02/04/2015
Honoré de Balzac : Séraphîta
Honoré de Balzac, né à Tours le 20 mai 1799 et mort à Paris le 18 août 1850, romancier, dramaturge, critique littéraire, critique d'art, essayiste, journaliste et imprimeur, il a laissé l'une des plus imposantes œuvres romanesques de la littérature française, avec plus de quatre-vingt-dix romans et nouvelles parus de 1829 à 1855, réunis sous le titre La Comédie humaine. A cela s'ajoutent Les Cent Contes drolatiques, ainsi que des romans de jeunesse publiés sous des pseudonymes et quelque vingt-cinq œuvres ébauchées.
En lisant récemment la biographie de Balzac écrite par François Taillandier, je suis tombé sur cette phrase : « Il considérait Séraphîta comme son chef-d’œuvre. » N’ayant jamais entendu parler de cet ouvrage auparavant j’ai bien entendu été intrigué et obligé d’aller voir par moi-même.
Le roman a fait l’objet de plusieurs éditions, la première en 1834 en feuilleton dans une revue et la dernière et définitive en 1846 dans les Études philosophiques de La Comédie humaine.
Le récit se déroule en Norvège, dans un village du bord de mer, ce qui n’est pas banal car Balzac nous a plus habitués à séjourner à Paris ou en province, très rarement à l’étranger. Les personnages sont peu nombreux ; il y a le pasteur Becker et sa fille Minna ; Wilfrid un jeune homme échoué là par hasard après un long voyage sensé le guérir de son mal-être ; et dans un château, secondé par un vieux serviteur, l’énigmatique Séraphîtüs/Séraphîta. L’ambiguïté autour de cette étrange créature de dix-sept ans s’installe d’emblée pour le lecteur car lorsqu’elle est avec Minna, la fille du pasteur s’adresse à elle comme à un homme et se comporte comme une amoureuse éperdue, puis dans le chapitre suivant, en compagnie de Wilfrid, la situation s’inverse, l’homme avoue son désir charnel à l’être féminin.
Le fantastique, Balzac nous y a déjà habitués (La peau de chagrin) et ce n’est pas réellement son propos ici. En fait il exploite sous forme romanesque, les travaux d’Emanuel Swedenborg (1688-1772) un scientifique, théologien et philosophe suédois qui en fin de vie entra dans une phase spirituelle, avec des rêves et des visions mystiques dans lesquels il discuta avec des anges et des esprits et tant qu’à faire, avec Dieu et Jésus-Christ eux-mêmes.
Séraphîta, appelons-là ainsi, possède des pouvoirs quasi surnaturels et des connaissances inexpliquées au vu de son jeune âge. Elle rêve de connaître un amour transcendant qui consisterait à aimer deux êtres de sexes opposés. Sous la plume de Balzac, de très longues pages exposent ses croyances et sa vision de Dieu, « Ou nous sommes Dieu, ou Dieu n’est pas ! ». Quand le roman s’achève, le corps de Séraphîa meurt mais son esprit s’élève vers les cieux sous les yeux de Minna et Wilfrid et qui décident alors de consacrer le reste de leur vie à retrouver la sensation de bien-être ressentie quand ils étaient en présence de l’Ange, « Nous voulons aller à Dieu, dirent-ils… »
Pour être plus précis, voici le résumé qu’en faisait l’auteur dans une de ses lettres à Mme Hanska, « Il s’agit de montrer un être à la nature double, considéré comme un ange terrestre, objet de l’amour concurrent d’un homme et d’une femme, mais arrivé à sa dernière transformation et qui, témoignant, par son assomption dans les cieux, de la perfectibilité de l’être humain, délivre un message selon lequel l’amour du couple est la figure réelle de l’androgyne mystique et préfigure la reconstitution de l’unité originelle de l’être qui attend l’homme devenu ange au sein de la substance divine. »
J’ai donné au début de ce billet, la raison de mon intérêt - à priori - pour ce livre et je vous promets qu’il faut être sacrément motivé pour lire ce roman ! Outre le sujet, même le style de l’écrivain semble ici particulièrement ampoulé et plein d’emphase. Les longues notes explicatives chères à La Pléiade permettent certes, de remettre cet ouvrage dans son contexte et dans la vison de son auteur ; il n’empêche qu’en tant que simple lecteur, j’ai trouvé cette lecture assez pénible malgré quelques réflexions philosophiques intéressantes, « Si je vous démontre que votre esprit ignore tout ce qui se trouve à sa portée, m’accorderez-vous qu’il lui soit impossible de concevoir ce qui le dépasse ? »
« Séraphitüs défit sa pelisse fourrée de martre, s’y roula, et dormit. Le vieux serviteur resta pendant quelques moments debout à contempler avec amour l’être singulier qui reposait sous ses yeux, et dont le genre eût été difficilement défini par qui que ce soit, même par les savants. A le voir ainsi posé, enveloppé de son vêtement habituel, qui ressemblait autant à un peignoir de femme qu’à un manteau d’homme, il était impossible de ne pas attribuer à une jeune fille les pieds menus qu’il laissait pendre, comme pour montrer la délicatesse avec laquelle la nature les avait attachés ; mais son front, mais le profil de sa tête eussent semblé l’expression de la force humaine arrivée à son plus haut degré. « Elle souffre et ne veut pas me le dire, pensa le vieillard ; elle se meurt comme une fleur frappée par un rayon de soleil trop vif. » Et il pleura, le vieil homme. »
Honoré de Balzac Séraphîta Gallimard La Pléiade – 131 pages –
Inclus dans le tome XI de La Comédie humaine (Etudes philosophiques Etudes analytiques)
07:53 Publié dans XIXe siècle | Tags : balzac, françois taillandier | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |