, seule information rattachant ce roman à la saga - a fui la famille d’accueil qui la maltraite, elle est recueillie par les Hubert qui la découvrent transie sous le porche de la cathédrale. Hubert et Hubertine sa femme, sont brodeurs et travaillent pour l’évêché. La petite, finalement adoptée par le couple, montre aussi de grandes aptitudes pour la broderie. Elle grandit dans le calme de la petite maison, entourée de l’amour des Hubert en mal d’enfant, toute à ses broderies et sa lecture perpétuelle de La Légende dorée, cette vie des saints qu’on doit à Jacques de Voragine, s’identifiant aux martyres comme Sainte Agnès.
Et puis un jour, Félicien entre dans sa vie. Peintre verrier, il travaille à la restauration des vitraux de la cathédrale, il est jeune, il est beau, il s’intègre parfaitement dans les rêves éthérés d’Angélique. Un amour d’une pureté totale les réunit et un avenir de bonheur semble se dessiner, la vie rêvée des anges. Hélas pour les chastes amants, leurs parents réciproques s’opposent au mariage. Hubertine, sa mère adoptive, qui s’est mariée malgré l’interdiction de sa mère et estime en avoir été punie par le fait qu’elle ne peut avoir d’enfant, ne veut pas d’un mariage dicté par la passion. D’un autre côté, Angélique est pauvre alors que Félicien en fait, est le fils de l’évêque ! Hein, quoi ? Il s’agit de Monseigneur d’Hautecœur, évêque entré dans les ordres à la suite du décès de sa femme. Ah ! bon… Devant ce coup du sort irréversible, Angélique s’étiole, à l’agonie reçoit l’extrême-onction de l’évêque qui finit par accepter le mariage mais il était écrit qu’Angélique et Félicien ne connaitraient pas le bonheur sur cette terre, alors que la cérémonie s’achève, la jeune mariée s’éteint dans les bras de son époux, dans un baiser, le seul qu’ils aient jamais échangé.
Si le titre de ce roman ne vous est pas familier, c’est qu’il ne fait pas partie des grands ouvrages de l’auteur et c’est aussi la raison pour laquelle je l’aborde. Intercalé entre La Terre et La Bête humaine selon la chronologie voulue par Zola, il est loin d’en atteindre le niveau, comme si l’écrivain se ménageait une pause pour reprendre son souffle. Roman pas très long pour une intrigue simpliste, revendiquée par l’auteur alors qu’il en ébauche le plan, « Le sujet sera banal, je le préfère même tel. » Le style Zola est toujours là néanmoins, phrases restant longtemps en bouche et bien rythmées mais aussi profusion de détails ou digressions qui ici, lassent un peu comme ce long résumé de La Légende dorée, ou quand il décrit minutieusement la technique de la broderie ou le déroulé complet de l’extrême-onction. Le lecteur de Zola est habitué à ces intrications – issues de longues recherches préparatoires avant la rédaction - au sein du texte romanesque mais s’il l’accepte bien volontiers quand l’histoire est forte et puissante, c’est plus difficile quand elles pèsent trop comparées à l’intrigue elle-même.
Je pourrais multiplier les critiques envers cet ouvrage, pourtant, comment expliquer que j’arrive à lire jusqu’au bout sans même sauter une page, un roman à l’eau de rose, « Est-ce un conte de fées, un conte bleu » raillaient certains critiques de l’époque, où l’héroïne au seuil de la mort épouse son amoureux avant de succomber dans ses bras au sortir de l’église ? Ecrit aujourd’hui et par un autre, le bouquin aurait fini à la poubelle après cinquante pages. Il y a donc au fond d’un mauvais Zola, encore assez de matière pour un lecteur qui se veut (s’imagine !) critique.
« Il y eut un silence. Angélique s’était redressée. Sa face devenait dure, le front coupé d’un pli de colère. « Alors, on nous a trompés l’un et l’autre, on nous a menti pour nous séparer… Nous nous aimions, et on nous a torturés, on a failli nous tuer tous les deux… Eh bien ! c’est abominable, cela nous délie de nos serments. Nous sommes libres. Un furieux mépris l’avais mise debout. Elle ne sentait plus son mal, ses forces revenaient, dans ce réveil de sa passion et de son orgueil. Avoir cru son rêve mort, et tout d’un coup le retrouver vivant et rayonnant ! se dire qu’ils n’avaient pas démérité de leur amour, que les coupables étaient les autres ! Ce grandissement, d’elle-même, ce triomphe enfin certain, l’exaltaient, la jetaient à une révolte suprême. « Allons, partons ! » dit-elle simplement. »
Emile Zola Le Rêve Le Livre de Poche
08:02 Publié dans XIXe siècle | Tags : emile zola | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |