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12/02/2017

Sylvain Tesson : Sur les chemins noirs

sylvain tessonSylvain Tesson, écrivain et voyageur, né en 1972, est le fils de Marie-Claude Tesson (fondatrice du Quotidien du médecin, décédée en mai 2014) et du journaliste Philippe Tesson, et le frère de la comédienne Stéphanie Tesson et de la journaliste d'art Daphné Tesson. Il a étudié au lycée Passy-Buzenval puis effectué une hypokhâgne et une khâgne. Géographe de formation, il est titulaire d'un DEA de géopolitique.

Le 20 août 2014, il chute de près de 10 mètres en escaladant la façade d'une maison (sous l’emprise de l’alcool) à Chamonix, alors qu'il séjournait chez son ami Jean-Christophe Rufin avec qui il pratique l'alpinisme. Victime d'un sévère traumatisme crânien et de multiples fractures, il est hospitalisé à Annecy et placé en coma artificiel. Réveillé huit jours plus tard, il n'a aucune séquelle neurologique. Sur les chemins noirs, dernier ouvrage paru il y a quelques mois, est un récit de voyage qui se veut aussi processus thérapeutique pour son retour à la vie.

Marcher pour ranimer ce corps abîmé, marcher pour redonner un goût à la vie, marcher pour reprendre espoir, Sylvain Tesson se lance dans une randonnée pédestre de deux mois (fin août- début novembre 2015) qui part du Mercantour jusqu’à la pointe de la Hague dans le Cotentin, la diagonale d’un fou en travers de la France.

Encore un récit de marcheur diront certains, c’est vrai, mais celui-ci a quelque chose que beaucoup n’ont pas : il est court (ouais…), il est particulièrement bien écrit (Houa !) et il contient ce surcroît de vérité et d’humanité que confère la pugnacité face à l’adversité, cette force intérieure qui pousse à avancer quand d’autres baisseraient les bras.

J’ai dit que le bouquin était court, pourtant il est plein de mille choses diverses. Bien sûr il y a des descriptions des paysages de la France profonde, car nous sommes vraiment au cœur du pays, ces chemins noirs à peine lisibles sur les cartes IGN, mais ces décors grandioses ne sont quand même que des décors pour l’écrivain et prétextes à réflexions et remarques sur le monde moderne, l’évolution de nos sociétés, ou regards sur lui-même.    

Etonnement de l’auteur à constater qu’il y a autant de beauté à sillonner l’Indre-et-Loire que la steppe sibérienne ou les bords du lac Baïkal où il avait ses habitudes, surprise de se voir contraint à boire des Viandox et du sirop d’orgeat quand jadis il carburait à la vodka… Quant à ses remarques sur le monde moderne (ruralité et plans d’occupation des sols, nouvelles technologies, libertés individuelles en danger…) si elles éveillent des échos de sympathie chez le lecteur, elles peuvent aussi prêter à discussion quand par exemple il moque un rapport du gouvernement déplorant l’arriération de ces territoires échappant au numérique, « ce que nous autres pauvres cloches romantiques, tenions pour une clé du paradis sur Terre ».

Un bon livre car plus riche que son épaisseur ne le laisserait penser, et je me répète, parce que bien écrit avec un ou deux mots rares par-ci par-là (calade, chouf) qui font toujours mon bonheur.

 

« - Mon vieux, la ruralité que tu rabâches est un principe de vie fondé sur l’immobilité. On est rural parce que l’on reste fixé dans une unité de lieu d’où l’on accueille le monde. On ne bouge pas de son domaine. Le cadre de sa vie se parcourt à pied, s’embrasse de l’œil. On se nourrit de ce qui pousse dans son rayon d’action. On ne sait rien du cinéma coréen, on se contrefout des primaires américaines mais on comprend pourquoi les champignons poussent au pied de cette souche. D’une connaissance parcellaire on accède à l’universel. »

 

 

sylvain tessonSylvain Tesson  Sur les chemins noirs  Gallimard  - 142 pages –

 

 

 

 

 

 

 

07:59 Publié dans RECITS | Tags : sylvain tesson | Lien permanent | Commentaires (4) |  Facebook |